Proposition de séquence de cours n°2
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On rappelle qu'un exemple, voire un « modèle » pédagogique (comme la séquence proposée ci-dessous) ne peut prétendre à une quelconque "universalité" : chaque contexte (type d'établissement, profil des classes, niveau d'enseignement...) peut et doit inspirer des aménagements, des développements et des régulations qui conduisent à l'ajustement continuel du « modèle ».
Point liminaire :
La séquence didactique présentée ci-dessous constitue un canevas possible d'activités émaillées de documents sonores qui entrent en résonance avec les objectifs poursuivis et les compétences à développer énoncés ci-après. Elle tisse essentiellement les liens qui en justifient les choix, dans la perspective d'une pratique réflexive (développement de l'esprit des élèves : l'esprit critique, l'exercice du jugement...) nécessairement évolutive, ouverte et prospective.
Problématique de la séquence, compétences visées et objectifs :
Repères didactiques pour une séquence d'éducation musicale Niveau de classe pressenti : 4ème Collège L'axe de réflexion s'adosse à la problématique suivante : Musique, interprétation et recréation Dans quelle mesure peut-on parler de perfectionnement d'un modèle ? |
La séquence d'éducation musicale considère électivement les rapports réciproques des techniques de variation(s) et d'ornementation à partir d'un thème originel (le modèle).
Objectifs généraux de la séquence : Percevoir de la musique : L'élève apprend à comparer les musiques pour induire, déduire et vérifier des connaissances qu'il utilisera ensuite dans d'autres contextes. Construire une culture : L'élève apprend que la musique est faite de continuités et de ruptures, d'invariants par-delà l'histoire et la géographie mais aussi de spécificités qui jalonnent les langages et les esthétiques. Produire de la musique : L'élève apprend à imiter un modèle puis à l'interpréter
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En tenant compte des réalités de terrain, des profils de classe, des contingences propres à chaque établissement, du projet musical choisi, des œuvres retenues..., on pourra développer tout ou partie des compétences suivantes : |
Compétences disciplinaires visées : Domaine de la voix et du geste : L'élève est en capacité : - de tenir sa partie dans un contexte polyphonique Domaine de la forme : L'élève est en capacité : - d'identifier une forme musicale fondée sur le principe de la variation Domaine du successif et du simultané : L'élève est en capacité : - d'identifier les plans sonores et leurs fonctions dans la simultanéité de l'œuvre Domaine des styles : L'élève est en capacité : - de comparer une musique à une autre. Vocabulaire : thème, variations, ornementation... Compétences du Socle requises : Compétence 5 / « La culture humaniste » : -L'élève est en capacité de porter un regard critique sur une œuvre Compétence 1 / « La Maitrise de la langue »: -L'élève est en capacité de prendre part à un débat en tenant compte des propos d'autrui |
Recommandations : De même, il convient de complémenter cette séquence de pratiques évaluatives plurales (diagnostiques, formatives, sommatives...) en vue de créer un contexte favorable à la réalisation de curricula de formation particularisés.
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Le geste perceptif et l'acte productif dans le cours d'Education Musicale:
Le geste perceptif
I. Oeuvres complémentaires
Dans le champ pédagogique du « Percevoir », la séquence de cours s'ouvre prioritairement sur l'étude des deux œuvres complémentaires privilégiées :
Œuvres complémentaires N°1 Tant que vivray de Claudin de Sermisy (Compositeur français / 1490-1562) |
Téléchargez la partition de Tant que Vivray
Il s'agit, pour la classe, d'effectuer, au terme de plusieurs écoutes, l'analyse comparée des deux œuvres susmentionnées.
La connaissance du contexte historique, sociologique et culturel des œuvres (qui s'effectue simultanément avec des pérégrinations descriptives des pièces musicales par les enseignés) constitue indubitablement le levain qui permet aux élèves d'émettre un avis sustenté et argumenté quant à la problématique posée.
- Les deux partitions appartiennent au répertoire de la musique de la période « Renaissance » :
Elles présentent une mélodie identique. En revanche, la première est d'essence vocale (4 voix mixtes / accompagnement discret aux cordes pincées) quand la deuxième ne fait entendre que le seul luth*. Cet instrument tient une place prépondérante au XVIème siècle.
*La lutherie française au XVIème siècle témoigne d'une évolution conséquente. La facture des instruments s'opère au contact direct avec les musiciens. A cette époque, le commerce de luths révèle que l'instrument n'est pas nécessairement un objet luxueux (seul le degré de finition et les décorations font varier le prix de manière considérable...).
- La mise en tablature : une sujétion au modèle vocal :
Le morceau pour luth relève d'une mise en tablature (arrangement pour luth) de l'œuvre polyphonique vocale de Claudin de Sermisy. Cette technique compositionnelle, très courue au XVIème siècle, matérialise le fil d'Ariane du groupe-classe s'agissant de la réflexion sur la problématique : dans quelle mesure peut-on parler de perfectionnement d'un modèle ?
En effet, si donc l'élément vocal commande à l'instrumental, en quoi la seule disparition du texte dans une œuvre pourrait- révéler quelque « progrès » du modèle ?
De manière générale, les mises en tablature de chansons (formellement contemporaines de leurs modèles) procèdent de l'ornementation de polyphonies empruntées (premier « stade » de la technique de la variation d'un thème) et représentent le fondement dynamique de l'art instrumental florissant.
L'ornementation, un perfectionnement ?
Précautions terminologiques : « Ornementation» et « agrémentation » possèdent des significations diverses dans le temps ; ici, on utilise plutôt le terme d'agrément lorsqu'une seule note est concernée (trilles, gruppettos,....) et celui d'ornement dans une dimension plus large (variations). Quoiqu'il en soit, les deux vocables allèguent, a minima, une « raison d'être » commune : enchanter, rendre agréable, charmer, séduire....
L'agrémentation est une pratique liée à un matériau sonore préexistant. Elle se fonde sur la technique de l'ajout d'éléments mélodiques (des notes « de goût »), de l'amplification d'un schéma « de base », une sorte de surenchère décorative relativement à un modèle donné.
Dans son adaptation pour luth de la chanson Tant que vivray, Pierre Attaignant emprunte à la musique vocale son langage et sa structure (principe d'innutrition). Il n'altère que très peu la physionomie initiale du paradigme vocal. Il apparaît que le luthiste ne cherche aucunement à varier fondamentalement son modèle mais bien à le parer, avec finesse, sobriété et élégance, de figures ornementales stéréotypées telles que les diminutions*.Virtuosité et "science" sont au service de l'expression.
* [La diminution est une technique d'ornementation mélodique qui repose électivement sur la division d'une note en une série de notes plus rapides (réduction de la valeur des notes)].
L'ornementation de la pièce n'atteint pas ici le niveau de la diminution incessante, elle souligne préférentiellement les moments dont l'importance syntaxique est évidente :
- régions réservées aux posés cadentiels.
- notes tenues de l'original vocal « substituées » par des arabesques sonores ou des répétitions de notes, les cordes pincées du luth n'autorisant nullement de sons continus.
Corollairement, le legato vocal n'ayant pas d'équivalent au luth, les itérations de notes, le monnayage des valeurs rythmiques (originelles) font légion concernant les mises en tablature de chansons. L'antinomie « legato-staccato » devient quasi systématiquement « orné- pas orné ».
Ainsi donc, dans le cas de l'œuvre d'Attaignant, l'ornementation ne relève-t-elle pas toujours d'une fonction décorative accessoire; elle est parfois le véhicule efficient d'une mutation résultant de la transposition du « l'espace vocal » à « l'espace instrumental » (de manière générale, l'ornementation change selon la nature de l'instrument). Ici, l'adaptation doit être conforme aux techniques organologiques du luth qui situe la polyphonie dans un temps plus « plastique » que la voix [par exemple, les apports synchroniques sont bouleversés : l'écriture arpégée triomphe ; on égrène successivement les notes d'un accord (vocalement, les sons de l'accord sont émis dans la simultanéité)].
→ Quoi qu'il en soit, la création d'un style instrumental lié aux caractères propres de l'ornementation au luth est une des conquêtes les plus déterminantes de la musique de la Renaissance.
Il est opportun de comparer, avec la classe, les variations «d'embellissement» de la version chantée de l'œuvre (voix supérieure) avec son arrangement instrumental : la pratique de la glose ornementale vocale s'avère ici quelque peu différente.
Il est d'évidence que les élèves relèvent d'autant plus aisément les lieux d'ornementation qu'ils se seront appropriés la mélodie du chœur de Claudin de Sermisy (production vocale polyphonique ou non dans le cadre de cette séquence ou en amont de celle-ci). Cette situation pédagogique peut servir de prétexte à une évaluation formative.
Contextualisation – Apports culturels :
L'ornementation est une préoccupation constante des compositeurs et interprètes du XVIème siècle; l'improvisation spontanée dont elle émane a nécessité de la réguler, de la maitriser, de lui donner un cadre normatif. C'est donc l'ensemble du corps des musiciens (théoriciens compositeurs, interprètes) qui a cherché à la codifier.
La diffusion de nombreuses parutions de traités d'ornementation, d'éditions pédagogiques, d'instructions, de méthodes, se multiplie : la vulgarisation des techniques instrumentales devient un phénomène essentiel de l'histoire de la musique au XVIème siècle. La musique change peu à peu d'audience ; l'ère du musicien amateur entre dans notre civilisation.
L'apparition des tablatures traduit cet essor de la pratique instrumentale « pour tous ». Cette « codification » prescrit une succession de gestes à effectuer pour réaliser une musique donnée.
La leçon avec la classe est possiblement complétée par l'observation (sans approfondissement) d'une œuvre pour luth notée en « tablatures » (Sémiographie à base de lettres en France / à base de chiffres, en Italie / à base de lettres et de chiffres, sans ligne aucune, en Allemagne).
Œuvre complémentaire N°2
Les Niais* de Sologne et deux Doubles de Jean-Philippe RAMEAU (Œuvre extraite du recueil des pièces pour clavecin de 1724, réédité en 1731 et 1736) |
*« On appelle niais de Sologne celui qui se trompe à son profit. Ces matois qui font les niais, qui entendent bien leur compte et qui souvent trompent les autres » - Leroux, Dictionnaire comique (Amsterdam, 1750) / Cité dans Jean-Philippe Rameau, Christophe Rousset, Actes Sud Classica, 2007, pages 76-77.
Cette deuxième œuvre complémentaire renforce les compétences de Perception et de Production mises en exergue dans le commentaire précédent.
Le cadre d'étude de cette page de clavecin présente cependant une différence d'importance : ici, le « modèle » initie l'œuvre ; il est suivi de deux doubles (variations). L'idée d'emprunt d'un paradigme musical (à un autre compositeur) n'existe pas dans ce morceau ce qui relance, à un autre niveau, la réflexion de la classe sur la problématique de la séquence.
Après une phase d'imprégnation approfondie du thème du rondeau (voir portées ci-dessous), les élèves s'emploient à établir un commentaire comparé du « modèle avec ses deux Doubles ».
Les deux Doubles se révèlent comme des variations rythmiques du rondeau.
Rameau démontre une conception très française de la variation établie principalement sur l'art de la diminution :
- Le premier Double fait entend le thème (modèle) originel en triolets.
- Le deuxième Double affirme une glose ornementale plus dense encore : le thème initial se déploie sur un lit interrompu de doubles-croches.
La coda de l'œuvre illustre sciemment les effets de style. Son ornementation « outrancière » cultive le précieux, le « compliqué ». Le modèle n'est quasiment plus reconnaissable ; il semble « défiguré »...
L'ornementation et/ou le principe de variation introduisent un nouveau personnage dans l'histoire musicale occidentale : celui du virtuose qui met son talent au service des maisons seigneuriales et royales.
Ici, l'œuvre semble progresser du « simple au complexe » s'agissant de la technique digitale du claveciniste (une « étude » pour la vélocité). Rameau démontre qu'il n'y a pas d'art sans règles et sans la maîtrise d'un savoir-faire. Selon ce point de vue, il est envisageable de conclure à une esthétique de « perfectionnement du modèle ».
Le débat avec la classe s'oriente sur la « surcharge décorative » (peut-être « artificielle » ?, « gratuite » ? / pour une démonstration technique ?) comme possible définition d'un « maniérisme instrumental ».
Certains théoriciens assurent :
« Il est vrai que les compositeurs modernes ont une prédilection pour de telles complications car ils disent que l'âme reçoit une satisfaction plus haute d'une mélodie voilée par des ornements et des morcellements multiples (...) que d'une mélodie qui est tout à fait claire. Cela concerne surtout des mélodies qui se trouvent dissoutes en de très petites valeurs » / (ca. 1320, ms codex Leipzig, Traité de diminution)
Reste à s'interroger sur la visée conceptuelle de l'œuvre d'art : sert-elle à procurer l'utile ou l'agréable ? (partir de l'expérience subjective du « goût » des élèves pour nourrir la réflexion).
II. Oeuvres de référence (3 à 4 séances d'études) :
Variations sur la basse obstinée dite « La Folia » (Anonyme) |
Le travail envisagé autour de la basse obstinée, communément admise sous le vocable "La Folia" reprend les idées et/ou balises pédagogiques de la séquence (« thème », « variation », « ornementation »...) ; elles sont toutefois appréhendées sous un nouvel éclairage réflexif pour la classe.
Le « modèle » est une danse d'origine portugaise ; sa première manifestation comme basse obstinée serait contenue dans les œuvres vocales du Cancionero de Palacio (fin XVème siècle).
Francesco Corbetta (italien / 1615-1681) est vraisemblablement l'un des premiers à avoir superposé à la traditionnelle basse, la mélodie supérieure qui aujourd'hui encore sonne comme la carte d'identité de la Folia (ou Folies d'Espagne) :
Cette combinaison basse contrainte / mélodie (source d'inspiration incontestée pour de nombreux musiciens au cours des siècles) révèle un laboratoire, un lieu privilégié des inventions ornementales et des répétitions modifiées.
→ L'idée de variation repose sur deux principes complémentaires : présence d'éléments constants, leur répétition transformée.
Œuvre N° 1 : Faronell's division (1684) de John Playford (anglais / 1623-1686)
Pour violon, basse de viole, harpe triple (=triple rang de cordes)
Œuvre N° 2 : Rhapsodie espagnole (1867) de Franz Liszt (hongrois / 1811-1886)
Pour piano
Pour chacune des œuvres proposées, les élèves comparent la présentation du thème (ils l'ont préalablement chantée / ils en sont « imprégnés ») avec ses diverses variations.
Ils réinvestissent, à bon escient, les compétences expérimentées au contact sensible des œuvres d'Attaignant et de Rameau ; ils s'expriment avec le vocabulaire approprié : ornements, virtuosité, procédés « variatifs » rythmiques et mélodiques, accords arpégés...
→ Mise en évidence éventuelle des digressions de la rhapsodie pleines d'exaltations romantiques (dans le jeu pianistique).
Le geste productif
Pistes envisageables pour satisfaire adéquatement aux compétences requises de cette séquence de cours :
-Apprentissage possible du chant Tant que vivray de Claudin de Sermisy / à 1 voix ou polyphonique
-Voir partition dans l'espace privée du site-
→ La genèse de l'ornementation étant étroitement liée au jeu de l'improvisation, on demande aux élèves d'appliquer (sur un extrait choisi) des ornements en surimpression au discours musical primitif (créations sonores spontanées).
→ Prendre une phrase du chant pour prétexte :
- à une création ornementale originale
- à une production de type « thème et variations »
Les situations de productions suggérées développent la créativité des élèves en les incitant à exploiter leurs ressources personnelles; elles favorisent singulièrement le tâtonnement musical, l'exploration et l'expérimentation de pistes diverses... reconnaissant conjointement « le droit à l'erreur » comme un élément de construction des apprentissages.
OUVERTURE
En définitive, et de manière plus globale, la condition d'existence de l'œuvre d'art
n'est-elle pas d'être sans modèle et pourtant exemplaire ?
L'axe de réflexion adossé à la problématique choisie ainsi que les œuvres proposées peuvent tout à fait s'intégrer dans l'enseignement facultatif en classe de seconde. |
Suggestions :
-Problématique « Les rapports de la musique au texte » : exploitation possible de l'extrait N°1
-Problématique : « Les rapports de la musique à la société » : exploitation possible de tous les extraits (sauf le N°1)
Rappel des compétences à développer chez les élèves au lycée :
Champs de compétence | Compétences appliquées |
Produire : réaliser une pratique musicale adaptée à son niveau technique, prenant place dans un collectif, notamment en lien avec une ou plusieurs des problématiques étudiées et les répertoires retenus par son étude |
- Interpréter un répertoire et en comprendre les éléments constitutifs
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Percevoir : développer sa capacité à recevoir et découvrir des musiques nombreuses et diversifiées ; identifier les éléments et processus mis en œuvre par le langage musical ; savoir conduire le commentaire critique d'une œuvre musicale dans le cadre de la problématique étudiée |
- comparer (ressemblances et différences) à d'autres musiques étudiées
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Références précises des documents de la séquence | ||
Tant que vivray (version chœur) de Claudin de Sermisy | Titre Cd : Fricassée parisienne Harmonia Mundi 901174 Ensemble Clément Janequin |
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Tant que vivray (version luth) de Pierre Attaignant | Titre Cd : Pierre Attaignant Au luth : Hopkinson Smith P2001 Astrée Naïve |
Lien Youtube |
Exemple de tablature pour luth
Tablature parisienne du milieu du XVIème s. |
Dans « La musique de luth en France au XVIème siècle » de Jean-Michel Vaccaro page 95 Editions du CNRS 1981 ISBN 2-222-02626-1 |
La partition est incluse dans le cours |
Les Niais de Sologne et 2 doubles de J.P. Rameau Extrait du 2ème livre des pièces pour clavecin |
Titre CD : Pièces pour clavecin (1724) Harmonia Mundi P 1983 Au clavecin : William Christie |
(commence à 3'37) |
Faronell's division de John Playford | Titre du CD : Altre Follie 1500-1750 Hesperion XXI Jordi Savall Alia Vox AV 9844 |
Lien Youtube |
Rhapsodie espagnole de Liszt | Titre du CD : Rapsodie espagnole and others pieces or Spanish themes Leslie Howard au piano Hysperio CDA 67145 LC 7533 Recorded on 1996 |
Lien Youtube |
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Créé lelundi 29 décembre 2014
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RédacteurRecchia Joseph
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Dernière mise à jourlundi 18 mai 2015