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Enseigner la mémoire ? > Histoire et mémoire de la résistance > Marcel Weber | ||||||||||
Un
vétéran du Corps expéditionnaire français
en Italie Témoignage mis en ligne par Jean-Pierre HUSSON Le Corps expéditionnaire français en Italie Cassino ( février - mai 1944 ) Le nettoyage et l'exploitation de la victoire Bilan de la campagne en Italie du CEFI
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Marcel
WEBER à Rome en juin 1944
...
et le 12 mai 2004, devant le monument du cimetière militaire
français Engagé volontaire dans le 6ème Régiment de tirailleurs marocains, intégré à la 4ème Division marocaine de montagne, le Rémois Marcel WEBER a participé à la Campagne d'Italie avant d'être engagé dans la Libération de la France et la victoire finale contre les nazis en Allemagne et en Autriche. La Campagne d'Italie
Après
une attente de plus de deux ans, arriva « l'événement
» qui allait faire rentrer l'Afrique française du Nord
( et avec elle l'AOF ) dans la guerre. Tract en arabe et en français diffusé dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942
Le général NOGUÈS, commandant en chef en Afrique du Nord, a refusé l'aide allemande qui lui était proposée pour repousser le débarquement allié. Il a déclaré que nous nous en chargions nous-mêmes, ce que très malheureusement il fit jusqu'au 11 novembre 1942, entraînant des pertes inutiles de part et d'autre. Le
rôle de l'armée française d'Afrique du Nord va
devenir primordial à partir de cette date car : Or,
les éléments d'Afrique du Nord en
cette fin d'année 1942 sont peu nombreux, mal armés,
mal équipés : mais, bien que tout manque, leur moral
est au plus haut et leurs capacités de manuvre excellentes
: ils ont heureusement reçu dès
le début de l'année 1941 des directives précises
du général WEYGAND
: « Préparez-vous à
reprendre le combat ». 1/
Le camouflage des moyens et des effectifs Dans l'ensemble, les effectifs « civils » ont été accrus chez les fonctionnaires, dans les diverses polices, dans les chantiers du « transsaharien », les chantiers de jeunesse, les méhallas chérifiennes, etc Tout
était prétexte à exercices et manuvres
: surveillance des frontières, tournées de police à
l'intérieur, contrôle des grands rassemblements de population
( fêtes, grands marché, etc... ). 2/ L'entraînement physique et tactique de toutes les unités, mêmes importantes ( jusqu'à l'effectif d'un régiment ) Il est remarquable que, du plus grand chef aux plus modestes exécutants, en passant par tous les cadres civils et militaires, l'unanimité a été exemplaire. Jamais les services de renseignements ennemis n'ont supposé qu'en fait une armée se constituait. C'est cet embryon d'armée qui allait donner à l'armée d'Afrique l'occasion de prouver sa raison d'être. Marcel WEBER à l'entraînement à El Hank au Maroc en 1942
Première idée des alliés : reprendre Bizerte et Tunis avant que l'ennemi ait pu renforcer ces deux positions capitales. Elle fut irréalisable à cause de l'insuffisance des moyens, aggravée par la lenteur des transports. La seconde idée retenue consistait à réduire l'espace nécessaire pour la jonction des deux armées germano-italiennes, celle de Tunisie et celle du maréchal ROMMEL retraitant de Libye. Du côté allemand, l'objectif majeur était de recueillir l'Afrika Corps et il lui fallait donc garder un large passage entre la côte et les montagnes tunisiennes. Il en résultat une succession d'actions des alliés et des forces de l'Axe qui se termina le 13 mai 1943 par le ré-embarquement du gros des troupes ennemies et de la reddition de celles restées en couverture. C'est
la fin d'une campagne où furent engagés 70
000 combattants de l'armée française. Médiocrement
équipés, ils se sont vaillamment comportés et
ont acquis l'estime de leurs camarades américains et anglais.
Dès le mois de juillet 1943, la mise sur pied d'une armée française est proposée aux alliés conjointement par les généraux DE GAULLE et GIRAUD : son principe en est accepté ( accord d'ANFA ), l'armement en matériel moderne de plusieurs divisions est décidé et sa participation à la campagne de libération de l'Europe, et de la France en particulier, est retenue. Cette
force interviendra d'abord en Italie
au sein de la Vème armée américaine commandée
par le général CLARK,
et le détachement qui y participera sera placé sous
le commandement du général d'armée,
Alphonse JUIN, qui avait déjà commandé
les troupes françaises en Tunisie, avec les seules armes camouflées
dont il est question plus haut. Le Corps expéditionnaire français comprendra : -
La 2ème division d'infanterie marocaine
( 2ème DIM ), sous les ordres du général
DODY ; cette division interviendra en Italie fin
novembre 1943. Le
général SEVEZ - La 1ère division
française libre (1ère DFL ou 1ère
DMI ), sous les ordres du général
BROSSET, arrivée en Italie en
avril 1944. Soit
un total de 130 000 hommes et femmes de toutes
confessions et ethnies venus de l'Algérie, de France,
et de notre empire colonial de l'époque. Vaincue
et humiliée en 1940,
notre armée se devait de retrouver
sa fierté et son honneur, et de prouver à
nos alliés qu'elle était digne de prendre rang dans
son corps de bataille. À ce moment la situation des opérations dans ce secteur méditerranéen est la suivante : En Sicile, les Anglo-Américains ayant débarqué à la mi-juillet 1943, les Allemands et Italiens évacuèrent totalement le 16 août ce qui provoqua la demande d'armistice italienne début septembre et la chute du fascisme. La Sardaigne, a été occupée par les Anglo-Américains dès la mi-août 1943. La Corse était sous contrôle italien suivant une clause de l'armistice 1940. Dès l'annonce de la demande d'armistice italien, les Corses se soulevèrent, ce qui provoqua l'arrivée de renforts allemands pour mater la résistance, et la réplique immédiate du général GIRAUD par l'envoi de troupes françaises parties d'Alger, et trois semaines plus tard la Corse devint le premier département français libéré. L'Italie du Sud : la conquête de la Sicile terminée, les Anglo-Américains préparent immédiatement le débarquement en Italie du Sud. Il eut lieu le 8 septembre 1943 au sud de Naples à Salerne et en Calabre où ils se heurtèrent à une résistance acharnée nécessitant l'intervention massive de la marine et de l'aviation ; après trois semaines de combats très indécis, ils entrèrent finalement à Naples le 1er octobre et remontèrent l'Italie en direction de leur objectif principal : Rome ; les Américains à l'ouest, les Anglais à l'est. Après
avoir franchi le fleuve Volturno
et atteint la rive sud du Garigliano,
les alliés sont brutalement stoppés par des
lignes de défense allemandes successives qui utilisent
au mieux le terrain. Cassino
sera l'enjeu des combats les plus meurtriers
de la campagne d'Italie et donnera au Corps expéditionnaire
français l'occasion de prouver la valeur militaire de ses hommes
et de ses chefs. Engagée
la première dès novembre 1943,
c'est à la 2ème DIM de
relever le défi de 1940 dans un hiver démentiel et sur
un terrain difficile.
Après
bien des tergiversations, c'est ce qui sera décidé. Le 15 mars, 450 bombardiers escortés par autant de chasseurs déversent à nouveau, en l'espace de 4 heures, 1 400 tonnes de bombes sur Cassino et ses alentours, et comme si ce déluge ne suffisait pas, l'artillerie prend le relais et crache 100 000 obus sur les ruines. Après quoi, la 4ème DI indienne part à l'attaque. Les paras allemands sont toujours là, déguenillés, couverts de poussière , ils sortent de leurs trous, de leurs caves, de leurs souterrains et surgissent comme des diables dans le dos des assaillants. Ils sont insaisissables, on ne peut les déloger. Personne ne les délogera jamais. La campagne d'hiver se terminant, Cassino apparaissait comme une grande victoire défensive allemande. Pour le CEF c'est un grand tournant. En effet, JUIN, dont le plan jugé jusqu'ici impossible, parce que trop audacieux, vient d'être adopté, a obtenu de disposer, sous sa responsabilité, d'un créneau opérationnel strictement français dans la grande et ultime bataille qui se prépare, celle dite du Garigliano. La bataille du printemps qui va se dérouler comporte trois zones distinctes : -
à l'est : la vallée du Liri
sous le feu des positions redoutables du mont
Cassin, du mont Cairo et
du mont Majo ; Les ordres d'ALEXANDER sont brefs : 1/ La VIIIème armée britannique, chargée de l'effort principal, enfoncera les positions ennemies dans la vallée du Liri et exploitera suivant l'axe général de la route n° 6 afin de s'emparer de Rome. 2/ La Vème armée US, chargée de l'effort secondaire, protégera le flanc sud de la VIIIème armée, s'emparera des routes qui traversent le massif montagneux entre les nationales 6 et 7 et aidera à la couverture de la VIIIème armée. JUIN n'est pas d'accord, c'est une folie de vouloir passer par la vallée du Liri, où l'ennemi attend en force. Alors,
héritier de la doctrine napoléonienne, toujours en vigueur
à l'école supérieure de guerre de Paris, qui
veut qu'on doit toujours s'efforcer de surprendre
l'ennemi, toutes forces réunies, sur le point où
il vous attend le moins, le général
JUIN pense qu'il faut appliquer
l'effort principal non aux ailes, mais au centre. Enfoncé
en son centre, l'ennemi abandonnera Cassino. Ce mémoire jette la panique dans les états-majors alliés. Tous les grands chefs opérationnels trouvent la manuvre Juin trop hasardeuse et se disent effrayés de l'audace des Français. Ils estiment impossible de la mettre en uvre. JUIN
insiste : à ceux qui viennent
le voir pour obtenir des explications, avec patience et persévérance
il va s'attacher à les convaincre de la justesse de sa conception. Si
tel est le cas, le général JUIN
sait que le CEFI, qui dispose maintenant de quatre
divisions, a les moyens d'enfoncer
la ligne Gustav dans la montagne. Sa mission étant fixée, le général CLARK, qui dispose de deux corps d'armée, celui du général KEYES et le CEF, aura un nouvel entretien avec JUIN avant de rédiger son ordre d'opérations. Les Américains non plus ne croient pas que les Français réussiront leur manuvre dans la montagne. Ils estiment qu'elle dépend trop d'un timing ( d'un emploi du temps ) délicat et précis jugé impossible à respecter en raison des difficultés du terrain, et surtout ils mettent en doute la capacité des unités françaises à franchir l'étendue très tourmentée des monts Aurunci, une chaîne montagneuse chaotique, aux sommets escarpés, impressionnants à aborder de face. Ces monts sont impénétrables, dénués de toute route, arides, désertiques, et constituent des défenses naturelles formidables sans aucun passage pour l'artillerie ni pour les chars. Cependant,
si le général CLARK,
avec ses allures de cow-boy désinvolte égaré
dans une guerre moderne, et avant tout un lutteur, c'est aussi un
beau joueur ; l'audace du plan Juin ne peut
que convenir à son tempérament de sportif. La veille de l'offensive, le général JUIN, commandant en chef du Corps expéditionniare français lance à ses troupes l'ordre du jour suivant :
L'attaque démarre sur tout le front le 11 mai à 23 heures, appuyée par 2 000 canons ouvrant le feu à la même seconde, les Anglais et les Polonais à droite, les Américains à gauche, les Français au centre. C'est
une lutte à couteaux tirés qui s'engage. Sur
tout le front la mêlée est terrible ; les pertes sont
considérables. Le
13 mai, au point du jour, le CEF
avec le même élan que la veille, la même foi ardente
dans la victoire va, pour la seconde fois, s'élancer à
l'assaut. Et
cette fois, ça passe. Le soir même, le général JUIN adressait l'ordre du jour suivant à ses troupes victorieuses : « Après deux jours de combat, malgré une résistance farouche sur des positions qu'il croyait inexpugnables, l'ennemi se replie, désorganisé, battu. Les
Anglais sont toujours bloqués sur leur base de départ,
mais KESSELRING, menacé
de débordement par l'avance française, juge la situation
si inquiétante qu'il donne l'ordre
d'évacuer Cassino. Les tirailleurs et les goumiers du corps de montagne aux ordres du général SEVEZ se répandent, par les sommets et les vallées, dans les terrains les plus impossibles, sans pistes, ni sentiers et devancent partout les renforts allemands.
Les mots sont impuissants à rendre la réalité de ces jours de marche et de combat sur un terrain surprenant par la dimension et la multiplicité des obstacles, des monts et des ravins. Les
survivants de ce rallye des pitons gardent essentiellement le souvenir
de journées au rythme quasi immuable : approche de nuit par
cinq ou six heures de marche, prise de contact vers 9 heures, action
retardatrice d'unités ennemies allant de la section de parachutistes
de la division Hermann Goering, au Kampfgruppe blindé,
Panzergrenadiere et chars lourds. La
plaine côtière est enfin en vue et, le
4 juin, sous un ciel merveilleusement pur, les
éléments de tête du CEF atteignent le Tibre à
l'est de Rome. Malheureusement, la prise de Rome n'a pas eu sur l'opinion en France, l'impact qu'elle méritait. En effet, le lendemain, 6 juin, éclate comme un coup de tonnerre la nouvelle du débarquement en Normandie qui va accaparer l'attention internationale. Le contact avec l'ennemi sera repris avant d'arriver en Toscane où de très durs combats seront nécessaires pour continuer la progression vers le nord, investir Sienne le 4 juillet et terminer la campagne en vue de Florence. C'est au 6ème régiment de tirailleurs marocains ( celui auquel appartenaient Martina et Weber ) que reviendra l'honneur de donner le dernier assaut en terre italienne. Franchissant l'Elsa à l'aube du 22 juillet, il enlève Castelfiorentino à proximité de Florence.
Avec le lieutenant-colonel PIAU, et pour conclure, il faut établir le bilan et tirer les enseignements de la campagne d'Italie. Avant
toute chose, on peut regretter, fait rare dans l'histoire, qu'une
armée victorieuse ait été stoppée en plein
élan alors qu'elle tenait à sa merci deux armées
battues et désorganisées. Ainsi fut perdue une bonne occasion de hâter la libération de notre pays et d'arriver dans les Balkans avant les Russes. Il n'en demeure pas moins que la campagne d'Italie demeure l'un des coups les plus sévères portés à l'Allemagne hitlérienne. Sur
le plan français, elle a revêtu une
importance capitale. Mais la victoire a été chèrement payée : le CEF, à lui seul, a eu 32 000 tués ou blessés sur les 80 000 combattants réellement engagés. Enfin, conséquence importante d'une campagne exemplaire, l'armée d'Italie fournira au général DE GAULLE, qui se bat avec la ténacité que l'on sait pour ramener son pays au rang de grande puissance, l'atout dont il a besoin pour conduire sa politique extérieure. Pour
nous, anciens combattants du Corps expéditionnaire français
en Italie., nous conservons de cette aventure à la fois lointaine
et si proche un souvenir inoubliable.
Ce drapeau que nous avons eu la fierté de faire flotter sur
Rome, nous sommes allés - avec de nouveaux compagnons valeureux
- le planter sur les Vosges et l'Alsace, sur les bords du Rhin, au
cur de l'Allemagne et de l'Autriche. Pour nous l'aventure italienne fut quelque chose de terrible et de merveilleux qui, dans nos têtes et nos curs vieillissants, prend aujourd'hui des allures de légende. Et le chef, qui nous a conduits à la victoire, voyait sacrément juste lorsqu'il écrivait en conclusion de son dernier ordre du jour en quittant son commandement : « Où que vous alliez, vous resterez marqués du signe victorieux du CEF ». Marqués
! Oui, nous le sommes et comment pourrait-on ne pas l'être ? Regroupé
en Campanie au sud de Rome, le CEF va recevoir des renforts pour combler
les vides avant d'être confié au général
DE LATTRE DE TASSIGNY. Avec la 9ème division d'infanterie coloniale, qui a conquis l'île d'Elbe et les 1ère et 5ème divisions blindées, formées en Algérie, deux corps d'armée ont été créés pour donner naissance à l'armée B, confiée au général DE LATTRE DE TASSIGNY, qui deviendra par la suite avec l'adjonction des FFI la 1ère armée française. " Marcel
Weber de l'Italie à l'Autriche ", entretien,
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