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L'aide aux Juifs persécutés
pendant la Seconde Guerre mondiale

Exposé de Jocelyne HUSSON
présenté le 8 décembre 2007 au Centre des Congrès de Reims à l'initiative de
l'Association marnaise des lauréats du concours de la Résistance et de la Déportation
à l'intention des candidats du concours 2007-2008.

Quelques repères

L'aide des organisations juives

L'aide des églises

Des initiatives individuelles

 

 


Quelques repères

   Parmi les personnes persécutées et pourchassées pendant la Seconde Guerre mondiale se trouvent les Juifs.
Avant de vous parler de l’aide qui a pu leur être apportée, je vais vous donner quelques repères pour une meilleure compréhension.
   La population juive en France métropolitaine est évaluée
en 1940 à 330 000 juifs : environ 200 000 juifs français et 130 000 juifs étrangers, pour la plupart immigrés d’Europe centrale et orientale dans les années 1920-1930, principalement des Polonais, des Allemands et des Autrichiens.
   Ces Juifs étrangers fuyaient l’antisémitisme et pensaient trouver en France un asile sûr.
   Ce ne fut pas le cas. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Juifs sont en France une population sous très haute surveillance, une surveillance plus étroite pour les juifs étrangers, plus étroite aussi en zone Nord qu’en zone Sud.
    Conséquence de la défaite de l'armée française et de la signature l’armistice du 22 juin 1940, la France est découpée en plusieurs zones séparées par de véritables frontières très difficiles à franchir : 
   
la zone annexée ( Alsace Moselle )
   
la zone rattachée au Commandement militaire allemand de Bruxelles ( Nord-Pas de Calais )
   
la zone interdite, au Nord-Est ( de l’embouchure de la Somme au lac Léman ), dite interdite parce que les conditions d’accès sont très contrôlées ; zone interdite aussi en 1941, les côtes de la Manche et de l’Atlantique.
   
la zone Sud non occupée par l’armée allemande ( au moins jusqu’en novembre 1942 ) et directement administrée par le gouvernement de Vichy, zone dite « libre », ce qu’elle n’est pas en réalité, puisque le gouvernement de Vichy s’engage avec le maréchal Pétain, chef de l’État français ( la République n’existe plus ) et le président du Conseil Pierre Laval, dans une politique de collaboration avec l’Allemagne nazie. Dans cette zone Sud, le gouvernement de Vichy ouvre des camps d’internement où sont détenus les juifs étrangers.
   - et enfin la zone Nord occupée par l’armée allemande, soumise aux ordres de la Kommandantur et à la surveillance de la gestapo, mais gérée par l’administration française chargée d’y appliquer à la fois les directives venant du gouvernement de Vichy et les ordonnances allemandes.

   Entre ces deux dernières zones, zone Nord et zone Sud, la ligne de démarcation va de la Suisse à la région de Tours et rejoint les Pyrénées. Cette ligne ne peut être franchie qu’en certains points de passages avec des contrôles d’identité très stricts et
dès octobre 1941 elle est totalement fermée aux Juifs.

  
 L'étau s’est peu à peu refermé sur les Juifs : 

   
27 septembre 1940 : première ordonnance allemande prescrivant le recensement des Juifs en zone occupée… et les préfectures se mettent au travail pour établir les listes…
   
À partir d’octobre 1940, les Juifs de zone occupée doivent avoir une carte d’identité portant en rouge la mention « Juif ».

   
3 octobre 1940 et 2 juin 1941 : deux statuts des Juifs promulgués par Vichy définissent comme juif ou juive celui ou celle qui est issu(e) d’au moins 3 grands parents « de race juive ».
   Ces statuts dressent la liste des interdits professionnels : les Juifs sont exclus de la fonction publique, de la presse, du cinéma, de la plupart des professions libérales.
  
La loi du 2 juin 1941 prescrit le recensement des Juifs de zone non occupée.

   
1941 : plusieurs lois de Vichy mettent en place « l’aryanisation des biens juifs », la confiscation de ces biens qui sont désormais administrés par des personnes non juives, « aryennes » selon la terminologie nazie.

   
28 mai 1942 : une ordonnance allemande rend obligatoire en zone Nord le port de l’étoile jaune pour tout Juif de plus de 6 ans.
Il faut ajouter toute une série d’interdictions. Je n’en cite que quelques unes, obligation de faire les courses uniquement entre 15 et 16 heures, interdiction de changer de lieu de résidence, accès interdit aux lieux publics, cafés, cinémas, restaurants, jardins publics et même cabines téléphoniques…

   Donc une population juive surveillée, privée de moyens d’existence, fragilisée, et bientôt sous la menace des arrestations et des déportations.

   
1941 : premières arrestations massives de Juifs à Paris et ouverture du camp de Drancy en région parisienne, camp de regroupement avant la déportation.

   
1942 : année des grandes rafles ; en juillet la rafle dite du Vel’ d’Hiv’ au cours de laquelle ont été arrêtés par la police française plus de 13 000 juifs de la région parisienne, dont plus de 4 000 enfants, en août premières rafles en zone Sud ; des arrestations qui continuent dans les mois et les années qui suivent.

   Avec l’invasion de la zone sud par la Wehrmacht
en novembre 1942, la situation des Juifs est devenue extrêmement difficile.
   Beaucoup d’entre eux qui avaient tenté d’y trouver refuge se replient sur les départements des
Alpes et la Côte d’Azur occupés alors par les Italiens moins acharnés dans la répression antisémite.
   Ils y trouveront un temps de répit
jusqu’en septembre 1943, date à laquelle l’armée italienne qui a signé l’armistice avec les Alliés se retire et laisse la place à l’armée allemande et à la gestapo.

   
Du 27 mars 1942 au 17 août 1944 76 convois ont emmené près de 76 000 déportés juifs vers les camps de concentration et d’extermination, et principalement vers Auschwitz. Moins de 3 000 ont survécu, soit moins de 4 % ( c’est la même proportion pour les déportés juifs marnais, 11 survivants en 1945 pour 316 déportés ).
Un quart de la population juive vivant en France
en 1940 a disparu en déportation.

   
Les 3/4 ont pu échapper aux arrestations et à la déportation. Beaucoup d’entre eux le doivent à l’aide qui leur a été apportée. Cette aide a particulièrement concerné les enfants et les adolescents et elle a été relativement efficace puisque 7 jeunes de moins de 17 ans sur 8 ont échappé à la déportation.

   L’aide apportée aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale a été le fait d’organisations juives, de chrétiens plus ou moins encouragés par leurs églises, le fait aussi d’initiatives individuelles.


L’aide des organisations juives

    Ces organisations existaient avant la guerre, organisations caritatives qui, pour beaucoup d’entre elles, venaient en aide aux Juifs étrangers réfugiés en France.

   Elles sont dissoutes par le gouvernement de Vichy, et intégrées dans
l’UGIF, l’Union Générale des Israélites de France, créée en novembre 1941 et entièrement contrôlée par le Commissariat Général aux Questions Juives qui menait une politique ouvertement antisémite.

   Dans ce contexte de soumission à l’UGIF, les organisations juives ont désormais, pour continuer leur action,
deux faces, une face officielle et une face clandestine.

   La face officielle, ce sont les cantines, les dispensaires, les maisons d’enfants, établissements connus des autorités allemandes en zone Nord et de l’administration de Vichy en zone Sud. Ce sont des lieux d’assistance qui pour certains d’entre eux deviennent de véritables pièges au moment des arrestations massives de Juifs.

   Face à ce risque, des organisations juives ont développé leur
travail clandestin : elles cachent les enfants les plus exposés, jeunes juifs étrangers parlant à peine le français ou avec un accent qui dévoile leur origine, enfants et adolescents dont les parents sont détenus dans les camps d’internement en France ou déjà déportés dans les camps nazis.
   Quand se précisent les menaces d’arrestation dans les maisons d’enfants, les membres de ces organisations décident de les
disperser, recrutent des assistantes sociales convoyeuses qui vont les conduire dans des institutions religieuses ou dans des familles d’accueil, fabriquent des faux papiers, changent les noms des enfants, mettent sur pied des filières d’évasion vers la Suisse ou vers l’Espagne.
   Dans certains cas, les enfants n’ont pas été dispersés et ce fut souvent dramatique, comme pour les enfants de la maison d’Izieu dans l’Ain, où 44 enfants et 7 éducateurs ont été arrêtés
le 6 avril 1944 par la gestapo de Lyon sur ordre de Klaus Barbie. Seule, une éducatrice est revenue de déportation.


 " L'aide aux personnes persécutées et pourchassées en France pendant la Seconde Guerre mondiale : une forme de résistance - Concours national de la Résistance et de la Déportation ",
Maison d'Izieu, mémorial des enfants juifs exterminés, Cahier pédagogique, janvier 2008.

   Quelques exemples d’organisations juives :

L'Organisation de secours aux enfants ( OSE )

   Cette organisation fondée en 1912 dans la Russie tsariste existait en France depuis 1935 et avait ouvert des centres d’accueil pour les enfants de juifs allemands et autrichiens fuyant le nazisme. En 1942, l’OSE gérait près de 20 maisons d’enfants qui ont accueilli au total 1600 enfants.

   
En décembre 1942, la direction de l’OSE charge un ingénieur lyonnais, Georges GAREL de constituer un réseau clandestin. Le réseau Garel a agi sur 30 départements, a pris contact pour cacher les enfants avec une douzaine d’organisations catholiques, protestantes ou laïques.
   Ce réseau a permis de sauver près de 1 500 enfants, une action que les membres du réseau ont chèrement payée puisque sur une centaine de membres, près de 30 ont été déportés ou exécutés.

   Parmi les maisons de l’OSE, le Château de Montintin, au sud de Limoges, a été dirigé
entre novembre 1942 et janvier 1944 par un médecin rémois, le docteur Raymond LÉVY.
   Au château de Montintin se trouvaient une centaine de garçons de 12 à 17 ans, des jeunes juifs allemands pour la plupart. Une centaine de jeunes qu’il fallait nourrir – en se ravitaillant chez les fermiers du coin –, qu’il fallait éduquer – ils suivaient des cours, en particulier des cours de français –, qu’il fallait occuper – il y avait un atelier de menuiserie et des moniteurs pour diverses activités ; l’un d’entre eux, moniteur de théâtre, s’appelait
Marcel MANGEL, il deviendra après guerre le mime MARCEAU  –, des jeunes qu’il fallait aussi cacher quand la gendarmerie venait procéder à des arrestations.
   L’OSE décide de fermer le château
en janvier 1944 et en 2 jours le docteur LÉVY réussit à disperser la centaine de garçons : les plus vieux gagnent le maquis, d’autres sont pris en charge par une filière vers la Suisse, la plupart sont placés dans des familles de la région.

Les Éclaireurs Israélites de France ( EIF )

   Les Éclaireurs israélites de France, les scouts juifs, ont mené, sous l’impulsion de leur fondateur Robert GAMZON, la même action que l’OSE. Ils ont ouvert des centres d’enseignement professionnel, agricole et artisanal et des maisons d’enfants. Il y en a 6 en 1939 dont la Maison de Moissac dans le Tarn et Garonne qui va servir de quartier général aux EIF.
   Sur les 500 jeunes qui ont séjourné à Moissac, tous ont échappé à la déportation, sauf un qui, repris par ses parents, a été arrêté et déporté avec eux.
   Les Éclaireurs israélites de France passent eux aussi
à l’action clandestine, en créant un réseau de résistance appelé La Sixième ( les EIF étaient la sixième section de l’UGIF ), qui a des groupes armés dans les maquis du Sud Ouest de la France.

    Deux autres exemples d’organisations juives moins importantes mais qui ont été très efficaces
.

Le réseau Marcel

   Le réseau Marcel est créé début 1943 à Nice par Odette ROSENSTOCK et Moussa ABADI, qui se faisait appeler Monsieur MARCEL.
   La
région de Nice sous occupation italienne depuis novembre 1942était le refuge de nombreux juifs, un refuge menacé quand en septembre 1943 les Allemands occupent la zone italienne.
   Pour sauver les enfants juifs,
Moussa ABADI fabrique de fausses cartes d’identité et d’alimentation.
   Il reçoit l’aide de l’évêque de Nice,
Mgr RÉMOND, qui, tout en le sachant juif, le nomme inspecteur de l'enseignement catholique du diocèse de Nice, ce qui lui permet de placer les enfants dans des institutions catholiques.
  
Le réseau Marcel sauva la vie de 527 enfants.

Le service André

   Pendant l’été 1942, Joseph BASS, dit Monsieur André, fonda le Groupe d'action contre la déportation, plus connu sous le nom de Service André, et se consacra au sauvetage de Juifs.
   Après l’invasion de la zone Sud, il prend contact avec
André TROCMÉ, le pasteur protestant du Chambon-sur-Lignon, une petite ville du Massif central, et met sur pied une filière permettant aux enfants juifs d’y être acheminés.
   Cette filière s’étend par la suite sur la Provence et la Côte d’Azur.


L’aide des Églises

   L’attitude officielle de l’Église catholique est de rester loyale à l’État français, au gouvernement de Vichy.
   Cependant au moment des grandes rafles
de l’été 1942, 5 évêques ( 5 seulement sur près de 90 ) ont pris l’initiative de protester publiquement, dont Mgr SALIÈGE à Toulouse, qui fournit à Georges GAREL de l’OSE une lettre de recommandation qui lui permet de cacher rapidement 300 enfants juifs dans des couvents, des internats catholiques de la Haute-Garonne.
  
   Il est difficile de savoir combien d’enfants juifs ont vécu clandestinement dans ces institutions catholiques. En tout cas, beaucoup d’anciens 
« enfants cachés » en font le témoignage.

   Le film de
Louis MALLE, Au revoir les enfants, qui raconte comment le père JACQUES a caché des enfants juifs dans le petit collège qu’il dirigeait à Avon près de Fontainebleau. Il est arrêté le 15 janvier 1944 au collège avec 3 élèves juifs qui sont déportés à Auschwitz. Le père JACQUES est lui aussi mort en déportation.

    Dans les diocèses, dont les évêques continuaient de manifester leur attachement au régime de Vichy, des ecclésiastiques ont néanmoins
à titre individuel, avec ou sans l'accord de leur hiérarchie, aidé des juifs à échapper à la répression.

   C'est ainsi que
dans la Marne, des prêtres ont porté assistance à des Juifs en délivrant de faux certificats de baptême et en cachant des enfants.

   L'abbé Jean-Marie RENOU, des Missions étrangères, est chargé à son retour de Chine en 1940 d’assurer le service religieux de la Chapelle du souvenir élevée à Dormans en souvenir des batailles de la Marne de la Première Guerre mondiale.
  
En janvier 1944, alors que se prépare une arrestation massive, il vient en aide à la famille LÉVY, une famille d’Épernay réfugiée à Dormans et prend en charge les deux filles âgées de 13 et 9 ans, qu'il place dans des familles, puis à l’orphelinat des Sœurs de Saint-Vincent de Paul à Paris.
   Dénoncé, l’
abbé RENOU ne peut retourner à Dormans et se cache à Paris, tout en continuant à veiller sur les deux sœurs. Il s’est par exemple opposé aux religieuses qui voulaient les baptiser.

   Un jeune abbé, élève du Grand séminaire de Reims, Jean-Marie LEROUX, est contacté par des habitants de Poix-Terron, village des Ardennes dont il est originaire et qui se trouve en zone interdite. C’est ainsi qu’il est amené en janvier 1944 à s’occuper de Mathilde ROSENBERG, 10 ans, dont la famille a été dispersée : sa mère, sa sœur et son frère aîné ont été déportés ; son père et son jeune frère se cachent dans une ferme des Ardennes. Jean-Marie LEROUX demande à sa sœur Marie-Thérèse, enseignante à Reims, d’aller chercher Mathilde et de l’héberger, ce qu’elle fait malgré le danger.
   Quant à lui, il obtient des faux papiers pour
Mathilde avec l’aide de l’abbé Lucien Hess, directeur de la maîtrise de la cathédrale de Reims, puis il conduit la petite fille dans une famille de Lisieux et lui rend visite régulièrement avant qu’elle ne trouve un autre lieu de refuge dans le Tarn.

  
Quant aux églises protestantes de France, elles marquent très vite leur solidarité envers les Juifs, comme le fait le pasteur Marc BOEGNER, au nom de la Fédération protestante de France dès mars 1941.
   
En octobre 1939 avait créée une association d’origine protestante, la CIMADE ( Comité Inter-Mouvements Auprès Des Evacués ) pour venir en aide aux populations évacuées d’Alsace et de Lorraine.
   La
CIMADE, sous l’impulsion de sa secrétaire générale Madeleine BAROT, intervient dès 1940 dans les camps du Sud de la France, Gurs, Rivesaltes… auprès des juifs qui y sont internés pour leur apporter une aide matérielle et morale.
   La
CIMADE passe vite à d’autres actions, création de centres d’accueil, par exemple le « Côteau fleuri » au Chambon-sur-Lignon, fabrication de fausses cartes d’identité, mise en place de filières d’évasion vers la Suisse.
   La
CIMADE agit encore aujourd’hui comme association d’assistance aux migrants.

   
Le Chambon sur Lignon, ce nom est devenu le symbole de l’aide apportée aux Juifs. Il désigne une commune située sur le plateau du Velay en Haute Loire, dans une région de forte tradition protestante, de forte tradition d’accueil des persécutés, républicains espagnols, réfugiés allemands et autrichiens dans les années 30.
   Sous l’impulsion du
pasteur André TROCMÉ, de sa femme Magda, et d’autres pasteurs, une chaîne de solidarité impliquant une grande partie de la population du Chambon et des communes avoisinantes s’est mise en place dès l’été 1942 pour accueillir, cacher des enfants juifs extraits des camps d’internement du Sud de la France, amenés là par des convoyeuses de l’OSE, des Éclaireurs israélites de France, de la CIMADE…
   Il est difficile d’estimer le nombre d’enfants qui ont pu ainsi être sauvés, en tout cas il est élevé, entre 3 000 et 5 000.


Des initiatives individuelles

   Certaines de ces initiatives sont bien connues comme celle du consul du Portugal à Bordeaux, Aristide de SOUSA MENDÈS. Alors que le gouvernement portugais édicte en septembre 1939 de nouvelles règles de délivrance des visas très restrictives pour les Juifs, à Bordeaux le consul n’en tient pas compte et fournit faux papiers et visas à tous ceux qui en ont besoin. Rappelé par son gouvernement, obligé de rentrer au Portugal, il est rétrogradé, mis à la retraite d’office et terminera ses jours très pauvrement en 1954.

   Une autre initiative mérite d’être retenue, car elle est prise en zone occupée et elle se sert habilement de la couverture d’un organisme officiel. Yvonne et Roger HAGNAUER, un couple d’instituteurs, militants syndicaux et pacifistes, révoqués en 1939 de l’Éducation nationale, travaillent en 1940 pour le Secours national, une œuvre caritative mise en place par le gouvernement de Vichy.
   En 1941, Yvonne devient la directrice de l’une des maisons du Secours national, la Maison des enfants de Sèvres, près de Paris, une maison initialement chargée d’accueillir des enfants orphelins ou abandonnés. Très vite et clandestinement, Yvonne accueille aussi des enfants juifs placés là sous une fausse identité.
   Par mesure de sécurité, le personnel et les enfants ne se désignent entre eux que sous des noms de totems, à la façon des scouts. Yvonne est Goéland, Roger est Pingouin.
   
 Cette maison n’a pas été seulement un refuge, ce fut aussi un lieu d’enseignementYvonne mettait en pratique ses conceptions de pédagogie nouvelle.

    Il y eut bien d’autres aides qui ont été longtemps passées sous silence
.
   Dans la France des années 1940 marquée par la xénophobie et l’antisémitisme, il est vrai que des Juifs ont été dénoncés par leurs voisins, trahis par des passeurs.
   Cette triste réalité ne doit pas faire oublier qu’il y eut aussi beaucoup d’actes de solidarité.

Quelques exemples marnais

   Louis NEUHAUSER, un agent SNCF de Châlons-sur-Marne a aidé des déportés juifs à s’évader d’un convoi arrêté en gare de Châlons le 11 novembre 1942 et a hébergé l’un d’entre eux chez lui. Dénoncé par un collègue de travail, il a été arrêté avec sa femme et déporté à Sachsenhausen.

  Jean ROYER, qui tenait un magasin de cycles et de récepteurs radio à épernay, protégea Alexandre GRUBER, un technicien radio rémois, juif d’origine roumaine interdit d’exercer sa profession. Jean ROYER lui offrit l’hospitalité et lui donna à réparer tous les postes radio que ses propres clients lui apportaient et permit ainsi à Alexandre GRUBER de faire vivre sa famille.

  Émile BOUVY, secrétaire de police à Reims, a fourni des cartes d’identité vierge, sans le tampon Juif, et a prévenu des familles juives de rafles imminentes.

   L’inspecteur de police Jules BARBIER écrit dans son rapport sur la rafle du 20 juillet 1942 à Reims qu’il n’a pu arrêter Esther WEINBERG absente de son domicile, Esther WEINBERG qu’il avait lui-même prévenue la veille…
   Le chef de la Feldkommandantur de Châlons-sur-Marne, Von KORFF, n’est pas dupe de l’aide apportée aux Juifs par quelques policiers. Furieux de n’avoir pu arrêter que la moitié des juifs prévus dans cette rafle du 20 juillet 1942, il préconise dans son rapport que les rafles suivantes se fassent « en excluant la police française » et « en utilisant la feldgendarmerie ».

  Monsieur CONNESSON, directeur de l’école pratique de commerce de Reims ( actuel Lycée Roosevelt ) est arrêté en novembre 1940 pour avoir refusé de livrer aux autorités allemandes la liste de ses élèves dont certains étaient juifs.

   En octobre 1942, une institutrice de Reims, Aimée LALLEMENT, a cachéJankel PRZEDBORZ et l’a soustrait à la déportation qui a frappé toute sa famille. Jankel qui avait alors 17 ans est resté caché chez elle jusqu’à la libération. La clandestinité ne permettait pas à Jankel d’avoir une carte d’alimentation. Aimée partagea avec lui ses maigres tickets de rationnement. Aujourd’hui, Jankel PRZEDBORZ s’appelle Jacques LALLEMENT.

   André et Lucienne LAURENT qui hébergèrent pendant plusieurs mois les trois frères EJNÈS, Henri, Serge et MauriceMonsieur LAURENT était le contremaître de Maurice aux Verreries mécaniques de Champagne à Reims ), avant qu’ils ne passent en zone Sud. Ils accueillirent aussi une cousine des EJNÈS à qui Madame LAURENT donna sa carte d’identité de jeune fille. Esther KISKI devint alors Lucienne CHAUMET.

   En 1941, Daniel BACHET a 16 ans, son ami Serge EJNÈS 17 ans. Daniel est protestant, Serge est juif. Ils se sont connus à l’école pratique de commerce et travaillent tous deux dans une usine textile de Reims. Serge quitte Reims en juillet 1942 avec une carte sans tampon juif fournie par le secrétaire de police BOUVY mais portant sa vraie identité. Il se réfugie à Montluçon puis à Lyonen 1943 il se sent menacé d’arrestation, car son frère Maurice entré dans la résistance est recherché. Dans un courrier codé il fait comprendre à son ami Daniel qu’il a besoin d’aide. Daniel lui fait parvenir sa propre carte d’identité cachée dans un petit colis de pommes de terre envoyé par la poste. Au commissariat de Reims Daniel déclare la perte de sa carte et s’en fait délivrer une nouvelle. Il y eut deux Daniel Bachet, l’un à Reims, l’autre à Lyon.

« Juste parmi les nations »

   Ce titre a été créé en 1963 par le Mémorial Yad Vashem de Jérusalem. Il honore des personnes qui ont risqué leur vie pour venir en aide à des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
   En France 2 740 personnes ont été reconnues comme « Justes » et leurs noms sont gravés sur le Mur des Justes au Mémorial de la Shoah à Paris.
    Le Chambon sur Lignon
est la seule commune à avoir reçu en 1988 à titre collectif la médaille des Justes, médaille remise aussi à titre individuel à 65 habitants du Chambon et des villages avoisinants.
   Parmi ces « Justes », Louis et Tonia OUILLON qui ont hébergé François STUPP, aujourd’hui retraité à Sainte-Menehould. Dans son livre Réfugié au pays des Justes, Araules 1942-1944 ( éditions du Roure, 1997, nouvelle édition prévue en avril 2008 ), François STUPP raconte les mois qu’il a vécus avec sa sœur dans ce coin du Velay. Il porte témoignage de la solidarité du village, du dévouement de l’institutrice et de la générosité affectueuse de Louis et Tonia.

   En janvier 2007, le président de la république Jacques CHIRAC a rendu un hommage solennel aux Justes de France et dévoilé dans la crypte du Panthéon à Paris une plaque où l’on peut lire : « Bravant les risques encourus, ils ont incarné l'honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d'humanité ».

   Parmi les « Justes » qui ont risqué leur vie figurent 8 Marnais : 
l’abbé RENOU à Dormans ; Jean ROYER à Épernay ; Aimée LALLEMENT, André et Lucienne LAURENT, l’abbé Jean-Marie LEROUX et sa sœur Marie-Thérèse TROUILLET, ainsi que Daniel BACHET à Reims.


" Ces Français qui ont protégé les juifs ",
dossier, L'Express, n° 2 956, 28 février 2008.
http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/3945/dossier.asp


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