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Le vin de Champagne à l'épreuve de l'occupation allemande
1940-1944

Dossier présenté par Jean-Pierre HUSSON

Le colloque de 2005
Le vin de Champagne : histoire d'une politique économique des origines à nos jours

1/ La situation de la viticulture et de l'industrie du champagne
à la veille de la Seconde Guerre mondiale et au début de l'occupation allemande

2/ Otto Klaebisch, le Sonderführer du champagne

3/ L'accommodation des professionnels du champagne à l'occupation allemande
et à l'organisation corporative imposée par le régime de Vichy

4/ La naissance du Comité interprofessionnel du vin de champagne

5/ L'ampleur des prélèvements allemands

6/ Trafic et marché noir autour du champagne

7/ Les limites de l'épuration à la Libération

8/ La situation de la viticulture champenoise au lendemain de la 2e guerre mondiale

Le vin de Champagne sous l'Ocupation dans les médias

2002 - Deux journalistes américains, Don et Petie Kladstrup,
enquêtent sur La guerre et le vin en Champagne

2003 / 2004 - Deux Allemands, le réalisateur Albert Knechtel et le journaliste Nils Klawitter,
s'intéressent à leur tour au champagne sous l'Occupation

Avril 2011 - Le 70e anniversaire du CIVC dans La Champagne viticole

20 septembre 2011 - Présentation du roman historique de Frédéric Couderc
Et ils boiront leurs larmes

23 septembre 2011 : la publication des actes du colloque de 2005
Le champagne, une histoire franco-allemande

28 septembre 2011  : Inauguration de l'exposition Champagne ! De la vigne au vin. Trois siècles d'histoire
aux Archives départementales de la Marne

 

 


Le vin de Champagne :
histoire d'une politique économique des origines à nos jours


Le colloque international
Le vin de Champagne :
histoire d'une politique économique des origines à nos jours

http://hsozkult.geschichte.hu-berlin.de/termine/id=4284

http://calenda.revues.org/nouvelle5728.html

   Les 23 et 24 septembre 2005, l'Institut historique allemand, l'IRCOM ( Institut de Recherches sur les Civilisations de l'Occident moderne )  et le Centre Roland Mousnier de l'Université Paris-Sorbonne ont organisé un colloque international avec le soutien de la maison de champagne Moët-et-Chandon et du Club Trésors de Champagne.
   Au cours de ce colloque placé sous le regard des relations franco-allemandes et consacré au Vin de Champagne : histoire d'une politique économique des origines à nos jours, j' ai présenté une contribution intitulé " Le vin de Champagne à l'épreuve de l'occupation allemande ".


1/ La situation de la viticulture et de l'industrie du champagne
à la veille de la Seconde Guerre mondiale et au début de l'occupation allemande

   En mai-juin 1940, la défaite de la France et l'occupation du territoire champenois interviennent alors que les professionnels de la viticulture et du champagne, confrontés depuis la fin du XIXe siècle à toute une série de crises, sont en train, pour y faire face, de surmonter leurs tensions internes et de s'organiser.
   La crise du phylloxéra et l'effondrement des prix du raisin à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les importations frauduleuses de vins extérieurs à la Champagne, la révolte en 1911 des vignerons réduits à la misère, l'épreuve de la Première Guerre mondiale, les tensions très vives opposant la viticulture marnaise à la viticulture auboise à propos de la délimitation de la Champagne viticole et de l'appellation " Champagne " dans les années 1920, puis la surproduction liée à la crise économique des années 1930 ont conduit vignerons-récoltants et négociants en vin de champagne à se regrouper en syndicats, et à commencer à rechercher ensemble des solutions aux problèmes de la profession.
   En 1927, un compromis avait abouti à l'extension au département de l'Aube de l'appellation " Champagne ".
   En 1935, la création par décret-loi d'un Comité national des appellations d'origine dans lequel siégeaient quatre Marnais, et qui était destiné à résoudre la crise de surproduction viticole par une réglementation de la production, fut suivie par la mise en place d'un Comité d'experts de la Champagne viticole comprenant quatorze négociants, sept viticulteurs et six représentants des Chambres de commerce et d'agriculture de la Marne, de l'Aisne et de l'Aube 1 ).
   Ce comité élabora et discuta le projet qui aboutit au décret- loi du 28 septembre 1935. Ce décret complétait la réglementation de l'appellation " Champagne " en énonçant des critères de qualité plus stricts, et créait une Commission spéciale de la Champagne viticole chargée de fixer chaque année, en fonction des conditions du moment, des règles permettant de préserver la qualité du vin de Champagne, en particulier en matière de rendement à l'hectare et de pressurage 2 ). Cette commission dont le secrétaire était le comte Robert de Vogüé, directeur de la maison Moët et Chandon d'Épernay, prit rapidement le nom de Commission de Châlons, parce que son siège avait été fixé à la préfecture de la Marne. Elle rassemblait vingt-deux délégués des syndicats du négoce et des récoltants, ainsi que des Chambres de commerce et d'agriculture de la Marne, de l'Aisne et de l'Aube, neuf politiques (parlementaires et conseillers généraux) et huit représentants de l'État 3 ).
   Une Sous-commission des prix, composée des seuls délégués professionnels, et dont les décisions étaient rendues exécutoires par décrets préfectoraux, avait été créée parallèlement afin de fixer chaque année avant les vendanges, le prix du kilogramme de raisin et le degré minimum par catégories de crus, les conditions de livraison des vins clairs avant fermentation, ainsi que les règles concernant la constitution de cuvées collectives des coopératives.
La Commission de Châlons et la Sous-commission des prix ont fonctionné jusqu'à la Seconde Guerre mondiale à la satisfaction générale des professionnels du champagne.
   En 1939, les députés socialistes de la Marne et de l'Aisne, Henri Martin et Paul Lambin, avaient présenté un projet de loi concernant la création d'un Office régional du vin de Champagne, c'est-à-dire une véritable organisation interprofessionnelle permanente appelée à se substituer à la Commission de Châlons. Cet Office régional ne se serait plus contenté de fixer les rendements et les prix, mais il aurait réglementé l'ensemble de la production et des marchés du vin de Champagne. Il aurait été dirigé par un Conseil central paritaire de vingt-huit membres élus pour deux ans et rééligibles, ouvert à d'autres partenaires, en particulier aux représentants des coopératives et des syndicats d'ouvriers vignerons. En outre, ce projet prévoyait de faire de la Fédération des coopératives, le seul intermédiaire entre le négoce et la production, de façon à stimuler la création de coopératives et à supprimer toute fraude. Mais l'entrée en guerre de la France en septembre 1939 n'avait pas permis de faire aboutir ce projet 4 ).
   En 1940, la production viticole s'est effondrée, avec une récolte évaluée à 10 % d'une récolte moyenne. Les causes de cet effondrement sont multiples : pas seulement les faits liés à la guerre, tels que la désorganisation engendrée par l'exode, l'invasion et l'occupation du territoire champenois par les troupes allemandes, ou encore la pénurie de main d'œuvre au moment des vendanges, en raison du retour assez lent des populations civiles et de l'absence de nombreux professionnels de la viticulture faits prisonniers par la Wehrmacht, mais aussi la rigueur de l'hiver 1939-1940 et les ravages du mildiou, la vigne n'ayant pu être traitée pendant un mois et demi 5 ). Dans son rapport d'octobre 1940, le préfet de la Marne, René Bousquet, évaluait cette production à environ 50 000 hectolitres et soulignait la situation précaire du vignoble, tout en signalant que le commerce des vins avait heureusement repris et que plus de 1 300 000 bouteilles de champagne avaient été expédiées en septembre 6 ).
   Quant aux prélèvements allemands de champagne, ils furent dès le début de l'Occupation d'un niveau élevé. Selon un document du Commissariat à l'Intérieur du Comité français de libération daté de 1943 7 ), ils auraient représenté un peu plus des deux tiers de la production commercialisée à l'issue de la campagne 1940-1941, une production que le Bureau des statistiques du ministère de l'Agriculture a évaluée en septembre 1944 à 20 261 750 bouteilles 8 ). En ce qui concerne les vins dits tranquilles, les archives de la SNCF indiquent que, dès 1940, 16 000 hectolitres ont été expédiés d'Épernay et 8 000 hectolitres de Reims, vers l'Allemagne ( 9 ).


2/ Otto Klaebisch, le Sonderführer du champagne

   Les exigences allemandes furent formulées par Otto Klaebisch, officier de réserve placé à la tête du Bureau de répartition des vins mousseux de la Wehrmacht en juillet 1940 10 ). Klaebisch était le beau-frère du ministre des Affaires étrangères du IIIe Reich, Ribbentrop, qui avait été lui-même le représentant en Allemagne des maisons de champagne Mumm et Pommery, et qui était le gendre d'Otto Henkell, le « roi du champagne allemand » 11 ).
   Selon un rapport des Renseignements généraux de la Marne rédigé en 1945, cet officier allemand était né en France avant la Première Guerre mondiale à Cognac, où son père possédait la maison de cognac Meukon saisie en 1914 et cédée aux Britanniques en 1918. Agent général en Allemagne avant-guerre des marques françaises Lanson, Martell, Dubonnet, Noilly-Prat et Bénédictine, Klaebisch était le directeur général de la firme Matteus Muller, une des plus grosses maisons allemandes de vins mousseux installée à Wiesbaden, où siégeait la délégation allemande chargée de l'application de la Convention d'armistice du 22 juin 1940.
   Il reçut pour mission de satisfaire au mieux les besoins de la Wehrmacht en champagne. Dès son arrivée, dit ce rapport, il prit des mesures visant à nouer d'emblée de bonnes relations avec les grandes maisons de champagne :

   Il a accepté la disparition des petites cuvées ce qui a causé un grand plaisir parmi le monde du champagne, et pour un plus grand rendement des maisons de champagne, il est intervenu afin d'obtenir la mise en congé de captivité de 700 spécialistes de la profession du champagne 12 ).

   En août 2004, le réalisateur allemand, Albert Knechtel, venu à Reims pour préparer le tournage du documentaire Le vin sous l'Occupation, qui a été programmé par la chaîne de télévision Arte en novembre 2004, m'a permis de prendre connaissance d'un Rapport sur la gestion de l'industrie française du champagne pendant les années 1940-1944, rédigé après la guerre par Klaebisch, rapport que lui a remis la fille du Sonderführer du champagne 13 ).
   Klaebisch y dépeint toutes les difficultés auxquelles les professionnels de la viticulture et du négoce du champagne étaient confrontés au début de l'Occupation, et comment, selon lui, il s'est efforcé de les aider à sauver ce qui pouvait être sauvé de la récolte de 1940, en fournissant produits de sulfatage, main d'œuvre et moyens de transport, puis au cours des années suivantes en facilitant l'organisation de la profession, avec l'objectif certes d'assurer l'approvisionnement en champagne de la Wehrmacht, mais précise-t-il, en préservant, les intérêts économiques et sociaux des vignerons et des négociants champenois.
   Il y affirme que les pillages des maisons de champagne attribués aux soldats de la Wehrmacht au début de l'Occupation ont davantage été le fait des troupes françaises et britanniques ou des populations jetées sur les routes de l'exode, ou encore des réfugiés belges admis à traverser la Champagne pour rentrer chez eux dès l'été 1940, et qu'il a veillé à y mettre fin dès son arrivée en Champagne.
   Il y décrit les conditions d'une collaboration apaisée et loyale, respectueuse des intérêts de chacun, une Wehrmacht qui, en matière de prélèvements, « est restée dans des limites raisonnables de ses exigences », puisqu'à la fin de l'Occupation, souligne-t-il, « les stocks de champagne étaient équivalents à ceux de 1940 », et que les maisons de champagne livraient sans délai les quantités demandées, au point qu'il a été rapidement confronté à des problèmes d'entreposage.
   Il y déclare être parvenu à faire libérer de captivité 1 200 spécialistes du champagne et à en soustraire beaucoup d'autres à l'« Action-Sauckel », c'est-à-dire au Service du travail obligatoire en Allemagne.
   Il y dresse un bilan globalement positif de son action, considérant qu'il est parvenu, dans des conditions parfois difficiles, à nouer les meilleurs rapports possibles avec les représentants des vignerons et des négociants de champagne, en respectant autant que faire se peut leurs intérêts. « Comme il est facile, écrit-il, de mener le Français, quand on sait comment le prendre, et qu'on n'essaye pas de lui imposer des points de vue allemands ».
   Est joint en annexe à ce rapport un extrait du journal allemand Wirtschaftsblatt der Deutschen Allgem. Zeitung, daté du 29 mai 1941 qui, rendant compte de son action en France occupée, déclarait :

   Le responsable de la centrale de répartition des vins mousseux, le Sonderführer Klaebisch, n'est ainsi pas considéré par beaucoup comme le dictateur du champagne, mais comme le père du champagne.

   Après la guerre, Robert de Vogüé, entendu comme témoin à charge lors du procès d'Otto Klaebisch, a déclaré que dans l'ensemble et malgré les désaccords qui les opposaient, le comportement de Klaebisch durant l'Occupation avait été correct 14 ).

 


3/ L'accommodation des professionnels du champagne à l'occupation allemande
et à l'organisation corporative imposée par le régime de Vichy

   Effectivement, vignerons et négociants en champagne, au moins au début de l'Occupation, ont réagi favorablement aux demandes allemandes, comme en témoigne cette note du Bureau national de répartition :

   Dès l'époque de l'armistice, l'armée d'occupation a passé d'importantes commandes qui furent les bienvenues en Champagne parce qu'elles permirent à l'ensemble économique champenois de se remettre rapidement en route 15 ).

    Pour la seconde moitié de l'année 1940, les demandes allemandes qui avaient été fixées à 12 millions de bouteilles, y étaient considérées par les professionnels du champagne comme « normales » et n'appelaient « aucune remarque » 16 ).

   Dans son rapport d'octobre 1940, le préfet Bousquet, indiquait que le commerce du champagne, jusque là sévèrement contrôlé par les autorités allemandes, avait retrouvé sa liberté, et que les maisons de champagne pouvaient désormais vendre sans autorisation leurs stocks, à condition de fournir chaque mois au moins 1 900 000 bouteilles aux armées d'occupation 17 ).
   Dès le retour de l'exode, Bousquet et les professionnels du champagne avaient su habilement tirer parti de l'intérêt porté par les Allemands à ce produit de consommation de luxe très prisé, pour relancer opportunément l'activité de ce secteur, en l'organisant de façon plus efficace et plus rationnelle, selon les vœux des différents partenaires de la profession, et aussi pour essayer de freiner les exigences allemandes.
   En août 1940, Bousquet présida à la préfecture, en tant que secrétaire général de la Marne, une réunion de la Sous-commission des prix qui adopta le déblocage des prix des vins mis en réserve en 1938 à la suite de deux récoltes abondantes. Au cours de cette réunion qui se tint en présence de Klaebisch, de deux représentants des négociants, Charbonneaux et de Vogüé, et de deux représentants des vignerons, Poittevin et Doyard 18 ), il fut décidé de prélever une retenue de 15 % sur les prix payés aux vendeurs afin d'alimenter une Caisse de solidarité champenoise destinée à indemniser les « déshérités de la récolte 1940 » 19 ).
   En septembre 1940, un Bureau de contact composé exclusivement de quelques représentants des négociants, parmi lesquels se trouvait Robert de Vogüé, fut créé à Châlons-sur-Marne dans le but d'entrer en rapport avec la puissance occupante au nom de l'économie champenoise 20 ).
   Un peu plus tard, conformément à la loi du 27 septembre 1940 sur l'organisation et la répartition des produits agricoles et des denrées alimentaires, un arrêté du ministre-secrétaire d'État à l'Agriculture, daté du 20 novembre 1940, institua un Bureau national de répartition du vin de Champagne et nomma à la tête de cet organisme d'une part, Robert de Vogüé et Marcel Bouché pour y représenter les organisations de commerce, d'autre part, Maurice Doyard et Marcel Berthelot pour y représenter les organisations de propriétaires-récoltants.
   Dans sa première circulaire datée du 3 décembre 1940, cet organisme définissait ses objectifs en ces termes :

   Répartir au mieux de l'intérêt général et de l'intérêt particulier de chacun, les obligations qui nous sont faites et les ressources en approvisionnements dont nous disposons 21 ).

   De son côté le Syndicat général des vignerons, dans les jours qui suivirent la promulgation de la loi du 2 décembre 1940 instaurant la Corporation paysanne, s'empressa à l'initiative de son secrétaire général, Maurice Doyard, de se fondre dans le cadre ainsi créé par le gouvernement de Vichy.
   Dans la quasi totalité des communes viticoles, le choix des syndics viticoles spécialisés se porta sur le président de la section locale du Syndicat général des vignerons de la Champagne viticole qui, au printemps 1942, s'est transformé officiellement en Groupement spécialisé de la Champagne viticole.


4/ La naissance du Comité interprofessionnel du vin de Champagne

   À Épernay, le 10 juillet 1941, Bousquet assista à l'assemblée générale annuelle du Syndicat général des vignerons présidé par Gaston Poittevin, qui avait été député radical-socialiste de la Marne de 1919 à 1936. Devant les délégués de la Champagne viticole venus de la Marne, de l'Aube et de l'Aisne, le secrétaire général Maurice Doyard annonça la naissance du Comité interprofessionnel du vin de Champagne ( CIVC ), créé par la loi du 12 avril 1941 22 ). Ce comité était appelé, selon lui, à devenir « la représentation de tous les intérêts champenois », et il en expliqua le fonctionnement.
   Bousquet parla de la mise en œuvre de la charte du champagne qui devait fixer les droits et les devoirs de tous les éléments de la production et du commerce :

   Il ne faut pas que la nouvelle organisation de la viticulture soit la revanche de quelques hommes sur d'autres hommes, un retour à des erreurs ou des égoïsmes passés [...]
   Aucune opposition fondamentale ne peut dresser le travail contre le commerce et vice-versa.

   À l'issue de cette assemblée générale, Otto Klaebisch et son adjoint Muller firent leur entrée dans la salle et participèrent aux libations d'usage 23 ).
   Le CIVC, qui remplaçait l'éphémère Bureau national de répartition du vin de Champagne, était organisé selon une structure pyramidale. Au sommet était placé un commissaire du gouvernement désigné par le ministre secrétaire d'État à l'Agriculture et qui fut, de 1941 à 1945, le directeur des contributions indirectes de la Marne, Charles Théron. Il assistait à toutes les délibérations et pouvait, selon les directives qu'il recevait, ou bien donner son accord immédiat aux propositions qui lui étaient soumises, ou bien les soumettre à l'avis du ministre. Il était assisté d'un délégué du vignoble qui fut de 1941 à 1944 Maurice Doyard, et d'un délégué du négoce, Robert de Vogüé, directeur de Moët et Chandon, remplacé en 1944 par René Chayoux.
   En dessous, le Bureau exécutif comprenait trois négociants et trois récoltants, et le Comité consultatif était composé de dix récoltants, dix négociants, un courtier, trois représentants des industries annexes, deux représentants du personnel viticole, deux représentants des cavistes et un représentant du Comité national des appellations contrôlées.
   Tous les membres du CIVC furent choisis par le ministre secrétaire d'État à l'Agriculture dans les organisations professionnelles ou syndicales existantes dont les instances firent des propositions. Le préfet de la Marne, René Bousquet, fut chargé de transmettre ces propositions et de donner son avis personnel.
   Les compétences du CIVC, définies dans la loi du 12 avril 1941, étaient larges, et correspondaient assez bien à ce que revendiquaient les représentants des vignerons et des négociants qui siégeaient depuis 1935 dans la Commission de la Champagne délimitée, et dont étaient issus la plupart des responsables professionnels nommés à la tête du CIVC.
   Ainsi, le CIVC qui aujourd'hui encore joue un rôle important dans l'économie champenoise, est né curieusement de la rencontre entre la situation créée par l'importance des prélèvements allemands, le souci des professionnels de répondre à cette demande tout en préservant les intérêts champenois, leur volonté de faire aboutir une réorganisation de la profession qu'ils réclamaient depuis longtemps avec insistance, les projets corporatistes et dirigistes des technocrates de Vichy, et enfin la bonne connaissance de ce dossier qu'avait acquise René Bousquet, lors de son passage au ministère de l'Agriculture aux côtés du ministre Cathala avant la guerre.
   En 1991 dans le Bulletin d'information du CIVC, un article non signé intitulé " Le cinquantenaire du CIVC ", récusait le parrainage du régime de Vichy, faisait totalement l'impasse sur celui du préfet Bousquet, et présentait la loi du 12 avril 1941 comme un simple « texte législatif de reconnaissance » habilement imposé par les Champenois « contre la volonté de l'autorité publique » en profitant des « défaillances de l'appareil administratif ». Selon cet article, l'idée interprofessionnelle serait née à la fin des années 1930, dans les travaux d'économistes « soucieux de trouver une troisième voie entre un capitalisme défaillant et un socialisme inquiétant » ; les fondateurs du CIVC « ne revendiquaient aucune doctrine » et se seraient simplement efforcés de faire preuve de « pragmatisme », et de renouer avec le « solidarisme » que prônait Léon Bourgeois sénateur radical de la Marne avant la Première Guerre mondiale 24 ).
   Hervé Malherbe considère au contraire qu'on retrouve bien dans la structure du CIVC et dans son mode de fonctionnement, « les critères idéologiques de l'État français basés sur la corporation, qui méconnaît la démocratie de base ». En même temps, il récuse toute parenté entre le CIVC qui, malgré son nom, correspondait bien à une Corporation du Champagne, et l'organisation interprofessionnelle que les socialistes marnais, avec leur député Henri Martin, appelaient de leurs vœux à la veille de la Seconde Guerre mondiale 25 ).

 


5/ L'ampleur des prélèvements allemands

   Les prélèvements imposés par les autorités allemandes firent l'objet d'âpres négociations avec les représentants du gouvernement de Vichy dans le cadre de la Commission d'armistice siégeant à Wiesbaden, puis directement à l'Hôtel Majestic de Paris. L'interlocuteur champenois à ces négociations fut le Bureau de répartition des vins de Champagne, puis le CIVC représenté jusqu'à son arrestation en novembre 1943 par Robert de Vogüé.
   Isabel Boussard, considère que les négociations franco-allemandes, n'ont eu « qu'une faible incidence sur les prélèvements », mais reconnaît cependant qu'elles ont permis d'obtenir « quelques adoucissements aux exigences allemandes » 26 ).
   En tout cas à partir de l'automne 1943, les Allemands se montrèrent intransigeants, refusant désormais toute concession. Après l'arrestation de Robert de Vogüé par la Gestapo, les Allemands mirent la main sur les deux plus grosses maisons de champagne, Heidsieck et Moët et Chandon, dont Otto Klaebisch devint l'administrateur provisoire.
   Robert de Vogüé qui appartenait au mouvement de résistance Ceux de la Libération fut incarcéré à la prison de Châlons-sur-Marne. Son procès, que les Allemands ont voulu public, eut lieu en mars 1944 à Reims dans la salle d'honneur de la Chambre des notaires, Cours Langlet et non pas à Châlons-sur-Marne où siégeait habituellement le tribunal militaire allemand. Condamné à mort, il fut gracié, bénéficiant de multiples interventions, dont celle de l'ambassadeur de Suède et celle du gouvernement de Vichy dont René Bousquet ne faisait plus partie ; mais l'ancien préfet de la Marne pouvait encore plaider la cause du délégué du CIVC auprès des autorités allemandes, de Laval ou auprès de Pétain lui-même 27 ).
   La Commission d'enquête constituée après la Seconde Guerre mondiale a évalué les prélèvements allemands pour toute la durée de l'Occupation à 86,4 millions de bouteilles de champagne, 82 258 hectolitres de vins clairs et 10,6 millions de bouteilles de mousseux 28 ).
   En 1946, la Commission consultative des dommages et des réparations arrivait à un bilan à peu près identique, et estimait ces prélèvements à 98 millions de bouteilles de champagne et de vins mousseux, « effectués dans l'ensemble à des prix très bas », pour « une valeur de 5 377 000 000 de francs », correspondant à 57 % de la production commercialisée pendant la période de l'Occupation. Elle comparait ce pourcentage élevé avec la part des exportations de champagne vers l'Allemagne avant la guerre, qui ne dépassait pas 1 % de la production commercialisée, alors que durant le même temps, la part du marché intérieur français était passée de 60 à 39 %.
   Pour justifier les réparations que, selon elle, le secteur du champagne était en droit d'exiger de l'Allemagne vaincue, cette commission affirmait que les autorités allemandes s'étaient attachées « dès le début de l'occupation à ruiner partiellement l'industrie du champagne, avec l'espoir de voir les champagnes allemands supplanter le champagne français sur les marchés étrangers », que « c'est vraisemblablement dans ce but qu'elles exigèrent l'exportation sur l'Allemagne de quantités importantes de vins de Champagne non traités qui servirent à améliorer la qualité des vins allemands ».
   Elle affirmait aussi que les troupes d'occupation, en refusant d'appliquer les accords concernant la récupération des bouteilles vides provenant des livraisons à la Wehrmacht, alors que la production des verreries françaises était paralysée par la pénurie de charbon, avaient mis les fabricants de champagne « dans l'impossibilité de maintenir le niveau de leurs stocks en bouteilles », si bien que les stocks champenois qui étaient en 1939 de 105 millions de bouteilles et de 210 000 hectolitres, s'élevaient à 80 millions de bouteilles et à 260 000 hectolitres en 1944 29 ).
   Cependant, René Bousquet et plusieurs notables marnais, négociants en vins de Champagne, en particulier le délégué général du CIVC, Robert de Vogüé, et le président de la Chambre de commerce de Reims, Bertrand de Mun 30 ), ont déclaré après la guerre qu'ensemble ils avaient tout fait pour limiter le fardeau de ces prélèvements, et qu'ils étaient parvenus à soustraire aux convoitises allemandes une partie importante des stocks de champagne dont ils avaient déguisé le montant réel.
   Robert de Vogüé a confirmé à son retour de déportation que, grâce au préfet Bousquet, le stock de champagne avait été sauvegardé.
   Selon Bertrand de Mun, le préfet de Vichy « faisait tout ce qu'il pouvait pour servir d'écran protecteur » entre les Marnais et les autorités allemandes.
   Pierre Regnault, directeur du Champagne Salon à Mesnil-sur-Oger, a évoqué la « conduite magnifique » de Bousquet au retour de l'exode, et n'a pas hésité à affirmer que « le plus beau fleuron de la résistance de M. Bousquet à nos ennemis, fut l'organisation de la viticulture champenoise »
31 ).

 


6/ Trafics et marché noir autour du champagne

   Dans le contexte de pénurie et de rationnement qui prévalait alors, et compte tenu des convoitises qu'il exerçait sur les Allemands, le champagne a fait aussi l'objet d'un trafic d'une ampleur qu'on a du mal à mesurer.
   Le 13 mars 1945, à la direction générale du ministère de l'Économie, le directeur départemental du Contrôle économique présentait une évaluation des « transactions irrégulières pour compte allemand » qui situait le champagne à la première place, avec des transactions illicites portant sur deux millions de bouteilles évaluées à 200 millions de francs 32 ).
   Avec le dossier de Lucien Douvier, nous disposons d'une autre source qui permet de prendre la mesure des trafics de champagne avec l'occupant 33 ). Engagé comme interprète à la mairie de Reims, Douvier y fit la connaissance de l'officier allemand chargé du service du commerce, le docteur Martens. En juillet 1940, celui-ci lui confia la gérance d'un magasin installé Place de l'Hôtel de Ville et réservé exclusivement aux militaires allemands. À ce magasin spécialisé dans la vente de champagne, de cognac et de liqueurs, était annexé un petit commerce clandestin de bas de soie et d'articles en indémaillable tenu par Madame Douvier. Grâce à des bons de réquisition signés au départ par Otto Klaebisch, puis, selon des négociants en vin de champagne entendus comme témoins lors du procès Douvier, par le Bureau de répartition des vins de Champagne et, à partir de 1941, par le CIVC, ce trafiquant s'est fait livrer par les maisons de Reims, Rilly-la-Montagne et Ludes, pendant les quatre années qu'a duré l'Occupation, un minimum de 370 000 bouteilles de champagne, revendues à des soldats allemands en réalisant d'énormes bénéfices. Douvier fut condamné à mort en 1945, mais il y eut dans la Marne d'autres trafiquants petits et gros, qui ne furent guère inquiétés à la Libération, et qui surent rapidement se reconvertir dans le commerce avec les libérateurs américains.
   Il ne semble pas en tout cas que le chiffre de 2 millions de bouteilles avancé par le directeur départemental du Contrôle économique, en ce qui concerne le marché noir du champagne pendant l'occupation, soit exagéré.

 


7/ Les limites de l'épuration à la Libération

   Après la Libération, la collaboration économique, au sein de laquelle le champagne avait tenu une place importante, n'a pas ou n'a guère été sanctionnée. L'étude des dossiers individuels de la Cour de Justice et de la Chambre civique montre que les affaires de « commerce avec l'ennemi » et de « marché noir » ont été relativement nombreuses, mais que la plupart des personnes impliquées dans ces affaires, ou bien ont été acquittées, ou bien ont été sanctionnées pour d'autres motifs considérés comme plus graves.
   Conformément à l'Ordonnance du 18 octobre 1944, un Comité départemental des profits illicites qui avait pour mission d'examiner les dossiers des entreprises ayant réalisé d'importants bénéfices sous l'Occupation, et un Comité régional interprofessionnel d'épuration d'entreprise avaient bien été créés. Mais la mise en place de ces organismes fut très lente, et lorsqu'ils furent enfin en état de fonctionner à la fin de 1945 et au début de 1946, la volonté politique d'engager une réelle épuration économique s'était émoussée, et les nécessités de la reconstruction économique avaient pris le dessus.
   S'agissant du champagne, l'inspecteur chef des brigades du Contrôle économique avait soumis à sa hiérarchie, dès septembre 1944, un projet d'enquête générale sur le marché noir du champagne, dans lequel il déclarait très crûment :

   Le champagne est un des produits qui ont fait l'objet du trafic le plus intense. Sa production et son commerce ont permis à la faveur de l'occupation allemande d'édifier depuis quatre ans des fortunes scandaleuses 34 ).

   Mais le projet d'enquête générale sur le marché noir du champagne qui risquait de mettre en cause le CIVC fut enterré. Le seul trafiquant de champagne qui fut jugé et sévèrement sanctionné, a été Lucien Douvier, condamné à mort « pour intelligence avec l'ennemi », en tant qu'interprète et agent de la Gestapo 35 ).
   La commission viticole des Comités locaux de libération de la Marne réunis en congrès à Reims en décembre 1944, adopta une résolution qui réclamait la suppression du CIVC et la reconstitution d'un syndicat de vignerons dont seraient exclus les anciens membres du CIVC, et qui demandait que les bâtiments et les vignes « achetés au détriment de la petite propriété » pendant la guerre par les grandes maisons de champagne, grâce aux profits réalisés dans le commerce avec les Allemands, soient remis en vente dès le retour des prisonniers, mais cette résolution resta un vœu pieux 36 ).
   Quant à la répression du collaborationnisme politique dans le milieu du champagne, elle se concentra sur le cas du marquis Melchior de Polignac. Directeur général du champagne Pommery, membre de la Chambre de commerce de Reims, président de l'Association viticole champenoise, vice-président du Syndicat du commerce des vins de Champagne, membre du Comité international olympique aéro-club et de l'Académie nationale des sports, il avait fondé en 1919 L'Accueil franco-allemand et siégeait avant-guerre au conseil d'administration du Comité France-Allemagne constitué en 1935 37 ). En relation avec Fernand de Brinon, ambassadeur, délégué général dans les territoires occupés, ainsi qu'avec plusieurs ministres du gouvernement de Vichy, c'est tout naturellement qu'il était devenu dès le début de l'Occupation, membre du Comité d'honneur à Paris du Groupe Collaboration, qui prolongeait le Comité France-Allemagne, et dont il accepta à Reims de devenir le président d'honneur.
   Philippe Burrin a retrouvé dans les archives allemandes son nom parmi les convives de ce qu'on appelait alors les « déjeuners de la Table ronde », que les résistants ont dénoncé comme des « déjeuners de la trahison ». Ces déjeuners réunissaient à l'Hôtel Ritz à Paris, environ toutes les trois semaines à partir de février 1942, en toute cordialité, une cinquantaine d'hommes d'affaires français et allemands, représentant les grandes firmes des deux pays, en présence de ministres de Vichy, tels que Laval, de Brinon, Bousquet, de ténors du collaborationnisme parisien tel Marcel Déat, chef du Rassemblement national populaire, qui avait été professeur de philosophie au lycée de garçons de Reims et député socialiste de la Marne dans les années 1920, ainsi que des responsables du secteur économique de l'administration militaire allemande 38 ).
   Le 18 septembre 1944, un communiqué officiel de la sous-préfecture publié dans L'Union Champenoise annonça l'arrestation du marquis de Polignac, dont le nom figura sur une liste de « collaborateurs, délateurs et traîtres incarcérés à Reims », publiée dans ce même journal le 18 octobre. Mais en janvier 1945, un autre communiqué annonça son transfert à Paris 39 ). Ce transfert, qui aurait été obtenu sur la pression des autorités américaines, l'épouse du marquis étant elle-même citoyenne des États-Unis, fut interprété par les résistants rémois et par l'opinion publique comme un escamotage. Melchior de Polignac échappa donc au verdict de la Cour de Justice de la Marne. En février 1946, il a été condamné par la 1ère Chambre civique de la Seine à 10 ans d'indignité nationale, peine dont il a été immédiatement relevé pour « services rendus à la Résistance » selon la formule utilisée pour blanchir les collaborateurs, et qui a été reprise à l'issue du procès Bousquet en 1949.
   La société Mumm, qui était entièrement allemande, avait été mise sous séquestre en 1914 et son directeur, Hermann Mumm, avait été interné au Fort de Lanvéoc en Bretagne jusqu'en 1918. Reprise au lendemain de la Première Guerre mondiale par la Société vinicole de Champagne, elle était restée depuis cette époque en conflit avec la famille Mumm. L'héritier Mumm, Godefroy Hermann, nommé en 1940 commissaire allemand à la tête de la Société vinicole de Champagne, a exigé en avril 1941 de pouvoir racheter plus de la moitié des actions de cette maison de champagne qui est ainsi redevenue allemande. Elle comptait parmi les membres bienfaiteurs du centre de recrutement de la Légion des volontaires français qui enrôlait les Français acceptant d'aller combattre sous l'uniforme allemand sur le front de l'Est 40 ). Son directeur, René Lalou, avocat à la Cour d'Appel de Paris et parent par alliance de la famille Dubonnet, était membre du Comité d'honneur du Cercle européen, créé à Paris en septembre 1941 et dénommé Comité de collaboration économique européenne 41 ).
  Dans La France à l'heure allemande, Philippe Burrin note qu'à Paris, les diplomates de l'ambassade d'Allemagne et les officiers de la SS étaient invités par « le beau monde », parmi lequel on trouvait les noms de quelques grandes maisons de champagne. En 1947, Karl Epting, responsable nazi de la section culturelle, citait le marquis de Polignac parmi les notabilités qui invitaient à leur table les diplomates de l'ambassade d'Allemagne, et l'officier SS Knochen, chef de la Police de sécurité, déclarait : « Les maisons des familles Mumm et de Polignac étaient les principaux salons de Paris où nous étions reçus et la plus haute société s'y côtoyait » 42 ).

 


8/ La situation de la viticulture champenoise au lendemain de la 2e guerre mondiale

   En Champagne et plus particulièrement dans la Marne, le poids de l'agriculture et de la viticulture qui n'avait cessé de décliner depuis le début du siècle et durant l'entre-deux-guerres, s'est sensiblement renforcé pendant la Seconde Guerre mondiale. La guerre et les années d'occupation ont accentué le caractère rural et agricole du département qui abordait le défi de l'après guerre en comptant bien s'appuyer encore une fois sur ce qui restait un de ses principaux atouts, le champagne.
   La viticulture et le négoce du champagne ont finalement bien surmonté l'épreuve du conflit. Alors qu'ils avaient été profondément et durablement désorganisés et handicapés par les destructions et la saignée consécutives à la guerre de 1914-1918, puis durement éprouvés par la crise des années 1930, ils abordaient l'après Seconde Guerre mondiale avec confiance. Pendant la période de l'Occupation, la profession avait continué de se réorganiser à l'ombre de la Corporation paysanne, dont les responsables furent confirmés à la tête des organisations professionnelles mises en place dans le département après la guerre.
   À la Libération, la Corporation paysanne avait été dissoute par l'ordonnance du 12 octobre 1944 qui déclarait « nuls et de nul effet les actes et textes tendant à l'organisation corporative de l'agriculture », et qui prévoyait de la remplacer par « une organisation professionnelle provisoire de l'agriculture »43 ).
   C'est ainsi que fut créée la Confédération générale de l'agriculture, organisation née dans la clandestinité, à la direction de laquelle on retrouva, dès octobre 1944, quatre anciens syndics régionaux de l'époque de Vichy, dont celui de la Marne, Robert Mangeart 44 ).
   Dans le même temps fut installée à l'échelon des départements une structure provisoire baptisée Comité départemental d'action agricole, qui fut présidée dans la Marne par Albert Barré, l'ancien syndic régional adjoint. Il avait été maire radical-socialiste de Condé-sur-Marne sans interruption depuis 1919, et présidait avant-guerre la Ligue agricole de la Marne. Membre du Conseil départemental créé par le gouvernement de Vichy, il continuait d'exercer à la Libération de très nombreuses responsabilités, et c'est lui qui présida le 10 mars 1945 l'assemblée générale constitutive de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles 45 ).
   En 1946, Marcel Lemaire, qui lui aussi avait siégé au sein du Conseil départemental de la Marne, a été élu à la tête de la FDSEA marnaise, tandis que les anciens syndics, Robert Mangeart et Albert Barré, en sont devenus les vice-présidents.
   Dans la réorganisation de la viticulture marnaise après la guerre, ce fut aussi la continuité qui finalement a prévalu de la même façon, même si le processus a été un peu différent. Les vignerons représentés au Comité départemental d'action agricole depuis sa création à la Libération, se sont empressés de négocier la renaissance du Syndicat général des vignerons de la Champagne délimitée qui fut reconstitué par un arrêté du Commissaire de la République dès le 12 septembre 1944. Mais comme ce syndicat s'était fondu pendant l'Occupation au sein de la Corporation paysanne, il fallut sur le plan juridique qu'une ordonnance, datée du 12 octobre 1944, déclarât nuls les actes et les textes par lesquels ce syndicat avait été remplacé par la section spécialisée viticole " Champagne " de la Corporation paysanne 46 ).
  Comme pour les syndicats d'exploitants agricoles, on procéda à l'élection de délégués communaux, puis cantonaux. Les socialistes, qui disputaient déjà avant-guerre aux radicaux le contrôle et la direction du syndicat, s'efforcèrent d'exploiter le déclin et l'affaiblissement du parti radical-socialiste, et eurent six élus parmi les vingt délégués cantonaux.
   Le 10 février 1945, un mois avant la naissance de la FDSEA, le Syndicat général des vignerons reconstitué tint sa première assemblée plénière sous la présidence du directeur régional des Services agricoles M. Vialas. Gaston Poittevin et son gendre, Henri Martin, tous les deux déportés à Buchenwaldet dont on espérait le prochain retour, mais qui n'ont pas survécu à la déportation, furent élus respectivement président et membre d'honneur. Puis l'élection de la direction du syndicat aboutit à répartir les postes de responsabilité entre les trois courants représentés au sein de la Résistance : le communiste Albert Dagonet fut élu président, le démocrate-chrétien Jean Quénardel, secrétaire général, et les socialistes Marcel Gilmert et Henri Macquart, respectivement vice-président et secrétaire 47 ).
   En 1946, Henri Macquart accéda à la présidence du Syndicat général des vignerons, un poste qu'il conserva jusqu'en 1959. Fils de Fernand Macquart, un notable socialiste qui avait été colistier de Jules Lobet et de Marcel Déat aux élections législatives de 1924, il était lui-même conseiller général du canton de Châtillon-sur-Marne où il avait succédé en 1945 à Léonce Bernheim, mort à Auschwitz. Vice-président de la Fédération des coopératives viticoles, Henri Macquart se fit le champion du mouvement coopératif, dont il renforça la cohésion en réalisant au sein du Syndicat général des vignerons la fusion entre le courant radical et socialiste et le courant chrétien, fusion déjà réalisée au sein du syndicalisme agricole marnais dans le cadre de la FDSEA48 ).
   Le mouvement coopératif qui avait échoué avant-guerre en raison de l'individualisme des vignerons et peut-être aussi des erreurs commises par leurs dirigeants, allait connaître après 1945 un essor sans précédent s'accompagnant du passage du stade de la vinification à celui de la champagnisation. Mais Henri Macquart ne parvint pas à faire aboutir le projet d'Office régional du vin de Champagne qu'avait élaboré avant-guerre le député socialiste Henri Martin. Ce projet qui visait à instaurer une véritable interprofession libérée de la tutelle de l'État, associée au mouvement coopératif et reposant sur un fonctionnement paritaire et démocratique, impliquait en effet pour les socialistes la suppression du Comité interprofessionnel du vin de Champagne.
   Le CIVC, même s'il avait été bien accueilli en 1941 par la majorité des professionnels du champagne, ne pouvait pas être pérennisé sous sa forme dirigiste et corporative, dans la mesure où il était une création du régime de Vichy. Il avait cependant été maintenu à titre provisoire en août 1945 par une ordonnance qui avait confié tous les pouvoirs au commissaire du gouvernement en attendant qu'il soit statué sur son sort. Au sein des instances de la Résistance, communistes et socialistes exigeaient sa suppression, tandis que les modérés pensaient qu'un simple aménagement suffirait 49 ).
   Le CIVC fut finalement préservé et réorganisé par l'arrêté du 20 juillet 1946 qui ne modifiait guère sa mission, ni la structure mise en place en 1941. Au sommet, la Commission permanente était composée du Commissaire du gouvernement qui était désormais le directeur des Services agricoles de la Marne, Émilien Martinval, du représentant du négoce, René Chayoux, qui avait succédé à Robert de Vogüé au début de 1944, et du représentant des récoltants, Henri Macquart. Cinq délégués du négoce et cinq délégués des récoltants proposés par les syndicats, mais nommés par le ministre de l'Agriculture, constituaient la Commission consultative qui fixait chaque année le prix du kilogramme de raisin et répartissait les crus entre les négociants. Le pouvoir de l'État était toujours aussi important puisque le Commissaire du gouvernement était, en dernier ressort, seul habilité à prendre des décisions, même s'il se conformait généralement aux délibérations de la Commission consultative.
   Le CIVC conservait sa spécificité et faisait du vignoble champenois « le seul où le prix du kilo de raisin ne s'établit pas directement entre l'acheteur et le vendeur, le seul où le vigneron est assuré d'un prix minimum et où les petits crus sont certains de trouver un débouché » 50 ).
   L'absence d'épuration à l'égard des anciens dirigeants de la Corporation paysanne et du CIVC, et cette continuité remarquable de l'action menée dans la Marne par les leaders du monde paysan et viticole, sous la IIIe République, sous Vichy, puis sous la IVe et la Ve République, ne sont pas spécifiques à la Champagne. Isabel Boussard les explique en avançant l'hypothèse « que ces hommes étaient indispensables et formaient les seules élites " possibles " du monde paysan », et « qu'ils se présentaient davantage comme des " techniciens " de la profession que comme des hommes politiques " » 51 ). Leur enracinement dans la Marne et la reconnaissance de leurs compétences professionnelles faisaient d'eux effectivement des personnalités incontournables.
   Le CIVC pérennisé allait être au lendemain de la Seconde Guerre mondiale l'instrument de la prospérité du vignoble champenois, prospérité attestée par un commerce extérieur du champagne florissant, avec des expéditions qui, dès 1946-1947, dépassaient déjà le niveau d'avant-guerre et s'élevaient à 10 863 000 bouteilles 52 ).

   Au total, quels qu'aient pu en être les aspects douloureux, l'occupation allemande et la période vichyste correspondent bien dans l'histoire de la viticulture champenoise et de l'industrie du champagne à une période de transition, au cours de laquelle les éléments de continuité, longtemps refoulés comme appartenant à l'histoire des " années noires " de l'Occupation et du régime de Vichy, l'emportent nettement sur les éléments de rupture associés à la mémoire héroïque et résistancialiste de la Seconde Guerre mondiale.


2002
Deux journalistes américains, Don et Petie Kladstrup
enquêtent sur La guerre et le vin en Champagne

   En 2002, les journalistes américains Don et Petie KLADSTRUP ont publié chez Perrin La guerre et le vin - Comment les vignerons français ont sauvé leurs trésors des nazis, une enquête menée dans plusieurs régions viticoles dont la Champagne.

   Le livre s'ouvre sur le témoignage de Bernard de NONANCOURT, fondateur après-guerre du groupe Laurent-Perrier, décédé en novembre 2010, qui relate son arrivée à Berchtesgaden en 1945 et son entrée dans les caves privées de Hitler où étaient rangées des centaines de caisses de champagne Salon. Jeune étudiant, il avait quitté la Marne pour échapper au STO et rejoint la résistance dans l’Isère après sa rencontre à Grenoble avec l’abbé Henri GROUÈS qui n’était autre que le futur Abbé Pierre, puis à la Libération il s’était engagé dans les rangs de la 2e DB.

   L'ouvrage qui s'appuie presqu'exclusivementl sur les témoignages de vignerons et de représentants des maisons de Champagne offre une vision consensuelle, résistancialiste et héroïque de l'histoire du champagne sous l'occupation allemande mais aussi partielle et tronquée, fruit d'une habile recontruction postérieure à la guerre défendue et entretenue par le CIVC, qui fait l'impasse sur le rôle du gouvernement de Vichy et l'adhésion des organisations professionnelless liées au champagne à ce régime représenté dans la Marne par le préfet René BOUSQUET, au moins jusqu'en 1942.

   Rendant compte de la sortie de cet ouvrage dans L'Union du 16 novembre 2002 sous le titre " « La Guerre et le vin » : petites gorgées d'histoire ", le journaliste Christophe PERRIN soulignait qu'il s'agit d'« un livre qui privilégie les anecdotes à l'histoire » et notait qu'il était pour le moins en décalage par rapport à ma thèse de doctorat d'histoire La Marne et les Marnais à l'épreuve de la Seconde Guerre mondiale publiée en 1995 aux Presses universitaires de Reims.
   Cette thèse qui s'appuie sur les archives économiques, policières et judiciairees révèlait en effet la
complexité de cette période historique ambigüe, mouvante, ambivalente, longtemps masquée, occultée, dévoyée tantôt par le mythe d’une résistance marnaise précoce, héroïque et unanime, ou au contraire par celui d’une dérive collaborationniste généralisée inhérente au régime de Vichy, alors qu’elle s’inscrit pour l’essentiel dans la zone grise de ces temps difficiles qui continuent de susciter interrogations et débat.


2003-2004
Deux Allemands, le réalisateur Albert Knechtel et le journaliste Nils Klawitter
enquêtent à leur tour sur le champagne sous l'Occupation

   En 2003-2004, j'ai reçu successivement la visite de deux Allemands, le réalisateur Albert KNECHTEL et le journaliste Nils KLAWITTER qui enquêtaient à leur tour sur le champagne et les Champenois pendant l'occupation allemande. Ils avaient pris connaissance de l'ouvrage de Don et Petie KLADSTRUP, La guerre et le vin, et ils souhaitaient recueillir des informations auprès d'un historien champenois.
   J'ai répondu à leurs questions et j'ai mis à leur disposition les informations que j'avais pu rassembler dans les archives au cours de la rédaction de ma thèse de doctorat. de son côté, Albert KNECHTEL m'a communiqué le Rapport sur la gestion de l'industrie française du champagne pendant les années 1940-1944 rédigé après la guerre par Otto Klaebisch, rapport que lui a remis la fille du Sonderführer du champagne.

Le rapport Klaebisch


   Le film d'
Albert KNECHTEL Le vin sous l'Occupation, produit et diffusé par l'agence Point du Jour, a reçu le Trophée spécial du grand jury au Festival œnovidéo de Ménerves-en-Lubéron. Il a été diffusé les 17 et 19 novembre 2004 sur Arte.

   Sont interviewés dans ce film, Claude TAITTINGER, Lionel CHAUDRON et Fernande SERVAGNAT, épouse de Pierre SERVAGNAT négociant en vins de Champagne et chef des FFI de l'arrondissement d'Épernay, déportée à Ravensbrück en avril 1944, qui est décédée en 2006.



Fernande Servagnat interviewé par Albert Knechtel en 2004


http://www.arte.tv/fr/705036.html

http://www.dailymotion.com/playlist/x1nnnj_khalem2012_le-vin-sous-l-occupation/1#videoId=xfcanu

   L'article de Nils KLAWITTER a été publié en janvier 2005 dans un numéro spécial du magasine Spiegel, consacré à la fin de la 2e guerre, sous le titre " Ende des Chaos " avec un interview de Claude TAITTINGER.



Avril 2011
 70e anniversaire du CIVC
dans La Champagne viticole

   En avril 2011, a été célébré en toute discrétion à Épernay le 70e anniversaire de la création du CIVC, au cours d'une « cérémonie simple et familiale » ainsi que le relate le numéro 767 de La Champagne viticole.
   À cette occasion, Pascal FÉRAT, président du
Syndicat général des vignerons de la Champagne, et Ghislain de MONTGOLFIER, président de l’Union des maisons de Champagne qui coprésident le CIVC, ont signé dans ce mensuel un article intitulé " 1941-2011. Les Champenois fêtent les 70 ans du CIVC ".
   Ils y évoquent
la loi du 12 avril 1941 qui a donné naissance au CIVC sans faire allusion ni au régime du maréchal Pétain qui l’a promulguée après avoir mis à mort la IIIe République et dissous les assemblées élues, ni à l’occupant nazi partie prenante dans la réorganisation de la profession du champagne mise en place par cette loi vichyste.
   Ils jettent
un voile pudique sur les conditions pour le moins ambigües de la création du CIVC, préférant célébrer « les 70 glorieuses années » de prospérité du champagne qui ont suivi sa mise en place, et se projeter dans l’avenir, en annonçant « le lancement d’une étude stratégique destinée à définir une vision commune pour la Champagne de 2030 ».
  Jean-Luc BARBIER, directeur général du CIVC, signe dans ce même numéro un article intitulé " Origines et naissance du CIVC ", qui est tout aussi laconique sur le rôle de Vichy et de son représentant René BOUSQUET, et qui tente de façon maladroite et peu convaincante de placer la naissance du CIVC sous le signe de la résistance des Champenois à l’occupant et au régime de Vichy :

« Le gouvernement de l’époque ne voulait pas de cette institution, si novatrice et originale, qui allait à l’encontre de sa politique économique marquée par un corporatisme étatique. Mais les Champenois ont réussi à imposer leur volonté en profitant quelque peu d’une période de désorganisation politique et administrative. Ils sont les véritables rédacteurs de la loi du 12 avril 1941 ».

   Depuis 1945, l’histoire de la Seconde Guerre mondiale dans la Marne fait l’objet au sein du monde du champagne d’une reconstruction qui occulte les conditions réelles de la création du CIVC et qui refuse d'en assumer les origines pour le moins ambivalentes.


Pascal FÉRAT et Ghislain de MONTGOLFIER
" 1941-2011. Les Champenois fêtent les 70 ans du CIVC "

Jean-Luc BARBIER
" Origines et naissance du CIVC "

    La Champagne viticole, n° 767, avril 2011


20 septembre 2011
présentation du roman historique de Frédéric Couderc
Et ils boiront leurs larmes

    Les éditions Flammarion ont choisi de présenter tout au long d'un parcours à Reims-Épernay-Boursault-Vertus organisé le 20 septembre 2011 par l'agence RhizOmes, le roman historique de Frédéric COUDERC Et ils boiront leurs larmes.

   C’est en 2009 que l'auteur de ce roman historique qui a pour cadre la Champagne et le champagne pendant la Seconde Guerre mondiale m’a contacté, après avoir pris connaissance sur le site Internet « Histoire et mémoires » du CRDP de Champagne-Ardenne de ma contribution sur Le vin de Champagne à l’épreuve de l’occupation allemande. Il y a trouvé des informations qui lui ont permis de bien planter le décor, de restituer le contexte historique, et plusieurs personnages qu’il a librement intégrés à son roman, sous leurs vrais noms ou sous des noms d’emprunt.

Frédéric Gouderc dédicace son roman au Château de Boursault


Dans les pas de Véra Keller en Champagne


23 septembre 2011
La publication des actes du colloque de 2005
Le champagne : une histoire allemande

   Le 23 septembre 2011, au Cercle des Ambassadeurs de l'UNESCO à Paris, sous le titre Le champagne : une histoire franco-allemande, les actes du colloque de 2005 sont présentés dans le cadre de la Fête de la Gastronomie par le recteur Jean-Pierre POUSSOU et Claire DESBOIS-THIBAULT.

Jean-Pierre Poussou et Claire Desbois-Thibault


Le champagne dans tous ses états : de la page à la coupe
Cercle des ambassadeurs de l'UNESCO


Claire DESBOIS-THIBAULT, Werner PARAVICINI et Jean-Pierre POUSSOU
( sous la direction de )
Le champagne : une histoire franco-allemande
Collection Roland Mousnier
Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 2011
http://pups.paris-sorbonne.fr/pages/aff_livre.php?Id=921

   Dans cette histoire, « le rôle des maisons de négoce a été déterminant, soit parce que, comme pour Moët-Clicquot, il y a eu un démarchage systématique de la clientèle allemande, soit parce que naquirent des maisons allemandes du champagne : Deutz et Geldermann, Krug, le tout n'allant pas sans difficultés, soit pour reconstituer cette histoire comme le montre l'exemple d'Heidsieck, soit parce que l'occupation allemande est venue rendre compromettante ces liens pendant la seconde guerre mobdiale ».


28 septembre 2011
Inauguration de l'exposition
" Champagne ! De la vigne au vin. Trois siècles d'histoire "
aux Archives départementales de la Marne

   Le 28 septembre 2011, a été inaugurée aux Archives départementales de la Marne à Châlons-en-Champagne l'exposition itinérante " Champagne ! De la vigne au vin. Trois siècles d'histoire " conçue par Interbibly, Agence de coopération entre les services d'archives, les bibliothèques et les centres de documentation de Champagne-Ardenne.

Jusqu'au 30 novembre 2011 aux Archives départementales de la Marne
1, rue Just Berland
à Châlons-en-Champagne


Le dossier de presse de l'exposition
sur le site d'Interbibly Champagne-Ardenne

Exposition virtuelle

Contact :
Delphine HENRY
Tél. 03 26 65 02 08
delphine.henry@interbibly.fr

   La période de l'occupation allemande n'est pas absente de cette exposition, même si elle est abordée de façon très générale sans faire aucune allusion au rôle joué par le gouvernement de Vichy et son représentant en Champagne le préfet René BOUSQUET. dans la mise en place et l'organisation de l'interprofession.

   On en apprend un peu plus dans le superbe catalogue de l'exposition où Christophe LUCAND de l'Université de Bourgogne, auteur d'une thèse de doctorat sur l'histoire du négoce vitivinicole en Bourgogne signe un article intitulé " Le vin de Champagne sous l'Occupation (1940-1944) ".

Christophe LUCAND,
" Le vin de Champagne sous l'Occupation ( 1940-1944 ) "
In Champagne ! De la vigne au vin. Trois siècles d'histoire
Éditions Hazan, 2011
-
Les Négociants en vin de Bourgogne du 19e s. à nos jours
Collection Connaissance du monde du vin,
Éditions Féret, 2011

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