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Lorsque
je pris contact avec le département j'en confiai, sur le conseil d'André
Schneiter, le commandement à Pierre Bouchez.
Je dus malheureusement par la suite constater qu'il
ne faisait pas l'unanimité et que certains secteurs échappaient en fait
à son autorité.
C'était le cas d'Épernay.
À Châlons, depuis la disparition du groupe
de Robert Tritant, il n'y avait plus guère d'activité.
À Vitry-le-François, l'éclatement du groupe
de de la Fournière avait également eu de graves conséquences et ce n'est
pas la constitution tardive de celui dirigé par Bantou [
en réalité, il s'agissait d'Abel Bontoux ] qui
permit d'animer notablement ce secteur.
L'Argonne,
sous les ordres de Canonne [ a
succédé à la tête de Ceux de la Résistance-Argonne
à André Noizet, arrêté le 22 janvier 1944 ]
,
était essentiellement orientée vers la recherche de terrains et l'organisation
d'opérations de parachutage en liaison avec le BOA animé maintenant
par Christian Longetti avec Robert Pelletier pour adjoint.
Les relations étaient difficiles entre Pierre Bouchez,
le Comité de Libération et les FTP.
Je reçus à cet égard des doléances de Jean de Vogüé
en tant que membre du COMAC [ Comité
d'action militaire du Conseil national de la Résistance ]
et de " Joinville ",
chef de l'État-Major National FFI, puis de l'État-Major
interallié qui se plaignit d'une mauvaise exécution du plan Vert.
En présence de cette situation, j'envoyai à Londres
le 15 juin un câble pour demander au capitaine Bertin s'il serait disposé
et autorisé à reprendre la responsabilité de la Marne.
Le 17 juin, je reçus hélas ! une réponse négative,
le Haut-Commandement estimant sa présence indispensable à Londres.
Pierre Bouchez conserva donc ses fonctions.
Il les assuma, au demeurant, avec beaucoup de courage
et de dévouement.
Mais si ses relations furent très bonnes avec l'état-major
régional qu'il s'agisse du chef d'état-major, Paul Nérot, ou de moi-même,
elles le furent moins tout au long de la hiérarchie descendante.
De ce fait, ce n'est qu'avec retard que j'aurai connaissance
d'actions que, pour le prestige des FFI, il eût été préférable de porter
aussitôt à la connaissance de l'Etat-Major interallié.
Je crois que cela tint au tempérament de Pierre Bouchez
mieux adapté à l'armée régulière et au combat au grand jour qu'à l'activité
clandestine.
Henri Bertin, contrairement à Bouchez, avait compris
que l'autorité reposait plus sur la camaraderie que sur la hiérarchie,
aussi s'était-il acharné à avoir avec tous ses hommes un contact permanent
générateur d'une menace dont l'acuité le contraignit à renoncer au combat
dans un département où sa présence eût été des plus nécessaires.
L'insuffisante
cohésion qui en résulta à l'échelon départemental et les nombreux drames
qui frappèrent la Résistance marnaise ne permirent pas, en dépit de
l'approvisionnement massif dont la Marne avait bénéficié, que l'action
atteigne l'ampleur que l'on pouvait attendre.
Ce ne sont cependant ni le goût d'entreprendre ni
l'esprit de sacrifice qui firent défaut.
Je citerai Détré de Reims, mort en prison des suites
des tortures infligées par la Gestapo ; André Schneiter qui, arrêté
un peu plus tard, fut fusillé à Tournes au mois d'août ; Pierre
Escudier qui trancha la gorge d'un gardien avant d'être fusillé le 5
août 1944 ; Jean Galas qui au moment de son arrestation tua sept
Allemands et se défendit jusqu'à la mort.
Je citerai également le chef d'escadron Lobertreau
à qui fut confié le soin d'organiser les opérations Paul dans le département
de la Marne et qui s'acquitta de cette tâche à la satisfaction de tous.
Toutes ces actions héroïques se soldèrent, hélas !
par une bien pénible hécatombe : 108 résistants trouvèrent la mort
au combat, 115 furent fusillés ou massacrés et sur 829 déportés, 362
seulement revinrent des camps de la mort.
GRANDVAL
G. et
COLLIN A. J., Libération
de l'Est da France,
Paris, Hachette-Littérature,
collection La Libération de la France, 1974, pp. 87- 88.
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