Comment adapter un scénario prévu initialement en présentiel pour un déroulement à distance ? Quelles nouvelles modalités de travail prévoir ? Comment favoriser l’engagement des élèves à distance ? Quels outils utiliser ? Autant de questions que nous sommes nombreux à nous poser en cette période de confinement, d’où l’idée de ce retour d’expérience et de cet article à quatre mains : la conceptrice & « l’adaptatrice » !
Un article proposé par Anne Petit (Académie de Besançon)
et Sophie Bon (Académie de Reims)
Initialement crée par Anne Petit pour une classe de la classe de Troisième Prépa-Métiers (au lycée Georges Colomb de Lure), ce scénario a été adapté pour une classe de 2nd (lycée Libergier de Reims) par Sophie Bon.
Au lycée Libergier, cette séance s’intègre dans un projet de travail autour de l’actualité, en EMC avec une classe de 2nd. Ce projet, en co-enseignement avec une collègue d’histoire-géographie était initialement prévu en présentiel mais s’est naturellement poursuivi à distance après la fermeture de notre établissement, d’autant que le contexte rendait particulièrement nécessaire un travail sur l’actualité et les manières de s’informer en déjouant les pièges de la désinformation.
Cette activité intervient après un travail avec les élèves sur les fausses informations circulant sur le coronavirus et qui leur a permis d’établir collectivement une méthodologie sous forme d’une liste de conseils pour vérifier une information.
Cette séance avait pour but, après les vacances de printemps d’offrir un cadre assez ludique afin de réengager les élèves à travailler en mobilisant ce qu’ils avaient appris précédemment. Le scénario proposé par Anne Petit, les objectifs et les compétences travaillées s’y prêtaient parfaitement. Restait à l’adapter à ce contexte particulier de l’enseignement à distance.
Deux éléments dans le scénario d’Anne Petit répondaient en effet à un des impératifs de l’enseignement à distance : soutenir la motivation des élèves
Si les objectifs pédagogiques et les compétences EMI travaillées restent les mêmes, la scénarisation de la séance a été repensée pour s’adapter aux contraintes spécifiques de l’enseignement à distance et aux outils numériques disponibles.
Enseigner à distance, réflexions préalables sur les contraintes et les leviers :
Des outils numériques pour l’enseignement à distance :
Les six missions à télécharger
Pour favoriser le travail de groupes, nous avons créé des salons dans lesquels les élèves ont pu échanger. Pour cela, il a fallu attendre que les élèves soient connectés à la classe virtuelle, puis les glisser un à un dans les différents groupes. Les enseignantes ont pu ensuite circuler d’un groupe à l’autre, un peu comme lorsqu’il circule en classe d’un ilot à l’autre. Le fait d’être deux a permis de se répartir les rôles pour gérer la totalité des groupes.
A l’issue du temps imparti, les élèves ont déposé leur grille complétée sur la plateforme de cours.
Nous les avons ensuite tous réintégrés dans la salle principale pour une rapide mise en commun des difficultés rencontrées lors du travail de groupe. Pour la semaine suivante, les groupes devaient préparer une rapide présentation de leur travail : description du tweet confié, hypothèse et vérification.
Elle s’est conclue par la rédaction collective de la trace écrite portant sur les points de vigilance pour une vérification efficace d’un message sur les réseaux sociaux.
Pour cette activité, nous avons également utilisé le partage d’écran, avec un traitement de texte cette fois, l’enseignant notant les propositions des élèves (prise de parole ou utilisation du chat). Cette trace écrite a été mise à la disposition des élèves sur la plateforme de cours Moodle dans un document « conseils pour relever ce défi ».
Pour établir le podium, nous avons croisé deux palmarès : les temps (l’horaire de dépôt est indiqué par la plateforme et qui a permis de faire rapidement un palmarès Temps. Nous l’avons ensuite complété par un palmarès prenant en compte la qualité de travail remis. C’est en croisant ces deux palmarès que nous avons identifié notre groupe gagnant.
Sur la motivation des élèves
Sur une classe de 35 élèves, 31 élèves étaient présents lors du Défi. Un des trois décrocheurs depuis le confinement était même présent.
Tous les groupes ont relevé le défi et déposé leur grille d’analyse sur la plateforme de cours.
Sur la maitrise de compétences EMI
Les groupes ont présenté un travail de qualité. La seconde classe virtuelle a permis de revenir sur les difficultés rencontrées et certaines incompréhensions. La trace écrite rédigée collectivement a permis aux élèves de réfléchir à l’activité qu’ils venaient de mener et de formuler des préconisations pour vérifier les images circulant sur les réseaux sociaux.
Sur l’outil classe virtuelle pour gérer des groupes de travail
L’activité en groupe a fonctionné. En circulant sur les différents groupes de la classe virtuelle, les enseignants ont pu échanger avec les élèves ou entendre les élèves échanger entre eux pour répondre à la consigne. Certains élèves ont toutefois choisi de sortir de la classe virtuelle pour utiliser d’autres applications (Snapchat). Ils ont réintégré la classe virtuelle après avoir déposé leur défi sur Moodle.
Quelques bémols toutefois. Il faut attendre que les élèves soient dans la classe virtuelle pour les placer dans les salons. Cela ne peut pas se faire par avance et cela prend du temps. C’est plus simple à gérer lorsqu’on est deux modérateurs.
De plus, si l’un des modérateurs se déplace, l’autre est bloqué dans la salle où il se trouve.
Sur l’organisation
Les flottements ont été ceux que l’on connait en classe entre des vitesses d’exécution assez différentes : sans doute aurait-il fallu ici prévoir une activité complémentaire pour les plus rapides.
Cette séance menée en présentiel/distanciel avant/pendant le confinement réaffirme le rôle et les missions du professeur-documentaliste dans l'Éducation aux Médias et à l’Information, et davantage dans ce contexte de désinformation. En témoignent, les recommandations du Conseil Scientifique de l’Education Nationale (mai 2020) qui stipulent que “favoriser la compréhension de l’actualité, éduquer à trier l’information (...) sont des enjeux éducatifs majeurs” et le référentiel de compétences en EMI des enseignants et formateurs du CLEMI publié en avril 2020.
Si nos actions pédagogiques ont été parfois impactées par la mise en quarantaine, cet exemple concret mené dans deux académies ouvre le champ des possibles et de nouvelles perspectives pour le professeur-documentaliste : créer des occasions de faire collaborer les élèves entre eux et derrière un écran ; considérer un changement de posture dans la conduite, l’encadrement et l’accompagnement à distance.
Il nous a paru pertinent de partager ces propositions et richesses de points de vue quant à la manière d’aborder et de réadapter un scénario. Cette présentation croisée illustre deux approches pédagogiques bâties à partir d’un même canevas avec des ingrédients identiques.
Il a été nécessaire de penser les modalités d'organisation, le dispositif global, les collaboration synchrone et asynchrone rendues possibles grâce aux outils numériques, d’anticiper au maximum les aléas techniques. En outre, la classe virtuelle a permis cette transition orchestrée par un véritable travail réflexif mené en amont, et d'introspection lors d’une phase bilan.
L’entrée par l’image est indéniablement une source de motivation pour les élèves, combinée ici à quelques ressorts de la ludification : des défis-enquêtes, un chronomètre, des équipes, un palmarès, des composants essentiels pour soutenir l’apprentissage actif en présence et à distance. Les élèves ont challengé le temps d’une heure en classe virtuelle sans se démobiliser, avec une volonté exprimée de coopérer et de travailler ensemble. Du côté des professeurs-documentalistes, cette rencontre en irréel traduit un besoin de mutualiser et d’échanger sur nos pratiques.
Nous pensons à l’après confinement avec l’idée de faire évoluer cette séance sous un format plus court : consacrer un temps de classe pour débusquer les infox, et faire de ce rendez-vous quotidien ou hebdomadaire, un rituel. De cet enseignement à distance est née l’envie de proposer des moments/temps pour garder le contact avec l’actualité.
Anne Petit
Lycée Georges Colomb, Lure (Académie de Besançon)
Sophie Bon
Lycée Libergier, Reims (Académie de Reims)
Mai 2020