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Le monument à l'Armée noire
de Reims

Dossier réalisé par Jean-Pierre HUSSON

Les origines du monument de Reims « Aux héros de l'Armée noire »

Le 13 juillet 1924, l'inauguration du monument associe l'hommage aux soldats de l'Armée noire
l'exaltation de l'Empire français et la célébration de la résurrection de Reims

La description du monument de Reims réplique de celui de Bamako

Le monument démantelé par les troupes allemandes d'occupation en septembre 1940

L'historique et la description du monument élevé en 1963

Les transpositions du monument de 1924 par le sculpteur Patrice Alexandre en 2001

Le Monument à l'Armée noire dans le rapport de la Commission Becker - Décembre 2007

L'hommage rendu par la Ville de Reims aux soldats de l'Armée noire en 2008
à l'occasion du 90e anniversaire de l'Armistice de 1918

Les autres monuments aux combattants d'Afrique noire

" La Force noire " - Une exposition et un film documentaire

L'association AMAN et le projet de reconstruction du monument

 

Les origines du monument de Reims
« Aux héros de l'Armée noire »

    En 1921 a été créé à Paris le Comité aux héros de l'Armée noire présidé par le général Louis ARCHINARD, ancien commandant supérieur du Soudan français, assisté du général MARCHAND.
   
Ce comité, placé sous le haut patronage du président de la République, du président du Conseil, des ministres des Affaires étrangères, de la Guerre et des Colonies, du commissaire général des Troupes noires et des maréchaux de France, avait pour mission de faire ériger en métropole et en Afrique, un monument à la mémoire des soldats indigènes morts pour la France au cours de la 1ère guerre mondiale, « à l'aide des souscriptions des communes de France et des Amis des Troupes noires françaises ».
    Deux villes ont été rapidement retenues : Reims en métropole, et Bamako capitale du Soudan français ( actuel Mali ), sur les rives du Niger en Afrique.

   Le 29 octobre 1922 au matin, place du Boulingrin à Reims, le ministre de la Guerre, André MAGINOT, a remis solennellement des Croix de guerre à 166 communes de l'arrondissement de Reims, avant de venir poser la première pierre du monument à 15 heures, sur un terrain situé à l'embranchement du Boulevard Henry Vasnier et de l'avenue du général Giraud, à la sortie de Reims en direction de Châlons.
   À cette occasion, le ministre a rappelé le « rôle glorieux » des troupes noires au cours de la 1ère guerre mondiale, évoquant la citation du sergent Amadou DI'ALE, du 34e Bataillon de tirailleurs sénégalais, qui fit à lui seul 130 prisonniers et continua de combattre pendant deux jours malgré une blessure, avant d'être finalement évacué sur ordre de ses supérieurs. Il a affirmé que la victoire française de 1918 n'avait pas seulement ramené les frères d'Alsace-Lorraine dans la famille française, mais qu'elle avait aussi scellé les liens qui unissaient cette famille à la France coloniale :

   Aujourd'hui, La France ne compte plus 40 millions de Français.
   Elle compte 100 millions de Français
.

   Blaise DIAGNE, député noir du Sénégal et vice-président du Comité aux Héros de l'Armée noire, a pris la parole à son tour, mais de son discours la presse de l'époque n'a retenu que le passage par lequel il évoquait lasolidité des liens unissant les populations coloniales à la France : « Il faut que l'on sache que la France avec son armée coloniale et ses forces métropolitaines, peut faire respecter sa victoire ».


Le 29 octobre 1922 à Reims Blaise Diagne prend la parole
lors de la pose de la première pierre du Monument aux héros de l'Armée noire

   Blaise DIAGNE était marié à une blanche, Marie Odette VILLAIN.
   
Élu en 1914, il a été un des premiers députés noirs avec Gratien CANDACE, député de la Guadeloupe élu en 1912, à avoir siégé durablement à l’Assemblée nationale.

   Tous les deux avaient revendiqué l'instauration de la conscription dans les colonies, convaincus que c'était le meilleur moyen d'obtenir pour les populations indigènes la reconnaissance claire, pleine et entière de la citoyenneté, l'impôt du sang conduisant à l'égalité civique.

   C'est dans ce contexte que Blaise DIAGNE avait ét nommé pendant la 1ère guerre mondiale Commissaire général aux troupes noires avec rang de sous-secrétaire d'État aux Colonies, et qu'il était parvenu à convaincre des milliers d’Africains de s’engager volontairement pour venir défendre la métropole, en leur faisant entrevoir la possibilité d’acquérir à l’issue du conflit la citoyenneté française pleine et entière, promesse qui n’a pas été tenue.

   Le général ARCHINARD a rappelé que les Troupes noires se sont bien battues sur le front partout où elles ont été engagées, et en particulier dans le secteur de Reims qu'elles sont parvenues à tenir dans les moments les plus difficiles, justifiant ainsi le choix de la ville pour l'érection du monument en métropole.

   Le maire Charles ROCHE exprima la fierté des Rémois pour le choix de leur ville, et leur reconnaissance :

   Nous sommes très honorés et très fiers que notre cité ait été choisie pour l'érection de ce monument commémoratif.
   Les motifs qui ont présidé à ce choix paraissent d'ailleurs absolument légitimes. C'est en défendant notre ville que l'Armée noire a subi les pertes les plus lourdes et qu'elle a victorieusement résisté aux assauts les plus terribles de l'ennemi, et c'est encore de notre région que le 5 septembre 1918, elle s'est élancée à la poursuite de l'ennemi, le culbutant sur la Suippe, la Retourne et l'Aisne jusqu'au jour où, il y a bientôt quatre années de cela, les plénipotentiaires allemands sont venus avouer leur défaite [...]
   La dette de reconnaissance que nous avons contractée envers cette Armée noire et cette Armée coloniale ne s'adresse pas seulement aux héros, victimes de la guerre, elle s'étend aux glorieux chefs de ces vaillants soldats [...]
   Au nom de la Ville de Reims, je m'incline respectueusement devant ceux qui symbolisent la vaillance, l'abnégation et le sacrifice.
   J'exprime notre éternelle reconnaissance aux sublimes héros qui, pour la défense de notre chère cité et de notre France immortelle, ont donné leur sang et leur existence, et ont écrit la plus glorieuse page de notre Histoire nationale [...]

   Charles ROCHE a aussi exprimé sa reconnaissance à la famille Pommery, pour avoir spontanément fait don à la Ville de l'emplacement où allait être érigé le monument.

   En juin 1924
, peu de temps avant l'inauguration du monument, le marquis Melchior DE POLIGNAC, associé-gérant de la maison Pommery et Greno - Louise Pommery Fils et Compagnie, avait informé le maire de Reims que cette maison prestigieuse de champagne acceptait d'officialiser et de régulariser la cession gracieuse à la Ville, annoncée lors de la pose de la première pierre en octobre 1922, de la partie du terrain sur lequel le monument avait été érigé, d'une superficie de 173,75 m2.
   Le 10 juillet 1924, le Conseil municipal autorisa l'administration municipale à accepter cette offre, « moyennant le prix de un franc pour la régularité ».
   L'acte de cession, dressé par le notaire de la Famille Pommery, maître MANDRON, a été signé après l'inauguration, en novembre 1924.


Le 13 juillet 1924
l'inauguration du monument
associe
l'hommage aux soldats de l'Armée noire
l'exaltation de l'Empire français
et la célébration de la résurrection de Reims

Affiche conservée au musée de la Pompelle de Reims

   Le 13 juillet 1924, en fin de matinée, l'inauguration du monument de Reims a été présidée par Édouard DALADIER, ministre des Colonies, en présence du général ARCHINARD, président du comité d'érection, du préfet de la Marne, BRISAC, du sous-préfet de Reims, MENNECIER, et du maire de Reims, Charles ROCHE.

Édouard Daladier, ministre des Colonies, à la tribune
Photographie conservée au musée Saint-Remi de Reims

   Parmi les nombreuses personnalités qui accompagnaient le ministre des colonies, se trouvaient les deux députés noirs Blaise DIAGNE, député du Sénégal et Gratien CANDACE, député de la Guadeloupe.
    Le général ARCHINARD est monté à la tribune et a rappelé le rôle important joué au cours de l'été et de l'automne 1918 par les troupes du 1er Corps d'armée coloniale, dont l'héroïsme a permis de tenir le Fort de la Pompelle et de sauver la ville de Reims gravement menacée par l'offensive allemande.

À la tribune le général Archinard prononce le discours d'inauguration
Photographie publiée dans L'Illustration le 19 juillet 1924
Archives municipales et communautaires de Reims )

   Tout en affirmant que « les tirailleurs noirs se sont conduits en bons Français », qu'ils « se sont montrés dignes de combattre sous nos trois couleurs, à côté de nous », il a relativisé le rôle joué par les troupes indigènes dans le défense de Reims, en relevant qu'elles n'avaient représenté « qu' à peine le dixième des troupes de toutes armes entrées en ligne sur ce front ».
    Il est vrai que l'inauguration du Monument à l'Armée noire de Reims ne faisait pas l'unanimité et que le général PETIT, qui commandait la 134e division d'infanterie engagée elle aussi en 1918 dans la défense de Reims, estimant que la gloire d'avoir sauvé Reims avait été confisquée par l'Armée noire et l'Armée coloniale, a refusé de participer à la cérémonie.

    Les discours, tout en rendant hommage aux soldats de l'Armée noire, exaltaient la fibre patriotique, la renaissance de Reims, érigée en « ville martyre » et la vitalité de l'Empire colonial.

Le général Archinard président du Comité d'érection :
« Les tirailleurs noirs se sont conduits en bons Français
Ils se sont montrés dignes de combattre sous nos trois couleurs, à côté de nous »

   Les officiers des troupes coloniales, les fonctionnaires coloniaux qui ont vécu au milieu des troupes noires, qui ont pu les apprécier dans la vie de tous les jours, et dans les combats, ont eu la bonne pensée de demander au grand statuaire Moreau-Vauthier, leur compagnon d'armes, de faire un monument à la gloire des tirailleurs noirs et de leurs chefs tombés glorieusement en défendant leur patrie lointaine et leur patrie d'adoption qui, pour nous comme pour eux, forment aujourd'hui la France. [...]
   Nous sommes ici pour glorifier nos troupes noires, mais ce serait laisser planer sur elles quelque ridicule injustifié, que de ne pas réfuter les accusations, le dénigrement de source allemande, aussi bien que l'exagération de leur nombre et de leur rôle.
   Les tirailleurs noirs se sont conduits en bons Français ; ils se sont montrés dignes de combattre sous nos trois couleurs, à côté de nous [...]
   La vérité, c'est que les troupes exotiques
( sic ) de toute origine engagées devant Reims, entre le 26 mai et la fin de juillet 1918, représentaient au total une douzaine de bataillons, c'est-à-dire à peine le dixième des troupes de toutes armes entrées en ligne sur ce front.
   Elles s'y sont montrées terribles pour les Allemands parce qu'ils les regardaienrt comme des sauvages [...}
   Au nom du comité que je préside, et au nom de tous les souscripteurs, j'ai l'honneur de remettre ce monument « À la gloire des héros de l'Armée noire et de leurs chefs tombés au champ d'honneur », à la Ville de Reims qui, après avoir vu les sacres des rois de France a subi le terrible baptême du feu qui la rend à nos yeux plus noble et plus aimée.
   Vive la Ville de Reims ! Vive la République française !

Extraits du discours prononcé par le Général Archinard

Charles Roche, maire de Reims :
«  Gloire à l'Armée noire,
gloire à ses vaillants combattants,
sauveurs de notre chère cité »

     Aucun emplacement ne se prêtait aussi merveilleusement à l'érection d'une telle œuvre : faisant face aux tranchées ennemies distantes de quelques centaines de mètres seulement, debout sur ce parapet de granit où le burin a gravé pour les générations futures les hauts faits d'armes qu'ils ont accomplis, nos héros noirs sont adossés à cette ravissante montagne de Reims aux coteaux verdoyants, couverte d'arbres et de vignes courbant sous le faix des raisins mûrissant ; cette montagne de Reims, dont le radieux panorama s'étend de tous les côtés à l'horizon , et qui, grâce à ses glorieux défenseurs, est restée inviolée malgré l'énorme poussée de l'adversaire et n'a eu à subir ni la souillure de l'ennemi, ni les dévastations de la guerre. [...]
   La ville de Reims est fière d'avoir la garde d'un monument commémorant des faits aussi glorieux de l'histoire locale et nationale.  [...}
   Gloire à l'Armée noire, gloire à ses vaillants combattants, sauveurs de notre chère cité, et merci à cette foule, qui a tenu à saluer au pied du monument l'aurore de cette ère de prospérité, de justice et de paix bienfaisantes, but suprême de nos communes aspirations, tant désiré de la France tout entière.

Extraits du discours prononcé par Charles Roche, maire de Reims

Édouard Daladier, ministre des Colonies
« L'hommage de la Métropole et des Frances
qui rayonnent au-delà des océans »

   Après le discours, si précis et si documenté, du général Archinard, un des plus remarquables créateurs de notre empire colonial, après les nobles paroles du maire de Reims, le ministre des colonies a le devoir d'associer la France tout entière, celle de la Métropole, et les Frances qui rayonnent au-delà des océans, à l'hommage d'admiration et de respect qui est aujourd'hui rendu aux soldats noirs.
   Lorsqu'en 1914, nos foyers furent envahis, la question se posait de savoir ce que feraient nos colonies.

   Beaucoup prétendaient qu'elles se révolteraient, et qu'au lieu de nous donner des hommes, il faudrait au contraire en envoyer de la métropole, pour rétablir l'ordre.
   Ceux-là se sont trompés, et le ministre proclame bien haut que les colonies n'ont pas déçu les espoirs qu'on avait mis en elles : 800 000 hommes, dont 600 000 combattants, sont venus à nos côtés, et plus de 30 000 sont tombés glorieusement pour le salut de la patrie commune.
   Ici, à la lisière de la montagne, ici, où passèrent tant d'invasions successives, il convenait d'élever ce monument à la gloire des héros noirs, qui écrivirent une si magnifique épopée  [...]
   Les troupes noires ont participé aux batailles les plus sanglantes de la guerre, et elles ont su mériter l'estime des populations civiles, tout autant que l'admiration de leurs chefs. [...]
   Il fallait sauver la cité historique, où des générations avaient sculpté, au portail de la Cathédrale, une page de pierre où vibrait l'histoire des premiers siècles de notre patrie [...]
   Il faut que la métropole fasse un vigoureux effort, pour aider ces populations courageuses à lutter contre la maladie et la misère, et pour forger, avec les divers éléments de notre empire colonial, une vaste association, pour la grandeur de la France et son rayonnement dans le monde. [...]
   Vive Reims ! Vive la France ! Vive la République !

Extraits du discours prononcé par Édouard Daladier, ministre des Colonies

     Après l'inauguration, un vin d'honneur a été servi dans le grand hall d'expédition de la Maison Pommery, puis  un banquet a réuni les invités de la Ville de Reims dans les salons Degermann, à l'issue duquel le préfet de la Marne, le représentant du maire de Reims et le ministre des Colonies prirent la parole  :

« Fidélité, souvenir et gratitude
envers tous ceux qui sont tombés pour que la France vive »

   La pensée qui domine cette journée est la même que celle qui commande à toutes les inaugurations de monuments aux morts : fidélité, souvenir et gratitude envers tous ceux qui sont tombés pour que la France vive.
   Mais aujourd'hui, ce ne sont pas les fils de la terre de France que nous glorifions, ce sont ses enfants d'adoption qui sont venus de pays lointains pour défendre notre sol comme si il avait été le leur. [...]
 
Puis s'adressant au ministre Daladier qui avait combattu en Champagne dans les rangs du 118e RI, et qui allait quitter le banquet peu après pour se rendre au cimetière militaire de Sillery se recueillir sur la tombe de camarades de régiment, puis à Verzy où il avait été en cantonnement, et à Prunay, où il voulait revoir l'emplacement de son ancienne cagna
Vous êtes ici dans la Marne que vous avez contribué à défendrequi a connu des heures douloureuses et subi le joug infâme ; dans Reims qu'on a pu croire détruite pour jamais.
   Vous venez ici assister à notre joie de voir sa libération et sa résurrection, nous vous en sommes reconnaissants et nous vous apportons l'hommage de gratitude de la ville de Reims [...]

Extraits du discours prononcé par le préfet de la Marne, Brisac

« Les coloniaux ont bien mérité de la Patrie »

   Vous nous avez confié le monument. Il restera sous la garde vigilante des habitants et il fera l'admiration de tous ceux qui passeront sur la route 44 et qui diront en s'y arrêtant : « Les coloniaux ont bien mérité de la Patrie ».

Monsieur Doneux, adjoint,
représentant du maire de Reims « qu'un deuil récent a écarté de la fête »

Célébrer « la résurrection de Reims »
et magnifier « l'effort colonial »

   [...] Et comment ne célébrerai-je pas, mon cher préfet, la résurrection de Reims, car, lorsque nous fûmes témoins du martyre atroce de la ville que les Barbares voulurent détruire parce qu'ils ne pouvaient la piller, nous ne doutions pas qu'un jour prochain Reims allait sortir plus belle et plus riche que jamais de ses ruines [...]
   Vous garderez pieusement ce monument  ; mais je voudrais aussi que vous songiez aux nécessités de la vie, aux difficultés qui vous attendent, aux problèmes formidables qui se posent, et je vous demande de penser à ce grand empire colonial et à ces Français qui, perdus dans la brousse, travaillent à la grandeur morale de la France.
   Je lève mon verre à tous les artisans de cet effort colonial qui a pour but d'élargir la Patrie dans le vaste monde.

Édouard Daladier, ministre des Colonies
   

Un grande fête militaire et sportive
à la gloire des soldats de marine et des coloniaux

    Au cours de l'après-midi, une grande fête militaire et sportive a rassemblé 10 000 personnes au Parc Pommery tout proche du monument.
   Défilé historique, la lecture au haut-parleur d'un poème en prose de Michel CLAUDE, fanfares et chœurs, minute de silence et Marseillaise, puis épreuves sportives se sont succédés tout au long de l'après-midi..
 

La fête sportive et militaire annoncée dans L'Éclaireur de l'Est du 13 juillet 1924

 

Extraits du programme d'inauguration conservé
 aux Archives municipales et communautaires de Reims

L'Éclaireur de l'Est du 14 juillet 1924

Photographie publiée dans L'Illustration le 19 juillet 1924
Défilé historique de l'Armée coloniale dans le stade du Collège d'Athlètes
( Archives municipales et communautaires de Reims )


La description du monument de Reims
réplique de celui de Bamako

Aux héros de l'Armée noire
-
Reims
M
arne
Château-Thierry
Aisne
-
1924

   Le monument à l'Armée noire de Reims est l'œuvre de deux Parisiens, le sculpteur Paul MOREAU-VAUTHIER et l'architecte Auguste BLUYSEN.
    I
l était constitué d'un socle en granit de 4 mètres de haut rapporté d'Afrique, en forme de « Tata », fortin traditionnel africain, sur lequel étaient gravés les noms des principales batailles de la 1ère guerre mondiale au cours desquelles les troupes africaines ont été engagées. Ce socle était surmonté d'un bronze de trois mètres de haut représentant un groupe de soldats du corps d'armée colonial constitué de quatre tirailleurs africains rassemblés autour d'un drapeau français porté par un officier blanc, selon la représentation habituelle de la Force noire, déjà illustrée à la Une du Petit Journal en 1919.

La Force noire honorée à la Une du Petit Journal du 1er juin 1919
En haut :
le général Faidherbe, gouverneur du Sénégal et créateur des tirailleurs sénégalais en 1857 (  à gauche )
et  Blaise Diagne, Commissaire général aux troupes noires en 1917-1918 ( à droite )
En bas :
le général Mangin organisateur de la Force noire (  à gauche )
et le général Marchand qui a commandé les tirailleurs sénégalais au Soudan ( à droite ) 

Le groupe de bronze du monument de Reims

   C'est un groupe de cinq combattants. Un sous-lieutenant imberbe étreint un drapeau tandis qu'à sa droite, un tirailleur en chéchia semble guetter encore l'ennemi, du côté de la Pompelle.
    À gauche, un autre tirailleur semble avoir été surpris au moment où il se lève pour sortir de la tranchée.
   Derrière, deux colosses noirs semblent dire : « Nous sommes là, si l'on a besoin de nous ».
   Un murmure d'admiration parcourt la foule, qui reconnaît le symbole du dévouement et de la fidélité de nos soldats noirs.

L'Éclaireur de l'Est, 14 juillet 1924

   Le monument « Aux héros de l'Armée noire », érigé à Reims « en témoignage de reconnaissance envers les Enfants d'adoption de la France, morts en combattant pour la Liberté et la Civilisation », était la réplique du monument inauguré le 3 janvier 1924 à Bamako.

Le monument de Bamako
( Archives municipales et communautaires de Reims )

 

La maquette conservée au Musée des troupes de marine à Fréjus
présentée dans l'exposition " Tenir ! Reims sur le front 1914-1918 "
au musée Saint Remi de Reims en novembre-décembre 2008


Le monument démantelé
par les autorités allemandes d'occupation
en septembre 1940

   Pendant la 2e guerre mondiale, dès le début de l'Occupation, la statuaire de bronze a été démontée par les Allemands, embarquée sur un wagon de chemin de fer pour une destination inconnue. Elle a sans doute été fondue pour en récupérer le métal, tandis que le socle du monument était détruit.
   Marcel COCSET est parvenu à photographier clandestinement l'enlèvement du monument en septembre 1940, puis des membres de sa famille venus déposer des fleurs à l'emplacement du monument disparu au début du mois d'octobre 1940.

Le démantèlement du monument par les troupes d'occupation allemandes
photographié par Marcel Cocset
en septembre 1940

Photographie clandestine des membres de la famille Cocset venus déposer des fleurs
sur les gravats du monument détruit par les Allemands au début d'octobre 1940
Témoignage recueilli par Jacques Cohen, maire-adjoint

Le chargement de la statue en gare de Reims
À l'arrière plan, les entrepôts des Comptoirs Français.

(  Photographie extraite de la monographie dactylographiée
de Jean Joly, La Résistance et les Forces françaises de l'intérieur,
Mouvement : Ceux de la Résistance - Arrondissement de Reims
,
achevé après son décès en 1994 par son gendre Daniel Marquet, Reims, 1998 )


L'historique et la description du monument inauguré en 1963

Les origines du monument

    
    Au milieu des années 1950
, l'Amicale des anciens coloniaux et marins de Reims a sollicité l'appui du gouverneur général de l'Afrique occidentale française en poste à Dakar, pour le lancement d'une souscription destinée à la réédification du monument à l'Armée noire de Reims.

   Le 4 juin 1955, le préfet de la Marne avisé par le gouverneur de cette démarche, l'informait que la Ville de Reims envisageait de constituer un comité chargé d'étudier les moyens à mettre en œuvre pour la réédification du monument, et lui demandait d'inviter l'Amicale des anciens coloniaux à se mettre en relation avec le maire de Reims.

   En réalité, la Ville de Reims, qui en était propriétaire, était partagée sur le projet de reconstruction.
   Elle craignait de voir se rallumer les tensions opposant anciens combattants des troupes coloniales et anciens combattants des régiments métropolitains qui se disputaient le mérite d'avoir sauvé Reims en 1918.
   En outre, elle considérait alors qu'elle n'avait pas les moyens financiers pour s'engager
dans la reconstruction à l'identique de ce monument dont la valeur avait été estimée à 250 000 francs de 1939.   
   L'indemnité pour dommages de guerre ne s'élevait qu'à 7 760 francs, et une étude préalable faisait apparaître que la réédification du monument primitif, à partir de la réplique préservée à Bamako, coûterait entre 200 000 et 400 000 francs, une somme jugée difficile à réunir à l'époque.

   En septembre 1958, à l'occasion du 40e anniversaire de la défense de Reims par les Corps d'armée coloniaux, une stèle provisoire a été inaugurée sur le site de l'ancien monument, au cours d'une cérémonie présidée par le général MORLIÈRE, au cours de laquelle il a rendu hommage « aux troupes d'Outre-Mer de toutes races et de toutes couleurs » :

   Aujourd'hui, et par cette stèle, c'est à tous ceux qui, en 1918, préservèrent la Ville des sacres de l'envahisseur, que Reims rend avec nous tous un hommage reconnaissant et mérité.
   Et parmi tous ces héroïques défenseurs, Reims fait dans son cœur une place de choix aux troupes d'Outre-Mer de toutes races et de toutes couleurs.

La stèle provisoire érigée en 1958
( Archives municipales et communautaires de Reims )

La Ville de Reims
à
ses défenseurs
-
Les troupes coloniales
et
les anciens combattants coloniaux
à
leurs morts

   Au début des années 1960, avec la fin de la guerre d'Algérie qui clôturait le long et difficile processus de la décolonisation, la reconstruction à l'identique du monument ancien fut écartée, parce que ce monument évoquait l'engagement des troupes indigènes dans la 1ère guerre mondiale d'une façon qui pouvait être considérée désormais comme trop coloniale, voire trop colonialiste, alors que la Ville de Reims était jumelée avec Brazzaville, qu'elle recevait assez fréquemment des visites de personnalités africaines et que son université accueillait de plus en plus d'étudiants africains.
   On retint donc l'idée d'un nouveau monument, plus simple, plus discret, destiné à commémorer le souvenir des soldats africains tombés pour la défense de la Ville de Reims, « sous une forme ne pouvant choquer personne ».

    En 1961, la municipalité de Reims et la délégation locale de l'Association française des coloniaux et anciens combattants d'outre-mer ont pris l'initiative de créer un Comité du Monument aux soldats d'outre-mer à Reims, déclaré en sous-préfecture le 30 mars 1961, dont la mission était « de faire édifier à Reims un Monument en remplacement du Monument à l'Armée noire détruit sous l'Occupation ».

   Le comité a lancé un concours ouvert aux élèves de l'École régionale des Beaux-Arts et des Arts appliqués, et il a finalement retenu le projet de monument présenté par Jean-Marie MAYA-PEREZ, projet élaboré sous la direction de son professeur, l'architecte Claude DUCHER.

La maquette du monument actuel

Les plans du monument actuel
( Archives municipales et communautaires de Reims )

    Considérant que la somme allouée au titre des dommages de guerre était insuffisante pour mener à bien ce projet dont le coût était évalué au début des années 1960 à environ 30 0000 ( nouveaux ) francs, le comité d'érection présidé par Roger CRESPIN, conseiller général, adjoint au maire de Reims, Jean TAITTINGER, et président des anciens des Forces françaises libres, avait demandé au ministère des Anciens combattants une subvention de 10 000 ( nouveaux ) francs.
   Mais le mandatement de cette subvention était subordonné à la production des travaux exécutés.

    Le 6 juillet 1960, le ministre de l'Intérieur informait le préfet de la Marne qu'il donnait son accord préalable au projet de reconstruction du monument présenté par la Ville de Reims.

   Le 17 août 1962, le préfet de la Marne adressait au ministre de l'Intérieur le dossier règlementaire à soumettre à l'avis de la Commission centrale des monuments commémoratifs. Il appelait tout spécialement l'attention du ministre « sur l'intérêt que le Comité d'érection attacherait à pouvoir procéder à l'inauguration de ce monument le 11 novembre prochain », c'est-à-dire le 11 novembre 1962, et lui demandait avec insistance de bien vouloir intervenir pour activer la procédure.

   Le 10 décembre 1962, était promulgué le décret du Premier ministre, Georges POMPIDOU, approuvant « l'érection du monument commémoratif : REIMS ( Marne ) Monument à la Mémoire des Morts de l'Armée noire », sur proposition du ministre de l'Intérieur Roger FREY et avec l'avis favorable de la Commission centrale des monuments commémoratifs.

   Le 19 décembre 1962, le sous-préfet de Reims, pas encore informé de cette décision, alertait le préfet sur le fait que les travaux n'ayant pu commencer tant que le décret n'était pas promulgué, la Ville de Reims risquait de perdre le bénéfice de cette subvention.

    Le 21 décembre 1962, le préfet de la Marne faisait parvenir au sous-préfet de Reims deux ampliations du décret ministériel approuvant l'érection du monument et lui demandait de notifier cette décision au maire de Reims.

   La construction du monument, confiée à un entrepreneur rémois, Émile NIGRON, a été réalisée avec le concours des services municipaux ( voirie et jardins )

   Le 27 juillet 1963, l'édition rémoise du quotidien L'Union datée du 27 juillet 1963, publiait une photographie du monument presqu'achevé et annonçait le lancement d'une souscription publique destinée « à parfaire le financement du nouveau monument aux soldats africains ».

Achèvement des travaux d’érection du monument de 1963

   Le 27 septembre 1963, quelques jours avant l'inauguration du monument, le sous-préfet de Reims faisait parvenir au préfet de la Marne une brève notice historique rédigée par Monsieur CRESPIN, président du Comité d'érection et adjoint au maire de Reims, et il l'informait que sur les 70 communes de l'arrondissement sollicitées pour participer à son financement, 8 seulement avaient répondu favorablement et apporté au total une contribution de 230 francs.

     Le 6 octobre 1963, le monument fut inauguré sous le patronage de Pierre MESSMER, ministre des Armées, Jean SAINTENY, ministre des Anciens combattants, Jacques FOCCART, secrétaire général pour la Communauté et les affaires africaines et malgaches, et le général CATROUX, grand chancelier de la Légion d'honneur.

L’inauguration du monument de 1963

   Au sein du Comité d'honneur départemental figuraient le préfet, Émile VIÉ, Pierre SCHNEITER, ancien président de l'Assemblée nationale, les parlementaires marnais, le président du conseil général, les conseillers généraux de Reims.

La présentation du monument

  Le monument de 1963, désigné sous le nom de Monument aux soldats d'Outre-mer  par le Comité d'érection et qualifié de Monument à la mémoire des morts de l'Armée noire sur le décret ministériel approuvant son érection, est constitué de deux obélisques de 7 mètres de haut en pierre d'Eurville, érigés sur un bloc d'une tonne, et entouré d'un dallage de schistes de Rimogne.
   Les deux obélisques symbolisent l'union des combattants métropolitains et africains, et le bloc la résistance de Reims et de ses défenseurs pendant la 1ère guerre mondiale.
  
 En 2008, le monument a été nettoyé à l'occasion du 90e anniversaire de l'armistice de 1918.

La France
et la ville de Reims
aux soldats africains tombés
pour la défense de la liberté
1914-1918

Ici fut érigé un monument
qui témoignait de la reconnaissance
de la ville de Reims envers les soldats africains
qui défendirent la cité en 1918.
L'occupant détruisit par haine raciale
ce « Monument aux Noirs  » en septembre 1940.
Les anciens combattants ont tenu à ce que
son souvenir demeure dans notre mémoire.


Sculptures de mémoire
Études de dix monuments de 14-18
par le sculpteur Patrice ALEXANDRE
Marne, pays d'histoires, 2001-2003

   Sur son socle se dressait un groupe de combattants en bronze.
   Les restes du socle de ce monument sont visibles au musée du Fort de la Pompelle
.
   La sculpture se présentait comme une pyramide tronquée.
   Le statuaire Moreau-Vauthier, d'une rare habileté, a conjugué composition et savoir-faire du modelé.
   Technique éprouvée, issue de la sculpture coloniale, bien à l'aise, pour représenter ces hommes de l'autre côté de la Méditerranée.
   Ils n'ont pas encore le droit de porter le drapeau.
   On leur demande de prendre la pose autour d'un officier blanc.

Transposition académique

Transposition cubiste

Transposition africaine

Tirailleur sénégalais

Masque africain

    Les transpositions du sculpteur Patrice ALEXANDRE ont été présentées à Reims en 2004 dans l'exposition « Hosties noires »....

Exposition " Hosties noires " - Reims 2004

    Patrice ALEXANDRE expose jusqu'au 19 mai 2013 au Musée de l'Armée et d'Histoire militaire de Bruxelles dans le cadre du cycle d'expositions temporaires Reflet(s) de la Grande Guerre.


Reflet(s) de la Grande Guerre 1914-1918
Monumentum - Patrice ALEXANDRE
Souvenirs de pierre, créations de terre
Flyer à télécharger au format .pdf


Le Monument à l'Armée noire
dans le rapport de la Commission Becker
Décembre 2007

    En octobre 2007, la présidence d'une commission chargée de définir des orientations pour la célébration en 2008 du 90e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale a été confiée à Jean-Jacques BECKER, professeur émérite de l’Université Paris X- Nanterre, président du Centre de recherche de l’Historial de la Grande Guerre.
    La
Commission Becker a rendu son rapport en décembre 2007, un rapport qui évoquait la possibilité en septembre 2008 « d'une cérémonie à Reims lors de la réinstallation du monument " Aux héros de l’Armée
noire " érigé à Reims " en témoignage de reconnaissance envers les enfants d’adoption de la France, morts en combattant pour la Liberté et la Civilisation " »
.
    La formulation
« réinstallation » était pour le moins ambiguë dans la mesure où elle ne précisait pas que ce monument, dont l'Annexe 2 du rapport rappelle qu'il a été démonté en 1940 par les nazis et emmené en Allemagne où il a disparu, devait pour être réinstallé, d'abord être reconstruit à l'identique.

Septembre 2008

- Cérémonie à Souain, Butte Navarin et Blanc Mont (Marne) pour commémorer la
participation américaine à la guerre, ainsi que les idéaux ayant sous-tendu cette
participation, tels qu’ils ont été formulés par le président Wilson dans ses 14 points.
ou bien
- Une cérémonie organisée au Bois-Belleau (Aisne), haut lieu de la première
participation des troupes américaines aux combats de la Grande Guerre. Ce lieu est
particulièrement symbolique de l’intervention américaine et reste très visité par les
touristes américains. ( Si ce site était choisi, la meilleure date serait le 25 mai ).
 ou bien
- Une cérémonie à Reims lors de la réinstallation du monument « Aux héros de l’Armée
noire » érigé à Reims « en témoignage de reconnaissance envers les enfants
d’adoption de la France, morts en combattant pour la Liberté et la Civilisation »

Annexe 2

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, dès le début de l’Occupation, la statuaire de bronze a
été démontée par les Allemands le 10 septembre 1940, embarquée sur un wagon de chemin de
fer pour une destination inconnue. Le monument actuel fut inauguré le 6 octobre 1963. Il est
constitué de deux obélisques de sept mètres de haut en pierre symbolisant l’union des
combattants métropolitains et africains et le bloc, la résistance de Reims et de ses défenseurs
pendant la Grande Guerre.
Une exposition pourrait accompagner l’une ou l’autre cérémonie ( spécialiste du sujet :
Professeur Marc Michel, Université d’Aix-en-Provence )

Source : www.crdp-reims.fr/memoire/lieux/1GM_CA/monuments/01armeenoire.htm

   Cette Annexe 2 qui reprend un paragraphe de mon dossier en ligne sans l'identifier, est illustrée malencontreusement par une photographie, non pas du monument de Reims, mais du monument de Bamako, certes identique.    
   La photographie est issue des Archives municipales et communautaires de Reims qui ne sont pas citées, avec comme seule indication de source, le lien vers le site du CRDP de Champagne-Ardenne.

   Créée le 31 octobre 2007, cette commission a mené un travail collectif de réflexion sur le contenu historique et mémoriel des cérémonies et proposé des dates anniversaires ainsi que des lieux symboliques pour l'organisation des manifestations.


L'hommage rendu par la Ville de Reims aux soldats de l'Armée noire
le 3 novembre 2008
à l'occasion du 90e anniversaire de l'Armistice de 1918

Mémoires de la Grande Guerre
Programme du 90e anniversaire de l'Armistice de 1918 à Reims

   Le 3 novembre 2008, à l'occasion du 90e anniversaire de l'Armistice de 1918, la Ville de Reims a rendu solennellement hommage aux soldats de l'Armée noire au cours d'une cérémonie présidée par Jean-Marie BOCKEL, secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens combattants, Rama YADE, secrétaire d’État aux Affaires étrangères et aux Droits de l’homme, et Adeline HAZAN, maire de Reims, en présence du ministre de la Défense et des Anciens combattants du Mali, Natié PLÉA, et de nombreux ambassadeurs ou attachés d'ambassade de pays africains.
   Après avoir fleuri le Monument à l'Armée noire élevé en 1963 à lemplacement de celui qui avait été démantelé par les nazis en 1940, les personnalités se sont rendues au Musée Saint-Remi où leur a été présenté l'espace consacré à la Force noire de l'exposition " Tenir ! Reims sur le front 1914-1918 ", puis sur la Place de l'Hôtel de Ville où s'est déroulée la célébration.

La sonnerie aux morts devant le monument à l'Armée noire
Avec l'aimable autorisation de la Photothèque VRI de la Mairie de Reims 
Photo  © Jacques Driol

Adeline Hazan, maire de Reims, fleurit le monument
Avec l'aimable autorisation de la Photothèque VRI de la Mairie de Reims 
Photo  © Jacques Driol

Jean-Marie Bockel, Rama Yade et Adeline Hazan devant l'espace " Force noire "
de l'exposition Tenir ! Reims sur le fronte 1914-1918
au Musée Saint Remi

La maquette du monument de 1924 exposée au Musée Saint-Remi

L'arrivée des personnalités Place de l'Hôtel de Ville

Rama Yade, Jean-Marie Bockel et Adeline Hazan entourés des personnalités invitées

   Adeline HAZAN a annoncé que la Ville de Reims prenait l'initiative de reconstruire à l'identique le Monument aux héros de l'Armée noire érigée en 1924, en expliquant le sens quelle entendait donner à cette « renaissance du monument » :

    [...] Il s’agit bien sur d’un hommage aux exploits militaires des soldats venus d’Afrique, il y a un siècle, pour défendre la démocratie française.
   Il s’agit aussi d’un hommage à tous ceux qui ont traversé des épreuves inhumaines pour défendre, loin de leurs racines, la République et la Liberté face à leurs ennemis.
   Il s’agit enfin d’une nouvelle étape dans le parcours que notre mémoire républicaine doit aux peuples africains. Notre pays a commis des erreurs historiques. Il lui est arrivé de négliger, par delà ses frontières, les principes fondamentaux de liberté, d’égalité, de fraternité, qui font sa force et sa fierté.
   En rappelant le rôle de l’Armée Noire dans la défense de la République pendant la Grande Guerre, nous soulignons haut et fort combien le traitement que cette République a réservé aux
peuples africains était indigne de notre histoire commune.
   Nous sommes ici à Reims les héritiers de toutes les mémoires de la grande guerre : des civils sous le feu, des soldats de tous pays et de toutes origines.
   Pour les pays du sud alors colonisés, la participation des troupes coloniales à la première guerre mondiale est encore aujourd’hui une fierté.
   Certes, leur jeunesse y fut broyée comme chair à canons, comme tant d’autres. Mais en même temps, elle acquérait chèrement la reconnaissance de sa valeur. Chaque soldat de la
force noire devenait ainsi un soldat français comme les autres. Cette reconnaissance comme soldats était aussi et d’abord vécue comme une reconnaissance comme des êtres humains,
effaçant la honte coloniale des exhibitions dans des zoos humains bien peu de temps auparavant.
   Certes l’espoir de devenir ensuite des citoyens comme les autres a été ensuite déçu par le retour des vieux démons coloniaux. Mais c’est aussi de cette ambition d’égalité civique,
qui aboutit aux luttes d’indépendance, que témoigne la mémoire de la Force noire.
   L’initiative de reconstruire ce monument résulte d’une prise de conscience partagée. C’est donc naturellement en partenariat avec la région Champagne-Ardenne, le département de la
Marne, et avec le soutien des ministère de la Défense et des Affaires étrangères que nous lançons la renaissance de ce monument.
   J’espère que nous serons nombreux, réunis autour du nouveau monument, le 11 novembre 2010, au Parc de Champagne.
   Il ne s’agira que de célébrer tous les humanismes, toutes les victoires que les peuples sont capables d’emporter sur eux mêmes, pour la paix et la liberté.

   Rama YADE a dit sa fierté de se trouver à Reims « une ville qui, du baptême de Clovis au dernier sacre d’un roi de France, a été intimement liée à la constitution de la Nation française. Une ville aussi qui a été aux avants-postes des combats sanglants de deux guerres mondiales, et à la défense de laquelle les « Tirailleurs sénégalais » se distinguèrent par leur ardeur et leur courage » :

   [...] Près d’un million de combattants issus de ce qui constituait alors l’empire colonial français ont servi dans l’armée française au cours du XXe siècle. Originaires du Maghreb,
d’Afrique noire, de Madagascar, d’Asie, près de 100 000 d’entre eux sont « morts pour la France ».
   De 1914 à 1918, 250 000 soldats africains noirs ont combattu sur notre sol et 27 000 d’entre eux y ont fait le sacrifice de leur vie.
   La France leur a rendu hommage en érigeant dans votre ville en 1924 un monument « aux Héros de l’Armée noire », un témoignage que les nazis se sont empressés de détruire en 1940 et qu’aujourd’hui nous devons rebâtir. Ce projet existe aussi parce qu’un homme, Chekh Sakho, s’est mobilisé, faisant preuve d’une détermination sans faille, jamais désespérée.
   Je salue avec une très grande émotion cette entreprise. Que cela n’a-t-il été fait avant ?
   Le peuple français a une dette envers les tirailleurs sénégalais. Cette dette est sacrée. Elle
touche à la Nation. Les tirailleurs sont tombés pour que la France ne meure pas. Pour que vive
la France. Loin de chez eux. Disons le clairement : l’hommage de la France aux Tirailleurs
sénégalais a été en deçà de leur sacrifice [...]
   Il faut pleinement voir à quel point la « Force noire » chère au général MANGIN [...] constituait la face ultime d’un « pacte colonial » fondé sur l’égoïsme des intérêts et l’inégalité des conditions. Une inégalité statutaire, organisée, même si la fraternité des armes a dû très régulièrement en atténuer les conséquences. [...]
   Honte d’un côté. Mais dignité de l’autre. Nous sommes nombreux à avoir en tête l’image de ces vieux tirailleurs africains qui ont vécu longtemps sans rien demander. Oui, ils avaient subi l’injustice. Oui, ils avaient payé le prix du sang sans en être remerciés. Mais combien d’entre eux ont traîné leur silhouette dans les villes et villages africains, dignes, ne revendiquant rien, étant simplement fiers d’avoir servi un pays qu’ils n’ont cessé d’appeler la mère patrie. Silence exceptionnel de ces hommes. Jusqu’à l’absurde. [...]
   Je veux à travers ce récit, à travers l’épopée des tirailleurs, vous dire, chers amis, que ce qui nous rassemble est plus important que ce qui nous divise. Les facteurs d’unité plus puissants que les ferments de la discorde. Vous dire que des hommes noirs ont un jour aimé ce pays jusqu’à mourir pour lui. Que cet héritage devrait être le socle d’une unité nationale que l’on ne retrouve nul par ailleurs.

Jean-Marie Bockel et Rama Yade

  Jean-Marie BOCKEL, après avoir salué « le remarquable travail de la Ville de Reims pour mettre en valeur son riche patrimoine historique et mémoriel de la Grande Guerre », a rendu hommage à son tour à « ces hommes venus d'ailleurs... mourir pour la République » et a formulé le vœu que « cette histoire exemplaire de la Force noire  entre dans toutes les écoles » :

   [...] Aujourd’hui, la France se souvient et honore l’engagement de ces hommes venus d’ailleurs au nom d’un idéal commun.
   Aujourd’hui la France adresse un salut fraternel aux nations héritières de ces fiers soldats, qui firent l’admiration de tous sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale.
   Aujourd’hui, la France exprime sa gratitude à ces enfants d’Afrique venus mourir pour la République et ses nobles idéaux.
   Monsieur le ministre, Mesdames et messieurs les Ambassadeurs, ces événements du passé nous lient pour toujours, par delà les vicissitudes de notre histoire.
   Ces pages glorieuses et tragiques de notre histoire commune s’élèvent au-dessus de toutes les polémiques et de toutes les déceptions, car ces événements nous rassemblent plutôt qu’ils
nous divisent.
   Aujourd’hui, cette histoire s’adresse également aux enfants et aux petits-enfants de ces valeureux tirailleurs, dont certains sont devenus des fils et des filles à part entière de notre
République. Ils doivent être fiers d’êtres les héritiers de ces hommes courageux et intrépides.

   C’est pourquoi je voudrais formuler devant vous un voeu : que cette histoire exemplaire de la « Force Noire » entre à compter d’aujourd’hui dans tous les foyers et dans toutes les écoles de France, afin que nul ne puisse ignorer le sacrifice des ces hommes venus d’ailleurs.
   C’est pourquoi j’appelle également de mes voeux la renaissance du monument « aux héros de l’armée noire », que  les habitants de la ville de Reims avaient érigé en 1924 à la mémoire des valeureux combattants de 1918 [...]


Les autres monuments
aux combattants d'Afrique noire
en France

   En France métropolitaine, d'autres monuments, peu nombreux, rendent hommage aux combattants d'Afrique noire.

Les monuments du Jardin d'agronomie tropicale de Paris

   Deux d'entre eux se dressent dans l'enceinte du Jardin d'agronomie tropicale de Paris, à l'extrémité Nord-Est du Bois ed Vincennes. Créé en 1899, ce jardin avait accueilli l'Exposition coloniale de 1907. Après le 1ère guerre mondiale, des monuments y ont été érigés en hommage aux soldats indigènes des colonies, morts pour la France en 14-18, en particulier un monument aux soldats noirs et un monument aux soldats de Madagascar.
    Ce jardin a été racheté en 2003 par la Ville de Paris.

Le monument aux soldats noirs
( Photographies de Suzanne Gilles )

Aux soldats noirs
morts
pour la France

Le monument aux soldats de Madagascar
( Photographies de Suzanne Gilles )

1914
Au souvenir
des soldats
de Madagascar
1918


Les monuments du département du Var

   Deux autres monuments ont été érigés dans le département du Var, où étaient installés pendant la 1ère guerre mondiale les dépôts de l'armée dite « coloniale indigène » créée par décret en 1915 :
         - le « Mémorial à l'Armée d'Afrique » à Saint-Raphaël
         - le « Mémorial de l'Armée noire » à Fréjus.
 

   Le Mémorial à l'Armée d'Afrique érigé à Saint-Raphaël, a été inauguré le 15 août 1975 par le ministre de l'Intérieur, Michel PONIATOWSKI, à l'occasion 31e anniversaire du débarquement de Provence.

   Élevé en 1994 dans la ville où était déjà implanté le Musée des troupes de marine, le Mémorial de l'Armée noire dont la statuaire en bronze, œuvre du sculpteur Yvon GUIDEZ, a été fondue en Pologne, se dresse devant la plage de Fréjus.

À l'Armée noire

   « Passants,
   ils sont tombés
   fraternellement unis
   pour que tu restes Français »

Léopold Sédar Senghor

Le Monument à l'Armée noire de Fréjus
( Photographie de Marielle Vennetier )


La Force noire - Une exposition et un film documentaire

  L'exposition consacrée à " La Force noire " présentée dans le Hall d'entrée du CRDP de Champagne-Ardenne 17, boulevard de la Paix à Reims en novembre 2008, à l'occasion du 90e anniversaire de l'Armistice de 1918, est revenue à Reims à la Médiathèque Jean Falala du 2 juin au 30 juillet 2009.

   Réalisée par la direction générale de l'
Office national des anciens combattants et mise à la disposition du CRDP par le service départemental de la Marne de l'ONAC, elle retrace à l'aide de 10 panneaux un siècle d'histoire des tirailleurs indigènes enrôlés dans les colonies pour aller se battre au service de la Métropole

   Elle est accompagnée de la projection à la demande d'un film documentaire réalisé en 2007 par l'ECPAD et d'un film muet tourné en 1918

L'exposition " La Force noire " présentée dans le hall du CRDP

Le film documentaire réalisé par Éric Deroo et Antoine Champeaux

L'engagement des troupes coloniales dansL'engagement des troupes coloniales dans la Grande GuerreBouna N'DayeBlaise la Grande Guerre

Bouna N'Diaye, adjudant-interprète au 1er Régiment de tirailleurs sénégalais

Blaise Diagne, député noir du Sénégal en 1914,
commissaire général aux troupes noires pendant la 1ère guerre mondiale

Plus de 180 000 mobilisés, 28 753 tués et disparus, 37 200 blessés


L'association AMAN et le projet de reconstruction du monument

   C'est en janvier 2009 qu'a été lancé par l'Association pour la mémoire de l'Armée noire ( AMAN ), conformément à ses statuts, le projet de reconstruction du monument « Aux héros de l'Armée noire » de Reims :

   « L'association AMAN a pour but l'approfondissement de l'histoire et le développement de la mémoire des troupes coloniales d'origine sub-sahélienne » et « notamment la réalisation de la réplique de la statue dédiée aux " Héros de l'Armée noire " inaugurée à Reims en 1924, détruite en 1940, lors de la deuxième guerre mondiale ».

   Au cours de la première Assemblée générale d'AMAN réunie à l'Hôtel de Ville de Reims le 14 janvier 2009, j'ai exprimé le souhait que les objectifs et le sens que l'on entendait donner à ce projet, quel que soit la décision finale – reconstruction à l'identique ou monument moderne – soient clairement définis, en intégrant l'histoire du monument de 1924 et de celui de 1963, sans esquiver les débats qui ont accompagné à l'époque l'édification de ces deux monuments, et sans oublier la dimension pédagogique du projet.
    J'ai évoqué l'utilité de rechercher des partenariats et donné l'exemple de celui que le CRDP de l'Académie de Créteil a noué avec la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, l'INA, le Musée de l'Histoire vivante et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Ce partenariat a débouché sur la production d'un coffret de deux DVD Histoire et mémoires des immigrations, publié dans la collection « Mémoires et Histoire » du Scérén, collection nationale pilotée par le CRDP de Champagne-Ardenne qui m'en avait confié la direction. L'historien Gilles MANCERON y explique l'engagement des troupes indigènes durant la 1ère guerre mondiale au cours d'une séquence où est présentée l'image du Monument à l'Armée noire de Reims.
   J'ai aussi appelé à la vigilance et à la rigueur scientifique, afin d'éviter de prêter le flanc à toute récupération communautariste ou politicienne, et à toute dérive mémorielle mettant en concurrence les différentes mémoires identitaires liées à l'engagement dans la défense de Reims en 1918, de troupes indigènes qui n'appartenaient pas toutes aux seules colonies françaises d'Afrique noire.
   Enfin, je me suis engagé à relayer sur ce site les informations concernant l'activité d'AMAN, en attendant que cette association se dote d'un site Internet autonome.

   Après trois années de tâtonnements au cours desquelles le projet initial trop onéreux et trop ambitieux a dû être révisé et simplifié, une nouvelle équipe s'est mise en place en 2012 :

Président : Jean-Marie LEMOINE
Secrétaire général : Jean-Claude NGUYEN
- Trésorière : Nathalie MALMBERG

   L'engagement et les rôles respectifs de l'association AMAN et de la Ville de Reims dans la réalisation de ce projet ont été clarifiés et redéfinis dans une nouvelle convention :

-  la Ville de Reims, assure les procédures administratives, la collecte des fonds publics ( État, région, département, communes ), les appels d'offres dont la procédure devrait être achevée à la mi-décembre 2012, et la reconstruction du monument qui devrait être inauguré le 11 novembre 1913 ;
-  l'association AMAN prend en charge la communication ( réalisation d'un dépliant ), la collecte des fonds privés (appel au mécénat et lancement d'une souscription publique), ainsi que l'accompagnement pédagogique du projet confié à une commission animée par Jean-Pierre HUSSON (inventaire des ressources documentaires, projets d’expositions, livret et sire dédié)..


Sources

   Archives départementales de la Marne, M 14266, Cabinet du préfet, " Le Monument à la mémoire des morts de l'Armée noire à Reims ".

   Archives municipales et communautaires de Reims, 27W9, 15W49, 31W506, 35S1, M14266,
1Fi385, " Monuments - Monument à l'Armée noire ".

   
L'Éclaireur de l'Est, 13 et 14 juillet 1924.

 " 1918 : Les coloniaux sauvent Reims ", site non officiel des Troupes de marine

  " Jardin d'agronomie tropicale ", Mairie de Paris, sans date

   Patrice ALEXANDRE, " Sculptures de mémoire. Études de dix monuments de 14-18 ", catalogue de l'exposition, Marne, pays d'histoires, 2001-2003.

   Antoine CHAMPEAUX, Eric DEROO et Janos RIESZ, Forces noires des puissances coloniales européennes, Paris, éditions Lavauzelle, 2009.

   Dominique CHATUHANT, " Une élite politique noire dans la France du premier 20e siècle ", à propos de l'action des députés noirs Blaise Diagne et Gratien Candace, Vingtième siècle - Revue d'histoire, n° 101 janvier-mars 2009.

http://www.clionautes.org/spip.php?article2316

   Eric DEROO et Antoine CHAMPEAUX,
      - 
La Force noire. Gloire et infortunes d'une légende coloniale,
Tallandier, 2006 ;
      - 
La Force noire, dvd-vidéo, 60 minutes, ministère de la Défense, 2007..
http://www.clio-cr.clionautes.org/spip.php?article2720

   Jean-Pierre HUSSON, " Les soldats indigènes, oubliés des deux guerres mondiales ", dossier en ligne sur le site Histoire et mémoire des deux guerres mondiales du CRDP de Champagne-Ardenne

   Pap NDIAYE, " Les soldats noirs de la République ", L'Histoire, n° 337, décembre 2008.

   Sylvie NÉLIS, " Le monument aux héros de l'Armée noire ",
Mairie-Infos, n° 159, novembre 2004.

   Olivier RIGAUD,
        
" Le Monument à l'armée noire ", Amicarte 51, n° 36, 1998 ;
        - Reims à l'époque de l'Art Déco
, Patrimoine Ressources, Scérén-CRDP de Champagne-Ardenne, 2006.
   

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