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La Butte des Fusillés
le 6 juin 2004
Terrain
dit de " La Folie "
Commune de L'Épine
près de Châlons-en-Champagne
Cérémonie
présidée par Dominique DUBOIS
préfet de la région Champagne - Ardenne, préfet
de la Marne,
avec la participation de jeunes accompagnés de leurs professeurs
sur le site où le
6 juin 1944sept résistants
rémois ont été fusillés
L'hommage rendu par Hervé Chabaud
aux déportés, résistants, combattants
de la Seconde Guerre mondiale
« Il y a aujourd'hui soixante ans se produisait
l'un des événements les plus considérables
de l'histoire du XXe siècle.
L'opération
Overlord ( « Seigneur
Suprême » ) était enclenchée
et, sur les plages de Normandie baptisées Utah,
Omaha, Gold,
Juno, Sword,
c'est-à-dire entre Quinéville
et Ouistreham, des vagues de
soldats alliés partaient à l'assaut des défenses
côtières allemandes au cours de combats acharnés
et meurtriers.
L'écume de la mer s'est chargée
du sang des braves, mais les pieux et les barbelés ont été
renversés, les murs de béton franchis, les nids de
mitrailleuses anéantis par une force que plus rien ne pouvait
arrêter.
Le débarquement était alors une
réalité.
La libération tant attendue depuis quatre
ans devenait une espérance raisonnable.
L'immense armada, composée de cinq mille
navires et quatre mille embarcations additionnelles appuyées
par six cuirassés, vingt-deux croiseurs dont deux français
le Georges Leygues et
le Montcalm, quatre-vingt-treize
contretorpilleurs et plus de sept mille cinq cents avions, n'avait
qu'un objectif : établir de puissantes têtes de
pont et entreprendre la libération de l'Europe de l'ouest.
Comment
ne pas être impressionné par la remarquable précision
d'une opération dont les missions ont constitué le
« Jour le plus long » ?
Comment ne pas être surpris par les tergiversations
d'un ennemi incapable d'engager ses réserves blindées
dans les plus brefs délais ?
L'effet de surprise est total et donne d'entrée
un avantage militaire et psychologique aux forces de débarquement,
parmi lesquelles il faut saluer l'engagement exemplaire des Français
du commando Kieffer et des SAS
engagés dans des actions dangereuses mais indispensables
à la réussite de l'entreprise.
Partout l'espoir renaît. La Résistance
intérieure est pleinement engagée dans l'application
des plans de désorganisation des réseaux de communication
comme des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux.
Les patriotes vont payer un lourd tribut à
cet engagement nécessaire auquel ils se sont préparés
dans la clandestinité en parfaite conscience des risques
mais soutenus par cette irrésistible envie de servir leur
pays et par cet idéal : « vivre
libre ou mourir ».
Alors qu'en réaction, Hitler ordonne à
ses troupes de développer un état de terreur en multipliant
les actes de représailles à l'égard des populations
civiles, les Français tiennent bon.
Les massacres de Tulle
et d'Oradour-sur-Glane et tous les crimes insoutenables
qui assombrissent la carte de la libération, d'insupportables
crimes de guerre, témoignent de la redoutable barbarie à
visage humain.
Les Marnais pensent toujours à Champlat-Boujacourt,
Pargny-sur-Saulx, Sermaize-les-Bains
et Robert-Espagne.
Si
le
6 juin 1944, 132 715 soldats ont débarqué
par mer, auxquels il faut ajouter les 22 000 parachutistes et commandos
arrivés en planeurs, c'est le résultat d'une longue
préparation et d'une remarquable détermination politique
et militaire.
Les Français y ont pris leur part, toute
leur part.
Dès le 18 juin
1940, le général DE
GAULLE lance son Appel
solennel à la Résistance qui a fait le tour du monde :
Cette guerre est une guerre
mondiale.
Toutes les fautes, tous les retards, toutes
les souffrances n'empêchent pas quïl y ait dans l'univers,
tous les moyens pour écraser un jour nos ennemis.
J'ïnvite les officiers et les soldats
français qui se trouvent en territoire britannique ou qui
viendraient à s'y trouver avec ou sans leurs armes, j'invite
les ingénieurs et ouvriers spécialisés des
industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique
ou qui viendraient à' sy trouver à se mettre en
rapport avec moi.
Quoi qu'il arrive, la résistance ne doit
pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.
Ce
refus du renoncement, cette affirmation du devoir de se battre,
cette conviction de l'action, ont généré d'entrée
l'engagement d'hommes et de femmes qui ont constitué le socle
de la France libre et entretenu
ce souffle humaniste et fédérateur autour d'un homme
visionnaire de son temps qui n'avait comme passion que la grandeur
de son pays.
S'il n'y avait pas eu le ralliement des Comptoirs
français des Indes, ceux de pays comme le Tchad,
le Cameroun, l'Oubangui-Chari,
le Gabon et combien d'autres,
s'il n'y avait pas eu cette capacité à incarner la
vraie France, évidemment la guerre n'aurait pas été
la même.
DE GAULLE peut
compter sur des hommes dont l'autorité, le charisme et le
patriotisme sont inébranlables.
LECLERC,
qui depuis le serment de Koufra
a fixé le cap et ceux qui vont bientôt constituer la
célèbre 2ème DB
qui aura l'honneur de libérer Paris
insurgé du joug nazi, opèrent avec courage pour faire
reculer l'ennemi partout où ils sont au contact avec lui.
Ils seront fidèles à leur état
d'esprit de vainqueurs dans les Vosges, et ont fait flotter le drapeau
tricolore avec majesté sur Strasbourg
avant d'atteindre en point d'orgue d'une campagne exemplaire le
nid d'aigle d'Hitler.
DE GAULLE peut
être fier de la 1ère Brigade
française libre de KNIG
et de ses soldats qui ont retenu l'assaut de trois divisions blindées
de l'Afrika Korps
à Bir-Hakeim et sont parvenus
à s'échapper de la tenaille de Rommel.
Il connaît aussi le rôle remarquable
des Français à El Alamein.
DE GAULLE peut admirer
ces soldats du Corps
expéditionnaire français du général
JUIN qui ont été pragmatiques et efficaces
pendant la campagne d'Italie,
sont passés avec leur matériel à dos d'homme
ou reposant sur des mulets, là-même où les blindés
et les transports de troupes alliés étaient dans l'impossibilité
de progresser.
Le succès du Belvédère,
ceux du Faito, du Majo,
du Mont Petrella obligent Kesselring
à évacuer Cassino.
Ce n'est pas un hasard si le Corps expéditionnaire
français a le droit d'être fêté en vainqueur
à Rome.
N'a-t-il pas laissé derrière lui
sur cette terre d'Italie, 7251 morts, 4201
disparus et 20 913 blessés ?
DE GAULLE a
raison de dire : « L'armée
française a sa large part dans la grande victoire de Rome.
Il le fallait. Vous l'avez fait, général Juin, vous-même
et les troupes sous vos ordres êtes dignes de la patrie ».
Le
chef de la France combattante sait aussi qu'il peut compter sur
les forces clandestines de l'intérieur
et sur le Conseil
national de la Résistance qui rassemble toutes
les sensibilités politiques, philosophiques et religieuses
autour d'une priorité partagée, la libération
de la France.
Il met déjà beaucoup d'espoir dans
l'Armée B dont le commandement
est confié au général Jean
DE LATTRE DE TASSIGNY et qui débarquera le
15 août sur les côtes
de Provence.
Après leurs succès à
Toulon et Marseille,
dans un irrésistible élan les troupes remontent la
vallée du Rhône libèrent Lyon
avec le soutien des FFI puis
près des deux tiers du territoire.
Lorsqu'en septembre,
la jonction est réalisée
sur le plateau de Langres entre les armées alliées
de l'Ouest et du Sud, l'Armée B, sur proposition de DE
LATTRE, devient, le
19, la
1ère Armée française, un choix confirmé
par DE GAULLE le 24. Et l'épopée
continue, Belfort, la course
au Rhin, Colmar et l'Alsace,
Karlsruhe, le Danube.
Sans
le travail méthodique et systématique de la Résistance,
sans la ténacité des uns et des autres à collecter
des renseignements, à les faire parvenir à Londres
pour une exploitation utile, sans une disponibilité de tous
les instants à des missions d'action pour convaincre l'occupant
et Vichy de la puissance de son maillage territorial et de sa faculté
à frapper partout où elle en a envie, l'efficacité
de l'armée de l'ombre au
jour J n'aurait pas été celle qu'a constaté
le général Dwight EISENHOWER
et qu'il a reconnue publiquement.
MALRAUX en
fin observateur écrivait : « Dans
la Résistance, la France reconnaissait ce qu'elle aurait
voulu être plus que ce qu'elle avait été ».
Parce que ceux qui ont animé les réseaux de renseignements
et participé aux sabotages des voies ferrées, des
écluses, des lignes électriques et télégraphiques,
qui ont détourné des convois et retardé les
renforts allemands représentaient moins
de 2 % de la population.
Impossible de taire celles et ceux qui, arrêtés,
ont été exterminés dans les camps de la mort
parce qu'ils étaient juifs.
Impossible de taire celles et ceux qui ont été
appréhendés par la gestapo, torturés dans de
sinistres bureaux avant d'être transférés à
Compiègne pour être déshumanisés dans
les camps de concentration parce qu'ils avaient osé résister
et agir avec la conviction du cur, pour nuire à un
ennemi impitoyable et à un gouvernement de Vichy inerte ou
complice.
Ils sont trop nombreux à avoir été
anéantis au terme de souffrances inouïes avant de disparaître
dans le brasier des crématoires dont la fumée épaisse
obscurcissait le ciel d'une terre d'abîme.
Paix et gloire à
leurs cendres.
Réfléchissons encore à ce
que soulignait MALRAUX : « La
vraie barbarie c'est Dachau ; la vraie civilisation, c'est
d'abord la part de l'homme que les camps ont voulu détruire ».
En
ce 6
juin 2004, réaffirmons avec force l'hommage
de la nation à celles et ceux qui, avec ou sans uniforme
ont fait le choix du combat, ont donné leur vie,
ont souffert, ont été martyrisés dans leur
chair pour que l'Europe retrouve la stabilité et la paix.
Ce sont tous et chacun à leur manière,
ces « soutiers de la gloire »
que célébrait Pierre BROSSOLETTE
avec audace et admiration.
Ce sont ces braves qu'ont encouragé Jean
MOULIN, Georges BIDAULT,
Fred SCAMARONI,
Emile BOLLAERT et combien d'autres peut-être moins
illustres, mais toujours exemplaires.
Comment ne pas évoquer plus près
de nous, Robert TRITANT, Pierre
SERVAGNAT, Serge PIGNY,
le commandant DERRIEN, le colonel
BOUCHEZ. Comment ne pas penser à tous les autres
et notamment aux 117 FFI marnais
morts dans les combats de la Libération ?
Oui,
honneur aux soldats alliés venus de si loin pour nous rendre
une liberté trop longtemps confisquée, honneur
aux hommes de la 2ème DB du
général LECLERC,
ces soldats dont nous restons si fiers, honneur
aux hommes de la 1ère
Armée française du
général DE LATTRE DE TASSIGNY
toujours redoutables en première ligne,
honneur aux résistants, à leurs frères
et surs de l'ombre fusillés et déportés,
honneur aux victimes de cette
Seconde Guerre mondiale, honneur aux martyrs
de la liberté partout dans le monde.
Ils sont un peu de nous mêmes et nous leur
devons tant que jamais l'on ne trouvera les mots justes pour exprimer
la dimension humaine de notre reconnaissance.
Ici
sur ce terrain de La Folie, où
tant de patriotes sont tombés devant le peloton d'exécution
y compris à partir de 17 h 30 le
6 juin 1944, où sept résistants, Georges
MONAUX, Marcel CHEVAL,
Roland MORET, Raoul
MATHIEU, Roger KERGER,
Charles TASSERIT, René
BREMONT, âgés de 22 à 57 ans, condamnés
le matin même à la peine de mort, ont été
fusillés, n'oublions pas que la reddition sans condition
des armées nazies a eu lieu à Reims le
7 mai 1945 à 2 h 41.
N'oublions pas que la
réconciliation franco-allemande a été
symbolisée le 7 juillet 1962
sur le parvis de Notre-Dame de Reims par le général
DE GAULLE, le chancelier Conrad
ADENAUER et Monseigneur François
MARTY, en prélude au traité de l'Élysée
de janvier
1963.
Le
XXème siècle a été marqué par
deux terribles conflits effroyablement meurtriers. On mesure l'importance
d'une Europe unie autour d'un projet commun riche des principes
de la démocratie et des droits de l'homme.
Un pays sans mémoire
est un pays sans âme ; aussi est-il important
de commémorer les grands événements, mais encore
faut-il le faire en conscience, à
partir d'un enseignement rigoureux de l'histoire qui
concourt à la culture générale de chacun.
Mesdames,
Messieurs, permettez-moi en notre nom à tous de
leur témoigner encore notre gratitude et notre respect.
Sachons garder et entretenir
le souffle de conviction qui les a animés et nous
montrer dignes, en toute circonstance, des
valeurs de liberté, de démocratie, de justice et de
paix dont ils étaient l'icône de lumière
dans un monde de ténèbres ».
Hervé
CHABAUD
Fils de résistant
petit-fils de déporté-résistant mort en déportation
La cérémonie au pied de la Butte des Fusillés
Le
dépôt de gerbes et la minute de silence
À
l'issue de la cérémonie,
les jeunes des établissements scolaires
sont venus déposer des roses au pied des quatre poteaux d'exécutions
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