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René GIGUELAY
parachutiste SAS de la France libre

Témoignage mis en ligne par Jean-Pierre HUSSON

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René GIGUELAY photographié à l'Hôtel de Ville de Reims le 23 mai 2004
à l'issue de la conférence de l'amiral Philippe de Gaulle consacrée aux Français libres

René Giguelay, âgé de 20 ans en décembre 1944,
dans son uniforme de parachutiste du 3ème Bataillon SAS

   Âgé de 16 ans en 1940, j'éprouve un grand désespoir en juin lors de la conclusion de l'armistice, puis le 3 juillet, jour où plusieurs unités de la Marine française sont détruites à Mers-el-Kébir, port situé dans la baie d'Oran, lieu de résidence de ma famille.

   Heureusement une espoir naît en août.
   Par la radio de Londres, j'entends la voix du Général DE GAULLE qui n'accepte pas la défaite.
   L'Angleterre est loin, mais néanmoins l'espérance de rejoindre une unité de la France libre me réconforte.

   Après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord du 8 novembre 1942, je souscris dès janvier 1943 un engagement pour la durée de la guerre, débute mes classes dans l'aviation à Blida le 19 mars puis, à l'issue d'une « escapade » pleine de risques et de péripéties, rejoins enfin la France libre le 1er juin 1943 à Kairouan (Tunisie).

   Un long périple en Libye, Egypte, Palestine, Liban m'amène à la Base aérienne de Rayak où j'espère suivre les cours de pilote….
   Déception : après un mois d'attente, rien, ni avion ni instructeur….

   Le 10 août 1943, un colonel venu de Londres conseille à ceux qui veulent vraiment participer à la libération de notre patrie, de s'engager dans les parachutistes dont l'entraînement va bientôt débuter en Écosse.

   Aussitôt, proposition acceptée par 150 volontaires, nous repartons à Alger où le Général DE GAULLE dirige maintenant le Gouvernement provisoire, puis, accompagnés de 150 nouveaux volontaires et de 70 évadés de France, nous arrivons, après 10 jours de navigation à Liverpool.

   En décembre 1943, l'entraînement intensif débute en Écosse, puis ce sont les stages de parachutage à l'aérodrome de Ringway-Manchester.

Stage d'entraînement en Écosse

   En mai 1944, nous sommes désormais 800 paras-commandos prêts à l'action répartis en deux unités du SPECIAL AIR SERVICE ( SAS ).

   Notre 3ème SAS commandé par le Commandant CHATEAU-JOBERT dit CONAN et le 4ème SAS commandé par le Colonel BOURGOIN qui, dès le 5 juin est parachuté dans le Morbihan et les Côtes du Nord pour effectuer une mission de diversion consistant à harceler les 5 divisions ennemies stationnées en Bretagne.

   Le 4 août 1944, le 2ème squadron du 3ème SAS, dont je fais partie, scindé en 8 sticks de 10 à 12 paras, est parachuté séparément entre Brest et Morlaix à 200 kilomètres de l'avant-garde américaine venant de Normandie.
   Nous avons la mission de harceler l'ennemi.
   Notre stick, commandé par le Sous-Lieutenant PUY-DUPIN attaque un convoi, une batterie anti-aérienne, une station radar, puis est rejoint le 9 août par les jeeps de reconnaissance US avec lesquelles nous coopérons 2 journées au cours desquelles nous guidons notamment le tir des tanks qui détruisent un important dépôt de munitions.

   Mission terminée, notre squadron, qui compte 5 tués, est regroupé à Vannes le 13 août avec les rescapés du 4ème SAS et nous retournons par Arromanches en Grande-Bretagne.

   À partir du 27 août, notre squadron, composé de 82 combattants, est à nouveau parachuté dans le Doubs, sur le plateau du Lomont, près de la frontière suisse, à 300 kilomètres de Lyon, où arrive la 1ère Armée française débarquée en Provence.
   Notre mission consiste à renforcer la résistance locale en vue de gêner la retraite ennemie vers le Rhin.

   Notre stick, arrivé le premier dans la nuit du 27 août, attaque le poste-frontière de Dannemarie, dont les occupants subissent des pertes et l'abandonnent le lendemain, puis le 30 août, renforcé par 3 autres sticks, le village de Pont-de-Roide tenu par 200 Allemands ; en raison de l'explosion accidentelle de notre mortier, l'assaut est interrompu.

   Le 2 septembre, notre stick posté en embuscade à deux kilomètres de ce village, mitraille deux camions bourrés de spoldats ennemis.

   Le 6 septembre, renforcé par trois autres sticks et 60 résistants, après liaison de l'officier commandant le régiment arrivé à Baume-les-Dames, nous attaquons le village de Clerval, nœud routier et ferroviaire défendu par 2 centaines d'ennemis qui, après 2 heures de combat, s'enfuient dans les collines boisées environnantes.
   Notre fusil-mitrailleur immobilise un train transportant des troupes qui s'enfuient également.
   Vers midi, nous apprenons que les blindés alliés qui devaient arriver, sont bloqués, faute de carburant, à 15 kilomètres.
   Notre lieutenant THOMÉ, avec l'assentiment des 40 SAS, et malgré le départ des résistants, décide de continuer l'occupation du village.
   Vers 16 heures, nous repoussons une première attaque de l'infanterie allemande, mais vers 18 heures, 4 chars ennemis avancent, détruisant 2 wagons-citernes placés par nous en travers de la route.
   Ils n'arrivent que vers 20 heures à nous chasser du village, mais au prix de la perte d'un blindé détruit par notre engin anti-char « PIAT » et de nombreux tués.
   Nous avons ainsi réussi à désorganiser le plan de repli de l'ennemi dans le secteur de Baume les Dames-Clerval et à faciliter l'avance des troupes françaises d'une quinzaine de kilomètres.

   Le 11 septembre, notre squadron est mis à la disposition de la 45ème division américaine à Isles-sur-Le Doubs et, le surlendemain, avec l'appui de 2 blindés US nous attaquons Accolans. Succès rapide, nous faisons 70 prisonniers.

   Le 15 septembre, nous attaquons Geney, mais la résistance ennemie est plus forte ; les tirs de mortiers et l'intervention d'un char lourd nous causent des pertes importantes : 4 tués et 5 blessés et nous nous replions après 3 heures de combat.

   Transportés dans les Vosges à Xertigny, notre groupe de 25 valides s'infiltre, dans la nuit du 18 septembre, dans les lignes allemandes jusqu'aux abords d'Epinal.
   Nos 2 officiers, habillés en civil, s'introduisent dans la ville, observent les dispositifs de défense toute la matinée et nous retournons au crépuscule dans les lignes américaines qui nous félicitent pour l'apport de très précieux renseignements, sans anicroche.

   Le 20 septembre, après 26 jours de durs combats, déréglés par une alimentation et un sommeil très irréguliers, frappés par la perte de 10 tués et 30 blessés, nous accueillons avec soulagement la décision : Mission du Doubs et des Vosges terminée.

   Les 3 autres squadrons du 3ème SAS, scindés en 28 sticks ont été parachutés dans 10 départements proches de la rive sud de la Loire afin de contrecarrer le plan de repli des occupants du Sud de la France vers le nord et le nord-est.

   À l'issue de la campagne de France, le bilan de l'ensemble de notre 3ème SAS s'établit à :
      - 40 paras tués et 70 blessés,
      - plus de 5 000 ennemis hors de combat dont 1 800 prisonniers,
      - 17 trains, 14 engins blindés et 300 véhicules détruits ou capturés.

   En octobre, le bataillon est regroupé à Ay, Dizy et lieux-dits Ferme de la Folie, Ferme Sainte-Hélène, dans la région d'Epernay en Champagne.
   Les cinquante valides de notre 2ème Squadron s'installent donc à Ay-Champagne dans le vendangeoir de Moët et Chandon.
   Nous bénéficions d'un repos bien mérité dans le pays du champagne. Alors que beaucoup de camarades partent souvent se distraire à Paris, une vingtaine d'entre nous, plus sérieux ! faisons connaissance avec les charmantes jeunes filles champenoise. Parmi elles, Maud PACOT attire mon attention le 22 octobre et comme la sympathie est réciproque, nous prenons la bonne habitude de nous renconter toutes les fins d'après-midi. Début d'une idylle qui durera toute notre vie...
   Pour compléter le programme, avec trois camarades, nous entreprenons toutes les matinées un championnat de billard au Café du Midi à Ay, avec dégustation d'une bouteille de champagne payée par le perdant. En fin de semaine, nous organisons dans notre « caserne » des bals avec sandwichs au jambon fort appréciés par nos invitées en cette période de restrictions. La musique des marches et mélodies anglaises et américaines nous font virevolter et nous chantons : « Ah ! le petit vin blanc » et autres succès français à la mode...

   Le 11 novembre 1944, c'est avec une grande fierté que nous avons défilé sur les Champs Élysées à Paris , depuis l'Arc de Triomphe où nous avons eu l'honneur d'être récompensé par le Général DE GAULLE, jusqu'à la Place de la Concorde.

René Giguelay défile avec son unité SAS
sur les Champs-Elysées à Paris le 11 novembre 1944

  Le 20 décembre, notre unité est chargée de faire la chasse aux commandos ennemis de Skorzeny qui auraient pu être parachutés dans la région, revêtus d'uniformes américains. Nous assurons la garde du pont provisoire édifié sur la Marne à Epernay et recherchons vainement les commandos dans les environs.

   Le petit groupe dont je fais partie, passe le réveillon du 24 décembre à patrouiller dans la commune de Mareuil, par une température de moins dix degrés. Aperçus vers minuit par le curé, nous acceptons son offre de boire un café bien chaud. Mais pas l'ombre d'un ennemi. Seul le ronronnement d'un petit avion de reconnaissance mystérieux est entendu à plusieurs reprises.

   Le 28 décembre, branle-bas de combat ! Notre bataillon doit partir en Belgique...
À 9 heures, notre sqadron marche sur Dizy. À 10 heures, les 360 paras sont rassemblés dans ce centre, attendant les camions américains qui doivent nous transporter.
Vers 10 heures 30, un colonel américain arrive, déclare à notre commandant que les conditions atmosphériques se sont améliorées, permettant l'action efficace de l'aviation, et en conséquence, annule notre départ.

   Le 9 février 1945, le 3ème SAS s'embarque en gare d'Epernay sur le train qui nous emmène au Havre, dans un camp de transit américain où nous subissons avec bonne humeur les contrôles et traitements sanitaires avant le départ en Angleterre, où le 3ème SAS reprend l'entraînement et participe à une manoeuvre générale dans la région de Southampton, avant d'être parachuté en avril dans le nord des Pays-Bas pour participer à des opérations de harcèlement à l'arrière des lignes ennemies.

Les zones d'opérations des SAS en 1944

 

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