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Le débarquement allié en Sicile
Les
chutes de Sfax le
10 avril 1943, celles de Kairouan
et Sousse le
12, les libérations de Tunis et Bizerte
les 7 et
13 mai 1943 mettent fin aux combats et contraignent la coalition
italo-allemande du général Von
Arnim et du maréchal italien
Messe à évacuer la
Tunisie.
Dès lors les alliés s'appliquent à
préparer l'ouverture d'un front au Sud
de l'Europe qui exige la conquête
de la Sicile et de la Corse pour mieux s'implanter sur la
péninsule italienne.
L'opération Husky est déclenchée le 10 juillet 1943 par des Alliés qui alignent une armada de 3 000 navires provenant
d'Égypte, de Malte, du Maghreb et des États-Unis.150 000
soldats débarquent sur les côtes de Sicile. Ils sont rejoints
dans les 48 heures par 320 000 hommes supplémentaires.
L'effet de surprise est total puisque les services de la propagande alliée ont parfaitement
réussi leur campagne de désinformation, faisant croire
à l'État-major général allemand que l'objectif
immédiat était la Sardaigne.
En Sicile ne se trouvent alors que la 6e armée
italienne et le 14e corps allemand en partie constitué de combattants
d'Afrique dont le moral n'est pas bon selon les rapports de leurs chefs.
La 8e armée britannique ne rencontre qu'une
faible résistance dans le secteur de Syracuse tandis que les Américains se heurtent à la division blindée
d'élite Hermann Goering équipée des puissants
chars Tigre de 56 tonnes aux tirs redoutables. L'appui réclamé
des parachutistes et des commandos transportés par planeurs est
insuffisant surtout en raison de grossières erreurs de largage
mais aussi de l'inexpérience troublante des pilotes de planeurs.
Les plans alliés sont rapidement modifiés
par Montgomery, qui tient à ce que la 8e armée soit la première
à entrer à Messine.
Aussi fait-il monter ses colonnes par le Nord pour qu'elles atteignent
l'Est de l'Etna, ce qui a le don de mettre hors de lui le général Patton dont les GI's de la 7e armée
doivent avancer vers l'Est et Palerme.
La tension entre les généraux alliés
est patente et contre-productive. Patton,
qui est un dur,proteste avec véhémence auprès du
commandant en chef de l'opération, le général
Harold Alexander. Il juge les changements anglais intempestifs
et enrage de devoir jouer les seconds couteaux.
La chute de Mussolini
Ce
nouveau front menace politiquement Mussolini.
Ce n'est pas le discours de 5 heures qu'Hitler prononce à l'adresse
du Duce qui change la donne. Mussolini est déstabilisé, bouleversé par les bombardements
massifs des forteresses volantes qui touchent en particulier Rome.
La réorganisation de l'armée en Sicile lui semble impossible
et il cherche en vain un moyen de rebondir. Le Grand Conseil fasciste
ne lui en laisse pas le temps puisqu'il se réunit pour la première
fois depuis 1939 et se prononce par 19 voix contre sept abstentions
en faveur du retour de la monarchie constitutionnelle dotée d'un parlement démocratique.
C'est un ami proche de Mussolini,
Dino Grandi, soutenu par Giuseppe
Bottai et le comte Galeazzo Ciano,
le propre gendre du Duce, qui mène la fronde. Mussolini fait mine d'ignorer leurs états d'âme et ne comprend pas
qu'ils bénéficient du soutien du roi
Victor Emmanuel III, du prince héritier Umberto
et du maréchal Badoglio. Le
parti n'a pas accepté la multiplication des défaites enregistrées
par l'armée, ni les tentatives intéressées de son
secrétaire, Carlo Scorza.
Le 25
juillet 1943, Mussolini est renvoyé par le roi et arrêté. « Je
le regrette, je le regrette, mais il n'y a pas d'autres solutions. En
ce moment vous êtes le plus haï de l'Italie » lui déclare Victor Emmanuel III.
Le Duce est placé en résidence surveillée à
la caserne de la police militaire de la via Quintino Sella. Le roi prend
le commandement des armées et place le maréchal
Pietro Badoglio à
la tête du gouvernement. Badoglio est l'officier
qui a conduit la conquête de l'Éthiopie mais qui, convaincu
des faiblesses structurelles et de l'insuffisance tactique de son armée,
avait tenté de dissuader le Duce d'entrer en guerre en 1940.
Les louvoiements du gouvernement Badoglio
et la capitulation de l'Italie
Dès
le 30 juillet 1943, le
nouveau front et le changement de gouvernement conduisent des milliers
d'ouvriers à se mettre en grève pour exiger la paix. Les
manifestations ne sont pas dispersées par l'armée qui
refuse d'ouvrir le feu. La gauche démocratique demande que l'Italie
se range auprès des Alliés et que l'armée se retourne
partout contre les troupes allemandes stationnant dans la péninsule.
Badoglio réprime
toutefois une manifestation antifasciste à Rome alors que Hitler
ordonne au maréchal Rommel de
réunir 8 divisions pour préserver les grandes voies de
communication en particulier les ponts et les tunnels
Badoglio est embarrassé d'autant que le général Dwight
Eisenhower lui offre la libération
de prisonniers de guerre italiens, si son pays cesse toute
coopération avec l'Allemagne.
En effet, après la capitulation de l'Afrika
Korps le 13 mai 1943, un peu
plus de 130 000 soldats allemands et italiens ont été
envoyés aux États-Unis en application de la Convention
de Genève. Les prisonniers italiens sont installés principalement
dans les États du sud, surtout au Texas, où le président
Roosevelt les considèrent comme des hôtes des USA. Ils
seront répartis dans 511 unités d'accueil !
Badoglio charge
l'un de ses généraux d'une mission secrète à
Madrid où il doit s'entretenir avec l'ambassadeur de Grande-Bretagne.
Un autre de ses officiers est en pourparlers à la frontière
avec Rommel. Le 14 août, Badoglio
qui joue sur les deux tableaux déclare
Rome ville ouverte, mais les Alliés ne sont pas dupes et annoncent
que « tant que la capitale italienne
sert de centre de communication militaire aux Allemands, elle demeure
un objectif légitime de bombardement ». Plusieurs
observateurs voient dans cette attitude la preuve que Badoglio veut continuer la guerre. D'autres pensent au contraire qu'il cherche
à négocier la paix.
Le 3
septembre, les Britanniques débarquent
en Calabre. C'est le début de l'opération Baytown au cours de laquelle les défenses allemandes de Salerne sont littéralement balayées. Le 13e corps, qui comprend
en particulier la 5e division anglaise et la 1re division canadienne,
ainsi que la 8e armée britannique sont à pied d'uvre.
La 5e armée alliée composée du 6e corps américain,
ainsi que le 10e corps britannique du général Mark
Clark prennent position à Salerne.
Cette situation nouvelle aboutit le
8 septembre à la publication
par le général Eisenhower de la « reddition sans condition de l'Italie ».
Badoglio fait à la radio une
déclaration similaire.
L'heure de la proclamation de ces déclarations
concordantes a été calculée pour correspondre avec
les principaux débarquements alliés sur les côtes
de la péninsule, afin d'éviter une résistance inutile
des troupes italiennes. L'accord a en réalité été
trouvé au Portugal après une médiation des représentants
du Pape Pie XII, entre le général
anglais Adrian Carton de Wiart et le général
italien Zanussi. Ils ont travaillé dès
le 26 août à
cette finalité et ont ainsi torpillé la mission confiée
au général Castellano.
L'opération Avalanche est
alors déclenchée
à Salerne , mais
les Alliés sont alors pris sous le feu croisé de trois
divisions de Panzer auxquelles s'ajoute la 29e Panzergrenadieren
qui compte sur d'autres renforts.
L'occupation allemande et la République de Salo
Le
10
septembre, les Allemands réagissent très vite à cette série de mauvaises
nouvelles et occupent Rome avec l'intervention
de la 10e armée du général
Von Vietinghoff, soutenue par une division de Panzer.
Les Italiens tentent de s'y
opposer mais le corps motorisé du général
Carboni ne peut résister à la poussée
allemande et ses cinq divisions déposent les armes en quelques
heures aux portes de la capitale ! Victor Emmanuel
III, le prince héritier et plusieurs ministres sont
déjà partis se réfugier à Brindisi.
Le 12
septembre, Hitler abat son dernier atout et ordonne aux commandos spéciaux du capitaine
SS Otto Skorzeny de délivrer par tous les moyens Mussolini.
C'est l'opération Chêne placée sous la direction
du général Student.
Le Duce est alors gardé à l'hôtel
refuge Campo Imperatore, un établissement situé à
2 000 mètres d'altitude dans le massif du Gran Sasso. Les
90 hommes arrivent à bord de plusieurs planeurs. L'opération
est réussie sans qu'un seul coup de feu soit tiré puisque
le général Cueli, chargé
de garder Mussolini, sympathise immédiatement
avec Skorzeny. L'officier SS et le
Duce montent dans un avion Storch et atteignent très vite
Practica Dimare. De là, le Duce est tranféré
à Vienne en Autriche où il est accueilli par le Führer.
Le 23 septembre Mussolini est de retour en Italie pour établir les bases d'un nouveau régime
à Salo sur les bords du lac
de Garde. Il a déjà annoncé la couleur sur la radio
de Munich en chargeant Pavolini de
reconstituer le parti fasciste. Il s'engage aussi à rétablir
une République sociale italienne
et confie au général Graziani le soin de restructurer l'armée.
Le Duce décide de convoquer une assemblée
constituante et fixe ses grands objectifs à savoir que le fascisme
doit retrouver ses origines : « être
socialiste, anticapitaliste et républicain ».
Le 30
septembre, les troupes alliées
sont aux portes de Naples. La population se soulève contre
la garnison allemande à l'initiative du Front révolutionnaire
conduit par un ouvrier septuagénaire, Tarsia,
dont le poste de commandement est établi au lycée Sannazzaro.
Au prix de pertes élevées, les insurgés stoppent
huit des unités Panzer engagées contre eux par
le colonel Scholl, commandant la
place.
Le 1er
octobre, Naples est une ville libre,
mais à moitié détruite, conséquence des
violents combats qui s'y sont déroulés.
En trois semaines, les Anglo-Américains ont
perdu plus de 12 000 hommes.
Hitler radicalise
sa répression contre les Italiens en donnant l'ordre d'instituer
un climat de terreur et de piller les musées et les églises
de Rome et d'ailleurs. Le butin doit être transféré
en Allemagne. Il décide aussi que les
anciens soldats italiens désarmés devront être envoyés
dans le Reich au titre du travail obligatoire. Il ordonne
d'assiéger le Vatican. Aussi le Pape
Pie XII adresse-t-il une lettre scellée à ses
cardinaux, au cas où il serait arrêté.
L'engagement de l'Italie aux côtés des Alliés
Le
13 octobre 1943, l'ambassadeur d'Italie
à Madrid remet à son homologue allemand une déclaration de guerre à transmettre à
Berlin. Le maréchal Badoglio
enjoint « à tous les soldats
italiens de lutter contre les Allemands jusqu'au dernier homme ».
Dans un courrier qu'il adresse au général
Eisenhower il déclare : « Cet
acte permet de rompre avec un passé peu glorieux et mon gouvernement
sera heureux de marcher à vos côtés vers une victoire
inéluctable ».
Les Italiens vont-ils se battre contre les Allemands
sur leur sol ? Ils luttent déjà aux côtés
des Anglais en mer Egée, assistent
les Alliés en Sardaigne et
en Corse. Dans l'île de Beauté,
des Italiens avaient cherché à monnayer des renseignements dès le mois de février
1943. Mandaté par le général
de Gaulle et la France libre pour unifier la Résistance
en Corse, Fred Scamaroni était alors préoccupé par une curieuse proposition
de son adjoint le colonel Ferruci : le
haut commandement italien en Corse représenté par un certain Prunelli était prêt
à livrer ses plans de défense
de l'île.
Giovoni,
un des responsables du Front national de lutte pour l'indépendance
de la France, organisation créée par les communistes et
qui fédère les mouvements de résistance corses,
suit la filière et obtient ce document qu'il remet à Alger
au général
Giraud,
le 6
septembre 1943. Giraud promet d'apporter une aide à
la Résistance corse et décide d'engager dans cette opération
le 1er corps darmée du général
Henri Martin.
Dans la nuit du 13 au 14
septembre, lorsque
les premiers détachements français de l'Armée d'Afrique
appartenant au 1er bataillon de choc du commandant
Gambiez
débarquent du sous-marin Casabianca, les troupes italiennes basculent dans le camp allié.
Restait à régler le difficile problème
des prisonniers italiens aux mains des Alliés.
Dans le même temps, les
actes de résistance se développent à Rome, Milan,
Turin et, en représailles, les nazis exécutent
dix Italiens pour chaque soldat allemand abattu dans un attentat.
À
la mi-novembre1943, les
Alliés sont au bord de l'épuisement et le
front semble bloqué entre le Mont Camino et le Mont Cassino,
le long la ligne Gustav tenue par les Allemands entre Gaeta
et Ortona, de la Mer Tyrrhénienne
à la Mer Adriatique.
Les Allemands prennent en otages deux mille ouvriers à Milan,
et ils expédient aussi vers le Reich les soldats britanniques
qu'ils ont faits prisonniers.
Le 25
novembre 1943, le général
Juin arrive à Naples avec son chef d'État-major le général
Carpentier et quelques officiers. Juin commandait les troupes françaises pendant la guerre de Tunisie.
Ni le Britannique Alexander, commandant
en chef en Italie, ni Clark, patron
de la 5e armée américaine ne sont là. Il se met
à la disposition du général
Lucas commandant le 6e corps US, et après trois semaines
de durs combats à Castennuevo, Pantano, Mainarde, Monna Casale, obtient le commandement du Corps expéditionnaire
français ( CEF ).
En janvier
1944, les Alliés passent
à l'offensive. Le 10e corps britannique et le 2e corps
US percent le 7
janvier la ligne de défense ennemie au Sud de Rome,
mais ils doivent se résoudre à lutter pour chaque mètre
de terrain dans une zone montagneuse et difficilement accessible. " Passer là où cela semble impossible "
telle est la devise de Juin.
Pendant ce temps, les fascistes règlent leur
compte puisque le 11
janvier, le comte Ciano est fusillé avec quatre autres anciens dignitaires du régime
fasciste dans l'enceinte de la prison de Verone sur ordre de Mussolini
qui ne lui pardonne pas de l'avoir trahi.
Le 22
janvier, les Alliés établissent
une tête de pont à Anzio au Sud-Ouest de Rome, sans rencontrer de résistance sérieuse
et le jour même ce sont 50 000 hommes et 3 000 véhicules
qui sont à pied d'uvre. L'opération Shingle se révèle un succès, mais la prudence du général
Lucas est bienvenue car le maréchal
Kesselring fait venir des renforts d'un peu partout pour
encercler les Anglo-Américains.
Le 12 février 1944,
la situation n'a toujours pas évolué ce qui fait dire
à Churchill : « Nos
fauves se sont rués sur Anzio et on dirait maintenant des baleines
échouées ».
La victoire de Monte Cassino
et la libération de Rome
Ce
sont désormais les troupes alliées du Monte
Cassino qui multiplient les initiatives pour essayer de desserrer
l'étau d'Anzio où la
14e armée du général Von
Mackenzen oppose dix divisions aux cinq divisions alliées,
avec l'appui de la Luftwaffe. La situation se stabilise le
19 février 1944 alors que
les bombardiers US pilonne l'abbaye du Monte Cassino défendue
par les parachutistes allemands.
Sur le front social, de nombreuses
grèves antinazies sont signalées en particulier
en Italie du Nord dans les usines d'armement de Breda et Marelli ainsi
que chez le fabricant de pneumatiques Pirelli et chez le constructeur
d'avions Isotta Fraschini. Le journal communiste clandestin romain
Unita Proletaria affirme que le gouvernement italien
est prêt à laisser déporter un million de travailleurs
vers l'Allemagne.
À Rome,
le 24 mars de violentes attaques
de partisans ont lieu et 335 otages sont exécutés.
Les troupes françaises
progressent en transportant mitrailleuses et munitions à
dos d'hommes ou sur des mules, dans des secteurs très escarpés
que ne peuvent atteindre ni les blindés, ni l'artillerie alliés.
La 4e division marocaine de montagne du général
Sevez et les goumiers du général
Guillaume enfoncent les positions
allemandes sur le front du Garigliano.
Ce sont les succès du Faito le
12 mai, le Majo le
13, le Mont Perilla le
16 mai. Dans
la nuit du 15 au 16 juin, 25 000 hommes, disposant de 4 000
mulets, montent à l'assaut des parois du Mont
Aurunces réputé infranchissable par l'ennemi.
Le 17
mai, le maréchal Kesselring donne l'ordre d'évacuer Cassino à ses troupes qui battent en retraite, pourchassées par
les troupes du Corps expéditionnaire français. Celles-ci
progressent jusqu'aux portes de Rome.
Le 4
juin, les véhicules légers des compagnies d'éclaireurs
franchissent le Tibre et atteignent la basilique Saint-Pierre. Les Allemands
ont laissé la ville intacte. La première capitale de l'Axe
tombe et depuis le Capitole une foule immense acclame le général
américain Mark Clark, tandis que le soldat Poggionovo
hisse le drapeau tricolore à croix de
Lorraine sur l'ambassade de France au palais Farnese.
Alors que le débarquement en Normandie débute
le 6 juin 1944, les Italiens retrouvent
le goût du combat. Les patriotes réfugiés dans les
reliefs du Nord vont au contact des Allemands. La 8e armée britannique
équipe et entraîne des brigades italiennes composées
de soldats qui peu de temps auparavant étaient des ennemis !
L'un des officiers instructeurs confie : « on
avait de la pitié et même du dédain pour les Italiens
lors de la campagne d'Afrique. Maintenant on les découvre. Ce
sont des soldats accomplis auxquels on a redonné toute leur fierté
».
La situation se stabilise puisque l'État-major allié décide de retirer 100 000
soldats pour les affecter à la préparation du débarquement
allié sur les côtes françaises de Provence. La
totalité du 6e corps américain et le Corps expéditionnaire
français convergent sur Naples pour embarquer. Ils vont être remplacés par les 25 000
hommes du corps expéditionnaire brésilien et la 96e division
américaine exclusivement composée de Noirs américains,
dont ce sera le baptême du feu.
Le Corps expéditionnaire français laisse
en Italie 7 251 morts, 4
201 disparus et compte 20 913 blessés.
Ce sont 153 000 hommes qui restent face à la
puissante ligne Gothique tenue par les Allemands.
La libération de l'Italie du Nord
et la capitulation des troupes allemandes
Le 21 juillet 1944, les Alliés
font leur entrée à Florence.
Cinq des six ponts ont été détruits. Il ne reste
plus que le Ponte Vecchio. De nombreux immeubles classés ont
été volontairement piégés et dynamités.
Le 25
août, Churchill qui assiste à l'offensive de la 8e armée britannique contre
la ligne Gothique déclare : « je
n'ai jamais été si près de l'ennemi et je n'ai
jamais entendu siffler autant de balles durant la guerre ».
L'objectif du général Oliver Leese est de traverser la rivière Foglia et d'enfoncer la ligne de
défense allemande le long de la côte Adriatique, de manière
à réaliser une large percée de blindés dans
la plaine du Pô.
Les combats sont d'autant plus difficiles que le Reich aligne dix divisions d'infanterie face aux Alliés ! Des champs
de mines, très denses, s'étendent de la côte de
l'Adriatique à la mer de Ligurie. Les nids de mitrailleuses ont
été creusés à l'explosif dans les Apennins
! La bataille d'Italie se poursuit avec le
1er novembre la réussite de
la 10e division indienne, qui atteint la rivière Rabbi près
de Ravenne. Pourtant la guerre s'enlise dans la péninsule. Chacun
consolide ses positions.
Il faut attendre le mois d'avril
1945 pour que les Alliés décident d'en finir
et de déclencher leur plus grande offensive
sur l'Italie : 234 bombardiers de l'US Air Force larguent 24 000 bombes incendiaires, puis ce sont 740 bombardiers dépendant
de l'US Tactical Air Force, qui détruisent les positions
d'artillerie ennemies. Enfin 825 autres bombardiers larguent 1 690 tonnes
de bombes sur les environs de Lugo.
Dès l'aube, les Alliés traversent le
fleuve en force sur trois ponts Bailey, construits par le génie
britannique. Alors que les anglo-américains construisent un nouveau
barrage, les Pendjabis de la 8e division indienne se préparent
à franchir le Santerno. Sur
la rive droite, les Fantails, véhicules chenillés
amphibies de la 9e division blindée, ainsi que la 56e division
d'infanterie traversent les eaux peu profondes du lac
Comacchio puis atteignent les lignes allemandes et menacent
les positions des fleuves Argenta
et Reno.
Les Alliés sont satisfaits de leur domination
aérienne d'autant que les bombardiers sont aidés par le
nouvel atlas de la marine qui permet l'identification des cibles.
Le 29
avril 1945, Mussolini est exécuté par des partisans, après avoir été
intercepté près du lac de Côme alors qu'il cherchait
à gagner la Suisse. Le Duce, qui se trouvait dans un convoi allemand
et portait un uniforme du Reich est reconnu et abattu par le
colonel Valerio, officier appartenant
à un groupe de partisans communistes ( de son vrai nom Walther
Audisio ), qui fait aussi fusiller les quinze autres prisonniers,
dont cinq ministres du gouvernement fantoche de Salo.
Les généraux
Herr et Lemelsen, chefs des 10e et 14e armées, ainsi
que le général Von Pohl décident de capituler. Cette capitulation
sera effective le 2 mai 1945 à
2 heures avec ou sans l'accord du maréchal
Kesselring. Les trois généraux évitent
de justesse l'arrestation mais le maréchal se résout à
les suivre puisqu'on lui oppose que cela permettra aux anglo-américains
de bloquer l'avance soviétique vers l'Ouest, de contrer la menace
sur Trieste, mais aussi un possible soulèvement communiste capable
de transformer l'Italie du Nord en république rouge.
Les démêlés de la France avec ses alliés
anglo-saxons
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale
La
France réussit à élargir la zone d'occupation qui lui avait été attribuée par les Alliés
en avril 1945 au Nord des Alpes,
et qui s'étend en fait jusqu'à la Méditerranée.
Les villes d'Aoste, Suse,
Tende, Vintimille passent sous contrôle français. Le territoire occupé
par les Français est vingt fois supérieur à celui
initialement prévu. Mais les Américains ne sont pas prêts
à accepter la politique française du fait établi. Clark résume ainsi la situation
: « nous n'avons nullement l'intention
de forcer les Français à regagner leur territoire. Tout
ce qu'il nous reste à faire est d'adopter une attitude ferme
et de laisser aux dirigeants politiques le soin de régler cette
querelle ». Le 7 mai, l'ancien chef de la 5e armée
n'omet pas de remercier Juin pour l'action du CEF : « Je
vous serais très reconnaissant de bien vouloir rappeler à
la 2e DIM, à la 3e DIA, à la 4e DMM et à la 1re
DMI que nous n'avons pas oublié, au 15e groupe d'armées,
leurs courageux combats de l'année dernière ».
Pourtant les États-Unis considèrent
depuis le 4 mai que
la présence permanente des troupes françaises en Italie
est indésirable. Elle pourrait provoquer un nouveau
conflit avec les partisans locaux, ce qui déstabiliserait le
nouveau gouvernement italien encore fragile. Les Américains vont
même jusqu'à affirmer que les Français préparent
des incidents de frontières pour justifier leur présence.
Les soldats US reçoivent l'ordre de bloquer les routes qui mènent
en France. Cette décision provoque la colère du général
Doyen qui parle « d'une
action inamicale et grave », aussi demande-t-il la
médiation du général Devers,
commandant le 6e groupe d'armées.
À Paris, le gouvernement provisoire réaffirme
l'impérieuse nécessité de ne
pas se résoudre à laisser des étrangers administrer
des territoires occupés par des soldats français.
Dans un télégramme daté du 4
mai, de Gaulle est catégorique : « Pas d'AMGOT [ administration
militaire alliée sous contrôle américain ] à l'Ouest de Turin ! Il
y a urgence à occuper entièrement le Val d'Aoste ».
Une semaine plus tard, il est toujours aussi ferme à l'adresse
de Doyen : « L'étranger
n'a pas à se mêler davantage de la sécurité
de notre frontière. L'administration de Tende et de la Brigue
doit être exercée sous votre autorité par des fonctionnaires
désignés par le préfet des Alpes-Maritimes ».
Les Français ne cherchent
pas l'escalade, aussi ne profitent-ils pas de la pétition
de 20 000 signatures en leur faveur pour exiger le Val
d'Aoste. Doyen écrit
le 25 mai au général
Sevez : « Le référendum
fait ces jours derniers à Aoste montre qu'il existe une majorité
en faveur du rattachement à la France. Si nous en tirions les
conséquences extrêmes et que nous annexions le Val d'Aoste,
il est certain que ce ne pourrait être que par un acte de force
qui créerait dans le flanc de l'Italie une plaie béante
qui ne se cicatriserait jamais. Au contraire une action de notre part
pour faire octroyer aux Valdôtains une large autonomie administrative
et culturelle dans le cadre de l'État italien, créerait
l'atmosphère nécessaire aux rectifications de frontières
qui sont à exiger au col du Petit Saint-Bernard dans la région
de Suse et dans les Alpes-Maritimes ».
Partisan d'un compromis,
Doyen suggère que les troupes
alliées s'approchent jusqu'à la limite des troupes françaises
ou des frontières françaises, en maintenant les Français
en place. Le général Clark tempère alors les différends mais le général
Truscott est beaucoup moins conciliant. Cela va jusqu'à
l'étude des conséquences d'une confrontation armée
avec la France !
Trois semaines après la capitulation,
il est clair que Français et Alliés anglo-saxons entretiennent une querelle très inquiétante.
Ces derniers sont convaincus que les Français ne disposent pas
des moyens suffisants pour se maintenir en Italie, mais en faisant un
exemple, ils tiennent à montrer aux Italiens comme aux Soviétiques leur détermination. Les Français
n'ont pas de revendications territoriales importantes mais ils ne veulent
pas céder aux injonctions américaines.
Une nouvelle escalade est enregistrée en juin 1945 lorsque le chef du gouvernement allié dans le Piémont,
le colonel Marshall, affirme : « Dans
tous les cas, je ferai tout ce qu'il sera nécessaire pour exécuter
les ordres que j'ai reçus jusqu'à ma mort ou ma relève
».
Le général de
Gaulle donne son accord pour un retrait
des troupes françaises derrière la frontière de
1939 et préconise de poursuivre les discussions avec
les anglo-américains. Cependant, les Français ne
sont pas informés de l'accord qu'ils négocient avec Tito et qui concède pour moitié l'Istrie à la Yougoslavie. Or, les deux situations
sont assez similaires. Il y a une majorité de la population
pro-française dans le Nord-Ouest de l'Italie et pro-yougoslave
en Istrie. Et le contrôle par la France de la ligne de crête
des Alpes-Maritimes relève du même intérêt
stratégique que celle des hauteurs slovènes par la Yougoslavie.
Les Français auraient donc beau jeu de faire valoir qu'aux mêmes
causes répondent les mêmes effets.
Finalement les Français
se retirent, mais aucune unité italienne ne devra
s'approcher à moins de 25 kilomètres de la frontière
entre l'Italie et la France.
Le traité de paix de 1947
Une
conférence des ministres des Affaires étrangères
est organisée au Palais du Luxembourg à Paris en avril
1946 pour préparer le traité de paix italien. Molotov se montre très exigeant,
puisqu'il tient à ce que l'Italie verse 300 millions de dollars
à l'URSS alors que le pays n'en a pas les moyens, puisque 500
millions de dollars viennent d'y être injectés pour faire
repartir l'économie. Les angles sont arrondis et Molotov se dit d'accord pour que la France récupère la région
de Tende-La Brigue et que les îles du Dodécanèse
soient remises à la Grèce tandis que le tracé de
la frontière italo-yougoslave est dessiné à Trieste,
ville internationale !
Toutes ces orientations sont confortées lors
des réunions des ministres des Affaires étrangères
qui se tiennent à New-York en novembre
et décembre 1946.
Par le traité de paix signé
le 10 février 1947,
la
France obtient 709 km2 de territoires qui lui permettent
de repousser sa frontière avec l'Italie
jusqu'à la ligne de partage des eaux :
- 560 km2 dans les Alpes-Maritimes,
- 3,22 km2 au col du Petit
Saint-Bernard,
- 81,79 km2 sur le plateau du Mont-Cenis,
- 47 km2 au Mont Thabor
- 17,1 km2 au Chaberton.
Le 12 octobre 1947,
à 91 %, les villages de La Brigue
et de Tende choisissent par référendum leur rattachement à la France.
La France et l'Italie sont prêtes pour rétablir
des relations cordiales et développer une coopération
qui les conduira à intégrer ensemble la Communauté
économique européenne en 1957.
Indications bibliographiques
- Henri
DE BRANCION, La Campagne d'Italie,
Paris, Prses de la Cité, 1995, 382 p.
- Jean-Christophe
NOTIN,
La Campagne d'Italie : les
victoires oubliées de la France 1943-1945, Paris,
Perrin, 202, 630 p.
- Yves
GRAS,
La 1ère DFL : les Français
libres au combat, Paris, Prseesde la Cité, 1983,
450 p.
- Jean
MABIRE,
Les Diables verts de Cassino, Italie
1943-1944, Paris, Presses de la Cité, 1991,
315 p.
- Daniel
RONDEAU et Roger STÉPHANE,
Des Hommes Libres, 1997, 460 p.
- Otto
SKORZENY,
Les Commandos du Reich,
Action, 1985, 250 p.
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