Fiche-outil : la versification française
Principes de base du décompte des syllabes
Règle générale :
Toutes les syllabes doivent être comptées sauf lorsque
- il s'agit de la dernière syllabe d'un vers et qu'elle est terminée par un e muet
- un e muet est immédiatement suivi d'une voyelle à l'intérieur du vers.
Exemples : U/n(e) a/mie = 3 syllabes? - Je/ veux/ mon/ter/ sur/ scèn(e). = 6 syllabes.
Cas particuliers :
La diérèse : elle consiste à dédoubler une diphtongue en deux syllabes. Cela n'est possible que pour les mots dont l'étymologie latine est au départ fondée sur deux syllabes. Exemple : ?lion, (du latin le/onem) est susceptible de donner li/on = deux syllabes.
La synérèse : elle consiste à unir deux syllabes en une seule par contraction de manière à respecter la norme prosodique du texte. A priori, aucune contrainte ne préside à son usage (plutôt rare).
Les types de vers
- le monosyllabe, vers composé d'une seule syllabe, rarissime, utilisé surtout dans la poésie contemporaine
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Prisdans l'eau calme de granit gris,nous voguons sur la lagune dolente.Notre gondole et ses feux d'ordortlente.
Alfred Jarry, Les Minutes de sable mémorial
- le dissyllabe, vers de deux syllabes, rare
Murs, ville
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise
Tout dort.
Victor Hugo, Les Orientales, "Les Djinns"
- le trisyllabe, vers de trois syllabes, rare
Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit.
Victor Hugo, Les Orientales, "Les Djinns"
- le tétrasyllabe, vers de quatre syllabes souvent utilisé dans une décomposition en plusieurs vers de l'alexandrin 4/4/4
La voix plus haute
Semble un grelot.
D'un nain qui saute
C'est le galop.
Il fuit, s'élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d'un flot.
Victor Hugo, Les Orientales, "Les Djinns"
- l'hexamètre ou hexasyllabe, vers de six syllabes, moitié d'alexandrin, utilisé comme tel le plus souvent
Semez, semez la graine,
Je connais la chanson
Que chante la sirène
Au pied de la maison...
Robert Desnos, Fortunes, "Siramour"
- l'heptasyllabe, vers de sept syllabes, rare, vers préféré de Verlaine
Et quand, solennel, le soir
Des chênes noirs tombera,
Voix de notre désespoir,
Le rossignol chantera.
Paul Verlaine, Les Fêtes galantes, "En sourdine"
- l'octosyllabe, vers de huit syllabes, très souple, très expressif, rythme interne peu varié
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoit desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vostre pareil.
Pierre de Ronsard, Les Odes
- l'ennéasyllabe, vers de neuf syllabes fréquent chez Verlaine
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
Paul Verlaine, Art poétique
- le décasyllabe, vers de dix syllabes, musical, souple, léger
Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.
Baudelaire, Les Fleurs du mal, "La Mort des Amants"
- l'alexandrin, vers de douze syllabes, le plus fréquent
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Baudelaire, Les Fleurs du mal, "Correspondances"
Les strophes « régulières » :
- deux vers, un distique
- trois vers, un tercet
- quatre vers, un quatrain
- six vers, un sizain
- huit vers, un huitain, souvent double quatrain, à analyser comme tel, romantique
- dix vers, le dizain
La répartition des rimes dans le quatrain.
Elles peuvent obéir aux dispositions suivantes
- Rimes embrassées : a - b - b - a
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Joachim du Bellay, Les Regrets
- Rimes suivies : a - a - b - b
Le soleil prolongeait sur la cime des tentes
Ces obliques rayons, ces flammes éclatantes,
Ces larges traces d'or qu'il laisse dans les airs,
Lorsqu'en un lit de sable il se couche aux déserts.
Alfred de Vigny, Moïse
- Rimes croisées : a - b - a - b
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits;
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
Les rimes :
Elles sont organisées en principe, dans le sonnet et dans toutes les autres formes «traditionnelles», selon une alternance rime féminine (qui se termine par un e muet.) / rime masculine (toutes les autres rimes...). Si A est masculine, B est féminine et vice versa (voir les schémas possibles plus haut).
Elles peuvent être des assonances (ou pauvres), suffisantes ou riches.
- assonances - pauvres : simple proximité phonétique (bonjour / hibou — couleur /humour), usitée en poésie médiévale ou très contemporaine
- suffisantes : deux phonèmes communs (bonjour / amour)
- riches : plus de deux phonèmes communs (bonjour / toujours)
Nota Bene : l'utilisation de l'alphabet phonétique international (API) est nécessaire pour identifier le nombre de phonèmes en commun aisément. Suivez ce lien pour connaître l'API.L'accentuation poétique
Dans un vers, certaines syllabes, plus accentuées que les autres, sont dites toniques (ce sont celles qui portent l'accent tonique). Le retour des accents crée le rythme. Placer les accents permet ensuite de placer les coupes (la césure en particulier) et de mesurer le rythme.
Lorsque le mot se termine par un "e" dit muet, c'est l'avant-dernière syllabe qui est accentuée. Dans tous les autres cas, c'est la dernière syllabe du mot qui est accentuée.
Dans le vers suivant, de Ronsard, les syllabes accentuées sont soulignées :
Je serai / sous la terre // et fantô/me sans os (1-2-3/1-2-3//1-2-3/1-2-3)
Voici, autre exemple, l'accentuation d'un vers de La Fontaine :
Le long / d'un clair ruisseau / buvait / une colomb
Ces quatre accents marquants guident la diction du vers : les syllabes soulignées doivent être prononcées plus intensément.
Pour comprendre et repérer l'accentuation d'un vers, il faut savoir que :
Le français est une langue accentuée, en prose comme en vers. L'accent tonique porte en général sur la dernière syllabe d'un mot (sur l'avant-dernière s'il se termine par un e muet) : il consiste à donner une intensité et une durée plus fortes à cette syllabe.
Quand les mots sont groupés entre eux (groupe verbal, groupe nominal, courte proposition), l'ensemble porte un accent de groupe, toujours sur la dernière syllabe : un clair ruisseau, bienheureux les pauvres, ne te verrai-je plus, glissant sur l'eau noire. Cela ne supprime pas l'accent propre à chaque mot, mais le fait passer au second plan.
Dans le vers, et particulièrement dans l'alexandrin, les accents déterminent ainsi des groupes de mots : ils sont comme les mesures de base qui composent le rythme d'ensemble ; chaque groupe est suivi, après la syllabe accentuée, d'une pause plus ou moins marquée, qu'on appelle coupe. Bien entendu, le lecteur garde une certaine latitude dans sa diction. Si l'on reprend le vers de La Fontaine cité plus haut, on peut lui donner les deux modulations suivantes :
Le long d'un clair ruisseau / buvait une colombeOu bien : Le long / d'un clair ruisseau / buvait / une colombe
Rythme et accentuation sont ainsi extrêmement liés l'un à l'autre. Naturellement, l'accentuation existe aussi dans les textes en prose. Elle contribue à marquer le rythme de la phrase, ses coupes, son ampleur. Elle mérite un examen attentif dans les discours particulièrement éloquents et dans la prose poétique.
Le cas de la césure.
Dans l'alexandrin classique, la césure est la coupe centrale du vers, qui oblige le lecteur à marquer une pause nette. Elle sépare le vers en deux moitiés égales ou hémistiches. Le rythme d'ensemble qui en résulte est dit binaire.
Voici un exemple (Musset) :
L'homme est un apprenti, // la douleur est son maître,
Et nul ne se connaît // tant qu'il n'a pas souffert
La césure est obligatoire ; mais elle peut parfois être moins nette que des coupes secondaires, comme dans ces vers de La Fontaine :
Perrette là-dessus /saute aussi, // transportée :
Le lait tombe; //adieu veau, /vache, cochon, couvée.
Le rythme de l'alexandrin peut devenir ternaire lorsque le vers se constitue de trois groupes de mots ; c'est le cas du trimètre romantique ; la césure disparaît (à l'oreille) au profit de deux coupes marquées (Baudelaire) : Chacun plantant, //comme un outil, //son bec impur
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Créé lemardi 30 décembre 2014
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RédacteurMartignoni Hélène
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Dernière mise à jourlundi 29 août 2016
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