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Lieux de mémoire > Le souvenir de la 2ème GM... > Les monuments > Résistance - Reims | ||||||||||||||
Le Monument aux martyrs présenté par Jean-Pierre HUSSON L'historique du monument : 1945-1955 L'inauguration du monument le 8 mai 1955 Une nécropole au cur de la ville Un lieu où se déroulent de nombreuses commémorations Un lieu de recueillement et de silence difficile à préserver
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Situé sur les Hautes Promenades, en contrebas de la perspective du Monument aux morts de la Ville de Reims, le Monument aux martyrs de la Résistance a été inauguré en 1955. Il est constitué d'une énorme dalle en granit de Bretagne de 9 mètres sur 6,5 mètres, portant une seule inscription en lettres de bronze d'un mètre : « À la Résistance » En 2005, à l'occasion du 60e anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie et de la victoire alliée en Europe, le monument a éré ravalé. De chaque côté du monument central, les noms des Rémois victimes de la répression nazie sont inscrits sur deux dalles latérales, disposées sur des talus engazonnés.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les mouvements de Résistance ont demandé qu'un monument soit érigé derrière la sous-préfecture, place Anatole France, rebaptisée dès 1945 place des Martyrs de la Résistance, où des fleurs étaient déposées à l'occasion de chaque manifestation patriotique. En
1945, le conseil
municipal issu des élections provisoires et
le maire, Michel SICRE, ancien
président du Comité départemental de libération
nationale constitué à la Libération, ont décidé
de faire ériger sur la place des
Martyrs de la Résistance, un
" Monument à la gloire des
patriotes résistants morts pour la France au cours des années
1940-1945 ". Le 16 mai 1947, étaient publiées dans le Recueil des actes administratifs, la composition de la Commission départementale des monuments commémoratifs, mise en place par le préfet GRIMAUD dans la Marne, conformément au décret du 16 janvier 1947 réglementant les monuments commémoratifs, ainsi que les modalités d'application de ce décret : tout projet d'érection comportant une partie sculpturale quelconque et d'un coût supérieur à 500 000 francs devait être préalablement approuvé par décret. En août 1947, le conseil municipal, en même temps qu'il décidait de mettre à exécution la proposition formulée dès août 1945 par Gustave LAURENT « d'apposer des plaques sur les maisons habitées par les patriotes au moment de leur arrestation et qui sont morts pour la France », confia au sculpteur parisien GAUMONT un second projet de monument en colonne qui devait être érigé sur le terre-plein du cours Jean-Baptiste Langlet, côté palais de Justice. Mais ce projet fut à son tour rejeté parce que son emplacement se trouvait également sur un site classé situé dans la perspective de la tour-Nord de la cathédrale. En septembre 1948, la Commission des monuments et des sites du Comité d'études et d'aménagement de la région de Reims, ayant reçu la mission de choisir un emplacement, proposa le site de l'ancien Kiosque à musique des Hautes-Promenades, désaffecté en raison de sa mauvaise acoustique, et aménagé en cuvette, ce qui permettait d'y implanter un monument sans faire obstacle à la perspective des Promenades :
En mars 1949, une Association pour l'érection du monument aux martyrs de la Résistance de la Ville de Reims fut constituée sous le régime de la loi de 1901. Le Bureau de son Comité directeur était présidé par le maire, Albert RÉVILLE, ancien déporté-otage à Neuengamme, entouré de Robert LANGLET, Geneviève DÉTRÉ et Maurice OGNOIS, vice-présidents. En septembre 1949, l'emplacement du Kiosque à musique des Hautes Promenades a été définitivement retenu et un troisième projet fut présenté par l'architecte rémois Louis SOLLIER, qui avait reconstruit le théâtre municipal avec François MAILLE après la première guerre mondiale. Ce projet, qui consistait en une dalle sur quatre colonnes, fut rejeté par le Comité central des monuments commémoratifs qui considérait que son architecture moderne et nue ne cadrait pas avec l'image de Reims, ville d'art à la statuaire très riche. En 1950, Louis SOLLIER modifia son projet initial et proposa un quatrième projet qui prévoyait une dalle moins puissante soutenue par des colonnes plus légères, encadrée par quatre statues. Mais, à la suite d'une simulation effectuée à l'aide d'une bâche tendue sur un bâtis de bois qui faisait apparaître que la perspective du Monument aux morts serait partiellement coupée, ce quatrième projet fut à son tour rejeté. En 1951, Louis SOLLIER présenta un nouveau projet, le cinquième, qui supprimait les colonnes pour dégager la perspective du Monument aux morts, et se limitait à une dalle massive posée à même le sol, comme à Compiègne, mais qui conservait les quatre statues allégoriques représentant le Renouveau, le Courage, la Liberté et la Culture, d'une hauteur de 4 mètres 50. La réalisation de ce projet était confiée au sculpteur parisien DIDERON, mais son coût ayant été jugé trop élevé, l'architecte proposa d'abandonner les quatre statues, et de les remplacer par une seule statue de 5 mètres 20 symbolisant la Résistance, et placée au centre de l'excavation circulaire de l'ancien Kiosque à musique. Le projet de l'architecte Louis Sollier avec ses quatre statues biffées Le
projet de statue unique Finalement on revint au projet de dalle posée au sol, au centre d'une excavation rectangulaire, mais sans aucune statue, ce qui permit à la fois de réaliser une économie sur le coût total du monument et de lever les réticences du Conseil supérieur des monuments commémoratifs. En novembre 1951, le devis estimatif et approximatif dressé par l'architecte Louis SOLLIER s'élevait à 15 millions de francs. En février 1952, à l'issue de leur assemblée générale, les membres de Ceux de la Résistance ( CDLR ) qui depuis la Libération rendaient traditionnellement hommage aux morts de la Résistance, place des Martyrs de la Résistance, sont venus se recueillir pour la première fois sous les Hautes Promenades. Le 13 mars 1952, le Conseil supérieur des monuments commémoratifs donnait enfin officiellement un avis favorable au projet remanié de l'architecte Louis SOLLIER, à condition qu'on n'y ajoute pas de sculptures par la suite. En mai 1952, les responsables de CDLR et de Libération-Nord manifestèrent leur mécontentement devant la lenteur apportée à l'érection du monument, en installant une dalle provisoire et un mât sur l'emplacement en attente, que la Ville de Reims avait fait aménager sur les Hautes Promenades. Des
membres de CDLR et de Libération-Nord observent une minute
de silence devant la dalle provisoire qu'ils viennent de déposer Le 19 juillet 1952, le président du conseil, Antoine PINAY, signait le décret approuvant le projet d'érection du monument.
La publication de ce décret fut immédiatement suivie
de l'ouverture des soumissions pour la construction du gros uvre,
qui devait être terminé pour le
11 novembre 1952. La démolition du Kiosque à musique Les travaux de terrassement et de maçonnerie de la dalle centrale Les revêtements de granit du monument central et des dalles latérales, ainsi que les dallages, les marches et les rampants des escaliers ont été fournis par la société coopérative L'AVENIR de Louvigné-du-Désert en Ille-et-Vilaine. Le coût du monument a été
d'environ 13,5 millions de francs,
dont le financement a été assuré pour l'essentiel par la Ville
de Reims qui a versé un peu plus de 10 millions
de francs. Le 29 août 1954, 10ème anniversaire de la libération de Reims, le monument était achevé.
Le Monument aux martyrs de la Résistance de Reims a été inauguré le 8 mai 1955 à l'occasion du 10e anniversaire de la victoire alliée, associée à la fête de Jeanne d'Arc. C'est ainsi que les cérémonies débutèrent près de la cathédrale devant la statue de Jeanne d'Arc. Devant la statue de Jeanne d'Arc Figure patriotique emblématique, cultivée entre les deux guerres par les ligues d’extrême droite, célébrée par le régime de Vichy sous l’Occupation, Jeanne d'Arc est invoquée à la Libération comme facteur de réconciliation et d’unité nationale, rassemblant les anciens combattants de 14-18 et de 39-45, les anciens résistants-déportés gaullistes, communistes, socialistes, démocrates-chrétiens, et ceux que les historiens appellent aujourd’hui les vichysto-résistants.
À noter que le journaliste situe la signature de la capitulation allemande à Reims le 8 mai et non pas le 7 mai, tant il est vrai que la date du 7 mai a été, dès 1945, évacuée de la mémoire nationale au profit exclusif du 8 mai, date de la signature à Berlin du texte définitif de la capitulation allemande, et date choisie par les Alliés pour commémorer la victoire alliée en Europe, du moins pour ce qui concerne les alliés occidentaux, puisque les alliés soviétiques, aujourd’hui les Russes, commémorent cette victoire le 9 mai. En effet, la cérémonie de la signature à Berlin avait débuté un peu avant minuit le 8 mai et s’était achevée à l’aube du 9 mai, date choisie par STALINE pour annoncer officiellement la victoire à la radio soviétique. Les personnalités face au monument
De
gauche à droite : Les familles des disparus regroupées sur les escaliers derrière le monument Sur
l'acropole de la Résistance s'est élevé le Temple
de la Liberté Vous,
Martyrs de la Résistance, Albert
MANOUVRIER L'inauguration du Monument aux martyrs de la résistance à 11 heures a été précédée à 10 heures 30 par celle d'une plaque 17, boulevard Lundy, rappelant la présence à Reims en 1945, du général EISENHOWER, commandant en chef du corps expéditionnaire allié en Europe.
Le 8 mai 1955, au cours de la cérémonie d'inauguration du monument, le général GANEVAL a déposé une urne contenant des cendres recueillies dans les fours crématoires des camps de concentration de Mauthausen, Flossenbürg, Bergen-Belsen et Neuengamme, dans une niche aménagée dans la dalle centrale. Le général Ganeval lit le message du président
de la République René Coty Le général Ganeval dépose l'urne La niche où a été déposée l'urne est fermée par une grille forgée en forme de barbelés par les élèves du collège technique devenu après la guerre le lycée Roosevelt.
Sur cette urne de bronze surmontée d'une flamme sculptée, ont été gravées par Lucien VELLY, ancien déporté au camp de Buchenwald, une Croix de Lorraine enlacée avec le V de la Victoire, symbole de la Résistance, avec l'inscription :
Cette urne avait été remise solennellement la veille, à une délégation de déportés rémois, en l'Hôtel de Ville de Saint-Mandé, au cours d'une cérémonie présidée par Gaston PALEWSKI, ministre délégué à la présidence du Conseil et ancien directeur du cabinet du général DE GAULLE, à l'issue du congrès du mouvement Résistance. Irène de LIPKOWSKI, présidente de l'Association nationale des familles de résistants et otages morts pour la France ( ANFROMF ) a remis un certificat d'authenticité à la délégation rémoise qui était composée de René MENU, représentant du Comité d'érection, de Mme DELTOUR du COSOR, de MM. DÉSIRONT et CHEVASSUT de l'UNADIF, de Mmes NAUTRÉ et LOISEAU de la FNDIRP. Certificat
d'authenticité dessiné À Reims, l'urne a tout d'abord été
présentée dans le hall de la sous-préfecture,
puis elle
a été transportée sur un véhicule militaire
encadré par des déportés et des résistants
portant des flambeaux jusqu'à la Salle
de Reddition, après une halte devant le monument aux morts. Dans
le hall de la Sous-préfecture, l'urne est sortie de la caisse L'urne est transportée au Monument aux morts puis à la Salle de Reddition Devant
l'urne qu'il a veillée toute la nuit De gauche à droite : le général Ganeval, représentant le président de la République, M. Chaussade, préfet de la Marne, André Schock, ancien délégué militaire de la région C et ancien déporté, le représentant de l'ambassade des États-Unis- et les attachés militaires du Royaume-Uni et de l'Union soviétique
À
droite : les noms de 177 résistants
À
gauche :
La
quasi totalité des noms gravés sont des victimes de
la Shoah
En
1948,
l'implantation du Monument aux martyrs de laz résistance sur le site de la Place du général
Leclerc, ancienne Place du Boulingrin,
avait été rejeté parce que « la
proximité des Halles centrales et l'utilisation de la place
comme marché de plein vent ne permettaient pas de conserver
à un mémorial édifié à cet endroit,
le caractère permanent de décence et de recueillement
qui lui convient ». La Commission des Monuments
et des Sites lui préféra l'emplacement des Hautes
Promenades qui offrait au contraire «
les conditions suffisantes de situation, d'ampleur et d'ambiance
recueillie qui conviennent à une telle réalisation ». Il est interdit, sous peine de poursuites, de déplacer ou de souiller par toute inscription les panneaux placés dans les Hautes Promenades de part et d'autre de l'emplacement du Monument aux Martyrs de la Résistance lesquels portent ces mots : « SILENCE, ICI LIEU DU SOUVENIR » Le 22 juillet 1953, René BRIDE prenait un second arrêté concernant le Monument aux morts et le Monument aux martyrs de la Résistance, dont l'article 3 stipulait que « tout bruit, toute musique, tous discours, cris ou chants qui seraient de nature à troubler l'ordre public sont interdits dans les enceintes ou autour des enceintes précitées ». Depuis
son inauguration, le Monument aux martyrs
de la Résistance et de la Déportation est
en effet un lieu du souvenir où,
chaque année, les Rémois viennent
se recueillir pour commémorer : 8 mai - Commémoeration de la capitulation de l'Allemagne nazie 8 mai 1970
À gauche, Pierre Schneiter, ancien sous-préfet de Reims à la Libération,
8 mai 2008 18 juin - Commémoration de l'Appel du général de Gaulle 18 juin 2005 :
Commémoration de l'Appel du général de Gaulle
29 août - Commémoration de la Libération de Reims 29 août 2004 : 60e anniversaire de la libération
de Reims 11 novembre - Commémoration de la fin de la 1ère guerre mondiale 11 novembre 2005 Des cérémonies du souvenir sont également organisées devant le Monument aux martyrs de la Résistance à l'occasion des congrès organisés à Reims par les associations de déportés et de résistants dont les délégations viennent fleurir le monument et se recueillir avec émotion devant l'urne contenant des cendres provenant des fours crématoires de plusieurs camps de concentration Congrès de l' Amicale de Neuengamme 13
octobre 2002 Congrès des CVR 2
octobre 2004 Amicale de Ravensbrück 26
septembre 2005
Aujourd’hui, le Monument aux martyrs de la Résistance se trouve enserré au milieu d’une zone de parkings engorgée en raison de la proximité de la gare SNCF et du centre-ville et envahie chaque année par les manèges et les baraques des forains, en décembre au moment de la Foire de Noël, et à nouveau au printemps avec la Foire de Pâques. La Foire de Pâques 2006 Musique techno et fumigènes En vain, les associations de déportés et de résistants réclament que ce lieu de mémoire et de recueillement soit préservé et respecté, et qu'à défaut de trouver une autre implantation, par exemple le Parc de la Patte d'Oie tout proche, le site soit au moins libéré pour la veillée du souvenir des déportés qui se déroule chaque année le samedi qui précède le dernier dimanche d’avril, déclaré en 1954 « Journée nationale du Souvenir des victimes et héros de la déportation ». En attendant un éventuel transfert que les forains refusent obstinément, la veillée des déportés ne pouvant plus se dérouler devant le Monument aux martyrs de la Résistance, a été déplacée durant plusieurs années au Square des victimes de la Gestapo, rue Jeanne d'Arc, un autre lieu de mémoire qui n’est pas directement lié au souvenir des déportés.
Depuis 2006, toujours présents sur le site lors de la Journée nationale du souvenir de la Déportation, les forains acceptent de faire relâche pendant quelques heures, permettant ainsi à la cérémonie de se dérouler devant le monument à la date prévue par la loi de 1954 et dans le recueillement.. 29 avril 2006 Au cours de l’été 2007, une grille de protection a été installée autour du monument pour en préserver le caractère particulier, pour ne pas dire sacré, qui devrait être réservé à cette nécropole. La grille installée par la Ville de Reims au cours de l'été 2007 En décembre 2007, alors qu’ils se rendaient au Cercle Marin La Meslée tout proche, pour y rendre hommage à leur camarade de déportation Jacques BRONCHARD qui venait de décéder, les déportés ont découvert avec stupeur et colère que le Monument aux martyrs de la Résistance était à nouveau envahi par la Foire de Noël... ... et qu'une salle de jeux Casino-Baraka surplombait la plaque qui honore la mémoire des 177 résistants-déportés rémois morts pour la France, la grille installée par la Ville ayant été démontée ( sciée ou descellée ? ). Le temps passe et malgré les protestations réitérées des associations de résistants-déportés qui ne manquent pas de s'élever contre ce qu'ils considèrent à juste titre comme une profanation., les forains persistaient à s'agglutiner autour du mémorial. En 2009 et encore en 2010, lors de la Foire de Noël, la même baraque s'est installée au même endroit et, comme par provocation, elle s'est avancée encore un peu plus au-dessus de la dalle où sont gravés les noms de 177 résistants fusillés, tués au combat, morts sous la torture, ou décédés en déportation. La place ne manque pourtant pas dès qu’on s’écarte un peu du monument pour aller vers la Porte Mars ou bien encore de l’autre côté des Promenades côté-gare, mais les forains préfèrent s’entasser autour du monument plus proche de l'hyper-centre, de la place d'Erlon, tant il est vrai que plus leurs baraques ou leurs manèges sont proches du village de Noël et plus les perspectives de profit s’élèvent. On est bien loin des valeurs et des idéaux pour lesquels les Résistants rémois dont les noms sont gravés sur une dalle profanée par une salle de jeux, ont fait le sacrifice de leurs vies et qu'ils pensaient transmettre à la jeunesse. - Archives
de l'UNADIF- Fonds René
Menu,
trésorier du Comité d'érection du monument de
la Résistance.
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