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À
la joie de la victoire, à l'allégresse des sirènes
et des cloches, des Marseillaise et des Chant du départ,
s'ajoute un serrement de cur au souvenir de ceux qui ne sont
plus là : de ceux qui sont tombés glorieusement
dans la pleine lumière du vrai combat, dans les rangs des
Forces fançaises libres.
La Résistance de l'intérieur a,
elle aussi, ses fusillés, ses morts des barricades. C'est
le prix inévitable de toute victoire.
Mais cette Victoire, la France l'a payée
plus cher encore.
Et nous autres « Résistants »,
si nous ne pouvons nous abandonner à la commune joie comme
nous n'avons pas voulu nous abandonner au découragerment
de la défaite, c'est parce que nos pensées vont vers
ces camps où l'Allemagne sadique a torturé nos camarades,
a fait périr d'inanition, de faim, de froid, de misère,
sous les coups, dans le travail forcé, dans la pourriture,
les meilleurs d'entre nos amis.
Certes, nous voyons revenir chaque jour ces êtres
amaigris qui ne semblent plus vivre que dans un regard qui s'en
va loin, au-delà des choses présentes...
Certes, nous en attendons d'autres [...]
Je pense à vous, résistants inconnus,
que j'entendis un jour crier et scander de vos voitures cellulaires,
boulevard Saint-Michel, des « Vive la France, vive la
France, vive la France » qui sortaient comme d'une tombe...
Jamais encore, dans une guerre, on n'était
mort comme ils sont morts, nos camarades clandestins. Jamais ennemi
ne fut plus sauvage, implacable et cruel. Jamais les souffrances
humaines n'ont atteint cette intensité. Et c'est cette vision
de Dachau, de Buchenwald qui ternit notre joie, à nous, qui
découvrons maintenant ce que vous avez souffert.
Vous avez été cette poignée
d'hommes qui, entraînant une masse amorphe, avez écrit,
malgré l'ennemi, cette page d'histoire et de gloire, qui,
sans vous, eût été blanche dans les manuels
de nos enfants.
À nous les survivants, vos mains froides
maintenant, ont transmis intact l'honneur du pays que vous avez
su préserver de ceux qui le souillaient.
En voyant passer nos amis décharnés,
professeurs, ouvriers, paysans, médecins fraternellement
unis dans leurs vêtements du bagne, le peuple de France a
compris que la Résistance n'était pas un vain mot.
À nous de faire en sorte qu'il ne l'oublie plus. À
nous de ne pas faiblir devant l'effort quotidien obscur et sans
gloire de ceux, héroïques et purs, qui, lui ont donné
leurs souffrances et leur vie.
Volontés
, numéro spécial, 9 mai 1945
Hebdomadaire du mouvement Ceux de la Résistance
Regards,
15 mai 1945
Volontés
, numéro spécial, 9 mai 1945
Hebdomadaire du mouvement Ceux de la Résistance
Vers des lendemains qui chantent ?
La
Champagne ouvrière et paysanne, 12 mai 1945
Bi-hebdomadaire de la fédération marnaise du Parti
communiste
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