Gouverner par l'image
Première générale et technologique
Portraits de chefs d’État pour traiter l’histoire du XIXe siècle politique.
A partir des ressources d’éduthèque ( et notamment du site « l’Histoire par l’image » ), la démarche se propose de comparer les portraits officiels des chefs d’Etat au XIXe siècle, l’objectif étant de rendre palpables les évolutions politiques postrévolutionnaires.
1) Le site éduthèque (https://www.edutheque.fr) propose de très nombreuses ressources. L’accès à ces ressources est gratuit pour les enseignants du premier et du second degré sur inscription.
Il s’agit d’un portail qui agrège le contenu de sites internet en lien avec le ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse mais aussi celui de la Culture. Le site permet d’accéder rapidement aux ressources des grandes institutions publiques à caractère culturel et scientifique. En tout, la plate-forme regroupe (en 2020) 28 partenaires. Pour le sujet traité dans cet exemple, on peut citer notamment « Le centre des monuments nationaux », le « château de Versailles », Lumni, le musée du Louvre, Europeana, Panorama de l’Art et la BNF. Les analyses de « l’Histoire par l’image » sont par ailleurs naturellement particulièrement intéressantes pour l’enseignement de l’histoire.
« L’Histoire par l’image » est un site d’analyse d’images couvrant une période allant du XVIIe siècle à 1945. Le site offre des ressources très variées classées chronologiquement et thématiquement. Pour chaque image, des spécialistes explicitent dans un format adapté à la navigation en ligne, le contexte historique, une analyse de l’image et une interprétation de celle-ci.
Néanmoins, ce site – si riche soit-il – n’épuise pas le champ des possibles : l’offre d’éduthèque est bien plus variée. Le diaporama présente un exercice proposé par le château de Versailles sur un portrait royal de Louis XV. A l’aide d’effets visuels, l’élève peut mettre en relation différentes parties de l’image (comme la tenue de sacre,les attributs du pouvoir ou le décor) et des connaissances.
Eduthèque est donc un site de référence qui allie qualité et quantité. S’il offre de nombreuses opportunités pédagogiques pour la classe, il ne faut oublier que c’est aussi, en amont, un moyen pour les enseignants de se former.
2) Sur le site de l'Histoire par l'image : l’Histoire par l’image, 3 albums permettent d’accéder aux différents portraits :
- « Portraits en costume de sacre : de Louis XVI à Charles X » par Delphine Dubois
en janvier 2006.
https://histoire-image.org/fr/etudes/portraits-costume-sacre-louis-xvi-charles-x
- « Portraits officiels : Louis-Philippe et Napoléon III » par Delphine Dubois en
janvier 2006
https://histoire-image.org/fr/etudes/portraits-officiels-louis-philippe-napoleon-iii
- « Redécouvrons... les présidents de la IIIe République »
https://histoire-image.org/fr/albums/redecouvrons-presidents-iiie-republique
La comparaison proposée utilise une sélection de 4 portraits :
Pour la période de la Restauration, Charles X (1824-1830)
Pour la monarchie de Juillet, Louis-Philippe (1830-1848)
Pour le Second Empire, Napoléon III (1851-1870)
Pour la 3e République, Jules Grévy (1879-1887)
3) Comment évolue l’image des « gouvernants » de Charles X à Jules Grévy ?
Le portrait de chef d’Etat est un exercice codé qui « crée » (ou conforte) l’image publique du dirigeant. Quels codes iconographiques sont utilisés pourincarner le pouvoir ?
Portrait de Charles X |
La comparaison montre que les portraits des rois Charles X et Louis-Philippe comme de l’empereur Napoléon III empruntent beaucoup à un modèle : le portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud (1701). Les grands symboles monarchiques du
pouvoir donnent au roi son rayonnement : il s’agit des attributs traditionnels du pouvoir royal appelés les regalia. Ce sont les insignes royaux.
On peut voir sur les images les symboles de l’exécutif : la couronne et le sceptre (aussi appelé « le bâton de commandement »). Les autres insignes royaux sont notamment la main de justice, l’épée, les gants et l’anneau. Le trône fait aussi partie des attributs royaux.
De ce point de vue, le portrait de Jules Grévy marque une rupture. On ne peut s’en étonner quand on sait que la source de la légitimité du pouvoir en république est l’élection : le dirigeant qui occupe la fonction suprême est désormais élu. Le portrait officiel devient en conséquence plus « neutre ».
Cependant les quatre portraits ont un point commun : ils représentent des hommes qui doivent inspirer confiance aux Français. Les portraits en pied soulignent la stature des gouvernants. L’uniforme comme le décor signalent la distinction de ces hommes.
En apparence, le portrait de Jules Grévy et son « plan américain » [= le cadrage fait que le personnage représenté est coupé au niveau des cuisses] s’écarte de cette tendance. Cependant, paradoxalement, le « zoom » sur le président a pour effet de renforcer son charisme. La couleur noire qui l’entoure accentue aussi la focalisation sur l’homme, abstraction faite du contexte.
Les points communs ne doivent pas faire oublier l’évolution à l’oeuvre tout au long du siècle. Le portrait de Charles X insiste sur les points communs entre le souverain de la Restauration et le portrait de Louis XIV, symbole de l’Ancien Régime.
Le sacre du roi le 29 mai 1825 en la cathédrale de Reims avait la même intention de démontrer la continuité monarchique. Le fait de porter le long manteau fleurdelysé
démontre aussi la volonté royale d’ignorer l’épisode révolutionnaire.
Portrait de Louis Philippe |
Portrait de Napoléon III |
Les portraits de Louis-Philippe et de Napoléon III sont deux manières de chercher un compromis entre passé et présent. Les deux souverains s’affichent en uniforme militaire et portent les insignes de grand maître de la légion d’honneur. La
couleur rouge prédomine. Tous ces points peuvent être mis en relation avec l’épisode napoléonien. En effet, le rouge est la couleur des empereurs romains. Napoléon est
le créateur de l’ordre de la légion d’honneur. Dans le cas de Napoléon III, le trône et le manteau rappellent celui de son oncle.
Louis-Philippe et Napoléon III se font représenter tous les deux avec les regalia monarchiques. La couronne est bien visible ainsi que la main de justice. Relativement proches par le style, les deux images révèlent néanmoins des positionnements politiques différents. Si on regarde attentivement, on voit que Louis-Philippe a la main posée sur la Charte de 1830. C’est un moyen de rappeler l’engagement inaugural de son règne : il est arrivé au pouvoir après le soulèvement parisien de juillet 1830 (les « Trois Glorieuses »). Il garantit alors, dans un contexte révolutionnaire, l’apaisement par le respect du texte constitutionnel ; Louis-Philippe se distinguait ainsi de son prédécesseur, Charles X, en promettant de se montrer politiquement « libéral ». Entre contrôle constitutionnel et faste royal, le roi exprime, par l’image, son projet (orléaniste) d’une monarchie « à l’anglaise ». Napoléon III en propose un autre. Il s’est concrétisé avec le coup d’Etat du 2 décembre 1851. L’empereur se présente comme l’homme qui fait la synthèse des courants politiques hostiles à la république (1848-1851). Son portrait comporte en effet des symboles qui font référence à Napoléon (la ressemblance physique, le trône, le rouge) et à la monarchie (les regalia et le long manteau d’hermine). Cela peut plaire autant à des bonapartistes qu’à des monarchistes (favorables au « parti de l’Ordre »).
L’empereur cherche à rassembler autour de sa personne tous les Français attachés au principe d’autorité.
Portrait de Jules Grévy |
Comme nous l’avons déjà remarqué, l’image de Jules Grévy est très différente. On comprend spontanément qu’elle incarne une forme de modernité politique.
La sobriété est très grande. Le blanc et le noir dominent. Le costume est sansostentation. Le président de la République semble avoir été dérangé dans son travail. Il est représenté debout au coin de son bureau.
Ce basculement iconographique s’explique par l’avènement de la république. Puisque les présidents de la République sont appelés à se succéder (du fait du principe électif), l’important devient la fonction présidentielle elle-même. Jules Grévy ne cherche pas à donner l’image d’un homme exceptionnel : l’essentiel est ailleurs. Ce qui est souligné, c’est qu’il remplit avec sérieux et gravité le mandat (temporaire) que
la nation française lui a confié.
Ce type de portrait « républicain » devient une nouvelle norme. Pourtant la modernité continue à la fin du XIXe siècle à bousculer les portraits officiels. En effet, ce portrait peint de Grévy a été photographié afin d’être plus rapidement dupliqué et
diffusé dans les mairies de France. Ensuite, probablement à l’occasion de son second mandat, Jules Grévy reproduit le portrait de 1879. Mais, cette fois-ci, il pose pour un photographe. Tous ses successeurs utilisent cette technique jusqu’à aujourd’hui.
Utilisation pédagogique de ce parcours :
Le parcours a été imaginé pour la classe de Première (lycée). Cependant il est possible aussi de l’utiliser au collège en classe de 4e (thème 3) comme à l’école élémentaire en cycle 3 (niveau CM1 et CM2 notamment).
Ce travail est pensé comme une boîte à outils pour les enseignants.
Ressources à télécharger :
Le diaporama avec les portraits
Le texte de la conférence de Xavier Desbrosse, Lycée Pierre Bayen, Châlons-en-Champagne, dans le cadre des Rendez-vous de l'Histoire. le 10 octobre 2020
sources des images : Toutes les images de cet article et du diaporama sont extraites du site éduthèque et la majeure partie du site l'Histoire par l'image (tous les portraits).
Une seule image vient d'un autre site : il s'agit de la dernière photographie du diaporama, trouvée sur le site vie-publique.fr https://www.vie-publique.fr/catalogue/24009-portrait-officiel-de-m-jules-grevy-president-de-la-republique-francaise