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L'instauration de cette journée en 2006
C'est
à la demande du président de la République, Jacques
CHIRAC, que le 10
mai a été déclaré
à
partir de 2006, Journée
de commémoration nationale des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage
et de leurs abolitions.
La date du 10 mai qui correspond à la date de l’adoption définitive par le Sénat le 10 mai 2001 de la Loi n° 2001-434 dite loi Taubira reconnaissant la traite et l’esclavage comme un crime contre l’humanité, a été choisie sur proposition du Comité pour la Mémoire de l’esclavage, groupe d'experts présidé par la romancière guadeloupéenne Maryse CONDÉ.
Cette date a été cependant contestée par plusieurs associations de descendants d’esclaves antillais, guyanais et réunionnais regroupées autour du Comité Marche du 23 mai 1998, qui demandaient que le 23 mai soit adopté au titre de « Journée nationale des victimes de l’esclavage », considérant que cette date trouvait sa légitimité dans trois faits historiques exposés sur le site Afrik.com :
Le 23 mai 1848, au lendemain de la révolte des esclaves martiniquais, le gouverneur de l’île fut obligé d’abolir l’esclavage sans attendre l’arrivée du décret rédigé par Victor Schœlcher.
Le 23 mai 1998 eut lieu une grande marche, à Paris, en mémoire des victimes de l’esclavage colonial. Elle a rassemblé 40 000 personnes, en majorité des descendants d’esclaves qui, pour la première fois, rendaient collectivement hommage à leurs aïeux.
Trois ans plus tard, le 23 mai 2001, fut promulguée au Journal Officiel la loi Taubira qui faisait de l’esclavage et de la traite négrière un crime contre l’humanité.
[...] dans la revendication du 23 mai, c’est le souvenir des esclaves, les victimes, qui est mis en avant et que l’on demande d’honorer. Tandis que dans la date du 10 mai, c’est la grandeur et la générosité du législateur français qui a aboli l’esclavage en 1848 et reconnu qu’il s’agissait d’un crime contre l’humanité en 2001 qui sont portés aux nues.
La France peut-elle se vanter d’avoir aboli un système qu’elle a elle-même institué ?
La journée commémorative du 10 mai a fait
l'objet d'une note de service publiée sous forme d'un encart au BO
n° 16 du 20 avril 2006 adressée aux
rectrices et recteurs dacadémie, au directeur de lacadémie
de Paris, aux inspectrices et inspecteurs dacadémie,
directrices et directeurs des services départementaux de lÉducation
nationale.
Cette note de service revient sur l'engagement du
Chef de lÉtat affirmant le 30
janvier 2006 qu« au-delà
de labolition, cest aujourdhui lensemble de
la mémoire de lesclavage longtemps refoulée qui
doit entrer dans notre histoire : une mémoire qui doit être
véritablement partagée », en appelant à la responsabilité de léducation
nationale, et demandant quau-delà de cette commémoration,
« lesclavage devait trouver
sa juste place dans les programmes de léducation nationale
à lécole primaire, au collège et au lycée ».
Elle renvoie à la circulaire
n° 2005-172 du 2 novembre 2005, publiée
au BO n° 41 du 10 novembre 2005,
qui sous le titre " Devoir de mémoire - Mémoire
de la traite négrière, de lesclavage et de leurs
abolitions ", invitait « les
rectrices et recteurs dacadémie à sensibiliser
tous les acteurs du monde éducatif à la mise en uvre
de projets relatifs à lesclavage, à la traite
et à leurs abolitions, dans le cadre des enseignements et des
actions éducatives ».
En annexe, sont joints sans commentaire, sept extraits de textes empruntés à Jacques-Henri
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE,
CONDORCET,
Léon-Gontran DAMAS,
Léopold Sédar SENGHOR,
Aimé CÉSAIRE et LECONTE DE LISLE.
La commémoration du 10 mai 2007
Le 10 mai 2007, au lendemain de son élection à la présidence de la République, Nicolas SARKOZY a invité le président sortant, Jacques CHIRAC, à participer à ses côtés à une cérémonie au cours de laquelle a été inaugurée au Jardin du Luxembourg, une sculpture représentant une chaîne brisée.
À cette occasion, le journal en ligne Afrik.com s'interrogeait sur les intentions affichées du nouveau président de la République en matière de politique mémorielle en ces termes :
Contrairement à Jacques Chirac, qui a voulu faire du « devoir de mémoire » un axe fort de ses deux mandatures, Nicolas Sarkozy paraît, de prime abord, bien moins tenté que lui de regarder les blessures du passé.
En effet, en abordant les questions de l’esclavage et de la colonisation, qui sont loin d’être les pages les plus glorieuses de l’Histoire de France, il est difficile de faire l’économie des débats sur la repentance et les réparations.
Or, Nicolas Sarkozy a maintes fois dénoncé « la mode exécrable » de la « repentance » qui « exige des fils qu’ils expient les fautes supposées de leurs pères et de leurs aïeux ».
Ainsi, à peine élu, le 6 mai dernier, dans son discours à la Salle Gaveau il déclarait que pour « rendre aux Français la fierté d’être Français », il voulait « en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres
[...] En dépit de l’appréhension que lui procure ces sujets, Nicolas Sarkozy, au cours de sa campagne électorale, s’est rendu compte que la revendication du 23 mai était extrêmement populaire chez les personnes originaires de l’Outre-mer vivant en Métropole. Soucieux de répondre à leurs attentes et de gagner leurs voix, il a organisé un meeting le samedi 31 mars 2007, à l’Hôtel Méridien Montparnasse, à Paris, au cours duquel il leur a affirmé que « le devoir de mémoire est, à [ses] yeux, important. Il permet de construire l’avenir sur de nouvelles bases. » Puis, après avoir salué l’initiative de Jacques Chirac instituant le 10 mai, il a déclaré : « je sais qu’il y a d’autres dates importantes pour les domiens de métropole concernant la mémoire de l’esclavage, comme par exemple celle du 23 mai. Je saurai, le moment venu, faire inscrire dans l’Histoire ces dates importantes. » Simple promesse électorale sans lendemain ou engagement d’un homme qui aime à répéter qu’il fait ce qu’il dit ? L’avenir le dira.
La commémoration du 10 mai 2008
Le 10 mai 2008, le président SARKOZY, dans un discours prononcé au Jardin du Luxembourg devant le monument qu'il avait inauguré en 2007, a annoncé que, dès la rentrée 2008-2009, l'étude de l’esclavage serait inscrite dans le programme de l’école primaire française et que l'étude des oeuvres d’Aimé CÉSAIRE serait introduite dans les nouveaux programmes du collège et du lycée.
L’esclavage a été une tragédie, une tragédie qui a meurtri durablement des continents entiers. L’esclavage est une blessure. C’est une blessure profonde qui pèse encore sur nos consciences et les mémoires portent le poids de cette histoire [...]
Cette histoire doit être inscrite dans les manuels scolaires afin que nos enfants puissent comprendre ce qu’a été l’esclavage, afin que nos enfants puissent mesurer les souffrances que l’esclavage a engendré, les blessures qu’il a laissées dans l’âme de tous ceux que rien ne peut délier de ce passé tragique [...]
Cette déclaration pouvait laisser croire que rien n'avait été fait auparavant dans ce domaine.
Cependant, l'article 2 de la loi Taubira de 2005 affirmait déjà :
Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent.
La coopération qui permettra de mettre en articulation les archives écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, dans les Amériques, aux Caraïbes et dans tous les autres territoires ayant connu l'esclavage sera encouragée et favorisée.
De même, la circulaire
n° 2005-172 du 2 novembre 2005, publiée
au BO n° 41 du 10 novembre 2005, avait développé en trois points les différentes dispositions pédagogiques qui pouvaient être désormais entreprises :
1/ Les enseignements
De l’école primaire jusqu’au lycée, les programmes d’enseignement se prêtent à une présentation diversifiée de ce sujet. Ceux d’histoire-géographie, principalement en classe de 4ème et de première, offrent aux professeurs la possibilité de donner aux élèves de solides connaissances sur la traite négrière, l’esclavage et les révoltes qui ont précédé son abolition définitive.
Par ailleurs, les enseignements d’éducation civique, de lettres, de philosophie, de langues étrangères ou encore d’éducation musicale et d’arts plastiques permettent des éclairages nombreux et variés.
Les approches transversales, au croisement des dimensions historiques, linguistiques, littéraires et artistiques, sont par ailleurs les bienvenues. Le thème de l’esclavage pourra ainsi être abordé, par exemple, dans le cadre d’une réflexion pluridisciplinaire sur les droits de l’homme ; ou encore celui de l’apport créatif des cultures métisses par le biais d’un projet d’éducation artistique et culturelle.
2/ Les actions éducatives
Les maîtres du primaire et les professeurs de toutes les disciplines dans l’enseignement secondaire sont invités à se saisir de cette question pour proposer aux élèves diverses activités à l’occasion de journées de commémoration, de classes culturelles à thèmes ou d’expositions. Ils pourront inscrire la journée internationale pour l’abolition de l’esclavage (le 2 décembre) dans un projet structuré conduit tout au long de l’année autour de grandes thématiques fédératrices (droits, mémoire, solidarité, etc.). Pour les aider, des outils pédagogiques seront disponibles en ligne
Les sujets de l’esclavage, de la traite négrière et de la colonisation feront l’objet d’ateliers spécifiques dans le cadre d’un séminaire de formation intitulé “Comment dire ? Comment faire ? Quelles pratiques pour enseigner des questions sensibles dans une société en évolution ?”, qui se tiendra les 14 et 15 décembre 2005. En outre, un colloque pluridisciplinaire spécifique sera organisé. Il aura pour objectifs, d’une part de renouveler le regard scientifique sur le sujet et d’autre part de consolider les pratiques pédagogiques.
3/ La mise en valeur des actions engagées
Les académies sont invitées à valoriser les initiatives locales. Elles veilleront notamment à signaler les meilleures réalisations au titre de la mémoire de la traite négrière et de l’esclavage dans le cadre du Prix des droits de l’homme- René Cassin qui, outre les contributions des équipes autour du thème choisi annuellement, peut également récompenser des projets ou des actions concrètes réalisés dans les écoles et les établissements [...]
Mais il est vrai qu'en mai 2006, 40 députés UMP avaient réclamé l'abrogation de l'article 2 de la loi Taubira, dans une lettre adressée à Jacques CHIRAC, et qu'en avril 2007 un projet d'arrêté prévoyait sous couvert de simplification des programmes de l'enseignement primaire et de retour aux fondamentaux, de faire disparaître la mention de l'esclavage, projet dénoncé alors par François DURPRAIRE, président de l'Institut des diasporas noires francophones, qui soulignait que l’esclavage était inscrit depuis 2002 dans les programmes de deux classes du primaire, le CM1 et le CM2.
Nicolas SARKOZY a également annoncé dans ce même discours du 10 mai 2008, que, conformément à l'engagement qu'il avait pris le 10 mai 2007, le 23 mai serait « une journée commémorative pour les associations qui regroupent les Français d’Outre-mer de l’hexagone et qui souhaitent célébrer le passé douloureux de leurs aïeux ».
La commémoration du 10 mai 2009
La note de service publiée au BO n° 8 du 19 février 2009 et adressée sous le titre " Devoir de mémoire - Mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions " aux
rectrices et recteurs dacadémie, au directeur de lacadémie
de Paris, aux inspectrices et inspecteurs dacadémie,
directrices et directeurs des services départementaux de lÉducation
nationale, réaffirme que « l'acquisition des savoirs indispensables à une pleine compréhension de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions s'inscrit dans la mission d'éducation », que « cette mémoire participe en effet à la formation d'esprits éclairés et de citoyens responsables en favorisant la construction d'une pensée tolérante et ouverte à autrui », et qu'« elle participe à l'éducation aux droits l'homme et à la prévention des crimes contre l'humanité ».
Elle revient sur les origines de cette journée et appelle l'ensemble de la communauté éducative « à s'associer aux nombreuses manifestations publiques qui sont organisées sur le territoire national à cette occasion ».
Elle demande aux enseignants d'utiliser d'abord les programmes, en particulier ceux d'histoire, pour aborder le sujet, et les invite aussi
à recourir aux « approches transversales, au croisement des dimensions historiques, linguistiques, littéraires et artistiques ».
À l'approche de la commémoration du 10 mai 2009, dans une interview recueillie par Josyane SAVIGNEAU et publiée dans Le Monde du 25 avril 2009 sous le titre " L'esclavage, une histoire qui concerne la nation entière ", l'historien Marcel DORIGNY est revenu sur les polémiques concernant la mémoire du passé esclavagiste de la France.
Membre du Comité institué par la loi Taubira de 2001 pour choisir un date métropolitaine de commémoration, il a déclaré qu'à titre personnel il avait proposé non pas le 10 mai, mais le 4 février, « date de la première abolition, en 1794 », et il a défendu le maintien de cette journée nationale liée à « une longue histoire » concernant « la nation toute entière » que le rapport Kaspi a classé parmi les commémorations « locales ou communautaires ».
Travaillant sur l'histoire de l'esclavage et de son abolition depuis plus de 20 ans, Marcel DORIGNY s'est appliqué à expliquer la contradiction de la Révolution française qui « a proclamé les Droits de l'Homme dès août 1789, mais n'a pas aboli immédiatement l'esclavage »,
Il rappelle que « l'esclavage a été une pratique universelle, qui n'a pas été inventée par les Européens en 1492 », mais il se refuse « à mettre les trois traites négrières – intra-africaine, orientale et coloniale européenne – sur le même plan, alors que leur durée et leurs conséquences ne sont pas de même nature », et il considère que le rôle de « l'argent de la traite » a été sous-estimé.
Soulignant le paradoxe d'une histoire de l'esclavage « peu connue du grand public », « longtemps peu enseignée » alors que « la recherche savante est très importatnte », il se réjouit de constater des changements tant en ce qui concerne la « transmission entre recherche et " grand public " », que « dans les manuels scolaires et dans les directives de l'Éducation nationale ».
Marcel DORIGNY et Max-Jean ZINS ( sous la direction de ),
Les Traites négrières coloniales. Histoire d'un crime,
Paris, Éditions Cercle d'Art, 2009
Ressources
en ligne
Bulletin officiel n° 16 du 17 avril 2014
Journée nationale des mémoires de la traite, de l'escalavage et de leurs abolitions
éduscol
Canopé_Reims
Dossiers
présentés par Jean-Pierre
HUSSON
sur le site « Histoire et mémoires » du CRDP de Champagne-Ardenne
Le
rôle des enseignants dans la transmission de la mémoire
et la portée des commémorations dans les classes
La
loi Taubira et les lois mémorielles
Combattre
le racisme et l'antisémitisme à l'école
Les abolitions de l'esclavage
Ministère de la culture et Archives nationales d'outre mer
Comité
National pour la Mémoire et l'Histoire de l'esclavage
Commémoration du 10 mai
Sur le site du Comité institué par décret
de janvier 2004
en application de la loi adoptée le 10 mai 2001
qualifiant la traite négrière et lesclavage de
crime contre lhumanité
Site du Cidem
Civisme et démocratie
" Mémoire de la traite négrière,
de l'esclavage et de leurs abolitions "
Bulletin de liaison en ligne
des professeurs d'histoire-géographie
de l'Académie de Reims
Les
abolitions françaises de l'esclavage ( 1789-1848 ) - 1ère
partie
par Dominique
CHATHUANT, n° 14, janvier 1998
Les
abolitions françaises de l'esclavage ( 1789-1848 ) - 2e
partie
par Dominique CHATHUANT, n° 15, mai 1998
L'esclavage et ses abolitions - Ressources éducatives
http://abolitions.free.fr/
Site
créé et animé par Dominique
CHATHUANT
professeur d'histoire au Lycée Jean Jaurès de Reims
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