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Une courte page de mémoire
sur la 2e guerre mondiale
Pierre COLLINET

( 1920-2015 )

Témoignage mis en ligne par Jean-Pierre HUSSON

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Pierre Collinet photographié le 18 juin 2004
devant le Monument aux Martyrs de la Résistance de Reims,
à l'issue de la commémoration de l'Appel du 18 juin 1940

   Né le 30 juin 1920 à Margut dans les Ardennes, Pierre COLLINET a connu l'exode de 1940, puis le retour dans les Ardennes, en zone interdite, et l'occupation allemande.
   Réfractaire du STO, il a pris la maquis et a participé à la Résistance dans le département de la Meuse.
   À la Libération, il a poursuivi
le combat jusqu'à la victoire, au sein de la 1ère DFL.
   Après la guerre, il a fondé à La Neuvillette en 1961 la Société des anciens combattants et victimes de guerre et leurs sympathisants, qu'il a présidée jusqu'en en 2001, et qui s'est attachée à entretenir
le souvenir du lieutenant Mackenzie, pilote australien de la RFA qui, au retour d'un raid sur Stuttgart a été abattu par la chasse allemande et s'est écrasé à la sortie de la la Neuvillette, le pilote restant aux commandes pour éviter les maisons.

Le 15 avril 2006, à La Neuvillette, devant le Monument érigéà la mémoire
du pilote australien Ian MACKENZIEPierre COLLINET s'adresse à son cousin qui porte
les mêmes nom et prénom et à William McILROY un des survivant de l'équipage

L'exode : des Ardennes aux Deux-Sèvres

  J'écris, j'écris..., il faut bien que je me défoule, parfois cela soulage et remémore le passé. Écrire sur quoi, sur qui. Ces quelques lignes décrites, inspirées de souvenirs, ont profondément marqué ma vie.
  Je n'avais pas vingt ans, habitant dans la région de Sedan, j'ai connu comme tant d'autres les horreurs de la guerre. Évacué au dernier moment en mai 1940, avec ma famille, mère et frères, sept garçons, l'aîné étant aux armées, nous avons marché sous les bombardements et la mitraille jusqu'à Vertus dans la Marne.
   Tour à tour, nous nous sommes relayés pour pousser le landau de mes deux frères jumeaux. En gare nous sommes montés sur un wagon de marchandises plat, avec des ridelles de trente centimètres de hauteur. Nous étions entassés les uns sur les autres, parmi de pauvres bagages placés pèle-mêle.
   Après un pénible et long circuit de près de 600 kilomètres, nous avons enfin quitté notre position dangereuse et inconfortable et sommes descendus à NIORT ( Deux Sévres ), où nous sommes restés trois jours sous chapiteau, place de la Brèche, dans l'attente d'un hébergement. I

   Il n'était pas facile d'y trouver un logement pour une famille nombreuse, et finalement nous avons été hébergés dans une petite et ancienne dépendance, à 20 kilomètres de Nior.
   Les habitants nous ont fait oublier partiellement notre grande détresse. On nous appelait « les réfugiés des Ardennes ». Durant 9 mois j'ai travaillé dans une ferme. Le propriétaire était prisonnier en Allemagne.

Le retour dans les Ardenne occupées
et la Résistance dans la Meuse

   Mon père étant requis aux Aciéries de Sedan, il a fallu remonter dans les Ardennes. Avec émotion et tristesse, nous avons constaté que notre maison avait été pilléeet que d'autres avaient été détruites.
   Dans cette contrée classée zone rouge beaucoup de troupes allemandes stationnaient. J'ai reçu des ordres pour garder des voies de chemin de fer, puis d'autres encore, rien que trois, pour aller travailler en Allemagne comme STO. Dissident, réfractaire, j'étaisrecherché par les polices. Il a bien fallu que je quitte mon emploi et que je prenne le maquis.
   C'est à Béthincourt, dans le département de la Meuse, où s'tait constitué un maquis, que j'allais trouver une probable sécurité. Pas pour longtemps. Ce village a été en partie incendié pour représailles.
   
Nous avons échappé de justesse, sauf quelques victimes, à un « Oradour sur Glane ». Plusieurs fois le village fut encerclé et occupé. Au cours d'une nuit tragique, j'ai été fait prisonnier et connu la pression d'un revolver braqué sur ma tempe. Interrogé par un officier allemand, je lui ai dit que j'étais venu à Béthincourt pour chercher de la nourriture pour ma famille qui comptait dix personnes. Il m'a demandé mes papiers et je lui ai présenté une carte d'identité de sapeur-pompier établie par les autorités allemandes, ce qui m'a sans doute sauvé.


   J'ai toujours gardé un mutisme le plus absolu sur les activités de la résistance.

La fin de la guerre au sein de la 1ère DFL

   Enfin vint la libération, je ne pouvais rester insensible à l'appel du Général De Lattre. Il demandait des volontaires pour renforcer ses unités affaiblies, afin de chasser l'ennemi hors de France .
   J'étais fier d'appartenir à cette glorieuse armée, la Première Division des Français Libres ( 1ère DFL ), au bataillon de Marche 21, qui s'était vaillamment battue en Italie du Sud, au Mont Cassino, au Mont Redon, puis qui, débarquée à Hyères, avait libéré Toulon et Lyon avec des Africains.
   Engagé volontaire, j'étais breveté mitrailleur, dans une section de voltige, c'est à dire toujours en première ligne. N
ous avons libéré Giromagny, Belfort, les Vosges, l'Alsace, avec la deuxième DB du Général Leclerc.
   La perspective de franchir le Rhin et de déferler en Allemagne nous rendait joyeux. Mais, notre bataillon a été désigné pour barouder de nouveau dans les Alpes du Sud et l'Italie du Nord. L'Authion s'inscrit avec une triste mémoire. Le matériel était porté à dos d'ânes. Nos pertes ont été sévères. Chaque prise de pitons nécessitait un feu nourri d'armes automatiques, accompagné de mortiers et parfois de grenades.
   Envoyé en repos bien mérité à Cartelégue près de Bordeaux, notre bataillon était désigné pour libérer la poche de Royan, un des derniers bastions allemands.
   Hélas, en cette période de Noël 1944, l'ennemi a eu un dernier soubresaut. Avec énergie, il a attaqué et pénétré à Malmédy, Bastogne et une partie de l'Alsace.
   Appelé en renfort, notre bataillon a remonté en train, en catastrophe, nous avons baroudé de nouveau, afin d'épauler les Américains en difficultés.
   Enfin le jour glorieux est arrivé, la Reddition fut signée à Reims le 7 Mai 1945.    Nous étions de nouveau en Italie, après quoi nous avons défilé à Grenoble, Strasbourg, puis à Paris pour le 14 Juillet.

Le caporal Pierre Collinet en 1945

Le retour à la vie civile.
Ne pas oublier

   Cette tragédie terminée, une page de notre histoire ne peut s'oublier.
   Elle a laissé à tous beaucoup d'amertume.
   Nous ne pouvons oublier le sacrifice de tous nos camarades touchés à mort et du sacrifice de toutes les victimes de cette maudite guerre.
   Enfin, il a fallu reprendre le rythme de la vie civile, se refaire un autre état d'âme, en ayant en mémoire les horreurs de la guerre qui ne peuvent s'effacer.    Il a été nécessaire pour nous les jeunes, de reprendre des études interrompues, puis de passer des examens, de subir des concours afin d'envisager une situation professionnelle convenable.
   Il était salutaire de fonder un foyer, sur des bases solides et espérer de nouveau en la sagesse des Hommes.
   Au front ma marraine de guerre était assidue dans ses courriers.
   Ils ont permis au soldat que j'étais, de la connaître chez ses parents en Poitou.

Lettre adressée par l'assistante sociale départementale de Saintes
à Rolande Serpaud pour lui demander d'être la marraine de guerre de Pierre Collinet

 

Rolande Serpaud en 1945, la marraine de guerre de Pierre Collinet qu'elle a épousé après la guerre

   La destinée n'est pas un vain mot, nous nous sommes mariés.
   Rolande mon épouse m'a beaucoup aidé et encouragé depuis 1946.
   Avec notre fille Pascale, nous croyons tous trois à l'amitié des peuples et à la paix, dans la générosité des cœurs.
   L'expérience humaine continue :41 ans de Présidence d'une société d'Anciens Combattants ; fondateur et président durant 15 ans d'un club de football ; cadre dans l'industrie, puis professeur technique en Collège et Lycée pendant 31 ans.

Les jumelages réalisés sous la présidence de Pierre COLLINET

En 1978
avec le Groupement patriotique de Comblain au Pont - Poulseur en Belgique

 

En 1981
avec la Société des Anciens combattants de Fort de France en Martinique

 

En 1982
avec l'Union fédérale de la Guadeloupe

 

En 1986
avec le Regimental Association The Queen's-Own Buffs de Canterbury au Royaume-Uni

« Bien travailler, c'est rendre heureux, c'est le plus beau des métiers »

    Actifs nous le sommes encore notamment comme délégué départemental de l'Éducation nationale.


Pierre COLLINET
Mémoire appliquée,
septembre 2004

   Pierre COLINET est décédé le 20 juin 2015.

© CRDP de Champagne-Ardenne, 2000
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