Créer un BOT littéraire en 6ème pour faciliter la maîtrise de la langue.
Cycle 4 : Cycle des approfondissements (5e, 4e, 3e)
Lycée voie générale
Création d'un BOT littéraire en 6ème : la programmation au service de la maîtrise de la langue.
Contextualisation :
2 classes de 6ème dans un collège suburbain classé REP+
Objectifs :
- Travailler la grammaire par corpus de phrases (méthode conseillée en formation pour faciliter la mémorisation des notions)
- Évaluer la qualité de la maîtrise du système linguistique à l'entrée en 6ème. Faire progresser ensuite les élèves chacun à leur rythme sur le même support (Socle Commun de compétences, de connaissances et de culture :
« L’étude de la langue demeure une dimension essentielle de l’enseignement du français. Elle conditionne l’aptitude à s’exprimer à l’écrit et à l’oral, la réussite dans toutes les disciplines, l’insertion sociale. Elle requiert un enseignement spécifique, rigoureux et explicite. Elle fait l’objet d'une attention constante, notamment dans les situations d’expression orale ou écrite afin de faire réfléchir les élèves à son fonctionnement. Des séances spécifiques sont consacrées à son étude de manière à structurer les connaissances. Le transfert de ces connaissances lors des activités d'écriture en particulier et dans toutes les activités mettant en œuvre le langage fait l’objet d'un enseignement explicite.
Au cycle 3, l’accent est mis sur l’appropriation du texte littéraire par l’élève » (Voir le programme de cycle 3)
- aider les élèves à s'approprier les œuvres littéraires étudiées
- acquérir du vocabulaire, travailler les inférences (reprises nominales et pronominales, substitutions de nature équivalente)
- pratiquer à l'oral l'analyse réflexive en vue de comprendre les interdépendances au sein de la phrase
- mobiliser l'attention des élèves par les échanges entre BOT partenaires sur Twitter
Outils et méthodes :
- Pour établir le corpus de travail : un tableau collaboratif (dans un premier temps, format papier, récolté au fur et à mesure sur un tableur projeté à l'écran)
- création d'un compte classe sur twitter clgCamus 6èmesATC @6emesatc
- (après présentation de la démarche auprès des parents et demande d'autorisation de principe, et après avoir prévenu ma hiérarchie : chef d'établissement, IA-IPR), code élaboré grâce à tracery, joint au compte via cheapbotdonequick
- Création : travail essentiellement au sein de la classe, usage du PC+vidéoprojecteur (projet pour la rentrée 2020 : faire collaborer les élèves en salle info sur un tableau collaboratif en salle info sur framacalc pour le 2ème BOT, le premier restant dans cette configuration)
- Analyse des BOT partenaires : en classe en binômes ou trinômes avec des petits tableaux blancs. Oralisation des résultats (parfois filmés pour revenir sur la clarté des explications)
Déroulement : du projet, de l'expérimentation, de l'atelier, de l'activité, séquence, séance.
Travaux en partenariat entre collègues de trois académies. Nous avons donc établi un cadre commun avant de décliner le projet en équipes académiques.
Ma version de ce projet consistait à lier l'étude de la langue française, tout au long de l'année, à la programmation et l'observation de BOTs littéraires. Ce projet est destiné à servir plusieurs objectifs, dont le premier est la prise de conscience par les élèves du caractère systémique de la grammaire, en vue ensuite de faciliter la maîtrise de l'expression écrite et d'enrichir leurs productions. De manière secondaire, cela me devait me permettre de faire travailler l'oral au service de l'apprentissage, et les aider à s'approprier les œuvres patrimoniales proposées.
Première étape : la création du BOT.
1er texte d'un chapitre inaugural sur le monstre, lecture de Dame Trude des frères Grimm et activités qui ne font pas l'objet de ce projet pour comprendre et savourer ce conte.
Repérage d'une phrase qui paraît simple car elle est très courte, et ne pose pas de difficulté de compréhension :
Après, j'ai vu un homme vert, dit la fillette.
Questionnement diagnostic :
je cherche à savoir ce que savent les élèves, à l'entrée en 6ème, en grammaire : (travaux par groupes de 4 élèves, je laisse les élèves négocier leur réponse au sein du groupe, justifier, expliquer. Je prends le temps d'identifier leur positionnement dans le groupe, et le degré de difficulté qu'ils rencontrent)
- Qu'est-ce qu'une phrase ?
- Savent-ils repérer le(s) verbe(s) conjugué(s) ? Les associer à leur sujet ? (avec le problème ici de l'inversion du sujet)
- Font-ils la distinction entre les éléments indispensables de la phrase, et les éléments facultatifs (le complément de phrase initial, l'expansion du nom dans le COD) ?
- Les virgules ont-elles ici de l'importance ? Sont-elles déplaçables ? Supprimables ?
Mutualisation de manière classique :
propositions d'analyse des différents groupes à la classe, jusqu'à obtention collective de l'analyse exacte.
Ici, nous regardons quelles substitutions nous pourrions opérer dans les éléments de cette phrase. Nous décidons de garder les verbes conjugués, la question du jour ne portant pas sur eux.
- Qu'est-ce qui pourrait remplacer « Après » en temps de complément de phrase avant la virgule ?
- Qu'est-ce qu pourrait remplacer le COD « un homme » et son expansion « vert » ? (identification de l'accord entre le nom et l'épithète)
- Qu'est-ce qui pourrait remplacer le sujet « la fillette » ? (identification d'un GN ou un pronom sujet, pas forcément féminin, mais obligatoirement singulier pour l'accord avec le verbe)
Contrainte posée par l'enseignante : (dans l'optique de cerner le lexique propre à l'auteur, même si c'est un peu artificiel ici, puisqu'il s'agit d'une traduction de l'allemand) interdiction de choisir des substituts ailleurs que dans le texte. Cette contrainte génère une certaine frustration chez les élèves mais permet d'épuiser le texte, du fait qu'il est très court.
Cette recherche génère donc 4 variables, réparties entre les différents groupes. Au bout d'un temps de recherche, les élèves se déplacent et complètent le tableau, que je recopie dans l'application tracery en simultané. A la fin de la séance, le code généré par tracery est complet, et nous pouvons générer des phrases aléatoires pour vérifier leur compatibilité et leur viabilité dans le « bot ». Les résultats absurdes parfois obtenus génèrent immédiatement des réactions spontanées des élèves.
[Pour ce premier essai, je me réservela tâche de créerle lien entre le code et le compte twitter hors du cours ; voir le tutoriel].
Deuxième étape : l'exploitation des phrases générées par notre BOT :
Lors de la séance suivante, je peux donc projeter le fil twitter avec plusieurs phrases aléatoires créées par le compte. (précaution : je vais toujours vérifier quelques minutes avant de le projeter si le compte n'a pas été pollué par des commentaires indésirables, car mon objectif, à ce stade, n'est pas encore de réfléchir aux mésusages des réseaux sociaux)
Atelier d'écriture de réinvestissement :
l'un des twits devient sujet à une suite de texte, comme déclencheur d'écriture (invention d'un nouveau micro-conte à partir d'un conte connu).
Troisième étape : l'observation des BOTs partenaires :
Le projet étant un projet collaboratif entre plusieurs enseignants, au fur et à mesure de leur création, nous avons donc abonné notre compte twitter aux comptes créés par leurs classes. Certains sont plus facile à comprendre et analyser que d'autres. Leur lecture devient donc une activité rituelle qui offre parfois matière à entrer dans l'écriture.
Paradoxalement, les phrases qui sont les plus simples à analyser sont souvent celles dont le sens touche à l'absurde, comme celle-ci, du compte @classes_HMR :
Zidore prenait soin de son logis, lui donnait, pendant l'hiver, des cours de ski.
car elle permet à l'esprit de séparer le sens de la structure syntaxique. Cela n'empêche pas de commenter l'image mentale qu'elle suscite : on entre discrètement en poésie, et ce phénomène sera réactivé en mars, lors du chapitre consacré au Printemps des Poètes.
Déroulé d'une séance d'observation d'un BOT partenaire :
- lecture d'une série de twit générés par ce BOT.
- Chaque binôme choisit une phrase qui l'interpelle, la note sur son cahier, et réfléchit à sa composition sur un petit tableau blanc. Les membres du groupe doivent se mettre d'accord entre eux en justifiant leurs choix.
[Cette phase est est chronophage mais indispensable : elle oblige l'orateur à clarifier ses idées, à utiliser du vocabulaire technique précis. Elle est difficile à capter (surtout en étant seule en classe, comme c'était mon cas. Il est plus simple d'avoir un allié dans la classe qui s'occupe de la partie technique) mais il est très enrichissant de la filmer. En effet, on peut ensuite (si l'élève nous y autorise, ce n'est pas la peine non plus de le braquer) la projeter et réfléchir à sa posture, aux améliorations à lui proposer pour qu'il soit plus compréhensible. Bien entendu, le groupe se met au préalable d'accord sur la teneur des commentaires qui doivent rester constructifs et encourageants, en insistant sur les réussites et les progrès.
Captation de morceaux choisis
- Bien entendu, les différentes phrases mènent à la même analyse, ou presque, des fonctions des groupes dans la phrase, puisque c'est le principe de création. Il est très intéressant de constater que certains élèves mettent plusieurs séances à s'en apercevoir (prise de conscience de la langue comme système). A partir de là, on peut étudier les différentes classes grammaticales pour une même fonction, ou les légères variations de fonctions dans position.
- Je choisis donc le BOT à observer en fonction de la progression du cours de langue. Cette séance d'observation vient donc nourrir un point de langue, que le groupe synthétise ensuite collectivement sous forme de fiche dans le cahier. La phrase analysée par les élèves devient leur modèle à mémoriser.
- Cette notion sera réinvestie dans l'atelier d'écriture ultérieur pour améliorer la qualité des productions (rigueur de la ponctuation et des accords, enrichissement lexical, effets stylistiques pour ceux qui y parviennent le mieux).
Conclusions intermédiaires sur cette expérience :
Organisation à adapter : si la phase de création d'un BOT (explication du fonctionnement général, repérage du corpus) est possible en classe entière, il est plus simple de ménager des séances en demi groupes pour faciliter l'oralisation de l'analyse des phrases (AP). Dans l'idéal, j'ai tenté d'en instaurer au moins une fois par mois.
Changements observés dans les pratiques des élèves : engouement pour la pratique de l'analyse grammaticale, perçue comme une activité ludique, un temps d'échange. Une fois l'habitude installée, les élèves réclament à aller voir ce que « leur » BOT a imaginé comme publication, et les nouveautés chez les BOTs partenaires. Réinvestissement plus régulier des acquis de langue en productions écrites.
Modification de ma pratique pédagogique :
- les notions de grammaire de phrase (nature des mots et groupes, identification des propositions dans la phrase, fonction des groupes au sein de la phrase) sont liées à une phrase-modèle mémorisable.
- L'acquisition du vocabulaire est adossée à l'étude du sytème linguistique.
Réexploitation et modifications envisagées :
- poursuite de l'expérimentation dès la rentrée prochaine (quelles qu'en soient les modalités, y compris une solution hybride distanciel/présentiel) : l'écriture collaborative étant envisageable à distance.
- Généralisation de cette pratique à toutes les notions de grammaire, avec création d'une phrase-type différente au moins une fois par séquence, qui permettra à la fois de fixer chez les élèves la notion par l'apprentissage de la phrase-modèle, et le contexte littéraire.
- Laisser des commentaires sur les BOTs partenaires, à la fois pour que les élèves rédigent plus fréquemment des critiques, qu'ils pourront appliquer aussi à des œuvres littéraires, cinématographies, artistiques en général ; et pour débattre de l'attitude responsable à adopter sur les réseaux sociaux (EMI).
- Appliquer cette méthode à l'apprentissage de la langue latine pour faciliter la compréhension du rapport entre cas et fonctions, en créant un autre compte dédié à cet usage.
- Selon le souhait des élèves, faire évoluer le BOT, par l'ajout d'autres corpus au fil de l'année, mais nous nous sommes heurtés au manque de temps, et au confinement.
Cet article entre dans le cadre d'une expérimentation TraAM, dont la synthèse est présentée dans l'article en lien.
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Créé lelundi 6 juillet 2020
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RédacteurToussaint Conseil Adeline
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Dernière mise à jourvendredi 10 juillet 2020
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