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Dans une interview publié dans dans Le Figaro du 11 mai 2008, sous le titre " Le 11 Novembre, jour de la paix et de la mémoire ", le secrétaire d'État à la Défense et aux Anciens Combattants Jean-Marie BOCKEL a suggéré de faire de la commémoration de l'Armistice du 11 novembre 1918 un « Memorial Day » à la française.
Répondant aux questions de Claire BOMMELAER, au sujet de la multiplication des commémorations en France, il a déclaré :
Alain Marleix, mon prédécesseur, avait commandé à André Kaspi un rapport sur la multiplication des commémorations. Je vais le rendre public prochainement, et cela sera l'occasion de réfléchir sur ce que nous voulons faire de toutes ces journées.
Sans attendre ni préjuger des conclusions du rapport Kaspi, je pense que l'on peut faire évoluer les choses.
Pourquoi ne pas faire, comme beaucoup de pays, un « Memorial Day » ?
Pourquoi ne pas instaurer une date dédiée aux hommes et aux nations, autour des valeurs de la République, de la paix, du respect des droits de l'homme ?
Peut-être que le 11 Novembre pourrait remplir ce rôle.
Il n'est pas question de se figer dans le passé. Nous devons adopter une démarche de mémoire, dans un esprit de réconciliation.
En décembre 2007, le secrétaire d'État à la Défense chargé des anciens combattants a créé une commission, présidée par André KASPI, qui a pour mission de réfléchir à l'avenir et à la modernisation des commémorations et célébrations publiques.
La Commission sur la modernisation des commémorations publiques, dite Commission Kaspi, devait rendre ses conclusions à la fin du premier semestre 2008.
Fin octobre-début novembre 2008, alors que la fièvre mémorielle liée au 90e anniversaire de l'armistice de 1918 montait en puissance, marquée par de nombreuse célébrations et une inflation de publications diverses et de productions télévisées consacrées à la 1ère guerre mondiale, les conclusions de la Commission Kaspi n'étaient toujours pas connues, mais la revue L'Histoire consacrait un dossier au " 11 novembre 1918 ", qui s'achève sur un article signé par Jean-Jacques BECKER intitulé " En finir avec le 11 novembre ? ".
L'historien de la Grande Guerre, président du Centre de recherche de L'Historial de Péronne, y expose les raisons qui justifient selon lui le maintien de la commémoration du 11 novembre et, allant dans le sens des propositions du secrétaire d'État à la Défense et aux Anciens combattants, il propose de placer cette commémoration dans une perspective européenne, et « d'y associer les morts de toutes les guerres et de tous les pays européens » :
Ce qu'il faut continuer à commémorer, c'est la fin de la guerre, ce sont les sacrifices inouïs qu'ont alors acceptés les jeunes hommes de France, mais aussi d'Allemagne, du Royaume -Uni et de ses dominions, d'Italie, de Serbie, de Russie, des régions qui composaient l'Autriche-Hongrie, de Turquie...
Ce sont les 8 à 10 millions de morts et tous ceux , innombrables, qui ont souffert dans leur chair leur vie durant [...]
Il faut aussi se souvenir, au-delà de la propagande dont il a été fait usage, que l'armistice a couronné la victoire du camp qui proclamait se battre pour les progrès de la démocratie, surtout après la chute de l'autocratie tsariste et l'entrée dans la guerre de la grande démocratie américain.
La commémoration du 11 novembre, c'est enfin celle d'une idée, sortie timidement de 14-18, avant de s'affirmer après la Seconde Guerre mondiale, idée selon laquelle il n'était plus possible que les peuples installés sur ce petit continent continuent à s'entre-massacrer. Le 11 novembre 1918 a été le point de départ de la construction de l'Europe. Voilà qui donne tout son sens et pour longtemps à cette commémoration. Dans cet esprit, il n'est pas malséant d'y associer les morts de toutes les guerres et, pourquoi pas, de tous les pays européens.
Le 9 novembre 2008, à la veille de la commémoration du 11 novembre 1918, Le Parisien était le premier média à dévoiler les conclusions du rapport de la Commission Kaspi.
Dans un article intitulé " Le rapport qui veut limiter les commémorations ", Bruno FANUCCHI, en même temps qu'il soulignait le fait que Nicolas SARKOZY avait choisi de célébrer ce 90e anniversaire, non pas à Paris devant la tombe du soldat inconnu, mais à Verdun et Douaumont, dégageait les grandes lignes de ce rapport qualifié d'« iconoclaste » qui considère que « les commémorations publiques ou nationales sont trop nombreuses », relevant qu'il y en a aujourd'hui une douzaine et qui propose de les ramener au nombre de trois :
« Il n’est pas sain, qu’en l’espace d’une demi-décennie, le nombre des commémorations ait doublé. Il n’est pas admissible que la nation cède aux intérêts communautaristes et que l’on multiplie les journées de repentance pour satisfaire un groupe de victimes, car ce serait affaiblir la conscience nationale, susciter d’autres demandes et diluer la portée de commémorations [...] »
« La Seconde Guerre mondiale fait l’objet d’un nombre exagéré de commémorations [...] »
Car « trop de commémorations revêtent un caractère spécifique et catégoriel » ( comme la commémoration de la rafle du Vél’d’Hiv’ ou la journée d’hommage aux harkis ), ce qui n’est pas sans conséquences puisque observe le rapport « le clientélisme ou le communautarisme mémoriel provoque des revendications nouvelles et incessantes ». Concrètement, le rapport Kaspi propose donc de ne garder que trois dates faisant l’objet d’une commémoration nationale : « Le 11 novembre pour commémorer les morts du passé et du présent, le 8 mai pour rappeler la victoire sur le nazisme et la barbarie, le 14 juillet qui exalte les valeurs de la Révolution française » et qui constitue notre Fête nationale depuis cent vingt-cinq ans ! À l’exception de ces trois dates, note encore le rapport, ces commémorations connaissent « une véritable désaffection ». Par chance, ces trois dates retenues correspondent à des jours fériés qui seront donc préservés et resteront chômés.
Mais que faire des autres dates emblématiques ? « Elles deviendront des commémorations locales ou régionales » pouvant revêtir un aspect exceptionnel comme ce fut le cas en 2004 pour les débarquements alliés de 1944. » L’idée est donc de décentraliser et de laisser jouer les collectivités locales pour conserver, ici ou là, des dates symboliques et transmettre aux nouvelles générations la mémoire de ces dates et des sacrifices et valeurs qu’elles représentent.
Les 12 commémorations publiques nationales annuelles
Dernier dimanche d’avril : souvenir de la déportation
8 mai : victoire de 1945
10 mai : abolition de l’esclavage
2e dimanche de mai : fête nationale de Jeanne d’Arc
8 juin : hommage aux morts d’Indochine
17 juin : hommage à Jean Moulin
18 juin : appel historique du général de Gaulle le 18 juin 1940
14 juillet : fête nationale
16 juillet : hommage aux Justes de France
25 septembre : hommage aux harkis
11 novembre : armistice du 11 novembre 1918
5 décembre : hommage aux morts de la guerre d’Algérie
Le site officiel du ministère de la Défense ne recense quant à lui que 9 cérémonies nationales.
Dans Le Figaro daté du 10 novembre, Jean-Marc LECLERC signait un article intitulé " Le rapport qui dénonce un excès de commémorations ", dans lequel il relève que la moitié des douze commémorations publiques nationales actuelles ont été instaurées sous la présidence de Jacques CHIRAC, et considère que les conclusions du rapport Kaspi répondent au « Assez de repentance ! » « lâché » par Nicolas SARKOZY, lorsqu'il lui avait succédé.
En évoquant les premières réactions de Jean-Marie BOCKEL, secrétaire d'État à la Défense chargé des anciens combattants et de Jean-rançois COPPÉ, chef de file des députés UMP à l'Assemblée nationale, il laisse entendre qu'il ne sera pas facile de mettre en œuvre les conclusions du rapport Kaspi :
Hier, le secrétaire d'État à la Défense et aux Anciens Combattants, Jean-Marie Bockel s'est dit contre « l'inflation mémorielle », mais aussi opposé « à la remise en cause des commémorations existantes ». Le patron des députés UMP, Jean-François Copé, s'est pour sa part déclaré hostile à la suppression de ces « rendez-vous nationaux ».
Au-delà du choix des dates, c'est l'organisation même des événements qui sera revue. «Les cérémonies doivent évoluer, pas pour le bénéfice ou le plaisir de changer, mais pour toucher un public plus jeune qui n'a pas connu ce que nous commémorons», indiquait le chef de l'État, le 10 janvier dernier. Son secrétaire d'État aux Anciens Combattants annonce que les écoles seront davantage associées. Les célébrations devraient aussi être plus magistrales. Le 11 novembre 2008 donnera le ton.
Qu'en sera-t-il également de la volonté renouvelée d'associer davantage les écoles à ces commémorations ?
Le 12 novembre 2008, André KASPI a remis officiellement son rapport à Jean-Marie BOCKEL, secrétaire d'État à la Défense, chargé des anciens combattants.
Le rapport Kaspi peut être téléchargé sur le site su ministère de la Défense ou de la Fondation de la Résistance à la rubrique Actualités pédagogiques.
Le rapport de la
Commission sur la modernisation des commémorations
présenté par André
Kaspi
sur le site du ministère de la Défense
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/telechargement/Pdf/RapportCommissionKaspi.pdf
Le rapport de la
Commission sur la modernisation des commémorations
présenté par André
Kaspi
sur le site de la Fondation de la Résistance
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