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Le Monument aux martyrs
de la Résistance et de la Déportation
de Reims

présenté par Jean-Pierre HUSSON

Présentation du monument

L'historique du monument : 1945-1955

L'inauguration du monument le 8 mai 1955

Une nécropole au cœur de la ville

Un lieu de mémoire

Un lieu où se déroulent de nombreuses commémorations

Un lieu de recueillement et de silence difficile à préserver

Sources

 

 

 




Présentation du monument

   Situé sur les Hautes Promenades, en contrebas de la perspective du Monument aux morts de la Ville de Reims, le Monument aux martyrs de la Résistance a été inauguré en 1955.

    Il est constitué d'une énorme dalle en granit de Bretagne de 9 mètres sur 6,5 mètres, portant une seule inscription en lettres de bronze d'un mètre :

« À la Résistance »

   En 2005, à l'occasion du 60e anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie et de la victoire alliée en Europe, le monument a éré ravalé.

    De chaque côté du monument central, les noms des Rémois victimes de la répression nazie sont inscrits sur deux dalles latérales, disposées sur des talus engazonnés.


L'historique du monument
1945-1955

   Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les mouvements de Résistance ont demandé qu'un monument soit érigé derrière la sous-préfecture, place Anatole France, rebaptisée dès 1945 place des Martyrs de la Résistance, où des fleurs étaient déposées à l'occasion de chaque manifestation patriotique.

   En 1945, le conseil municipal issu des élections provisoires et le maire, Michel SICRE, ancien président du Comité départemental de libération nationale constitué à la Libération, ont décidé de faire ériger sur la place des Martyrs de la Résistance, un " Monument à la gloire des patriotes résistants morts pour la France au cours des années 1940-1945 ".
   
Une souscription publique a été lancée qui a permis de récolter un peu plus d'un million de francs. Un Comité pour l'érection d'un monument aux martyrs de la Résistance et des sous-commissions spécialisées ont été constitués. Un concours a été organisé, mais un premier projet présenté par l'architecte SEYDIER a été refusé par le Comité central des monuments commémoratifs siégeant à Paris, parce que l'emplacement choisi se trouvait à proximité du chevet de la cathédrale, dans un périmètre où l'érection de tout nouveau monument était interdite.

    Le 16 mai 1947, étaient publiées dans le Recueil des actes administratifs, la composition de la Commission départementale des monuments commémoratifs, mise en place par le préfet GRIMAUD dans la Marne, conformément au décret du 16 janvier 1947 réglementant les monuments commémoratifs, ainsi que les modalités d'application de ce décret : tout projet d'érection comportant une partie sculpturale quelconque et d'un coût supérieur à 500 000 francs devait être préalablement approuvé par décret.

   En août 1947, le conseil municipal, en même temps qu'il décidait de mettre à exécution la proposition formulée dès août 1945 par Gustave LAURENT « d'apposer des plaques sur les maisons habitées par les patriotes au moment de leur arrestation et qui sont morts pour la France », confia au sculpteur parisien GAUMONT un second projet de monument en colonne qui devait être érigé sur le terre-plein du cours Jean-Baptiste Langlet, côté palais de Justice. Mais ce projet fut à son tour rejeté parce que son emplacement se trouvait également sur un site classé situé dans la perspective de la tour-Nord de la cathédrale.

   En septembre 1948, la Commission des monuments et des sites du Comité d'études et d'aménagement de la région de Reims, ayant reçu la mission de choisir un emplacement, proposa le site de l'ancien Kiosque à musique des Hautes-Promenades, désaffecté en raison de sa mauvaise acoustique, et aménagé en cuvette, ce qui permettait d'y implanter un monument sans faire obstacle à la perspective des Promenades :

   Cet emplacement suffisamment éloigné du Monument aux morts de la Ville de Reims pour ne pas créer de confusion [ la commission avait rejeté le site du monument aux morts afin de ne pas confondre les victimes de la Première Guerre mondiale et les Résistants de 1940-1944 ], mais suffisamment rapproché cependant pour permettre des cérémonies communes offrirait divers avantages.
   Assez écarté des voies de circulation, placé au milieu des frondaisons, il offre l'ambiance de recueillement qui convient. Il permet, par l'ampleur de ses accès, la participation aux cérémonies d'un public assez considérable.

   En mars 1949, une Association pour l'érection du monument aux martyrs de la Résistance de la Ville de Reims fut constituée sous le régime de la loi de 1901. Le Bureau de son Comité directeur était présidé par le maire, Albert RÉVILLE, ancien déporté-otage à Neuengamme, entouré de Robert LANGLET, Geneviève DÉTRÉ et Maurice OGNOIS, vice-présidents.

   En septembre 1949, l'emplacement du Kiosque à musique des Hautes Promenades a été définitivement retenu et un troisième projet fut présenté par l'architecte rémois Louis SOLLIER, qui avait reconstruit le théâtre municipal avec François MAILLE après la première guerre mondiale. Ce projet, qui consistait en une dalle sur quatre colonnes, fut rejeté par le Comité central des monuments commémoratifs qui considérait que son architecture moderne et nue ne cadrait pas avec l'image de Reims, ville d'art à la statuaire très riche.

   En 1950,  Louis SOLLIER modifia son projet initial et proposa un quatrième projet qui prévoyait une dalle moins puissante soutenue par des colonnes plus légères, encadrée par quatre statues. Mais, à la suite d'une simulation effectuée à l'aide d'une bâche tendue sur un bâtis de bois qui faisait apparaître que la perspective du Monument aux morts serait partiellement coupée, ce quatrième projet fut à son tour rejeté.

  En 1951, Louis SOLLIER présenta un nouveau projet, le cinquième, qui supprimait les colonnes pour dégager la perspective du Monument aux morts, et se limitait à une dalle massive posée à même le sol, comme à Compiègne, mais qui conservait les quatre statues allégoriques représentant le Renouveau, le Courage, la Liberté et la Culture, d'une hauteur de 4 mètres 50. La réalisation de ce projet était confiée au sculpteur parisien DIDERON, mais son coût ayant été jugé trop élevé, l'architecte proposa d'abandonner les quatre statues, et de les remplacer par une seule statue de 5 mètres 20 symbolisant la Résistance, et placée au centre de l'excavation circulaire de l'ancien Kiosque à musique.

Le projet de l'architecte Louis Sollier avec ses quatre statues biffées

Le projet de statue unique
Archives municipales et communautaires de la Ville de Reims,
165 W 53 et 202 W 16

   Finalement on revint au projet de dalle posée au sol, au centre d'une excavation rectangulaire, mais sans aucune statue, ce qui permit à la fois de réaliser une économie sur le coût total du monument et de lever les réticences du Conseil supérieur des monuments commémoratifs.

   En novembre 1951, le devis estimatif et approximatif dressé par l'architecte Louis SOLLIER s'élevait à 15 millions de francs.

   En février 1952, à l'issue de leur assemblée générale, les membres de Ceux de la Résistance ( CDLR ) qui depuis la Libération rendaient traditionnellement hommage aux morts de la Résistance, place des Martyrs de la Résistance, sont venus se recueillir pour la première fois sous les Hautes Promenades.

   Le 13 mars 1952, le Conseil supérieur des monuments commémoratifs donnait enfin officiellement un avis favorable au projet remanié de l'architecte Louis SOLLIER, à condition qu'on n'y ajoute pas de sculptures par la suite.

   En mai 1952, les responsables de CDLR et de Libération-Nord manifestèrent leur mécontentement devant la lenteur apportée à l'érection du monument, en installant une dalle provisoire et un mât sur l'emplacement en attente, que la Ville de Reims avait fait aménager sur les Hautes Promenades.

Des membres de CDLR et de Libération-Nord observent une minute de silence devant la dalle provisoire qu'ils viennent de déposer
à l'emplacement destiné à recevoir le Monument

   Le 19 juillet 1952, le président du conseil, Antoine PINAY, signait le décret approuvant le projet d'érection du monument.

    La publication de ce décret fut immédiatement suivie de l'ouverture des soumissions pour la construction du gros œuvre, qui devait être terminé pour le 11 novembre 1952.

   Les travaux de démolition du Kiosque à musique, de terrassement et de maçonnerie ont été réalisés par l'entreprise rémoise LEVISTRE.

La démolition du Kiosque à musique

Les travaux de terrassement et de maçonnerie de la dalle centrale

   Les revêtements de granit du monument central et des dalles latérales, ainsi que les dallages, les marches et les rampants des escaliers ont été fournis par la société coopérative L'AVENIR de Louvigné-du-Désert en Ille-et-Vilaine.
   L'entreprise rémoise PÉCHENARD Père et Fils, sculpteurs-marbriers, a été associée à la
pose du monument, et a assuré les travaux de gravure de l'inscription « À la Résistance » et des noms, ainsi que l'aménagement de la niche destinée à recevoir l'urne

   Le coût du monument a été d'environ 13,5 millions de francs, dont le financement a été assuré pour l'essentiel par la Ville de Reims qui a versé un peu plus de 10 millions de francs.
   Le solde étant couvert par la souscription publique et par les dons des associations de résistants et de déportés, ainsi que des mouvements associés, gérants du journal L'Union issu de la Résistance :
      Ceux de la Résistance ( CDLR )
      Front national de lutte pour l'indépendance de la France
      - Ceux de la Libération ( CDLL ) 
      - Parti communiste français ( PCF )
      - Parti socialiste ( SFIO )
      - Mouvement républicain populaire ( MRP )
      - Alliance républicaine de la Marne
      - Confédération générale du travail ( CGT )
      - Confédération française des travailleurs chrétiens ( CFTC )
      - Union française des associations d'anciens combattants et victimes de guerre ( UFAC )
      - Union des femmes françaises ( UFF )

   Le 29 août 1954, 10ème anniversaire de la libération de Reims, le monument était achevé.


L'inauguration du monument
le 8 mai 1955

  Le Monument aux martyrs de la Résistance de Reims a été inauguré le 8 mai 1955 à l'occasion du 10e anniversaire de la victoire alliée, associée à la fête de Jeanne d'Arc. C'est ainsi que les cérémonies débutèrent près de la cathédrale devant la statue de Jeanne d'Arc.

Devant la statue de Jeanne d'Arc

   Figure patriotique emblématique, cultivée entre les deux guerres par les ligues d’extrême droite, célébrée par le régime de Vichy sous l’Occupation, Jeanne d'Arc est invoquée à la Libération comme facteur de réconciliation et d’unité nationale, rassemblant les anciens combattants de 14-18 et de 39-45, les anciens résistants-déportés gaullistes, communistes, socialistes, démocrates-chrétiens, et ceux que les historiens appellent aujourd’hui les vichysto-résistants.
   Le lendemain 9 mai, dans son éditorial, L’Union, journal issu de la Résistance, dont le conseil de gérance était encore co-dirigé par toutes ces sensibilités, exprima avec lyrisme ce consensus accepté et partagé au moins en apparence, après le départ du gouvernement provisoire du général de Gaulle, puis l’échec du RPF et la « traversée du désert » qui se poursuivait pour les gaullistes, tandis que les comm
unistes se trouvaient durablement écartés du pouvoir dans le contexte de la guerre froide :

   L'étendard de la liberté est le même depuis des siècles.
   C'est celui fièrement brandi le jour du sacre, par Jeanne la Lorraine.
   C'est celui qui rallia après le drame de 1940 les glorieux combattants de la clandestinité, fils courageux et magnifiques de ceux de 14-18, et, comme eux, hélas, cruellement éprouvés dans la rude course à la victoire.
   Hier, par une splendide matinée de mai, Reims les a confondus, tous, l'héroïne de Domremy, les Poilus de la Grande Guerre et ceux de 39-45, dans un même et solennel hommage.
   Mais Reims, la cité martyre et sans cesse renaissante, Reims, où tant de fois s'est faite l'Histoire, n'a pas oublié les plus jeunes de ses fils sacrifiés. À ceux-là, ceux des maquis que l'on fusilla, et ceux des camps de concentration, torturés, massacrés et brûlés, une foule énorme a accordé hier matin, une pensée profondément émue.
   Leur sacrifice date de dix ans ; à peine plus. C'est leur sang qui nourrit la victoire dont la fleur jaillit le 8 mai 1945
[sic] dans une salle de la « petite école rouge », le Collège moderne et technique de Reims, où l'ennemi signait l'acte de défaite dans Reims, la cité martyre et sans cesse renaissante.

   À noter que le journaliste situe la signature de la capitulation allemande à Reims le 8 mai et non pas le 7 mai, tant il est vrai que la date du 7 mai a été, dès 1945, évacuée de la mémoire nationale au profit exclusif du 8 mai, date de la signature à Berlin du texte définitif de la capitulation allemande, et date choisie par les Alliés pour commémorer la victoire alliée en Europe, du moins pour ce qui concerne les alliés occidentaux, puisque les alliés soviétiques, aujourd’hui les Russes, commémorent cette victoire le 9 mai. En effet, la cérémonie de la signature à Berlin avait débuté un peu avant minuit le 8 mai et s’était achevée à l’aube du 9 mai, date choisie par STALINE pour annoncer officiellement la victoire à la radio soviétique.
 
   La cérémonie
d'inauguration proprement dite sur les Hautes Promenades était présidée par le
général GANEVAL, ancien déporté à Buchenwald, directeur du cabinet militaire et représentant du président de la République, René COTY, entouré de nombreuses personnalités : Pierre SCHNEITER, président de l'Assemblée nationale, René BRIDE, maire de Reims, le préfet CHAUSSADE, Roger JARDELLE, ancien maire, président du Comité d'érection du monument, ancien déporté à Neuengamme, les représentants des ambassades des pays alliés ( États-Unis, Union soviétique, Royaume-Uni ), les présidents et membres des mouvements de Résistance, des organisations de déportés et des groupements d'anciens combattants.

Les personnalités face au monument

De gauche à droite : 
Roger Jardelle, le général Ganeval, Pierre Schneiter et le préfet Chaussade

Les familles des disparus regroupées sur les escaliers derrière le monument

Sur l'acropole de la Résistance s'est élevé le Temple de la Liberté
Nul n'ignorera le calvaire de ses enfants Martyrs
Retire-toi ! Ô mer de l'oubli qui viens battre les rives
où notre cœur a trouvé refuge.
Déjà, dans la lumière de l'Espérance, l'Arbre d'Amour a refleuri.
Le temps de l'Hommage et de la Reconnaissance est venu !
Dans l'airain nous graverons le nom de ceux qui sont tombés
qui jalonnèrent la voie de la délivrance.

Vous, Martyrs de la Résistance,
Purs flambeaux de l'humanité,
Fiers visages de notre France
et gage de sa liberté,
Vous avez marché à la mort,
Les yeux ouverts, sourds aux dangers,
Comme la barque sort du port
S'élance vers les naufragés...
Notre chant de reconnaissance
Vous rejoint dans l'Éternité.

Albert MANOUVRIER
Brigadier-chef FFI

    L'inauguration du Monument aux martyrs de la résistance à 11 heures a été précédée à 10 heures 30 par celle d'une plaque 17, boulevard Lundy, rappelant la présence à Reims en 1945, du général EISENHOWER, commandant en chef du corps expéditionnaire allié en Europe.


Une nécropole au cœur de la ville

   Le 8 mai 1955, au cours de la cérémonie d'inauguration du monument, le général GANEVAL a déposé une urne contenant des cendres recueillies dans les fours crématoires des camps de concentration de Mauthausen, Flossenbürg, Bergen-Belsen et Neuengamme, dans une niche aménagée dans la dalle centrale.

Le général Ganeval lit le message du président de la République René Coty
Au pied de la tribune, l'urne entourée de deux anciens déportés
 :
René Guichard, déporté à Mauthausen
et Jean-Jacques Goguel, déporté à Neuengamme

Le général Ganeval dépose l'urne

   La niche où a été déposée l'urne est fermée par une grille forgée en forme de barbelés par les élèves du collège technique devenu après la guerre le lycée Roosevelt.

Ici leurs cendres reposent

    Sur cette urne de bronze surmontée d'une flamme sculptée, ont été gravées par Lucien VELLY, ancien déporté au camp de Buchenwald, une Croix de Lorraine enlacée avec le V de la Victoire, symbole de la Résistance, avec l'inscription :

Cendres de déportés recueillies
dans les camps de concentration nazis
8 mai 1955

   Cette urne avait été remise solennellement la veille, à une délégation de déportés rémois, en l'Hôtel de Ville de Saint-Mandé, au cours d'une cérémonie présidée par Gaston PALEWSKI, ministre délégué à la présidence du Conseil et ancien directeur du cabinet du général DE GAULLE, à l'issue du congrès du mouvement Résistance.

    Irène de LIPKOWSKI, présidente de l'Association nationale des familles de résistants et otages morts pour la France ( ANFROMF ) a remis un certificat d'authenticité à la délégation rémoise qui était composée de René MENU, représentant du Comité d'érection, de Mme DELTOUR du COSOR, de MM. DÉSIRONT et CHEVASSUT de l'UNADIF, de Mmes NAUTRÉ et LOISEAU de la FNDIRP.

Certificat d'authenticité dessiné
par les élèves de l'École des Beaux-Arts de Reims

   À Reims, l'urne a tout d'abord été présentée dans le hall de la sous-préfecture, puis elle a été transportée sur un véhicule militaire encadré par des déportés et des résistants portant des flambeaux jusqu'à la Salle de Reddition, après une halte devant le monument aux morts.
   
Dans la Salle de Reddition, l'urne a été déposée sur la table où, 10 ans plus tôt, avait été signée la capitulation de l'Allemagne nazie et a été veillée durant la nuit du 7 au 8 mai par d'anciens déportés, puis elle a été présentée le 8 mai au matin aux personnalités venues inaugurer le Monument aux martyrs de la Résistance de Reims : 

Dans le hall de la Sous-préfecture, l'urne est sortie de la caisse
où elle avait été déposée pendant son transport de Saint-Mandé à Reims

L'urne est transportée au Monument aux morts puis à la Salle de Reddition

Devant l'urne qu'il a veillée toute la nuit
Charles Lesage déporté à Buchenwald

De gauche à droite : le général Ganeval, représentant le président de la République, M. Chaussade, préfet de la Marne, André Schock, ancien délégué militaire de la région C et ancien déporté, le représentant de l'ambassade des États-Unis- et les attachés militaires du Royaume-Uni et de l'Union soviétique


Un lieu de mémoire

   Je vous confie solennellement ce monument.
   Réunissez-vous souvent autour de lui et qu'il sache inspirer la reconnaissance fidèle due à nos martyrs.

René BRIDE, maire de Reims s'adressant à la foule
le jour de l'inauguration du monument

 

   Nous devons avoir une seule pensée tendue vers ceux dont les noms sont gravés sur ces pierres et vers tous ceux, connus ou anonymes, qui, de leur vie, nous ont donné l'indépendance.
   C'est au culte de nos morts que cette cérémonie est vouée et particulièrement à tous ceux qui sous le signe de la Résistance,
ont donné leur vie pour que la France soit sauvée du déshonneur
et de la défaite.
   Il convient de souligner l'héroïsme de tous ceux qui ne sont présents ici que parce que nous restons fidèles à leur mémoire.
   Ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes et en élevant ce monument
à leur gloire, nous avons voulu grouper en un seul faisceau
de reconnaissance tout ce qui vibre en nos coeurs,
tout ce que chacun ressent avec ferveur.

Roger JARDELLE, ancien maire de Reims,
président du Comité d'érection du monument
le jour de l'inauguration
du monument

À droite : les noms de 177 résistants
fusillés, tués au combat, morts sous la torture,
ou décédés en déportation

Ils ont combattu, ils ont souffert, ils sont morts pour le même idéal

- 135 déportés dont 5 femmes
- 21 fusillés  dont 1 femme

- 5 massacrés en prison par la Gestapo
- 1 décapité
- 1 pendu
- 14 tués au maquis

ALLIN Jean, ANCHET Jean, ANNEQUIN Roger, ARNOLD Philippe, AUBERT Berthe née PETIT, BARBIER Pierre, BEAUBRAS Jean, BELHARTZ Jean, BERLAND Robert, BERTHET Joseph, BERTHOLDI Joseph, BERTIN Raymond, BETTINGER Lucien, BLONDEAU André, BLONDEAU Lucien, BLONDIN Aimé, BOCQUET Antoine, BOISSON Charles, BOUARD André, BOUQUET Jean-Louis, BOUSQUET Clément, BRÉBANT Jules, BRIATTE Henri, BURGOD Claudius, BURIOT Pierre, CAMPION Paul, CHANTRENNE Robert, CHARBONNEAUX Jean, CHARLOT Édouard, CHARLOT René, CHATTON Marcel, CHAUVET Roger, CHEVAL Marcel, CHEVALLIER Joseph, CHIRAT Jean, COLLIN Jean-Paul, COMPAGNE Paul, COUTIER Jean, COUVRY Charles, CRÉPIN André, CUSSIGH Robert, DAIGLE Pierre, DARDENNE Georges, DEGRELLE Paul, DÉHU Gilbert, DEHUREAUX Paul, DELAISSE Maurice, DELOISON Henri, DEMAISON Bertrand, DESEUSTE Gilbert, DÉSIRONT Jean-Jacques, DÉTRÉ Jacques, DEVILLERS René, DOCQ Jean-Marie, DOMPMARTIN Georges, DROIT Claude, DROIT Jean, DUFRÈNE Pierre, DURET Jean, DUTERQUE Robert, ELDAROFF-PÉNETIER Yvan, ESTÉVA Jean, FAIVRE Marcel, FLORION Pierre, FONTAINE Paul, FORBOTEAUX Edmond, FRITSCH Maurice, GANDON Armande, GAUTHIER Félix, GAUTHIER Marcel, GENTIL Pierre, GILLET Maurice, GISSELBRECHT Florent, GLORIEUX Marceau, GLORIEUX Maurice, GODBERT Marcel, GORET Louis, GOUSSIEZ René, GRANDRÉMY Pierre, GRILL Jean ( Frère ARBAUD ), GROS Marcel, GUÉRARD Roger, GUIDÉ Alfred, GUILLAUME André, GUILLE Roger, GUILLEN Robert, GUYOT Raymond, HABRAN Léon, HANGARD Raymond, HENRIET Bernard, HUE Jean, HUON Jules, HUON René, JAZERON André, JAZERON Marcel, JEGER Robert, KERGER Roger, LACROIX Jean, LAMBERT Fernand, LANGERAERT Paul, LANGLOIS Georges, LARGER René, LARGER Roger, LARGET Marcel, LATARCHE Michel, LEBEAUX André, LEGROS Pierre, LELAURAIN Gaston, LELONG Georges, LELONG Jacques, LEMIRE Lucien, LE ROLLAND Théophile, LOISEAU Marcelle, LOUIS Marcel, MANCEAU René, MANDON Roger, MARCHAL Robert, MARCHEPOIL Marc, MARTIN André, MARTIN Jean, MARTIN Roger, MARY Jean, MATHIEU Raoul, MATTERN Albert, MAYEUR Léon, MIDOL Henri, MIEL Raymond, MONAUX Georges, MONDET Fernande née DIETRICH, MONIN Charles, MONIN Gabriel, MOREL Henri, MORTEAU Marcel, MOULS René, MOURLANE Jean, MULLER Henri, NONANCOURT Maurice, OIGNOIS Marie-Thérèse née THIRION, PETITFRÈRE Hoche, PETITFRÈRE Marceau, PHILIPPE Jean, PICARD André, POTELAIN Edmond, POUPART Raymond, PANTIN Édouard, REILLON Félix, REINERT André, RÉMY Pierre, ROMAGNY Charles, ROUAS Maurice, ROUSSEL Maurice, ROY Henri, SCHLEISS Paul, SCHNEITER André, SCHROBILTGEN André, SEVRAIN Serge, SEYDOUX Roland, SOYEUX Roland, STASSE Jeanne née CURY, SUBTIL Pierre, TASSERIT Charles, TAYMOND Pierre, TESTE René, THIÉNOT Guy, THOMAS Maximilien, TOURTE Henri, TUAL Jean, VALENTIN André, VANFLETEN Jules, VÉZINAUD Maurice, VRIET Charles, XIMA Georges, ZIMMERMANN André, FAIVRE Roger

À gauche : 
les victimes civiles
de la répression nazie

Victimes civiles de la répression nazie

La quasi totalité des noms gravés sont des victimes de la Shoah
60 noms de familles

- 38 hommes
- 37 femmes
- 28 enfants

ADLER Isaac, BALTER Jacques, BELVA Marie née LEVIN, Veuve BUCHOLTZ et ses quatre enfants, Veuve BRUNORO Eugénie née LEVY, M. et Mme CAHEN Fernand, Pauline et Déborah CAVAILLON, CHAUMONT Léonia née ZONSZAJN, M. et Mme CRÉANGE Maurice, CRÉANGE Raphaël, CZARNESKI Roger, DREYFUS Paul, DREYFUS Marthe née WEILL, M. et Mme EISENMANN Léon, FAIERMANN Georges, M. et Mme FRESCO et leurs deux filles, Mme FRITSCH et ses deux enfants, GRYF Brandel née KOCHMANN, GRYF Hanna, Mme GRYF Krejndla née WIERNIK et ses quatre enfants, M. et Mme HECKER Simon et leur fils, HERMAN Bernard, HOSANSKI Nathan ( Rabbin ), ISRAËL Fanny née DALTROF, M. et Mme JACOB Marcel et leur fille, KACHLER René, KAHN Adolphe, KISSIN Max, KLOPSTEIN Émile, KULMAN Frédéric, M. et Mme LAMPACHER Peppy et leurs deux enfants, M. et Mme LEVY Franck, LEVY Rachel, LEVY Yvonne, LOEB Germaine née DREYFUS et sa fille, MARX Gaston, M. et Mme METZGER Paul et leurs deux enfants, M. et Mme MOÏSE Marcel, NETTER Gaston, M. et Mme PICARD-GEISMAR Paul, Françoise et Jean-Lou, Famille PRZEDBORZ, SALOMON Michel, SAPSA Berthe, M. et Mme SÉGAL Jankel, SIMON Bernard, SIMON Georges, Mme SIMON née WEIL, SUCHMANN Marie née SEIFFERT, SUCHMANN Selma, M. et Mme SVIATLY Ellias, SZTEINER Sarah et ses deux enfants, TALMUD Israël, WAÏDA Ruffin, WEILL Berthe née MERKLINGER, WEILL Henriette, WEINER Léa, M. et Mme WEYLER Edmond et leurs quatre enfants, M. et Mme WORMS René, ZYNS Charles, ROSENBLUM Abraham, GOLDSTEIN Gentalaja et ses enfants Simon et Jacques


Un lieu de mémoire
où se déroulent de nombreuses commémorations

    En 1948, l'implantation du Monument aux martyrs de laz résistance sur le site de la Place du général Leclerc, ancienne Place du Boulingrin, avait été rejeté parce que « la proximité des Halles centrales et l'utilisation de la place comme marché de plein vent ne permettaient pas de conserver à un mémorial édifié à cet endroit, le caractère permanent de décence et de recueillement qui lui convient ». La Commission des Monuments et des Sites lui préféra l'emplacement des Hautes Promenades qui offrait au contraire « les conditions suffisantes de situation, d'ampleur et d'ambiance recueillie qui conviennent à une telle réalisation ».

    Dès 1952, alors que le Monument n'en était encore qu'à l'état de projet, projet matérialisé par une dalle provisoire, et qu'aucune urne contenant des cendres de déportés n'y avait encore été déposée, le respect du site, protégé par les grilles de clôture de l'ancien kiosque à musique conservées, préoccupait les associations d'anciens résistants et déportés, parce que les Rémois avaient pris l'habitude de venir y promener leurs chiens et de l'utiliser aussi comme terrain de jeux pour les enfants.
    Le 7 mai 1952
, René BRIDE, maire de Reims, prenait un arrêté
   -  qui considérait qu'il convenait « d'assurer en permanence le respect des lieux du Souvenir en empêchant notamment les jeux des enfants »,
   - qui interdisait « aux propriétaires de chiens non tenus en laisse de laisser ceux-ci divaguer »,
   -  et dont l'article 3 spécifiait :

  Il est interdit, sous peine de poursuites, de déplacer ou de souiller par toute inscription les panneaux placés dans les Hautes Promenades de part et d'autre de l'emplacement du Monument aux Martyrs de la Résistance lesquels portent ces mots : 

« SILENCE, ICI LIEU DU SOUVENIR »

  Le 22 juillet 1953, René BRIDE prenait un second arrêté concernant le Monument aux morts et le Monument aux martyrs de la Résistance, dont l'article 3 stipulait que « tout bruit, toute musique, tous discours, cris ou chants qui seraient de nature à troubler l'ordre public sont interdits dans les enceintes ou autour des enceintes précitées ».

    Depuis son inauguration, le Monument aux martyrs de la Résistance et de la Déportation est en effet un lieu du souvenir où, chaque année, les Rémois viennent se recueillir pour commémorer :
   - le 7-8 mai, la capitulation de l'Allemagne nazie et la victoire alliée en Europe
   - le 18 juin, l'Appel du 18 juin 1940 du général DE GAULLE
   - le 29-30 août
, la libération de la Ville de Reims
   - le 11 novembre
, l'armistice de novembre 1918, commémoration qui, sous l'occupation allemande, a donné lieu à des manifestations patriotiques de résistance.

8 mai - Commémoeration de la capitulation de l'Allemagne nazie

8 mai 1970
Présentation des plaques de rue à la mémoire de résistants et déportés rémois
affectées à un nouveau lotissement construit dans le quartier Croix-Rouge

À gauche, Pierre Schneiter, ancien sous-préfet de Reims à la Libération,
frère d'André Schneiter, chef des FFI de l'arrondissement de Reims, fusillé par les Allemands
À droite, Jeanne Andrée Paté, déportée à Ravensbrück,
sœur d'Armande Gandon, résistante communiste morte en déportation



8 mai 2005 : 60e anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie

8 mai 2008

18 juin - Commémoration de l'Appel du général de Gaulle

18 juin 2005 :  Commémoration de l'Appel du général de Gaulle
L'harmonie municipale exécute Le Chant des Partisans

 

29 août - Commémoration de la Libération de Reims

29 août 2004 : 60e anniversaire de la libération de Reims
De gauche à droite : Catherine Vautrin, secrétaire d'État à l’intégration
et à l’égalité des chances, Jeanne-Andrée Paté, déportée à Ravensbrück
et Jean-Louis Schneiter,
maire de Reims,
se recueillent après avoir déposé une gerbe au pied du monument

11 novembre - Commémoration de la fin de la 1ère guerre mondiale

11 novembre 2005
Internés résistants, Denisen Richard-Ognois de Libération-Nord et Raymond Leroux
porte-drapeau de L'UNADIF, pendant la sonnerie « Aux morts »

  Des cérémonies du souvenir sont également organisées devant le Monument aux martyrs de la Résistance à l'occasion des congrès organisés à Reims par les associations de déportés et de résistants dont les délégations viennent fleurir le monument et se recueillir avec émotion devant l'urne contenant des cendres provenant des fours crématoires de plusieurs camps de concentration

Congrès de l' Amicale de Neuengamme

13 octobre 2002
Yvonne COSSU, présidente déléguée, Raymond Gourlin et Lucien Hirth, déportés à Neuengamme, se recueillent devant le monument après y avoir déposé une gerbe au nom de l'Amicale de ce camp réunie en congrès national à Reims

Congrès des CVR

2 octobre 2004
49e Congrès national de la Confédération nationale
des Combattants volontaires de la Résistance

Amicale de Ravensbrück

26 septembre 2005
Rencontre de l'Amicale de Ravensbrück à Reims


Un lieu de recueillement et de silence
difficile à préserver

   Aujourd’hui, le Monument aux martyrs de la Résistance se trouve enserré au milieu d’une zone de parkings engorgée en raison de la proximité de la gare SNCF et du centre-ville et envahie chaque année par les manèges et les baraques des forains, en décembre au moment de la Foire de Noël, et à nouveau au printemps avec la Foire de Pâques.
   En effet, depuis la fermeture définitive des Halles de Reims en 1988, et l'installation d'un marché sous abri de toile, à l'emplacement de la Place du Boulingrin, la Foire de Pâques qui s'y déroulait a été déplacée sur les Hautes Promenades.

La Foire de Pâques 2006

Musique techno et fumigènes

   En vain, les associations de déportés et de résistants réclament que ce lieu de mémoire et de recueillement soit préservé et respecté, et qu'à défaut de trouver une autre implantation, par exemple le Parc de la Patte d'Oie tout proche, le site soit au moins libéré pour la veillée du souvenir des déportés qui se déroule chaque année le samedi qui précède le dernier dimanche d’avril, déclaré en 1954 « Journée nationale du Souvenir des victimes et héros de la déportation ».

   En attendant un éventuel transfert que les forains refusent obstinément, la veillée des déportés ne pouvant plus se dérouler devant le Monument aux martyrs de la Résistance, a été déplacée durant plusieurs années au Square des victimes de la Gestapo, rue Jeanne d'Arc, un autre lieu de mémoire qui n’est pas directement lié au souvenir des déportés.

   En 2005, à l'occasion du 60e anniversaire de la libération des camps de concentration nazis, la veillée a pu cependant se dérouler à nouveau devant le Monument aux martyrs de la Résistance, mais elle a dû être décalée d'une semaine,les forains ayant refusé de libérer les Hautes Promenades à la date officielle de la commémoration nationale.

 

Jeanne-Andrée Paté déportée à Ravensbrück accompagnée de son arrière petit-fils Igor

Yvonne Châtelain déportée à Ravensbrück Raymond Gourlin déporté à Neuengamme

   Depuis 2006, toujours présents sur le site lors de la Journée nationale du souvenir de la Déportation, les forains acceptent de faire relâche pendant quelques heures, permettant ainsi à la cérémonie de se dérouler devant le monument à la date prévue par la loi de 1954 et dans le recueillement..

29 avril 2006
Louis Carrière, déporté à Mauthausen

    Au cours de l’été 2007, une grille de protection a été installée autour du monument pour en préserver le caractère particulier, pour ne pas dire sacré, qui devrait être réservé à cette nécropole.

La grille installée par la Ville de Reims au cours de l'été 2007

   En décembre 2007, alors qu’ils se rendaient au Cercle Marin La Meslée tout proche, pour y rendre hommage à leur camarade de déportation Jacques BRONCHARD qui venait de décéder, les déportés ont découvert avec stupeur et colère que le Monument aux martyrs de la Résistance était à nouveau envahi par la Foire de Noël...

    ... et qu'une salle de jeux Casino-Baraka surplombait la plaque qui honore la mémoire des 177 résistants-déportés rémois morts pour la France, la grille installée par la Ville ayant été démontée ( sciée ou descellée ? ).

    

   Le temps passe et malgré les protestations réitérées des associations de résistants-déportés qui ne manquent pas de s'élever contre ce qu'ils considèrent à juste titre comme une profanation., les forains persistaient à s'agglutiner autour du mémorial.

   En 2009 et encore en 2010, lors de la Foire de Noël, la même baraque s'est installée au même endroit et, comme par provocation, elle s'est avancée encore un peu plus au-dessus de la dalle où sont gravés les noms de 177 résistants fusillés, tués au combat, morts sous la torture, ou décédés en déportation.

   La place ne manque pourtant pas dès qu’on s’écarte un peu du monument pour aller vers la Porte Mars ou bien encore de l’autre côté des Promenades côté-gare, mais les forains préfèrent s’entasser autour du monument plus proche de l'hyper-centre, de la place d'Erlon, tant il est vrai que plus leurs baraques ou leurs manèges sont proches du village de Noël et plus les perspectives de profit s’élèvent.

   On est bien loin des valeurs et des idéaux pour lesquels les Résistants rémois dont les noms sont gravés sur une dalle profanée par une salle de jeux, ont fait le sacrifice de leurs vies et qu'ils pensaient transmettre à la jeunesse.


Sources

   Archives de l'UNADIF- Fonds René Menu, trésorier du Comité d'érection du monument de la Résistance.
   
- Archives municipales et communautaires de la Ville de Reims, 179 W 16, 165 W 52-53 et 10 S 71.
  
   - Bulletin municipal de la Ville de Reims
, n° 1, octobre 1947.
   - Archives du journal L'Union.
   - Archives départementales de la Marne, 3 Z 690.

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