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La reconstruction :
l'exemple de Reims

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   A la fin de la 1ère guerre mondiale, Reims était une ville détruite à environ 60 %, qui avait été vidée de sa population civile évacuée en mars 1918.

La rue Gambetta et la cathédrale à la fin du conflit.


1/ L'héroïsation de la « ville martyre »

   Lorsqu'en juillet 1919, le président de la République, Raymond POINCARE, est venu remettre la Légion d'honneur et la Croix de guerre à la ville des sacres érigée
en « ville martyre », 25 000 Rémois seulement avaient pu se réinstaller dans la ville, alors que sa population s'élevait à environ 120 000 habitants en 1914.

   À la ville martyre qui a payé de sa destruction la rage d'un ennemi impuissant à s'y maintenir.
   
Population sublime qui, à l'image d'une municipalité modèle de dévouement et de mépris du danger, a montré le courage le plus magnifique en restant pendant plus de trois ans sous la menace constante des coups de l'ennemi et en ne quittant ses foyers que sur ordre.

   Dans ce contexte la reconstruction de Reims est devenue une priorité et en même temps un enjeu politique, économique et financier qui a marqué profondément et durablement la ville.
    Avant de reconstruire, il fallait d'abord repérer et désamorcer les obus qui n 'avaient pas explosés, puis déblayer les ruines.
    La priorité fut donnée au déblaiement et à la reconstruction des bâtiments destinés aux services publics et aux commerces d'alimentation, et à la remise en état des maisons d'habitation endommagées sans avoir été détruites.
   La reconstruction des maisons d'habitation ne fut véritablement engagée qu'à partir du début des années 1920.
   Celle des monuments, confiée à l'architecte en chef des Monuments historiques, Henri DENEUX, donna lieu à de longs travaux préparatoires d'inventaire des dégâts et de fouilles archéologiques.
   Selon Paul MARCHANDEAU qui a été à partir de 1925 le maire de la ville, les baraquements provisoires en planches édifiés près de la gare dans une vaste zone de jardins publics appelée Les Promenades, donnaient à Reims « un aspect semblable aux cités du Transvaal ou du Colorado quand on découvre un filon ».

2/ Le Retour à Reims

   L'œuvre du Retour à Reims est fondée, le 17 janvier 1919, par la comtesse de Mun.
   Le Retour à Reims distribue aux arrivants du linge, des matelas …
   À partir du 10 février, il procure gratuitement du mobilier pour les veuves dans le besoin, les familles nombreuses, les vieillards, les malades.
   Les autres personnes peuvent louer objets et meubles, pour une durée de trois mois.
   Le Retour à Reims participe également à l'organisation de quatre cantines populaires
.

Les Rémois en 1918 de l'évacuation au retour,
Ville de Reims-Direction de la culture, 1998.

3/ Une ville en chantier

   Dès 1915 des architectes avaient commencé à réfléchir aux problèmes de la reconstruction de la ville de Reims.
   A la fin du conflit, un premier concours d'architectes fut rejeté par la Commission départementale des Plans des villes et villages.
   La municipalité élue en novembre 1919 et son maire Charles ROCHE firent appel au major de l'armée américaine Georges B. FORD. Celui-ci élabora un plan de reconstruction ambitieux qui fut adopté en avril 1920.
   Dans les quatre cantons rémois, furent mises en place des commissions d'experts chargées d'évaluer les dégâts subis.
   Au total, 41 000 dossiers ont été instruits ; 13 000 dossiers concernaient des immeubles et 28 000 du mobilier ou des marchandises.
   Les sinistrés pouvaient se faire assister par un architecte ou par un représentant de la société coopérative de reconstruction dont ils étaient adhérents.

Les Rémois en 1918 de l'évacuation au retour,
Ville de Reims-Direction de la culture, 1998.

   Marcel DÉAT qui a été, dans les années 1920, conseiller municipal de Reims et député socialiste de la Marne, a décrit la ville en chantier qu'il a découverte en octobre 1922, lorsqu'il fut nommé professeur de philosophie au lycée de Reims :

   C'était un hérissement d'échafaudages, et partout des compagnons qui [...] travaillaient dur, raclaient à grand bruit la pierre ou alignaient des briques, tandis que tombereaux et camions cahotaient lourdement sur les pavés disjoints.
   Par temps sec, une poussière impalpable et âcre envahissait l'atmosphère et saupoudrait la ville ; dès qu'il pleuvait, une boue blanchâtre et poisseuse recouvrait les rues et éclaboussait les vêtements en y laissant des taches grasses et indélébiles.
   Des maisons toutes neuves surgissaient un peu partout, dominées par la masse de quelque énorme immeuble, magasin ou édifice officiel, tandis que d'autres attendaient leur tour, provisoirement rafistolées [...]
   Des espaces vides laissaient dangereusement béer des caves transformées en pièges à ivrogne [...]
   Tout un village de baraquements couvrait les grandes allées de chaque côté de la gare [...]
   La spéculation sur les dommages de guerre menaçait d'abandon des espaces autrefois construits, tandis qu'elle faisait surgir d'immenses bâtisses commerciales hors de proportion avec le marché local, et que, des urbanistes improvisés construisaient en des quartiers excentriques des cités-jardins de belle apparence, au détriment d'un centre à demi vidé de sa population.

Marcel DÉAT, Mémoires politiques, Paris, Denoel, 1989.

4/ Les cités-jardins

   Le Plan Ford prévoyait de créer une douzaine de cités-jardins reliées entre elles par une ceinture verte de parcs destinés à séparer les quartiers d'habitation des zones industrielles.
   La plus complète de ces cités-jardins est celle du Chemin-Vert réalisée pour le Foyer Rémois par les architectes Jean-Marcel AUBURTIN et Emile DUFAY-LAMY entre 1920 et 1924 :

   Créé en 1912, le Foyer Rémois , après les hostilités, conçut un vaste programme de constructions où figurent en bonne place les projets de cité-jardin.
    Celle du Chemin-Vert s'organise autour de quatre principes :
       - la disposition autour d'un vaste espace commun de tous les services importants ( maison commune, écoles primaires et école ménagère, crèche, église, magasins ) ;
        - le marquage des limites de la cité ;
        - la relation avec la cathédrale ;
        - l'élaboration de 14 types d'habitations qui répondent à la variété des situations rencontrées.
   La majeure partie des maisons comprend quatre pièces habitables d'environ 14 m2 chacune, une buanderie, des wc, une cave et un grenier.
   Le jardin de 300 m2 possède un petit hangar faisant office de poulailler ou clapier.     

   617 logements locatifs :
         - 594 logements ordinaires ;
         - 13 habitations avec magasins ;
         - 10 « particuliers » ;
         - 14 types de maisons groupées en bandes, jumelées ou isolées ( 371 bâtiments ).

Olivier RIGAUD et Marc BEDARIDA, Reims Reconstruction 1920-1930,
Ville de Reims, 1988.

5/ Une reconstruction confiée à des hommes de l'art
mais coûteuse et inachevée

   Sur les 6 500 permis de construire instruits par les services municipaux entre janvier 1920 et décembre 1930, les trois quarts portent la siganture d'une homme de l'art.
   325 agences sont ainsi répertoriées pour au moins un permis.
   Cela signifie qu'un architecte sur quinze ayant exercé en France à cette époque a effectué au moins un projet à Reims. [...]
   L'architecture de cette reconstruction, malgré l'utilisation de matériaux modernes comme le béton armé, reste souvent traditionnelle, faisant référence à l'architecture classique, voire à l'architecture des maisons en pans de bois qui ont disparu dans la tourmente. [...]
   Dans les années 20, le bâtiment permet encore de faire intervenir même sur des constructions modestes toute une série d'artistes : sculpteurs ( bas-reliefs notamment ), ferronniers, mosaïstes, maîtres verriers, stucateurs et peintres qui donnent à ces constructions le caractère art-déco marquant fortement cette période. [...]

   Si l'effort de reconstruction a été exceptionnel les premières années, il se heurte ensuite à un problème financier.
   Du fait de l'inflation, les crédits dommages de guerre calculés en francs 1914 ne permettent plus la réalisation de programmes importants à partir de 1926.
   Les conséquences en sont un arrêt brutal de la construction et la réalisation de programmes de plus en plus réduiits : suppression d'un ou plusieurs étages pour rester dans l'enveloppe financière de départ.

   De nombreux terrains même en plein centre ville resteront vides formant autant de dents creuses dans le tissu urbain. Certaines de celles-ci marquent encore fortement l'image de la cité actuelle.

Olivier RIGAUD et Marc BEDARIDA, Reims Reconstruction 1920-1930,
Ville de Reims, 1988.

 

La renaissance de la ville des sacres vue par le dessinateur Benito
in Robert BURNAND, Reims La cathédrale, Berger-Levrault, sans date ( vers 1920 ? )

   La reconstruction de la ville de Reims a été difficile, longue et coûteuse.
   Elle a bénéficié d'aides extérieures.
   La solidarité nationale s'est exprimée à travers des parrainages d'autres villes comme Bergerac, et des souscriptions lancées dans la presse nationale.
   Elle s'est appuyée aussi sur le mécénat international essentiellement américain : la fondation Carnegie a financé le reconstruction de la bibliothèque municipale ; la fondation John D. Rockfeller celle de la charpente de la cathédrale ; les familles de soldats américains tués en France pendant la guerre, ont parrainé la construction d'un hôpital pour enfants dans le quartier Maison Blanche.
    A la fin des années 1920, la reconstruction des bâtiments publics et des immeubles ou maisons d'habitation était achevée pour l'essentiel.
   Celle des monuments religieux a été nettement plus longue.
   L'achèvement de la restauration de la cathédrale n'a été célébré qu'en 1938 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, celle de la basilique Saint-Remi seulement en 1958.
   Quant à la reconstruction du clocher de l'église Saint-Jacques, elle n'a été achevée qu'en 1994.

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