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Internés
En
1966, André
AUBERT ( 1 ),
correspondant départemental du Comité d'histoire de la
2ème guerre mondiale, a dénombré dans la Marne
360 internés
qui ont été emprisonnés durant une période plus ou moins longue sans
être ni exécutés, ni déportés.
Les deux
tiers d'entre eux étaient des internés résistants,
et un tiers des internés politiques.
Après la guerre, la carte
d'interné résistant ou politique a été décernée à ceux qui,
ayant appartenu à un réseau ou à un groupe homologué de résistance,
avaient fait acte de résistance, et avaient été emprisonnés pendant
plus de trois mois.
Fusillés et massacrés
Il
a recensé 115
« fusillés-massacrés »,
condamnés
à mort par des tribunaux militaires allemands, ou otages
exécutés à titre de représailles.
Parmi ces 115 fusillés ou massacrés,
l'abbé GILLET ( 2 )
a dénombré
49 « fusillés légaux »
exécutés à l'issue d'une condamnation à mort prononcée par le tribunal
militaire allemand de Châlons-sur-Marne .
Les
premiers fusillés de Châlons-sur-Marne, furent d'abord exécutés
le long d'un mur de la caserne
Tirlet, puis au Stand
de tir de la ville, enfin sur un terrain situé entre Châlons
et L'Épine, au lieu-dit
La Folie qui est devenu la Butte
des fusillés.
Le
tribunal militaire allemand de Châlons
Selon
maître PELTHIER
( 3 ) qui y a
plaidé comme avocat, le
tribunal militaire allemand était composé de trois juges
: le président était un officier supérieur ( Oberat ), magistrat
relevant du cadre de la justice militaire allemande, entouré de deux
assesseurs, un capitaine et un soldat.
La présence d'un avocat
français était admise, mais dans les cas graves, un avocat
allemand était commis d'office.
De l'entretien de Montoire jusqu'à
la fin de 1941,
le tribunal militaire de Châlons a manifesté
« une
certaine mansuétude », puis à
partir du début de 1942, les premiers juges furent remplacés
par des militaires revenant du front russe, et « la
situation s'est considérablement durcie ».
Enfin, à
partir du 8 juin 1944, ce tribunal n'a plus connu qu'une
seule sanction : la peine de mort, exécutée dans les six
heures qui suivaient.
Il s'appuyait sur trois auxiliaires : la Feldgendarmerie,
la Gestapo
et aussi, il faut bien le dire, la police
française dont les procès-verbaux étaient communiqués aux
Allemands.
Maître
PELTHIER témoigne que l'attitude des Français traduits devant
le tribunal militaire allemand de Châlons fut généralement d'une grande
dignité :
À
l'exception d'un petit policier qui s'effondra lamentablement devant
les juges, tous ont été courageux, sans faiblesse.
Je crois que cette attitude ne déplaisait pas aux
Allemands [...]
Chez tous ceux que j'ai vu comparaître, aucune défaillance.
Ils acceptaient avec une conscience réfléchie la
responsabilité des actes qu'ils avaient voulus et résolument exécutés.
Il déclare avoir été impressionné par « l'admirable
courage et le comportement héroïque » de plusieurs
condamnés à mort, citant en particulier :
- le gendarme Édouard
CHARLOT de Reims
qui fut condamné à mort le
1er octobre 1942 et décapité à la hache à Cologne le
4 janvier 1943 ;
- ainsi que René
HERR et Léon
LEROY d'Épernay,
condamnés à mort en même temps que Robert
de VOGÜÉ et fusillés à Châlons le
22 mars 1943.
Les
exécutions d'otages
Une enquête, effectuée
en octobre 1946 par les Renseignements généraux, fait état
de trois
exécutions d'otages à Châlons-sur-Marne, :
- le
13 janvier 1942,
- le
9 mai 1942,
- et
le 19 février 1944,
en vertu d'ordres donnés par le Général-Lieutenant Freiherr
Von ROTTERG dont le service travaillait à la Feldkommandantur
531 à Châlons-sur-Marne et dont le chef était Tschammer
Und OSTEN, « lequel
faisait exécuter les ordres donnés »
( 4 ).
Au total, 19
personnes désignées parmi des internés qui avaient été condamnés à diverses
peines par le tribunal militaire allemand, ont ainsi été fusillées comme
otages à la suite d'attentats ou de sabotages :
- Georges
DARDENNE, Marcel
MÉLIN et Édouard
QUENTIN, le
13 janvier 1942 ;
- Raymond
VILLARD, originaire de Nancy, le
9 mai 1942 ;
- Marcel
SOYEUX, Julien
DUCOS et Michel
DESTREZ de Saint-Martin-d'Ablois, James
LECOMTE et André
TEISSIER d'Épernay, Roger
SONDAG de La Villa d'Ay, Gilbert
GAGNEAUX de Magenta, Camille
SOUDANT d'Athis, Robert
BAUDRY de Saint-Martin-sur-le-Pré, Louis
VANSEVEREN et Émile
ROCHET de Recy, Jean
GOUTTMANN de Montigny-les-Monts, Georges
LAINÉ de Broyes, Maurice
CHUPET d'Argenteuil, et Maurice
SPEECKAERT de Paris, le
19 février 1944.
Roger
SONDAG et Gilbert
GAGNEAUX avaient été arrêtés par la Gestapo
le 17 novembre
1943, à
la suite d'attentats commis sur la ligne Paris-Strasbourg,
le premier dans un café de Sézanne, le second aux Ateliers SNCF d'Epernay
où il travaillait.
L'abbé
GILLET ( 5 )
a publié avec l'autorisation de sa famille, la dernière
lettre destinée
à sa famille que Julien
DUCOS a rédigée tout juste avant d'être conduit au peloton
d'exécution. Ce jeune
résistant de 24 ans y exprimait l'espoir que son sacrifice
et celui de ses camarades n'étaient pas inutiles, parce qu'ils donneraient
« à
la France, le jour de la victoire finale, le droit d'être elle aussi,
fière de ses fils ».
Chers
parents, chère petite soeur,
Adieu. car je vais tomber où sont tombés déjà tant
de camarades ;
je viens d'être confessé et je pars muni des saints sacrements.
Avant de mourir je vous demande pardon de la peine
que je vais vous causer, mais soyez courageux, et fiers.
Je vous demande aussi pardon de tous les ennuis
et soucis que je vous ai causés dans ma courte vie, car je n'ai pas
toujours été raisonnable, pourtant vous étiez si bons avec moi.
Adieu, papa, toi qui m'as toujours montré le chemin
de l'honneur
et de l'honnêteté ; sois fier de moi, car toi aussi tu auras
donné
à la France un fils ; notre sacrifice ne sera pas inutile.
Adieu, maman, toi qui m'as mis au monde et qui t'es
penchée
si souvent sur mes peines ; sois courageuse, il te reste encore
Yvonne pour te consoler.
Et toi, petite soeur chérie, adieu aussi ;
c'est à toi que je confie papa et maman ; rends les toujours
heureux, fais leur une vieillesse heureuse ; aie surtout soin
de maman, ça va être terrible pour elle, console la bien.
Et maintenant on vient nous chercher ; quand
le jour va se lever, nous ne serons plus ; nous allons finir
comme tous les patriotes ;
notre sacrifice, je crois, ne sera pas inutile, car il donnera à la
France, le jour de la victoire finale, le droit d'être, elle aussi,
fière de ses fils.
J'ai toujours été un patriote et je ne regrette
rien.
Adieu aussi, tante Reine et cher Maurice qui furent
aussi si bons pour moi et qui me consoliez quand j'avais des peines.
Adieu à toute la famille et à tous les bons copains.
Votre fils, ton frère qui va mourir, et qui vous
envoie ses derniers baisers.
Vive la France !
Julien DUCOS
L'exécution des otages du
19 février 1944, fut annoncée quatre jours plus tard dans
un communiqué publié dans L'Éclaireur
de l'Est et rédigé en ces termes :
RÈGLEMENT
DE COMPTES DE TERRORISTES
Le 16 février 1944, quinze ressortissants français
ont été condamnés à mort par la Cour martiale de la Feldkommandantur
à Châlons-sur-Marne.
Les condamnés étaient membres d'une bande de terroristes
armés qui se sont livrés du mois de juin au mois de décembre 1943
à une série de graves actes de terrorisme et de sabotage.
Ces criminels ont causé du tort tout d'abord à leurs
propres concitoyens, en abattant par derrière un Français, en pillant
des magasins français, en faisant sauter des maisons habitées et en
volant du bétail.
Ils ont tenté d'endommager par des explosifs de
nombreux pylônes des installations électriques à haute tension, des
installations ferroviaires et d'autres ateliers.
Au cours d'une action menée par la police de sûreté
allemande,
les quinze bandits condamnés ont été arrêtés, quelques uns après un
bref combat armé, en même temps que d'autres terroristes,
et convaincus de leurs agissements criminels à la suite d'interrogatoires
minutieux.
Les armes et les explosifs de la bande ont été saisis.
Le jugement a déjà été exécuté ( 6 ).
C'est de la même façon, que fut annoncée le
6 juin 1944, jour du débarquement allié, l'exécution
de
six communistes rémois jugés le matin
à 9 heures 30, et fusillés le soir même à Châlons-sur-Marne :
AVIS
Le
6 juin 1944, sept terroristes membres d'une organisation communiste
de résistants « Front National » ( FN ) ou bien
encore « Franc-Tireur Partisan » ( FTP ) ont
été condamnés à mort par le tribunal de guerre de Châlons-sur-Marne.
Les condamnés s'étaient livrés à des actes
de sabotages contre des installations ferroviaires ou de transport
d'énergie électrique.
De plus quelques uns d'entre eux étaient en possession
de quantités importantes d'explosifs et d'armes d'origine anglaise.
Le jugement a été exécuté (
7 ).
Une
répression d'abord essentiellement française,
puis directement prise en main par la Gestapo
De
1940 jusqu'à la fin de 1941, la répression était essentiellement
française, appliquée par
le gouvernement
de Vichy à ce qu'il
désignait comme étant des « menées
antinationales », et qui visait en premier lieu
la propagande
communiste ainsi que la propagande
gaulliste, assimilée à la propagande anglaise.
En
mars 1941, le commissaire central de Reims, dans un rapport
adressé au préfet
BOUSQUET au sujet de l'arrestation
de douze enfants rémois accusés d'avoir tracé des « V »
sur les murs de la ville, à l'appel du speaker de la France libre sur
la BBC, écrivait :
Suite
à mes communications précédentes relatives à l'arrestation de jeunes
enfants coupables d'avoir commis sciemment, ou inconsciemment, des
actes délictueux se rapportant à la propagande anglaise, j'ai l'honneur
de vous faire connaître que tous ces enfants, les parents étant civilement
responsables, ont été inculpés pour apposition dans un lieu public
d'écrits
de nature à exercer une influence fâcheuse sur l'esprit des populations,
ou à favoriser les entreprises d'une puissance étrangère contre la
France, délit prévu et puni par le décret du 1er septembre 1939, modifié
par celui du 20 janvier 1940 et l'article 47 du code d'instruction
criminelle ( 8 ).
À
partir de 1942-1943, au fur et mesure que la résistance
s'organisait et multipliait les actions contre l'occupant, la
répression allemande fut directement prise en main par la Gestapo désormais
bien installée dans le département.
Avec l'aide d'agents
français recrutés par la Gestapo dans la Marne, les résistants
furent alors systématiquement traqués, arrêtés, torturés, exécutés dans
leurs cellules, fusillés ou déportés.
En
1944, la répression s'est intensifiée, atteignant
son apogée
au cours des semaines qui ont séparé le débarquement de Normandie de
la libération du département.
Aux exécutions de résistants s'ajoutèrent des
arrestations massives d'otages immédiatement déportés en
Allemagne, plus
d'une cinquantaine à Reims et à Épernay en juin ).
Le
29 août 1944, trois résistants rémois, Marie-Thérèse
OGNOIS,
André SCHNEITER et Paul
SCHLEISS étaient fusillés
à Tournes
dans les Ardennes, tandis qu'à l'autre extrémité du département, 13
habitants de Sermaize-les-Bains étaient massacrés par les
Allemands battant en retraite.
Morts
et blessés au combat
Enfin,
aux résistants morts sous la torture, fusillés ou décédés dans les camps,
il faut ajouter les 58
blessés et les
108 morts au combat dans les rangs des Forces françaises
de l'intérieur ( FFI ) et des Francs-tireurs et partisans
( FTP ), qui ont été recensés en
1970 par le commandant
HEIDET du Service historique de l'Armée de terre, à partir
des dossiers d'homologation des unités combattantes de la résistance
( 9 ).
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