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Le rapport du SHAEF
sur la capitulation de Reims
rédigé le 8 mai 1945

Supreme Headquarter Allied Expeditionnary Forces
Quartier général des forces expéditionnaires alliées en Europe

SHAEF - 8 mai
Les Alliés annoncent officiellement
la capitulation sans conditions de l'Allemagne

   C'est à Reims, au quartier général du général EISENHOWER, que la signature a eu lieu. Le général Gustav JODL, nouveau chef d'État-major de l'armée allemande, a signé pour l'Allemagne.
   La reddition prend effet le 9 mai à 0 heure 1 minute.
   Jeudi soir 3 mai, l'amiral Von FRIEDEBURG et le 21ème Groupe d'armées, commandé par le fieldmarshall Sir Bernard L. MONTGOMERY, sont entrés en contact.
   Les représentants allemands ont traversé les lignes jeudi et, à la suite de leur rencontre ce jour-là, la reddition de toutes les forces allemandes de Hollande, d'Allemagne du Nord-Ouest et du Danemark, y compris Heligoland et les îles Frisonnes, a été conclue.
   La reddition n'a été qu'une reddition tactique sur le champ de bataille des forces allemandes s'opposant au 2ème Groupe d'armées, et elle a été signée par le fieldmarshall MONTGOMERY au nom du général EISENHOWER.

   Dès que les termes de la reddition ont été conclus, les Allemands firent savoir qu'il désiraient discuter la question - plus importante et plus vaste - de la reddition de la totalité des forces allemandes.


La délégation allemande se met en route

   En conséquence, le commandant suprême a consenti que les représentants allemands fussent amenés à Reims, samedi 5 mai dans ce but.
   Le groupe était composé de l'amiral Hans Georg Von FRIEDEBURG ( commandant en chef de la Flotte allemande, succédant à l'amiral DOENITZ et ancien commandant de la Flotte sous-marine), du colonel Fritz POLECK de l'Oberkommando = War Office Anglais) - Le colonel POLECK est membre du Service de l'intendance et spécialiste du ravitaillement.
   Escorté par le lieutenant-colonel Vicomte BURY et le major F.J. LAWRENCE, de l'État-major du 21ème Groupe d'armées, les représentants allemands ont quitté Inneburg par la voie des airs samedi 5 mai, à 8 heures du matin et ont changé d'avion à Vorst à 10 heures.
   Ils ont jugé impossible de continuer tout le voyage par avion en raison des conditions atmosphériques défavorables et se sont arrêtés à Bruxelles à 11 heures 15.
   Peu après l'atterrissage, l'avion blanc du maréchal de l'Air Sir Arthur CONINGHAM a atterri et a fait impression sur l'amiral FRIEDEBURG qui a posé plusieurs questions à ce sujet.


L'amiral boit

    Il fut décidé de poursuivre le voyage en voiture et un véhicule fut demandé au QG arrière du 21e Groupe d'armées.
   Entre-temps, le groupe a déjeuné dans une cantine de la RAF et a mangé des sandwiches de spans arrosés de « Kiltie Scotch ale » fabriquée à Bruxelles.
   L'amiral FRIEDEBURG a bu sa bière au goulot et en a été très satisfait.

   À 13 heures 30, le groupe quitta Bruxelles dans une voiture du 21e Groupe d'armées conduite par la volontaire Bobbie ALEXANDER, d'Inverness ( Écosse ).
   L'amiral FRIEDEBURG s'endormit dans la voiture presque immédiatement, après avoir reconnu qu'il n'en pouvait plus après dix jours sans dormir pour ainsi dire.
   Il avait également dormi dans l'avion pendant le voyage.
   Le colonel POLECK ne dormit pas et passa une grande partie du temps à regarder par la fenêtre d'un air maussade.   
   Quand il ne parlait pas, il semblait mécontent à la vue de tous les véhicules allemands détruits le long de la route.
   Le colonel POLECK ne parle pas anglais et il y eut peu de conversation pendant le voyage.


L'arrivée à Reims

   Le groupe arriva à l'État-major suprême PC avancé ( École professionnelle de Reims) à 17 heures 04.
   Son arrivée coïncida avec l'annonce de la capitulation des trois armées au général DEVERS du 6ème Groupe d'armées.
   L'école est un bâtiment moderne de briques rouges quadrangulaires et employée en temps de paix comme collège industriel mixte.
   Depuis quelques mois, le bâtiment sert de QG avancé au général EISENHOWER et avait été utilisé dans le même but par les Allemands auparavant.
   Le groupe fut reçu à l'entrée par le général de brigade E. J. FOORD, chef du Service des renseignements tactiques, 2ème Bureau de l'État-major suprême, et le Lieutenant-Colonel K. A. S. MORRICE, chef des 2ème et 3ème Bureaux de l'État-major général.
   Les représentants allemands et les Officiers alliés échangèrent les saluts militaires, les officiers allemands ne saluant pas à la manière nazie.
   En dépit du secret qui devait entourer l'entrevue, plus de cent membres du personnel de l'État-major suprême étaient présents lors de l'arrivée du groupe à l'entrée principale.
   Les représentants allemands furent conduits au premier étage du bâtiment.
   Ils demandèrent la permission de se rafraîchir avant de rencontrer les officiers suprêmes alliés.
   L'amiral FRIEDEBURG chantonnait en se lavant et en changeant de col ; il semblait calme alors que le colonel POLECK paraissait nerveux et n'avait pas l'air de comprendre tout à fait ce qui allait arriver.


Les représentants alliés

   À 17 heures 20, le major général K. W. D. STRONG, chef du 2e Bureau de l'État-major suprême, escortait l'amiral FRIEDEBURG au bureau du lieutenant-général Walter BEDELL SMITH, Chef d'État-major.
  L'amiral ne salua pas, mais se mit au garde à vous alors qu'il rencontra un groupe d'officiers supérieurs dans l'antichambre du général SMITH.
   Le groupe des officiers alliés était composé comme suit :

- le général Carl A. SPAATZ, commandant en chef des Armées aériennes stratégiques et tactiques des États-Unis ;
- le lieutenant-général F. E. MORGAN, Adjoint au Chef d'État-major ;
- l'amiral Harold BURROUGH, commandant des Forces navales alliées ;
- le major-général H. R. BULL, chef du 3e Bureau ;
- le maréchal J. M. ROOB, chef de l'État-major de l'Air ;
- le brigadier-général E. J. FOORD ;
- la capitaine Harry C. BUTCHER, aide de camp de marine du général EISENHOWER ;
- le colonel R. C. M. PHILIMORE du 3e Bureau qui rédigea le termes de la reddition, et le major Rhth M. BRIGGS, secrétaire d'État-major.
   L'amiral FRIEDEBURG, les généraux SMITH et STRONG discutèrent pendant vingt deux minutes, jusqu'à 17 heures 42.


Les premières discussions

   Au début de l'entrevue, on demanda à l'amiral FRIEDEBURG de montrer ses lettres de créance et ses pouvoirs de représentant de l'amiral DŒNITZ.
    Il était clair cependant qu'il n'était pas habilité pour décider de la reddition.
   On se rappela que les préliminaires de la reddition de l'Armée italienne avaient eu sensiblement la même forme alors que les émissaires italiens n'avaient eu également autorité que pour parlementer et non pour prendre des engagements.
   Par la suite, ils avaient obtenu cette autorisation par télégraphe et avaient achevé les négociations en vue de la reddition.
   Le chef d'État-major indiqua à l'amiral FRIEDEBURG les termes imposés par le commandement suprême.
   Ces termes comportaient la reddition sans conditions entraînant pour toutes les troupes l'obligation de rester sur leurs positions actuelles et l'engagement qu'il ne serait pas permis aux appareils de l'aviation et aux bâtiments navals de se disperser loin de leurs positions actuelles
.
   Il fut également stipulé que l'Oberkommando Wehrmarcht devait garantir de veiller à la transmission et à l'exécution de tous les ordres formulés par les commandements alliés.
    Le général BEDELL SMITH expliqua à l'amiral FRIEDEBURG que la position militaire allemande était désespérée.
    L'amiral FRIEDEBURG exprima la crainte que de nombreux soldats allemands ne soient tués par les Russes, à moins qu'ils ne leur fut permis de se rendre directement aux Armées alliées du front de l'Ouest.
   Le général SMITH ne se montra nullement favorable à cette suggestion et déclara que les Alliés étaient prêts à discuter uniquement d'une reddition par les Allemands aux Alliés sur le front de l'Ouest, conjuguée à une reddition simultanée et sans conditions aux Alliés russes.


Dans l'attente

   L'amiral FRIEDEBURG emporta alors le texte des termes de la reddition dans la pièce qui avait été réservée comme bureau et où l'on servit des rafraîchissements, des sandwiches et du whisky, à lui et au colonel POLECK.
   À leurs délibérations se joignit pendant un certain temps le général STRONG, qui leur donna de nouveaux éclaircissements sur les termes imposés par le commandant suprême.

   Moscou, Washington et Londres furent informés du déroulement des événements par un message du général EISENHOWER, dans lequel il était expliqué que l'amiral FRIEDEBURG n'était habilité que pour offrir la reddition des restes de l'Armée allemande sur le front de l'Ouest.
   Le message mentionnait également que la discussion de cette offre limitée avait été refusée, et que l'amiral était disposé à discuter de la reddition complète s'il pouvait obtenir d'être habilité pour ce faire.
   Il lui avait été signifié de demander l'autorisation du gouvernement allemand.
   Pendant ce temps, les différents officiers généraux et supérieurs de l'État-major suprême, de même que les représentants russes, le major général d'artillerie Yvan SUSLOPAROV et le colonel Yvan ZENKOVITCH étaient assemblés dans la salle des cartes dans l'attente de toute réunion officielle qui pourrait avoir lieu.
   Aussitôt que l'amiral FRIEDEBURG eut quitté le Chef d'État-major pour considérer les termes qui lui étaient présentés, le général SMITH relata dans le détail les discussions aux représentants russes.
 
  Le général SUSLOPAROV est le chef de la Mission russe en France et était spécialement habilité par le gouvernement russe comme représentant russe pour toutes les négociations.
  Il avait auparavant assisté aux discussions avec les autorités allemandes concernant la fourniture de denrées alimentaires à la Hollande.

   À tous les stades des discussions, le commandant suprême fut tenu au courant des événements par le Chef d'État-major et par le général STRONG. Il ne rencontra pas l'amiral FRIEDEBURG au cours de ces stades préliminaires.
   Après une attente assez longue, il apparut évident qu'aucune réunion officielle en vue d'une reddition ne pourrait avoir lieu immédiatement et les officiers rassemblés dans la salle des cartes se dispersèrent.


Message de Friedeburg à Doenitz

   Finalement l'amiral FRIEDEBURG dépêcha un message à l'amiral DŒNITZ.
   Le message fut rédigé selon le code de l'État-major suprême, envoyé à la IIème Armée britannique pour acheminement vers l'avant par estafette.
 
  Ce message déclarait que le chef d'État-major du général EISENHOWER avait présenté deux propositions, à savoir : que l'amiral FRIEDEBURG reçoive pleins pouvoirs pour effectuer une reddition complète et sans conditions sur tous les théâtres d'opérations, ou bien que l'Amiral DŒNITZ envoie son chef d'Oberkommando Wehrmacht et les commandants en chef de ses forces armées, de sa marine et de son aviation munis des pouvoirs nécessaires pour effectuer une reddition totale.
   
   L'amiral FRIEDEBURG souligna également les conditions réglant le mouvement des troupes, appareils de l'aviation et navires effectuant leur reddition, et l'obligation pour l'Oberkommando Wehrmacht de garantir la transmission et l'exécution des ordres du commandant allié.
 
  Il fit également ressortir à son gouvernement que le nouveau gouvernement allemand serait considéré comme coupable de la poursuite des hostilités, à moins qu'il n'accepte rapidement les termes de la reddition.
 
  L'amiral FRIEDEBURG réclame une prompte décision sur l'alternative offerte par le chef d'État-major en insistant sur son caractère d'extrême urgence.
   Si, la première proposition, à savoir celle de l'habiliter à signer la reddition était adoptée, il demanderait qu'une autorisation écrite lui fut immédiatement envoyée, de sorte qu'il puisse agir aussitôt même si la ratification officielle par les commandants en chef des différentes armes à une date ultérieure était considérée comme nécessaire.


Les Allemands se lavent, dînent et dorment

   Plus tard, les représentants allemands furent escortés jusqu'aux chambres qui avaient été réservées à leur intention, dans une maison de sept pièces 3, place Godinot à Reims, qui servait habituellement de logement temporaire pour les Officiers de passage à l'État-major suprême.
   Ils étaient accompagnés par le lieutenant-colonel vicomte BURY, le major LAWRENCE et le sous-lieutenant George REINHARDT, de New-York City, attaché au 2ème Bureau, et qui avait été désigné comme interprète officiel des représentants allemands.
   Les trois officiers devaient rester dans la maison avec les Allemands à toute heure du jour et de la nuit.
   L'amiral FRIEDEBURG et le colonel POLECK passèrent la nuit sous la protection de six hommes de la police militaire, se relayant par groupe de trois.
   Ces hommes, qui n'avaient pas été choisis spécialement, étaient les soldats de 1ère classe, Jack H. ARNOLD, de Lancaster en Pennsylvaine, Charles F. TRAUTNER, d'Oakland en Californie, Joseph R. FINK, de Détroit, Frédéric A. STONE, de Pittsburg, Clifford P. CLELAND, de Plattsburg dans l'État de New-York et Elmer E. COLE, de Litte-Fall dans le New-Jersey.

   Le service était assuré dans la maison par des militaires.
   Le soldat de 1ère classe Joyce BENNETT, de New-York, ancienne secrétaire du directeur de l'Hôtel Windemere à New-York, était gérante de la maison.
   Les trois cuisiniers étaient le sergent Eric ERICSON, de North-Caldwell dans le New-Jersey, le caporal Charles N. FICKINGER, de Belleville dans l'Illinois et le caporal George CLARCK, de Nonmouth dans l'Illinois.
   Les deux ordonnances affectées aux représentants allemands étaient le soldat de 1ère classe John HYHSALL, de Pontiac dans le Michigan, tandis que le soldat de 2ème classe William BITTAY, de New-Brunswick dans le New-Jersey, servait de garçon.
  
   Peu après leur arrivée dans la maison, les Allemands ont demandé du savon, qu'ils n'avaient pas pu obtenir avant leur voyage jusqu'à Reims.

   À 21 heures 45, l'amiral FRIEDEBURG et le colonel POLECK dînèrent avec les trois officiers qui leur servaient d'escorte.
   Le menu se composait de jus de tomates, côtelettes de porc, purée de pomme de terre, carottes et pois, fruits et vin rouge.
   Au cours du repas, l'amiral FRIEDEBURG s'extasia sur la beauté du linge de table et fit remarquer que le propriétaire de la maison « devait être riche ».
 
   Plus tard, dans la soirée, des Martini confectionnés par les Officiers alliés, furent servis à l'amiral FRIEDEBURG et au colonel POLECK.
   Pour servir des biscuits avec les cocktails, le soldat de 1ère classe Joyce BENNETT donna à contre cœur des biscuits qu'elle avait récemment reçus de chez elle.
   Les représentants allemands écoutèrent la radio dans leur salon jusqu'à minuit et quart et puis se retirèrent.


Une calme matinée de dimanche

   Dans la soirée, le général BEDELL SMITH eut une entrevue privée avec le général EISENHOWER, au cours de laquelle il lui expliqua plus en détail l'attitude adoptée par l'amiral FRIEDEBURG.
   Cette position était généralement interprétée comme favorable à la reddition, mais la reddition proprement dite devait être l'occasion d'une réunion plus officielle et plus représentative.
   L'État-major suprême allié avait suggéré une cessation immédiate de toutes les hostilités, suivie d'une réunion plus officielle pour marquer la reddition si cela était nécessaire.
   
   Le Premier ministre de Grande-Bretagne, Monsieur CHURCHILL téléphona à plusieurs reprises au cours de la journée de samedi pour demander des nouvelles et il fut tenu parfaitement au courant de tous les développements de la situation.
  
   Dans la matinée de dimanche, onze mois jour pour jour après le Jour J, les représentants allemands attendirent dans leur chambre la réponse de leur gouvernement, tandis que le personnel de l'État-major suprême allié se tenait prêt à agir dans n'importe quel sens voulu par les événements.
   
    Le dimanche 6 mai
, l'amiral FRIEDEBURG et le colonel POLECK furent réveillés sur leur demande à 7 heures du matin et prirent leur petit déjeuner avec les officiers alliés.
   Le menu identique à celui servi d'habitude au mess des officiers subalternes, consistait en quartiers de pamplemousses, œufs au plat et bacon, café et toasts.
   
   Après le petit déjeuner, l'amiral FRIEDEBURG demanda à lire quelques magazines américains « illustrés ».
   Le soldat de 1ère classe Joyce BENNETT apporta des exemplaires du Stars and Stripes et plusieurs magazines américains.
   
   Les représentants allemands passèrent la matinée à lire et à écouter la TSF.
   
Ils déjeunèrent à 13 heures d'un cocktail de fruits, poulet rôti, purée de pommes de terre, maïs, pêches et burent du café et du vin.


Le chef d'État-major de l'armée allemande arrive enfin

   Les représentants allemands demeurèrent dans leur chambre après le déjeuner.
   Au cours de l'après-midi, on apprit que le colonel-général Gustav JODL, chef d'État-major de l'Armée allemande ( qui remplaçait le général GUDERIAN à ce poste ) était en route pour Reims par la voie des airs, accompagné de son aide de camp, le commandant G. S. Wilheim OXENIUS et du général de division de GUINGAND, chef d'État-major du 21ème Groupe d'armées.
   Un avion de transport de troupes, Modèle C-47, baptisé Mary Lou II et portant deux étoiles sur oriflamme rouge, arriva à l'aérodrome de Reims à 17 heures 08, dimanche.
   Le groupe descendit d'avion et le général de brigade FOORD qui était là pour accueillir le groupe, salua et le salut lui fut rendu par les Allemands et par le général de GUINGAND.
   
   Le visage du général JODL était absolument sans expression et il se dirigea d'une allure arrogante vers l'automobile qui l'attendait pour le conduire au QG.
   Il arriva à l'École professionnelle à 17 heures 20 ayant croisé en chemin deux détachements de prisonniers allemands que l'on conduisait au réfectoire sous escorte.
   Les deux détachements comprenaient chacun environ 200 hommes.
   Au moment où il pénétrait au QG, les policiers militaires saluèrent et il rendit le salut.
   Comme dans le cas de l'amiral FRIEDEBURG, il fit le salut militaire en usage dans l'Armée allemande et non le geste nazi.
   Il fut escorté directement jusqu'au bâtiment du QG occupé par le Chef d'État-Major et là, il se lava, se rafraîchit puis se dirigea vers la pièce qui avait été réservée à la délégation allemande.
   
   À 17 heures 45
, l'amiral FRIEDEBURG et le colonel POLECK arrivèrent de leurs chambres.
   Comme l'amiral ouvrait la porte donnant sur la pièce réservée aux Allemands et apercevait le général JODL, il ne salua pas mais s'exclamait « Ah, Ah ».
   Un moment après que la porte se fut refermée, l'amiral FRIEDEBURG sortit de la pièce et demanda du café et une carte d'Europe.
   L'Amiral parut soulagé, mais le général JODL faisait les cent pas à l'intérieur de la pièce.


L'instant décisif approche

   Le général STRONG convoqua la délégation allemande et emmena le général JODL et l'amiral FRIEDEBURG dans la chambre du général SMITH à 18 heures 15.
   À 19 heures 20, le général SMITH et le général STRONG quittèrent la pièce et se rendirent au bureau du Général EISENHOWER, laissant les deux Allemands seuls.
   
   En même temps, le général SMITH envoya chercher le général SUSLOPAROV.
   Vingt minutes plus tard, le général SMITH et le général STRONG revinrent dans le bureau du général SMITH.
   À 19 heures 44, le général SUSLOPAROV et le colonel ZENKOVITCH arrivèrent au Quartier général et se rendirent dans la pièce réservée à leur usage.
   Immédiatement après, les Russes de dirigèrent vers le bureau du Général SMITH.
   Ils ne virent pas les Allemands et n'eurent pas de contact avec eux.
   À 19 heures 53, le groupe réuni dans le bureau du Général SMITH envoya chercher du café.
   À 19 heures 59, le général apparut dans l'antichambre de son bureau et déclara à plusieurs officiers présents qu'il y aurait un retard d'au moins trois heures.
   Dix minutes plus tard, le Général STRONG entra dans la pièce occupée par les Allemands et, après quelques minutes de conversation, il revint dans le bureau du général SMITH.
    À 21 heures 12, les Allemands quittèrent le bâtiment et regagnèrent leur chambre.
   Il était apparent qu'un message avait été envoyé au gouvernement allemand, et comme la soirée avançait, les Russes et les officiers chargés d'un haut commandement à l'État-major suprême partirent, étant entendu qu'ils resteraient à proximité immédiate.
    À environ 2 heures du matin, les voitures d'État-major commencèrent à s'arrêter devant le QG, se succédant les unes les autres et une atmosphère d'excitation se répandit dans tout le bâtiment.
   Les secrétaires et les chauffeurs qui n'étaient pas de service et de nombreux officiers subalternes d'État-major se réunirent en groupe dans la cour d'honneur, les salles et dans les escaliers.
   
   À 2 heures 15 du matin
, les correspondants qui attendaient furent escortés depuis une salle de conférence à l'étage inférieur jusqu'à la salle des cartes.


Le Général Sevez est présent

   À 2 heures 29, les premiers membres des délégations alliées pénétrèrent dans la salle des cartes.
   Ce groupe comprenait les officiers russes, le général MORGAN, l'amiral BURROUGH, le général SPAATZ, le maréchal de l'Air ROBB et le général BULL.
   Peu de temps après, le général SEVEZ, représentant le général JUIN, chef d'État-major du général DE GAULLE, arriva.

   À 2 heures 34, le général SMITH entra et examina la disposition des sièges s'entretenant brièvement et sans cérémonie avec ceux des officiers qui étaient déjà rassemblés.
   Finalement, à 2 heures 39, les trois officiers allemands pénétrèrent dans la pièce, escortés par le général STRONG et le général de brigade FOORD.


Une salle désormais historique

   Ils se trouvèrent dans une pièce brillamment éclairée, spécialement illuminée pour permettre de prendre un enregistrement cinématographique et photographique de l'intégralité des débats qui allaient avoir lieu.
   Les murs bleu-pâle de cette pièce carrée de dix mètres de côté étaient couverts de cartes d'État-major montrant la disposition des forces armées sur tous les fronts de la guerre mondiale.
   Ailleurs, se trouvaient des tableaux de caractère le plus secret montrant les opérations aériennes de la journée courant, les listes des pertes en hommes, les statistiques des denrées déposées et parachutées, les réseaux des lignes de chemin de fer et des voies de communication.
   Sur l'un des murs se trouvait un « thermomètre » sur un fond de svastikas montrant le flot croissant des millions de prisonniers allemands aux mains des Alliés.


Les Allemands signent

   Ils marchèrent d'un pas solennel jusqu'à la table, se tinrent au garde-à-vous et s'inclinèrent devant les officiers assemblés.
   Quand tous les délégués furent assis, le général STRONG plaça les documents à signer devant le Général SMITH.
   Le général SMITH s'adressa brièvement aux Allemands, leur disant que c'étaient là les documents de reddition et leur demandant officiellement s'ils étaient prêts à signer.
   Le général JODL hocha légèrement la tête en signe d'assentiment.
   L'identité des différents documents et l'ordre dans lequel ils furent signés seront indiqués plus tard en détail par le 2ème Bureau.   
   Tous les documents furent placés dans des chemises cartonnées manille de format légal.
   L'apposition des signatures sur les documents commença à 2  heures 40 et était terminée à 2 heures 45.
   L'heure officielle indiquée sur le document de reddition est 2 heures 41.
   Un stylographe spécial fut fourni à chaque signataire.
   Ces porte-plumes étaient de couleur marron avec un capuchon d'or.

   Pendant toute la durée des débats, le général STRONG fit circuler les papiers parmi les signataires et expliqua brièvement en allemand le contenu de chaque document aux représentants du Reich.
   Il ne prit jamais place sur la chaise voisine de celle du général SMITH qui lui était réservée.


Le général Jodl parle

   Quand toutes les signatures eurent été apposées, le général JODL se mit au garde-à-vous et s'adressa en anglais au général SMITH en ces termes :

« Je voudrais dire un mot ».
   Il continua en allemand :
« Général, par cette signature, le peuple allemand et les forces armées allemandes sont, pour le meilleur et pour le pire, livrés entre les mains du vainqueur.
    Dans cette guerre qui a duré plus de cinq ans, l'un et l'autre ont réalisé et on souffert plus peut être que n'importe quel autre peuple au monde.
    En cette heure, je ne peux exprimer qu'un espoir : c'est que le vainqueur les traite avec générosité ».

   Il n'y eut aucune réponse à ce discours.
   Tous les délégués se levèrent et les Allemands partirent à 2 heures 47, se retirant dans la pièce qui leur était réservée.
   Le reste des délégués quitta la pièce immédiatement après pour se rendre au bureau du général EISENHOWER.


À 3 heures 46, tout était terminé

   À 2 heures 55, les Allemands furent escortés chez le commandant suprême et furent présentés au général EISENHOWER et au maréchal de l'Air Sir Arthur TEDDER, adjoint au commandant suprême. Une brève conversation s'ensuivit et ils partirent à 2 heures 57.
   Le général EISENHOWER demanda d'un ton sec aux Allemands s'ils avaient compris parfaitement les termes de la reddition et étaient prêts à les exécuter.
   Ils répondirent affirmativement, s'inclinèrent avec raideur, et quittèrent la pièce.
   Ensuite le général EISENHOWER rassembla ses collaborateurs qu'il nomme plaisamment sa « famille » pour des félicitations réciproques et des prises de photographies.
   
   À 2 heures 59
, le général EISENHOWER, en compagnie du maréchal de l'Air Sir Arthur TEDDER, entra dans la salle des opérations à nouveau pour faire un enregistrement cinématographique sonore d'un discours de la Victoire pour les actualités.

   Tout était terminé à 3 heures 46.


Sources : Rapport du SHAEF - 8 mai 1945, Archives municipales et communautaires de Reims, 9 S 4 et Bibliothèque municipale de Reims, RBG 88, 9 pages dactylographiées ; L'Union, 9 mai 1945.

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