Lieux de mémoire > Le souvenir de la 1ère GM en CA > Les monuments > Le souvenir du lieutenant Herduin à Reims
Menu     Menu

La mémoire
des sous-lieutenants Herduin et Millant
fusillés sans jugement en 1916
réhabilités en 1926

Dossier présenté par Jean-Pierre HUSSON
à partir de la conférence qu'il a donné à la Médiathèque de Reims le 18 novembre 2008
et de sa contribution à la Journée d'études sur " Les fusillés de la Grande Guerre "
au Centre mondial de la Paix à Verdun le 10 novembre 2009

actualisé en 2016

Henri Herduin, un militaire de carrière né à Reims

Les combats de la Ferme de Thiaumont devant Verdun au début de juin 1916

L'exécution sans jugement des sous-lieutenants Herduin et Millant le 11 juin 1916

Le long combat pour leur réhabilitation 1918-1926

La mémoire de Henri Herduin et de Pierre Millant

11 novembre 2008 : inauguration d'une plaque commémorative à Reims

4 novembre 2009 : inauguration d'une stèle à Fleury-devant-Douaumont

11 juin 2016 : Le centenaire de l'exécution des sous-lieutenants Herduin et Millant

11 novembre 2016 : Hommage de la Ville de Reims

Sources - Bibliographie - Sitographie

 

Henri Herduin, un militaire de carrière né à Reims

Portrait d'Henri Herduin figurant à la Une du quotidien L'Humanité daté du 30 juillet 1924
mis en ligne sur le blog du 347e RI le 14 avril 2012

   Henri Valentin HERDUIN est né le 5 juin 1881 rue du Barbâtre à Reims, au domicile de ses parents, Pierre Henry HERDUIN, âgé de 37 ans,appartenant à une famille de tisseurs de Saint-Quentin, et Joséphine Octavie GODBILLION, sans profession, âgée de 36 ans. Sa naissance a été enregistrée sur les registres de l'État-civil de Reims le 7 juin 1881 sous le numéro 1285.

Enregistrement d'Henri Herduin sur les registres de l'État-civil de Reims
( Archives départementales de la Marne, 2 E 534/290 )

   Henri HERDUIN qui exerçait comme son père la profession de tisseur, appartenait à la classe de recrutement 1901.
  
Le 21 octobre 1899, il a devancé l'appel et a signé un engagement volontaire pour le 8e régiment d'infanterie coloniale.
   Son nom figure dans le Répertoire
alphabétique des hommes de la classe 1901 inscrits au Registre matricule de la VIe Région-Subdivision de Reims, avec le numéro 1295.

Ministère de la Guerre - VIe Région - Subdivision de Reims - Classe 1901
Répertoire alphabétique des hommes inscrits au
Registre matricule - 3e volume
( Archives départementales de la Marne, 1 R 1277 )

   En 1907, il a épousé à Reims Fernande NIVOIX alors qu'il était sergent au 1er régiment d'infanterie coloniale à Cherbourg.
   De leur union est né un petit garçon, Luc, né à Reims en 1912, alors que son père était adjudant au 147e Régiment d'infanterie à Sedan, où il est resté en garnison jusqu'en 1914. Luc HERDUIN est décédé en 1940 à Bagnolet au domicile de sa mère.

Portraits présumés de l'adjudant Henri Herduin extraites de photographies
de groupes de sous-officiers du 147e RI auquel il appartenait

   Publiées en 2011 sur le blog du 347e RI, ces photographies figuraient dans un Album souvenir de 1913 retrouvé dans des archives familiales par Philippe MEDINGER, arrière petit-fils du capitaine MEDINGER, officier ayant servi aux 147e et 347e RI, tué à Bannes dans la Marne le 8 septembre 1914.

  Début août 1914 lors de la déclaration de guerre, Henri HERDUIN est immobilisé à l’hôpital de Sedan à la suite d’un accident au cours duquel il a eu une jambe cassée.
   À la fin du mois d’août, au moment de l’invasion des Ardennes par les troupes allemandes, bien que blessé il quitte Sedan pour ne pas être pris et rejoint tant bien que mal Reims, où il prend part à la défense de la ville, au cours de laquelle il se distingue par sa bravoure.
   En octobre 1914, il est promu sous-lieutenant et reçoit la Médaille militaire.


L'engagement du 347e RI dans les combats
de la Ferme de Thiaumont devant Verdun
au début de juin 1916

" L'épuisement, Thiaumont - 1916 ", aquarelle d'Alfonse Robine
publiée dans Le Donjon-Revue trimestrielle d'histoire,
spécial 14-18, n° 58, ioctobre 2008

    En 1916, Henri HERDUIN commande la 17e compagnie du 5e bataillon, appartenant au 347e Régiment d'infanterie confié au colonel de LAMIRAULT. Ce régiment fait partie de la 103e Brigade du colonel BERNARD, intégrée à la 52e division commandée par le général BOYER.

Insigne du 347e RI, régiment de réserve du 147e RI de Sedan

   Envoyé en renfort dans le secteur de Verdun, le 347e RI monte en ligne le 5 juin 1916. Le 5e bataillon, qui a à sa tête le commandant DEVERRE, prend position dans le secteur de la Ferme de Thiaumont, où il est soumis bientôt à un bombardement intense et continu de l'artillerie allemande qui atteint son paroxysme le 7 juin.
   Le 8 juin, l'attaque allemande qui parvient à s’emparer du Fort de Vaux submerge les positions tenues par le 347e RI qui compte d'énormes pertes, soldats et officiers tués, blessés ou faits prisonniers. Le colonel de LAMIRAULT, qui avait installé l’état-major du régiment sur la cote 320, est tué par un éclat d’obus. Le commandant DEVERRE est fait prisonnier.
   Au cours de cette attaque, les deux compagnies commandées par les
sous-lieutenants HERDUIN et MILLANT, perdent la moitié de leurs effectifs et se trouvent sans ravitaillement, à court de munitions et coupées de toute communication avec l'arrière. 
   
La nuit venue, complètement épuisés, constatant que la Ferme de Thiaumont est presque totalement encerclée par l'ennemi, les deux officiers décident de profiter de l’obscurité et de décrocher avant d’être faits prisonniers.
   Ils se replient
avec la quarantaine d'hommes qui leur restent, en emportant huit mitrailleuses, et ils se présentent en piteux état à un officier appartenant au 293e RI qui occupe une position à gauche de la Ferme de Thiaumont, pour lui demander des instructions. Ce dernier les admoneste durement, refusant de les intégrer à son unité et leur intimant l’ordre d’aller reprendre le terrain perdu par leur régiment.
   Conscients qu’il n’est pas possible avec une quarantaine d’hommes exténués, de reprendre le terrain qui avait été tenu par 800, HERDUIN et MILLANT décident de descendre à Verdun.
  Le 9 juin au matin, ils se présentent au major de la caserne Anthouard. Exténués, ils omettent de rédiger et de lui remettre un rapport – faute professionnelle qui va leur être fatale – puis, se considérant comme relevés, ils restent au repos à Verdun pendant 48 heures.

La caserne Anthouard à Verdun en 1914

      HERDUIN profite de ce court repos pour écrire deux lettres à son épouse.
   Dans la première datée du 9 juin, il écrit :

   Notre division est fauchée, le régiment anéanti ; je viens de vivre cinq jours terribles, voyant la mort à chaque minute ; je te dirai cela plus tard [...]
   J’ai pu sortir de la mêlée avec 25 hommes de ma compagnie sans une égratignure ; je suis maintenant en arrière [...]
   Si tu me voyais couvert de boue, tu ne me reconnaîtrais pas.
Quatre jours sans boire ni manger et dans la boue, des obus, quel miracle que je sois encore là ! »

   Dans la seconde datée du 10 juin, il déclare :

      Nous nous remettons de nos émotions […] Je pense avoir une permission bientôt […]
      Je suis abasourdi de tout ce que j’ai vu.
      Il faut encore quelques jours pour s’en remettre.


L'exécution sans jugement
des sous-lieutenants Herduin et Millant
à Fleury devant Douaumont le 11 juin 1916

   Le 11 juin au matin, dimanche de Pentecôte, HERDUIN et MILLANT remontent en ligne à la tête de la poignée d'hommes qu'ils sont parvenus à ramener vivants à l'arrière.
   Ils se dirigent vers le Bois de Fleury où se sont regroupés les rescapés du 347e RI, environ 150 hommes placés sous le commandement du capitaine DELARUELLE.
   Ils y retrouvent avec joie des camarades qu'ils croyaient tués ou faits prisonniers, mais dont les visages graves laissent présager une mauvaise nouvelle.
   En effet, le capitaine DELARUELLE vient de recevoir un pli signé du colonel BERNARD : 
« Fusillez immédiatement les lieutenants Herduin et Millant, coupables d’abandon de poste »
.

   Le sous-lieutenant HERDUIN, estimé et respecté par ses collègues officiers et par ses hommes, croit en une erreur.
   Il demande à s'expliquer devant le général BOYER qui commande la division.
   Le capitaine DELARUELLE fait porter au général une lettre rédigée par HERDUIN, accompagnée d’un pli écrit de sa main, destiné à appuyer sa requête.
   Les deux plis sont acheminés par l’ordonnance d’HERDUIN, Émile LECARDEZ qui est accompagné par un ami d’HERDUIN, le lieutenant de SAINT-ROMAN.
   Les deux messagers sont bientôt de retour. Ils rapportent la lettre d’HERDUIN qui n’a pas été ouverte, et le pli du capitaine DELARUELLE sur lequel le colonel BERNARD a écrit : « Pas d’observation. Exécution immédiate ».

    Henri HERDUIN écrit une dernière lettre destinée à son épouse Fernande et à son fils Luc qu’il confie au lieutenant de SAINT-ROMAN.
   Elle été publiée intégralement dès 1921 et à deux reprises dans Les Cahiers des droits de l'homme, la revue de la Ligue des droits de l'homme, puis en 1925 dans l'ouvrage de R. G. RÉAU, Les Conseils de guerre, et encore en 1934 dans le Crapouillot.

" Herduin et Milan-Exécution sans jugement ",
dans Jean GALTIER-BOISSIÈRE et Daniel de FERDON,
" Les Fusillés pour l'exemple ",
Crapouillot ancien journal des tranchées,
n° spécial publié pour 20e anniversaire de la guerre, août 1934, numéro saisi

11 juin

                   Ma petite femme adorée,

   Nous avons, comme je te l'ai dit, subi un grave échec : tout mon bataillon a été pris par les Boches, sauf moi et quelques hommes, et, maintenant, on me reproche d'en être sorti ; j'ai eu tort de ne pas me laisser prendre également. Maintenant, le colonel Bernard nous traite de lâches, les deux officiers qui restent, comme si, à trente ou quarante hommes, nous pouvions tenir comme huit cents.
   Enfin, je subis le sort, je n'ai aucune honte, mes camarades, qui me connaissent, savent que je n'étais pas un lâche. Mais avant de mourir, ma bonne Fernande, je pense à toi et à mon Luc.    
   Réclame ma pension, tu y as droit.
   J'ai ma conscience tranquille, je veux mourir en commandant le peloton d'exécution devant mes hommes qui pleurent.
   Je t'embrasse pour la dernière fois comme un fou.
   CRIE, APRÈS MA MORT, CONTRE LA JUSTICE MILITAIRE.
   LES CHEFS CHERCHENT TOUJOURS DES RESPONSABLES.
   ILS EN TROUVENT POUR SE DÉGAGER.
   Mon trésor adoré, je t'embrasse encore d'un gros baiser, en songeant à tout notre bonheur passé.
   J'embrasse mon fils aimé
[ « mon fils aîné » dans Les Cahiers des droits de l'homme, « mon fils aimé » dans le Crapouillot  ] qui n'aura pas à rougir de son père, qui avait fait tout son devoir.
   De Saint-Roman m'assiste, dans mes derniers moments. J'ai vu l'abbé Heintz avant de mourir. Je vous embrasse tous.
   Toi encore, ainsi que mon Lulu.
   Dire que c'est la dernière fois que je t'écris.
   Oh ! mon bel ange, sois courageuse, pense à moi, et je te donne mon dernier et éternel baiser.
   Ma main est ferme et je meurs la conscience tranquille.
   Adieu, je t'aime.

    Je serai enterré au Bois de Fleury au nord de Verdun. De Saint-Roman pourra te donner tous les renseignements.

   HERDUIN et MILLANT, malgré leurs protestations d'innocence, sont conduits devant le peloton d'exécution aux ordres du capitaine GUDE et de l’adjudant AMIABLE.
   Ils sont assistés par l'abbé HEINTZ, caporal au 347e RI originaire de Reims, qui deviendra évêque de Metz de 1938 à 1958, et par le lieutenant de SAINT-ROMAN, tandis que le médecin-major MENU, atterré, refuse d'assister à l'exécution pour marquer sa réprobation et se retire dans un abri pour ne rien voir, ni entendre.
  MILLANT reste silencieux. HERDUIN, officier d'active comptant 17 années de service, titulaire de la médaille militaire et de la médaille coloniale, demande à commander lui-même le peloton d’exécution pour éviter au capitaine GUDE le déshonneur et la douleur d’avoir à le faire.
   Le capitaine DELARUELLE s’approche d’HERDUIN et l'implore de s’adresser aux soldats désemparés, accablés, au bord de la révolte : 

D’un instant à l’autre nous allons être rejetés dans la bataille.
Aucune foi n’anime plus nos soldats.
Ils sont désemparés. C’est une troupe amorphe.
Avant de mourir, parlez-leur.
Dites-leur de tenir jusqu’au bout.
Je vous le demande pour la France.

   HERDUIN accepte et se tourne vers les soldats qui vont le fusiller :

Mes enfants,
Nous ne sommes pas des lâches.
Il paraît que nous n’avons pas assez tenu.
Il faut tenir jusqu’au bout pour la France.
Je meurs en brave et en Français.
Et maintenant Visez bien !
Joue ! Feu ! 

   Les corps d’HERDUIN et de MILLANT sont enterrés à la lisière Est du Bois de Fleury.

   En octobre 1919, ils ont été exhumés, placés dans un cercueil, et transférés au cimetière militaire de Fleury, village détruit de la Meuse.
   Les comptes rendus d'exhumation de leurs corps, datés du 21 octobre 1919, portent la mention « Mort pour la France »

.
Le long combat pour leur réhabilitation
1918-1926

Le courage et la détermination de Fernande Herduin
soutenue par la Ligue des droits de l'homme

   Comme Blanche MAUPAS, la veuve d’un des quatre caporaux de Souain fusillés à la Ferme de Suippes le 17 mars 1915, Fernande HERDUIN a attendu la fin de la guerre pour s’engager dans un long et persévérant combat pour obtenir la réhabilitation de son mari et de son camarade d'infortube, avec l’aide de l’avocat Alphonse BOMBIN et le soutien de la section rémoise de la Ligue des droits de l'homme qui se livra à une enquête approfondie et en rendit compte régulièrement dans la revue Les Cahiers des droits de l’Homme.
    Dans cette revue furent aussi publiés de très nombreux témoignages envoyés par des camarades de son mari, soldats et officiers, qui tous vantaient sa bravoure et disaient qu’ils se refusaient à croire à sa culpabilité.

   Fernande HERDUIN adressa une demande de renseignements sur les circonstances de la mort de son mari à la Direction de la Justice militaire.
   On lui répondit d’abord qu’il était interdit « de préciser le genre de mort du sous-lieutenant Herduin », puis elle reçut en janvier 1920 une lettre ainsi rédigée :

  Aucun jugement de condamnation n'existe contre votre mari.
  Sa mort donne ouverture à votre profit, à tous les droits de pension résultant de la loi.

   Elle fut donc avisée que son mari était considéré comme décédé des suites d'accident en service commandé, et elle reçut une pension de veuve d'officier.
   Mais cela ne fit pas taire la veuve d'HERDUIN qui déposa une plainte en assassinat contre le colonel BERNARD, restée sans suite.
   Publiée dans Le Progrès civique du 16 octobre 1920, elle était rédigée en ces termes :

   Je demande que le colonel Bernard soit poursuivi devant un conseil de guerre, en mon nom personnel et celui de mon fils, au nom de mon mari lâchement assassiné, au nom de la Justice.

   En décembre 1920, invoquant la reconnaissance de son droit à pension, Fernande HERDUIN adressa à la direction de la Justice militaire une réclamation par laquelle elle s'élevait contre la radiation de la mention « Mort pour la France » effectuée sur l'acte de décès de son mari.

   Les actes de décès établis aux armées après l'exécution des sous-lieutenants HERDUIN et MILLANT portaient initialement la mention « Mort pour la France ». La loi prévoyait qu’ils devaient être expédiés pour transcription sur les registres d'état civil, dans les communes correspondant à leur dernier domicile légal : la commune de Sedan dans les Ardennes, où l'adjudant Henri HERDUIN était en garnison en 1914, et la commune des Lilas dans la Seine, dernier domicile connu de Pierre MILLANT.
   L’
acte de décès de Pierre MILLANT a été transcrit sur le registre d’état civil de la mairie des Lilas le 2 mars 1917.
   L’
acte de décès d’Henri HERDUIN, n’a pu être transcrit avant la fin de la guerre, puisque Sedan était restée sous occupation allemande jusqu'en novembre 1918. Après la guerre, l’administration ne fut pas pressée de régulariser cette situation et finalement son acte de décès n’y fut transcrit que le 18 mars 1919.

Bulletin de décès de Henri Herduin délivré par la Mairie de Sedan en décembre 1919
et portant encore la mention « Mort pour la France » qui figurait sur l'acte transcrit le 18 mars 1919

   La loi du 2 juillet 1915 stipulant que la mention « Mort pour la France » ne devait être inscrite que sur l'acte de décès des militaires tués à l'ennemi ou morts des suites de blessures ou de maladies contractées sur le champ de bataille, le tribunal d'instance de la Seine, requis par le procureur de la République, ordonna dès le 4 janvier 1918 la radiation de la mention « Mort pour la France » sur l'acte de décès du sous-lieutenant MILLANT.
   
La même radiation a été effectuée ultérieurement sur l'acte de décès du sous-lieutenant HERDUIN.

La radiation de la mention « Mort pour la France »
sur l'acte de décès d'Henri Herduin transcrit à la Mairie de Sedan

   Fernande HERDUIN entreprit des démarches pour que la mention « Mort pour la France » soit inscrite à nouveau en marge de l'acte de décès de son mari.

L'action des députés communistes Berthon et Morucci
pour faire fléchir le ministre de la Guerre

   En avril 1921, deux députés communistes, BERTHON et MORUCCI, en s’appuyant sur l’affaire Herduin-Millant, interpellèrent en vain le ministre de la Guerre, Louis BARTHOU, pour que les fusillés sans jugement ne soient pas écartés de la loi d’amnistie adoptée par l’Assemblée nationale.

   Le 21 juin 1921, le journal L'Humanité publia en première page une lettre ouverte du député BERTHON : " J'accuse le colonel Bernard et le général Boyer d'être des assassins. Lettre ouverte à M. Barthou, ministre de la guerre ".

   Le 23 juin, le député BERTHON interpellait le ministre de la Guerre à la Chambre des députés, avec le soutien de plusieurs députés anciens combattants, l’obligeant à reconnaître que les faits étaient « graves » et que l’affaire était « douloureuse ».
   Les 24 et 27 juin 1921, un journaliste, Jean KOLB, publiait dans le journal La Presse, deux articles justifiant l’exécution de Fleury et faisant dire à HERDUIN : « Mes amis, j’ai abandonné mon poste. Je le reconnais. Je suis coupable ».
   Madame HERDUIN poursuivit en diffamation devant la Cour d’Assises le journaliste et le journal qui avaient porté atteinte à l'honneur de son mari, et elle gagna son procès.
   Les généraux BOYER et LEBRUN, cités comme témoins, avaient refusé de comparaître..
   Plusieurs journaux, en particulier Le Progrès civique, rendirent compte de ce procès et publièrent plusieurs témoignages d’anciens camarades d’HERDUIN.
   L’opinion publique commençait à s’intéresser à l’affaire et à s’émouvoir.
   Le ministre Louis BARTHOU s’efforça d’éteindre l’incendie. Il mit le général BOYER à la retraite et il écrivit à Madame HERDUIN pour lui confirmer que son mari avait bien été exécuté sans jugement, que certes il n'avait pas démérité, mais qu'il fallait tenir compte des circonstances de la guerre, que malheureusement la loi ne permettait pas la révision de son affaire, mais que le gouvernement était prêt à réparer :

[...] Votre mari, très bien noté et décoré au cours même de la guerre de la médaille militaire, était un officier courageux dont vous pouvez, votre fils et vous, porter le nom avec honneur.
La loi ne permet pas la révision de son affaire, mais le gouvernement a décidé, sur ma proposition, de vous allouer, à titre de réparation civile, une somme de 100 000 francs.

   Dans le même temps, le père du sous-lieutenant MILLANT recevait la somme de 50 000 francs.

   Madame HERDUIN ne se contenta pas de cette compensation matérielle, et malgré les promesses du ministre de la Guerre assurant les deux familles que la mention « Mort pour la France » serait rétablie sur l’acte de décès des deux officiers, elle continua à se battre pour que leur honneur soit lavé et qu’ils soient réhabilités.

Une exécution sommaire couverte par la hiérarchie militaire
qui fuit ses responsabilités

   En novembre 1921, le chef du bureau des archives militaires, constatait que les dossiers des sous-lieutenants HERDUIN et MILLANT qui avaient été communiqués au général, chef de cabinet du ministre de la Guerre Louis BARTHOU, ne contenaient plus à leur retour aux archives, les pièces concernant l'ordre d'exécution, ni l'historique de l'affaire Herduin-Millant. Il s’en inquiéta et il lui fut confirmé que ces pièces avaient bien été retirées du dossier par le général, ce qu’il ne manqua pas de consigner dans son rapport.
   Pour l’historien
Gilles MANCERON « il paraît probable que le ministre Louis BARTHOU, au moment où il reconnaissait ce fait, a fait disparaître les documents signés » par les différents échelons de la hiérarchie militaire dont dépendait le 347e RI :
   - 
l’ordre écrit de les fusiller immédiatement du colonel BERNARD, commandant de la 103e Brigade ;
   -
l’approbation du général BOYER, commandant la 52e division d’Infanterie ;
   -
les critiques formulées par le général LEBRUN, commandant le groupe de divisions du secteur de Dugny ;
   - et enfin
les documents qui ont ensuite couvert et justifié cet ordre, émanant du général NIVELLE, commandant la 2e armée, du général PÉTAIN, commandant le groupe d’armée du centre, et de JOFFRE, commandant en chef des armées.

   À la Journée d'études consacrée aux fusillés dans la Grande Guerre qui s'est tenue à Verdun le 10 novembre 2009, le général André BACH, ancien directeur du Service historique de l'Armée de terre, a dit sa conviction que l'ordre d'exécuter immédiatement HERDUIN et MILLANT adressé par le colonel BERNARD au capitaine DELARUELLE, a été donné par le général BOYER.

    Notant que
le nettoyage du dossier Herduin n’a pas été complet, Gilles MANCERON relève qu’« on y trouve encore une note de la direction de la Justice militaire  au ministère de la Guerre qui " constate […] que l’acte du général Boyer […] a été couvert par l’approbation des généraux Nivelle, Pétain et Joffre " et que " l’approbation du général en chef a suffi sinon à légaliser, du moins à entériner, en quelque sorte la décision du général Boyer " ».
   

Une situation débloquée par André Maginot en 1922

   En décembre 1921, la Direction du Contentieux réaffirma l’impossibilité juridique de rétablir la mention « Mort pour la France » sur les actes de décès des fusillés sans jugement de Fleury, et estima que « l’autorité ministérielle seule a[vait] qualité pour trancher ».

   En janvier 1922, le ministre des pensions, André MAGINOT considéra que, « malgré toute considération juridique » et « dans un but d’apaisement », les promesses faites aux familles Herduin et Millant par le ministre de la Guerre BARTHOU devaient être honorées. Il annonça son intention de régler le problème Herduin par simple « rectification administrative », et il demanda au Procureur de la République du tribunal de 1ère instance de la Seine « de provoquer un jugement rectifiant l’acte de décès du sous-lieutenant Millant et déclarant cet officier " Mort pour la France " le 11 juin 1916 à Fleury ».
   La mention « Mort pour la France » a effectivement été réinscrite en marge de l’acte de décès de Henri HERDUIN, le 14 mars 1922.

Le rétablissement de la mention « Mort pour la France »
sur l'acte de décès d'Henri Herduin

La réhabilitation à titre posthume de 1926

   En 1924, à l'initiative de la Ligue des droits de l'homme et avec l'appui du député communiste BERTHON, le Parlement adopta une loi qui instituait une procédure de déclaration d'innocence en faveur des soldats exécutés sans jugement, permettant de fait de les réhabiliter sans recourir à la procédure de révision devant les tribunaux, qui aurait abouti à mettre en accusation des officiers supérieurs.

   Le 11 septembre 1925, la dépouille de Pierre MILLANT a été exhumée du cimetière de Fleury pour être transférée dans la nécropole nationale de Douaumont, où elle a été ré-inhumée sous le numéro 6177.

La tombe de Pierre Millant dans la nécropole de Douaumont

   Le 20 mai 1926, la Cour d'Appel de Colmar appelée à statuer sur le pourvoi en réhabilitation déposé par la Ligue des droits de l’homme, a prononcé un arrêt de réhabilitation posthume en faveur des sous-lieutenants HERDUIN et MILLANT.


La mémoire
des sous-lieutenants Herduin et Millant

La sépulture d'Henri Herduin au Cimetière de l'Est à Reims

   Dès 1920, Fernande HERDUIN entreprit des démarches pour ramener à Reims la dépouille de son mari enterré au cimetière militaire de Fleury. Le cercueil a été exhumé et transféré à Reims au Cimetière de l'Est, où il a été ré-inhumé dans le caveau familial, le 11 novembre 1920.



Le caveau de la Famille Nivoix-Herduin au Cimetière de l'Est à Reims
où Henri Herduin a été inhumé le 11 novembre 1920

Gustave Henry
HERDUIN
Officier 147e RI
Médaille militaire et de Chine
1881-1916


La rue du Lieutenant Herduin à Reims
1921-1925/26

   Le 12 décembre 1921, la commission des dénominations des rues, saisie par la section rémoise de la Ligue des droits de l’homme d’un vœu visant à donner le nom du lieutenant HERDUIN à une rue de la ville, a fait entériner ce vœu par le conseil municipal de Reims. Le registre de délibération conserve la trace du rapport présenté à cette occasion par Gustave LAURENT, président de cette commission. :

   [...] L'opinion publique a été en effet fortement émue, depuis plusieurs mois, par cette lamentable affaire d'un modeste officier français que chacun représentait comme un bon et brave soldat, et que des chefs criminels, dont l'unique but était, après un sanglant échec, de dégager leur responsabilité, firent exécuter froidement, à l'arrière des lignes […]
Une grave faute de tactique avait été commise ; d’autres plus puissants et plus élevés en grade étaient la cause de cet échec, mais il fallait des victimes expiatoires ; on sacrifia les plus petits, ces deux modestes officiers qui avaient fait tout leur devoir, mais qui avaient eu le tort de ne pas se laisser prendre.
   Sans jugement, sans enquête, sans interrogatoire des deux malheureux, l’ordre de les fusiller fut donné sans qu’ils aient été invités à fournir la moindre explication […]
Ils furent exécutés sans avoir été inculpés !
Cette cruelle mise à mort de deux hommes, à l’arrière, sans jugement, peut être qualifiée d’assassinat […].
   Tous les témoins qui ont connu Herduin, tous les rescapés de Verdun, qui l’ont vu au feu, tous ont témoigné du courage et de l’attitude irréprochable de cet officier français et rémois, victime d’un crime de la barbarie militaire.
Nous proposons aux représentants de la ville natale du Lieutenant Herduin, de s’associer à ces protestations en donnant son nom à la rue Gerbert [...] faisant double emploi avec le boulevard du même nom.

Plaque :
Rue du Lieutenant Herduin
( 1811-1916 )
Tué devant Verdun
Ancienne rue Gerbert »

   Compte tenu que la famille Herduin habitait rue Montlaurent dans le 3e canton avant la guerre, il avait été décidé que la rue lui rendant hommage devait se trouver dans ce 3e canton.
   En février 1922, le ministre de l’Intérieur informa le préfet de la Marne, qu’il ne lui était pas possible de soumettre à la signature du président de la République le décret d’application concernant la dénomination de la rue du Lieutenant Herduin à Reims. Le préfet transmit la note du ministre au sous-préfet de Reims qui en fit parvenir la copie conforme au maire de Reims.
   Le projet de rue du Lieutenant Herduin fut donc ajourné.
   Trois ans plus tard, en février 1925, Gustave LAURENT revint à la charge et obtint le vote d’une seconde délibération du conseil municipal, qui donnait le nom d’HERDUIN à une nouvelle voie ouverte entre la rue Gambetta et la rue du Barbâtre, pour relier la rue de Venise à la Rue Gerbert. Cette délibération fut transmise le 11 mars pour approbation au préfet de la Marne qui demanda l’avis du sous-préfet de Reims. Ce dernier lui répondit qu’il lui paraissait préférable « d’attendre que la réhabilitation de la mémoire d’Herduin […] ait été définitivement et officiellement proclamée ».
   Malgré des lettres pressantes adressées par Gustave LAURENT en mai et encore en juillet, lui demandant d’approuver la délibération du conseil municipal de Reims, le préfet ne répondit pas.
   En août 1925 , le sous-préfet de Reims, devant l’insistance de la municipalité et après avoir rencontré le maire Charles ROCHE, écrivit au préfet :
   « Je ne maintiens pas la réserve de pure forme que contenait mon premier avis, et je propose l’approbation pure et simple de cette délibération ».
   Le préfet demanda au ministre de l’Intérieur s’il pouvait approuver l’« hommage public » que la ville de Reims entendait rendre à la mémoire du lieutenant Herduin. La réponse du ministre datée du 2 octobre 1925 au préfet de la Marne fut claire et nette :
   « […] La réhabilitation de cet officier n’ayant pas encore été ordonnée, il ne paraît pas opportun à M. le Président du Conseil [ Paul Painlevé ] d’accorder, quant à présent, un hommage public à la mémoire de cet officier ».

   Selon Jean-Yves SUREAU, auteur des Rues de Reims, mémoire de la ville, il semble bien que les édiles rémois n’ont pas attendu la réhabilitation posthume de Henri HERDUIN obtenue finalement en 1926, pour officialiser dès 1925 la dénomination de la rue du lieutenant Herduin.

3e Canton
Rue
du Lieutenant HERDUIN
tué devant Verdun
1881-1916

La rue du lieutenant Herduin à Reims

   Parmi les nombreux Rémois qui l’empruntent quotidiennement, combien connaissent l’histoire tragique du lieutenant Herduin ?
   « Tué devant Verdun » ? Quand ? Comment ? Par qui ?
   Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette expression ambiguë, ne permet pas aux passants d’imaginer le sort réel de cet officier rémois.

Sur le monument aux morts de Sedan
et à la Mairie des Lilas

   À Reims, le nom de Henri HERDUIN ne figure pas sur le monument aux morts inauguré en 1930 par le ministre André MAGINOT en présence du maréchal PÉTAIN, monument qui a la particularité de ne pas comporter de listes de soldats « Morts pour la France ». Il ne figure pas non plus sur la stèle érigée au Cimetière du Nord à la mémoire des médaillés militaires.

   Par contre il est bien inscrit sur le monument aux morts de Sedan dans les Ardennes, où son acte de décès a été transcrit.

Gloire
aux héros
Sedanais
morts pour la Patrie
1914-1918

Le monument aux morts de Sedan

   Quant à Pierre MILLANT, son nom est gravé sur une plaque commémorative érigée à l'intérieur de la Mairie des Lilas en Seine Saint-Denis, où son acte de décès a été transcrit.

Aux morts pour la France

La plaque commémorative érigée dans le hall d'entrée de la mairie des Lilas

La médaille de Verdun à titre posthume pour Herduin en 1967

   En 1967, l’Association « Ceux de Verdun » a décidé de remettre à titre posthume le diplôme et la médaille de Verdun au sous-lieutenant HERDUIN.
   La Ville de Reims entreprit à cette occasion des recherches pour retrouver les membres de sa famille.
   Ces recherches révélèrent que son fils unique, Luc, était décédé le 15 août 1940 à Champigny-la-Futelaie dans l’Eure à l’âge de 28 ans, que son épouse, Fernande, était décédée à Evreux, le 23 janvier 1954, que son frère avait été directeur de la maison de champagne Heidsieck-Monopole, mais qu’il était lui aussi décédé, que sa belle-sœur, encore vivante, résidait à Reims et avait un fils domicilié à Chatellerault, Maurice HERDUIN.
   C’est donc au neveu du sous-lieutenant Herduin que Fabien HOURDEAUX, président de l’UFAC de la Marne, remit la médaille de Verdun, au cours d’une cérémonie présidée le 29 juillet 1967 à l’Hôtel de Ville de Reims par le député-maire, Jean TAITTINGER, en présence de Marcel BONNEFOND, représentant l’Amicale des anciens des 147e et 347e RI.

La médaille commémorative de Verdun

Le site « Mémoire des hommes » du ministère de la défense

   Depuis quelques années, on peut consulter les fiches d’Henri HERDUIN et de Pierre MILLANT, issues des archives militaires, sur le site Internet « Mémoire des hommes » du ministère de la Défense.
   Il s’agit d’une base de données où figurent les fiches individuelles numérisées des militaires morts pour la France pendant la 1ère guerre mondiale qui ont obtenu la mention « Mort pour la France ».

La fiche d'Henri Herduin
sur le site « Mémoire des Hommes » du ministère de la Défense

     Sur la fiche d’Henri HERDUIN, deux mentions retiennent l'attention :
 - à la rubrique « Cl. » ( classe de recrutement ), la mention « 1899 » correspond à la date de son engagement volontaire à 18 ans, alors qu'il appartenait à la classe de recrutement 1901,
- à la rubrique « Genre de mort », la mention « Fusillé Réhabilité », ajoutée par une autre écriture alors qu'initialement cette rubrique avait été renseignée par un point d'interrogation.

   Deux fiches ont été attribuées à Pierre MILLANT, une première avec la mention « Tué à l’ennemi », et une seconde sur laquelle la mention « Tué à l’ennemi » a été rayée et remplacée par la mention « Fusillé réhabilité ».

Les deux fiches remplies au nom de Pierre Millant


11 novembre 2008
L'inauguration à Reims d'une plaque commémorative
à la mémoire des sous-lieutenants Herduin et Millant

    Le 11 novembre 2008, à l'occasion du 90e anniversaire de l'armistice de 1918, la Ville de Reims a honoré la mémoire des sous-lieutenant HERDUIN et MILLANT en inaugurant une plaque commémorative élevée au carrefour de la rue Herduin et de la rue Gambetta.

11 novembre 2008
Inauguration de la plaque commémorative à la mémoire des sous-lieutenants Herduin et Millant
fusillés sans jugement le 11 juin 1916 à Fleury-devant-Douaumont
et réhabilités le 20 mai 1926 par un arrêt de la Cour d'Appel de Colmar

   Adeline Hazan, maire de Reims, Jean-Jacques Caron, sous-préfet de Reims,
et le colonel Gilles Perrone, commandant de la Base 112,
commandant d'armes de la Place de Reims
pendant la lecture de la dernière lettre du sous-lieutenant Herduin à son épouse

La lecture de la dernière lettre d'Herduin
à son épouse, Fernande, et à son fils, Luc

À LA MÉMOIRE
du S-Lt du 347e RI Henri HERDUIN né à Reims
fusillé le 11 juin 1916 à Fleury ( Meuse )
réhabilité en 1921
du S-LT du 147e RI Pierre MILLANT né à Ambazac
fusillé le 11 juin 1916 à Fleury ( Meuse )
réhabilité en 1926
--
Adeline HAZAN étant maire
le 11 novembre 2008

   Cette inscription vient utilement compléter et éclairer la plaque de la rue du lieutenant Herduin, et réparer l’oubli dans lequel a été longtemps laissé le souvenir de Pierre MILLANT, mais sa formulation peut malheureusement laisser croire que ces deux officiers n’appartenaient pas au même régiment au moment de la bataille de Verdun, et qu’ils n’ont pas été réhabilités en même temps, et surtout, elle oublie de préciser ce qui fait la spécificité des fusillés de Fleury, à savoir qu’ils ont été fusillés sans jugement.
   Une
autre formulation, plus courte, aurait sans doute permis de mieux les associer et de façon plus rigoureuse sur le plan historique, par exemple :

À la mémoire
de Henri HERDUIN et de Pierre MILLANT
sous-lieutenants au 347e RI
fusillés sans jugement le 11 juin 1916
à Fleury devant Douaumont
au cours de la bataille de Verdun
réhabilités en 1926
--
Adeline HAZAN étant maire
le 11 novembre 2008


L'hommage rendu à Henri Herduin et Pierre Millant
à Fleury-devant-Douaumont et à Verdun en novembre 2009

L'inauguration de la stèle des fusillés à Fleury le 4 novembre 2009

   Le 4 novembre 2009, une stèle érigée à la mémoire de Henri HERDUIN et de Pierre MILLANT a été inaugurée à Fleury-devant-Douaumont, village détruit de la 1ère guerre mondiale, village « Mort pour la France », jamais reconstruit, mais qui a conservé la personnalité juridique et un maire, nommé par le préfet de la Meuse.

   Cette
stèle se dresse à quelques centaines de mètres du lieu de leur exécution, tout près du monument aux morts et de la Chapelle votive de Fleury.

Avant de procéder à l'inauguration de la stèle des fusillés
les personnalités sont venues se recueillir devant le monument aux morts de Fleury

La Chapelle votive de Fleury sur la façade de laquelle a été scellée en 1979
Notre-Dame de l'Europe qui appelle à la fraternité et à la paix

   La stèle des fusillés de Fleury a été réalisée par Paul FLICKINGER, artiste lorrain, qui a travaillé à partir d'un chapiteau de la crypte de la cathédrale de Verdun.

Le chapiteau de la cathédrale de Verdun
représentant une colombe et un homme agenouillé les yeux bandés

La stèle des fusillés de Fleury

Le jour de l'inauguration, on pouvait remarquer une légère fissre
à l'arrière gauche de la statue

A la mémoire de Pierre MILLANT
sous-lieutenant au 347e RI
Fusillé sans jugement le 11 juin 1916
dans le bois de Fleury devant douaumont
Réhabilité en 1926. Son corps a été exhumé
en 1919 et repose dans la nécropole nationale
de Douaumont tombe n° 6177

A la mémoire de Henri Herduin
sous-lieutenant au 347e RI
Fusillé sans jugement le 11 juin 1916
dans le bois de Fleury devant douaumont
Réhabilité en 1926.
Son corps a été exhumé en 1919
et repose dans le cimetière de l'Est à Reims

«... ceux qui furent exécutés alors ne s'étaient pas déshonorés, n'avaient pas été lâches mais simplement
ils étaient allés jusqu'à l'extrême limite de leurs forces. »

Nicolas Sarkozy
Président de la République
11 novembre 2008
Douaumont



Le sculpteur Paul Flickinger ( à gauche )
et le maire de Fleury-devant-Douaumont, Jean-Pierre Laparra,
devant la stèle des fusillés le 4 novembre 2009

      À l'issue de cette inauguration, à l'Abri du Pélerin situé à proximité de l'Ossuaire de Douaumont, ont été exposés des documents originaux concernant Henri HERDUIN et Pierre MILLANT. et trois peintures de Paul FLICKINGER.

Les trois peintures de Paul Flickinger représentant une colombe transpercée
par une balle qui tue en même temps un homme :
« Chaque fois qu'on fusille un homme, les droits de l'Homme sont mis à mal »

Extraits du feuillet individuel de campagne du sous-lieutenant Herduin,
15 ans de service et 11 campagnes en 1914

Promu sous-lieutenant à titre temporaire le 27 octobre 1914,
proposé pour son grade à titre définitif le 23 mai 1916

Acte de décès du sous-lieutenant Millant


La commémoration du 4 novembre
à Fleury-devant-Douaumont

Sur le blog du 347e RI

   Dans la sculpture comme dans les peintures de Paul FLICKINGER, on retrouve le symbole de la paix à travers la colombe stylisée et un homme aux yeux bandés, représentant un fusillé.
   Le message que l'artiste veut transmettre, c'est que chaque fois qu'on fusille un homme, les droits de l'homme sont mis à mal.

La Journée d'études sur " Les Fusillés de la Grande Guerre "
à Verdun le 10 novembre 2009

    Le 10 novembre, une Journée d'études consacrée aux Fusillés dans la Grande Guerre s'est tenue à Verdun au Centre Mondial de la Paix, à l'initiative du Centre de Recherche Universitaire Lorrain d'Histoire, de la Mission Histoire du Conseil Général de la Meuse et du Centre Mondial de la Paix de Verdun, au cours de laquelle j'ai présenté une contribution sur " L'Affaire Herduin-Millant. Lecture historique et dimension mémorielle ".

La journée d'étude sur " Les fusillés dans la Grande Guerre "
présidée par le professeur François Cochet le 10 novembre 2009 à Verdun
Séance du matin ( de gauche à droite ) :
Jean-Pierre Husson, Serge Barcellini, François Cochet, général André Bach


Les fusillés dans la Grande Guerre
Programme à télécharger au format pdf


11 juin 2016
Le centenaire de l'exécution des sous-lieutenants Herduin et Millant

   Le 11 juin 2016, la commune d'Ambazac et la Libre Pensée de la Haute-Vienne ont rendu un hommage solennel à la mémoire du sous-lieutenant MILLANT en déposant une plaque commémorative au pied du monument aux morts de cette commune où Pierre MILLANT est né en 1886, au Puy d'Henriat.

Pierre MILLANT
né le 13 novembre 1886
au Puy d'Henriat
( commune d'Ambazac )
Fusillé pour l'exemple
le 11 juin n1916
à Bois Fleury ( Meuse )
Réhabilité le 20 Mai 1926

   Le 12 juin 2016, à l'invitation de la section de Bagnolet-Les Lilas de la Ligue des Droits de l'Homme, le maire de Bagnolet, Tony DI MARTO, et le maire des Lilas, Daniel GUIRAUD, ainsi que les deux municipalités, ont commémoré le centenaire de la mort des sous-lieutenants Henri HERDUIN et Pierre MILLANT au cours d'une cérémonie organisée dans le Gymnase de l'école élémentaire Joliot-Curie de Bagnolet.
   À l'issue de cette cérémonie, une plaque commémorative a été dévoilée 55, rue René Alazard à Bagnolet, commune où Madame HERDUIN est venue s'installée pendant la 1ère guerre mondiale.

Photos Le Blog du 347e RI
http://347ri.canalblog.com )


11 novembre 2016
Hommage de la Ville de Reims au sous-lieutenant Herduin

   Le 11 novembre 2016, la Ville de Reims a rendu hommage au sous-lieutenant HERDUIN au cours de la cérémonie devant le monument aux morts.

   Cher sous-lieutenant Herduin, vous reposez dans une concession familiale du Cimetière de l'Est. Elle est par votre présence un reliquaire sacré, et par elle nous pouvons nous adresser à vous. Alors rappelez-nous votre histoire.

   Je suis né le 5 juin 1881 à Reims au 161, rue du Barbâtre. Je suis le 6e enfant d’une fratrie de huit, dont deux sont déjà décédés. À ma sortie de l’école primaire et comme le veut la tradition, je deviens ouvrier tisseur comme mon père. Le 27 octobre 1899, je m’engage pour 4 ans au titre du 8e Régiment d'Infanterie Coloniale. Nommé soldat de 1ère classe le 9 juillet 1900, je pars pour la Chine le 29 juillet 1900 en qualité de secrétaire des services administratifs du corps expéditionnaire. J’y reste sept ans, à la suite de quoi je reçois la médaille commémorative. Durant cette période, je me suis rengagé trois fois, j’ai obtenu mes galons de caporal en 1902, caporal-fourrier en 1903, sergent en 1905, au sein des 8e, 11e, puis 1er et enfin 8e Régiment d’Infanterie Coloniale.
   Je rentre en France en avril 1907.
   Le 11 mai de cette année 1907, j’épouse à Reims, ma chère Fernande Nivoix à l’occasion d’une permission. De notre union est né en 1912, notre fils Luc, mon petit Lulu.
   Le 24 décembre 1907, je suis affecté au 147e régiment d’infanterie de Sedan, au sein duquel je suis promu successivement aux grades de sergent-major en 1910, adjudant en 1911 et adjudant-chef le 1er février 1914.
   En juin 1914,  le 347e Régiment d’infanterie, régiment de réserve du 147e RI, est créé et j’y reçois ma nouvelle affectation. Mais suite à un accident je suis hospitalisé à Sedan. Des visites m’informent que des heures sombres se préparent.
   En effet arrive cette maudite journée du 2 août 1914, où j’entends, immobilisé sur mon lit d’accidenté, les cloches de Saint-Charles sonner le tocsin. Une agitation inhabituelle voit le jour dans le service, oui c’est la guerre.
   Le 25 août 1914, l’ennemi entre dans Sedan, les combats sont furieux, par l’afflux des blessés civils et militaires, je comprends la violence de la lutte alors bien que, diminué physiquement, je décide de traverser les lignes et rejoindre coûte que coûte ma famille à Reims.
   C’est ainsi que le 18 septembre, je réintègre mon régiment et prends part aux attaques pour dégager Reims dans le secteur du Linguet. Mes hommes participent aux travaux de défense de la ville, au creusement de tranchées, de boyaux et d’abris, sous le feu permanent de l’ennemi.
   Je suis promu sous-lieutenant en octobre 1914.
   Le 7 janvier 1915, je participe avec mon régiment à une attaque sans succès, ; nous perdons 200 hommes dont 120 tués.
   En avril 1915, je suis décoré de la Médaille militaire.
   Le 3 juin 1916, nous sommes portés sur Verdun, où je vais connaître une fin terrible après avoir tout donné pour vous rendre votre liberté.
   Nous montons en ligne le 5 juin 1916 au sous-secteur de Thiaumont. Suite aux tirs d’artillerie, le terrain est complètement bouleversé et les tranchées n’existent plus. Dans la matinée du 8 juin 1916 une violente attaque allemande se déchaîna sur nos lignes tenu par un bataillon. Nous nous accrochons au terrain, mais les pertes sont lourdes. À court de munitions et menacés d’encerclement, moi et le sous-lieutenant Millant, décidons de profiter de l’obscurité de la nuit pour nous replier avec notre quarantaine d'hommes et notre armement. Nous rejoignons le régiment voisin et nous nous adressons à l’officier commandant notre position, nous souhaitons intégrer son unité afin de poursuivre le combat, mais il refuse et nous renvoie à une mort inutile. Nous décidons alors de regagner Verdun. Le 11 juin après avoir donné  un peu de repos à nos hommes, nous remontons en ligne et rejoignons le Bois de Fleury où sont retranchés le capitaine Delaruelle et les rescapés du régiment. Malheureusement il vient de recevoir l’ordre signé du colonel Bernard de fusiller immédiatement Herduin et Millant pour abandon de poste. Je demande le rapport du général Boyer,  commandant la division, afin de m’expliquer. Le capitaine Delaruelle fait alors porter au général une lettre rédigée par mes soins et contenant les explications de notre retraite stratégique. Ce pli est accompagné d’une recommandation du capitaine Delaruelle soulignant ma bonne foi. Les messagers reviennent malheureusement avec ma lettre qui n’a pas été décachetée ainsi qu’avec le pli de capitaine Delaruelle sur lequel le colonel Bernard a écrit : « Pas d’observation. Exécution immédiate.

   L’heure fatale survient rapidement. Le peloton d’exécution est commandé par le capitaine Gude, qui est bouleversé par cette injuste besogne. Le sous-lieutenant Herduin, s’apercevant de son émoi, demande alors à commander lui-même le peloton.
Il le fait en ces termes :

« Mes enfants,
Nous ne sommes pas des lâches.
Il paraît que nous n’avons pas assez tenu.
Il faut tenir jusqu’au bout pour la France.
Je meurs en brave et en Français.
Et maintenant, visez bien !
En Joue ! Feu ! »

   Le 20 mai 1926, la Cour d'Appel de Colmar appelée à statuer sur le pourvoi en réhabilitation déposé par la Ligue des droits de l’homme, prononça un arrêt de réhabilitation posthume en faveur des sous-lieutenants HERDUIN et MILLANT.


Sources - Bibliographie - Sitographie

   Service historique de la Défense, DAT5 Ye 19310 et DAT 5 Ye 137705, dossiers personnels des sous-lieutenants Herduin et Millant. Ces deux officiers ayant été fusillés sans jugement, ne figurent pas dans les archives des conseils de guerre.

   Archives municipales et communautaires de Reims,
      - 2 W 4 et 11, registres des délibérations du conseil municipal de la Ville de Reims (12 décembre 1921 et 27 février 1925) ;
      - 115 W 33, remise du diplôme et de la médaille de Verdun à la famille du lieutenant Herduin.

   Archives départementales de la Marne,
   -  2 E 534/290, Reims, naissances 1881,
   -  1 R 1277, répertoire alphabétique des registres matricules, Subdivison de Reims, classe de recrutement 1901,
   - 35 M 22, cabinet du préfet, dénomination « Rue du Lieutenant Herduin ».

  Les Cahiers des droits de l’homme, revue de la Ligue des droits de l’homme :
   - n° 1, 10 janvier 1921 ;
   - n° 10, 25 mai 1921 ;
   - n° 14, 25 juillet 1921 ;
   - n° 22, 25 novembre 1921 ;
   - n° 2, 25 janvier 1922 ;
   - n° 11, 30 mai 1926.

   " Pierre Millant (1886-1916 ) ", sur le blog du 347e RI

    " Retrouver un visage : Henri HERDUIN ", sur le blog du 347e RI, 10 août 2011.

    " Henri HERDUIN : le portrait ", sur le blog du 347e RI, 14 avril 2012.

  Jean BERNIER, article « La mort du sous-lieutenant Herduin » in " Vraies et fausses erreurs judiciaires", Crapouillot ancien journal des tranchées, n° 50, octobre 1960.

  Roger BOUTEFEU, Les camarades : soldats français et allemands au combat 1914-1918, Paris , Fayard, 1966.
Dans un chapitre intitulé  " L’année 1916 ", cet ouvrage fait état du témoignage du caporal PERRIER, de la 23e compagnie du 347e RI qui a assisté à l’exécution de es sous-lieutenants Herduin et Millant, en croyant qu’ils avaient été condamnés par un conseil de guerre.

   Xavier DESBROSSE, " La mémoire du lieutenant Herduin. De l'oubli à la réhabilitation ", in Reims 14-18. De la guere à la paix, La Nuée bleue, 2013.

  Jean GALTIER-BOISSIÈRE et Daniel de FERDON, article « Herduin et Milan-Exécution sans jugement » , in " Les Fusillés pour l’exemple ", Crapouillot ancien journal des tranchées, n° spécial, août 1934, numéro saisi.

  Gilles MANCERON,

   - " Verdun 1916 : Henri et Pierre, officiers exécutés illégalement ", Rebonds, Libération, 11 novembre 2008.
Article mis en ligne sur le site de la section de Toulon de la Ligue des droits de l'homme.
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2952

   - " La mémoire des fusillés de la Grande Guerre ", Hommes et Libertés, n° 143, juillet-août-septembre 2008
Article mis en ligne sur le site de la Ligue des droits de l'homme
http://www.ldh-france.org/IMG/pdf/H_L143_Actu_6_La_memoire_des_fusilles.pdf

   Jean-Yves LE NAOUR, " L'honneur de deux lieutenants ", L'Histoire, n° 349, janvier 2010.

   Nicolas OFFENSTADT, Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective ( 1914-1999 ), Paris, éditions Odile Jacob, 1999.

  Daniel PELLUS,
" 1916 - Pour le Rémois Henri Herduin : l’exécution sommaire ", in Les procès scandaleux en Champagne, Amiens, Martelle Éditions, 1995 ;
- " 1921 - L’hommage de la ville à un « fusillé pour l’exemple » : le lieutenant Herduin ", in Reims, un siècle d’événements 1900-2000, Fradet, 2001.

  R. G. RÉAU, Les Crimes des Conseils de Guerre, éditions du Progrès civique, Paris,1925.
L’auteur tout en relevant que les sous-lieutenants Herduin et Millant n’ont pas été jugés par un conseil de guerre et que leur affaire sort du cadre de son ouvrage, a fait néanmoins le choix de leur consacrer un chapitre entier.
Hebdomadaire parisien fondé le 1er mai 1919 par Henri DUMAY, Le Progrès civique comptait parmi ses rédacteurs Ferdinand BUISSON, fondateur et président de la Ligue des droits de l’homme.

  Jean-Yves SUREAU, " Rue du Lieutenant Herduin ( 1925 ) ", in Les rues de Reims, chez l’auteur 48, rue Clovis, Reims, 2002.

Menu

© CRDP de Champagne-Ardenne, 2000-2016
Tous droits de traduction, de reproduction
et d'adaptation réservés pour tous pays.