Pédagogie et numérique - la production de discours en HLP
Production de discours en HLP 1ère et terminale
Pierre Fasula (Lycée Libergier, académie de Reims)
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Description de l’exercice
Il est demandé aux élèves d’écrire et d’enregistrer un discours sur la base d’une mise en situation et d’un scenario : défense ou accusation d’une personne mise en examen ; proposition, défense ou critique d’une mesure politique ; éloge ou blâme d’une création ou d’une exposition, etc.
Finalités de l’exercice
Ce qui est recherché, c’est une meilleure maîtrise de l’oral, d’autant que le format est particulièrement cadré et que le résultat est enregistré et déposé sur Moodle, ce qui permet de développer les capacités orales sans être d’emblée exposé au regard des autres. Ce qui est recherché, c’est aussi, indirectement, une meilleure maîtrise de l’écrit : l’exercice leur permet de travailler l’organisation de leur propos et de leur en faire prendre conscience grâce à l’enregistrement. Enfin, cela permet d’inscrire HLP dans des situations concrètes contemporaines, voire des métiers potentiellement visés par les élèves : métiers de la justice et de la politique, métiers de l’art et de la culture, métiers de la communication.
Contraintes
Il est demandé aux élèves de réinvestir dans l’exercice ce qui a été vu en cours à propos de la rhétorique classique, à savoir, selon les cas : les trois genres rhétoriques (judiciaire, politique, épidictique) ; les opérations rhétoriques (inventio, dispositio, elocutio, actio et memoria) ; les ressources de l’ethos, du pathos et du logos. A partir de la terminale, le propos peut être plus libre. Enfin, la durée moyenne exigée est de 3 minutes (+/- 30’’).
Usage du numérique
Dans ce cadre, l’usage de Moodle est particulièrement intéressant, grâce à la fonction « Ajouter un devoir ». Il est alors possible, d’un côté, de faire figurer toutes les instructions mais aussi les ressources (par ex. insertion d’une vidéo) ainsi que la grille d’évaluation, et, de l’autre, de récupérer et d’évaluer la production des élèves (note et commentaire sont transmis par une notification de Moodle sur la messagerie ENT de l’élève).
Sommaire
- exemple 1 – genre judiciaire ; les pouvoirs de la parole
- exemple 2 – genre politique ; les pouvoirs de la parole
- exemple 3 – genre politique ; éducation, transmission et émancipation
- exemple 5 – genre épidictique ; l’expression de la sensibilité
- bilan critique
Exemple 1 – genre judiciaire ; les pouvoirs de la parole
Scenario 1 : non-assistance à personne en danger
Un individu fonce à l’hôpital aux urgences avec, dans sa voiture, cinq personnes très gravement blessées dans une explosion. Chaque minute compte ! S’il perd trop de temps, elles mourront. Soudain, il voit sur le côté de la route une personne victime d’un terrible accident. Elle saigne abondamment. L’individu pourrait la sauver elle aussi en la chargeant dans son véhicule. S’il ne le fait pas, la victime de l’accident va certainement mourir. Mais s’il le fait, il perdra du temps, et les cinq personnes qu’il transporte mourront.
- Si cet individu choisit de ne pas aider la victime de l’accident, à vous de voir en tant qu’avocat : aidez la famille de la victime à l’attaquer pour non-assistance à personne en danger, ou bien défendez-le contre cette accusation.
- S’il choisit de l’aider, à vous de voir : aidez les familles à l’attaquer comme responsable de la mort des cinq premiers passagers, ou bien défendez-le contre cette accusation.
Scenario 2 : tuer un piéton
Un pompier en service fonce à l’hôpital aux urgences avec, dans son camion, cinq personnes très gravement blessées dans une explosion. Chaque minute compte ! S’il perd trop de temps, elles mourront. Mais soudain, il voit au milieu de la route un piéton qui traverse imprudemment. S’il freine, il va déraper, perdre du temps, et les cinq personnes qu’il transporte mourront. S’il ne freine pas, il va tuer le piéton.
- Il choisit de freiner. En tant qu’avocat, vous avez le choix : aider les familles des victimes à l’attaquer comme responsable de la mort des cinq personnes, ou bien le défendre contre cette accusation.
- Il choisit de ne pas freiner. En tant qu’avocat, vous avez le choix : aider la famille du piéton à l’attaquer, ou bien le défendre contre cette accusation.
A vous de jouer…
- Choisissez un des deux scenarii.
- Dans le scenario choisi, choisissez l’une des deux possibilités.
- Enfin, choisissez d’attaquer ou de défendre, d’être le procureur ou la défense.
Exemple 2 – genre politique ; les pouvoirs de la parole
Il y a 5 ans, les 7 et 8 juin 2018, une proposition de loi contre la manipulation de l’information a été présentée en séance publique à l’Assemblée nationale – véridique ! L’objectif de cette loi était le suivant : empêcher la propagation de fausses informations.
Cette loi pose évidemment la question de la place de des autorités politiques dans le débat public : les autorités ont-elles leur mot à dire concernant les informations qui circulent dans les médias, publics ou privés ? Doivent-elles réguler ces informations, au moins dans certains cas, ou bien la liberté d’information est-elle si importante que les autorités politiques ne doivent rien faire ? Quelles sont d’ailleurs les lois déjà en vigueur à ce sujet ?
À l’époque, cette proposition de loi n’a rien donné, mais (imaginons) elle revient aujourd’hui sur le devant de la scène. Surtout, vous êtes devenu.e député.e ! (Félicitations d’ailleurs !) Vous devez donc vous positionner, quel que soit votre parti. En effet, vous pouvez très bien être dans l’opposition et être d’accord avec une proposition du gouvernement, ou bien appartenir à la majorité mais être en désaccord avec elle. Pour vous positionner, lisez bien le PDF dans lequel est énoncée la proposition de loi et ses raisons ; documentez-vous aussi sur les réactions d’alors.
Ensuite, comme vous vous êtes décidé.e à prendre la parole à l’Assemblée nationale, vous devez préparer un discours. Soit vous défendrez cette proposition de loi, soit vous vous y opposerez. Surtout, vous devrez argumenter, mais attention ! Non pas à la manière d’un élève ou d’un scientifique, mais à la manière d’un.e politique. Pour savoir ce que cela veut dire, relisez le cours du chapitre 1, où l’on distingue les genres de discours et les types d’arguments. Par ailleurs, vous devriez aussi regarder un ou deux discours sur internet, peut-être des échanges à l’assemblée, pour savoir à quoi ressemble la parole politique. Votre discours final doit faire 3 minutes (+/- 30’’).
Exemple 3 – genre politique ; éducation, transmission et émancipation
Vous êtes nommé.e Ministre de l’éducation nationale. Comme vous constatez une chute des résultats de l’école française dans les classements internationaux, vous décidez de la réformer de fond en comble. Et comme vous avez eu personnellement une mauvaise expérience de la pédagogie traditionnelle, vous décidez de vous inspirer des pédagogies alternatives. Vous vous souvenez alors que, dans votre jeunesse, vous aviez suivi un enseignement de spécialité Humanités-Littérature-Philosophie, dont un chapitre était consacré à la question de l’éducation, et un cours à ces pédagogies. Le nom de l’enseignant, par contre, vous ne vous en souvenez plus. Quoi qu’il en soit, vous décidez de vous en inspirer (du cours, pas de l’enseignant).
Alors allez-y, réformez et créez votre éducation idéale, en justifiant à chaque fois votre choix. Voici quelques éléments auxquels vous pourriez penser :
1ère série de réformes – l’architecture générale. Pensez :
- au nombre de semaines de cours dans l’année et à la répartition des vacances
- au nombre d’heures de cours dans la semaine et à leur répartition
- aux différentes disciplines, à leur nombre d’heures et position dans la journée
- aux effectifs d’élèves
2e série de réformes – la nature des cours. Pensez à régler le curseur :
- cours théorique <–> activités pratiques
- transmission <–> découverte/construction de connaissances
- connaissances <–> créativité
- individuel <–> collectif
3e série de réformes – lieu et matériel. Pensez :
- matériel classique <–> inventer un nouveau matériel
- liberté de déplacement <–> assignation à une place
- salle de classe uniquement <–> « hors les murs »
4e série de réformes – incitations et contraintes. Pensez :
- assiduité obligatoire <–> liberté absolue
- des sanctions <–> pas de sanctions
- des exercices à la maison, des DM, des DS – ou rien de tout cela ?
- des notes, pas de notes, un autre système ?
- des examens, des concours ?
Exemple 4 –Genre épidictique ; l’expression de la sensibilité
Après être avoir suivi un cours en Humanités – Littérature – Philosophie, puis continué dans des études de lettres et d’art, vous êtes devenu critique d’art contemporain. Vous passez votre vie dans de multiples lieux d’exposition : musées, galeries, lieux temporaires, etc., et de ces visites vous tirez des articles pour des revues spécialisées comme Art Press, Marges, ou encore Beaux arts magazine.
En ce mois de novembre 2032, vous tombez sur une exposition consacrée à Jean Dubuffet et vous vous souvenez vaguement que votre professeur de philosophie, vous avait parlé de cet artiste ou d’un de ses textes. Vous ne savez plus vraiment, et d’ailleurs vous culpabilisez de ne pas avoir mieux retenu votre cours. En tout cas, la revue dans laquelle vous publiez d’habitude vous demande de consacrer une critique à cette exposition, qui paraîtra sous la forme d’un enregistrement sur le site internet de la revue… Heureusement pour vous qui avez une mauvaise mémoire, il existe une version virtuelle de l’exposition, que vous pouvez consulter ici :
Bilan critique
1. Concernant la durée exigée, les élèves réussissent sans problème à fournir un discours de 3’. Par contre, ce qui est marquant, c’est leur difficulté, au début, à organiser leur propos, puis, par la suite, à faire ressortir l’organisation de leur propos grâce au ton, au débit de parole, aux pauses, etc. Dans cette perspective, il est utile de travailler avec eux la correspondance entre organisation visuelle du discours écrit et organisation « sonore » du discours oralisé.
2. Concernant la nature du propos, les élèves réussissent inégalement, au début, à se mettre dans la peau de tel ou tel personnage : un.e avocat.e, un homme ou une femme politique, un.e critique d’art. Il arrive que le propos tenu conserve une forme scolaire (exposé, dissertation, etc.) alors qu’il est demandé de produire un discours d’avocat, de politique, de communicant, etc. Ce qui permet une amélioration, c’est l’indication de modèles via des ressources variées (vidéos, articles en lignes, etc.)
3. Dans le même registre, il est parfois difficile pour les élèves de dépasser le plan de la conviction et du goût personnel, pour adopter un point de vue et une posture proprement politique, juridique, critique, professionnelle. Dans cette perspective, il est important de leur indiquer « à quel titre » ils parlent : non pas « à titre personnel », mais « en tant que… »
4. Ce n’est que progressivement que les élèves arrivent à intégrer dans leur discours des éléments précis de nature juridique, politique, culturelle, artistique (par exemple : un article de loi, une controverse politique, des références artistiques ou culturelles). La solution est la même que dans les remarques précédentes, mais aussi dans l’indication d’un travail de recherche précis. De ce point de vue, la production de discours permet d’anticiper sur le grand oral.
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Créé lemercredi 14 juin 2023
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RédacteurFasula Pierre
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Dernière mise à joursamedi 9 septembre 2023