|
1. Pourquoi
conserver la mémoire de la guerre ?
Les
conséquences de la Grande Guerre sont multiples et douloureuses :
- des
destructions matérielles considérables et donc un
bilan financier de la Reconstruction très élevé
( 83 milliards de francs ont été payés
aux sinistrés entre 1918 et 1928 ), sans compter les
pensions ;
- importance
des pertes humaines ( près de dix millions de morts au
total dans l'ensemble des pays en guerre ),
- pratiquement
toutes les familles, tous les vivants ont perdu un proche, un membre
de leur famille au cours des combats.
Tous ont donc, à des degrés divers un travail de deuil
à accomplir.
Pour
toutes ces raisons, le conflit persiste longtemps dans les esprits,
dans les mémoires.
On n'arrive pas à oublier et l'on a aussi
peur d'oublier.
La France se sent alors un devoir de mémoire
et multiplie, dès les années 1920, les cérémonies
commémoratives en l'honneur de ses soldats, de ses enfants
tombés au combat.
2. Les
formes de la mémoire
Au
cours de l'Entre-deux-guerres, la quasi totalité des 36 000
communes de France va faire ériger sur son territoire un monument
aux morts.
Acheté sur catalogue et fabriqué en
série ou commandé à un artiste, à un sculpteur
renommé, il est la trace tangible de la guerre dans la commune.
Ces monuments ne sont que des cénotaphes
qui disent les noms des disparus et l'hommage des vivants à
leur égard.
Une inscription, une sculpture transmettent le message.
Avec
Antoine Prost, on peut alors proposer une typologie de ces monuments :
- des
monuments civiques, purement républicains et dépouillés, ;
- des
monuments patriotiques qui exaltent le sacrifice et/ou la gloire ;
- des
monuments funéraires qui expriment la douleur de ceux qui
restent ;
- des
monuments pacifistes, beaucoup plus rares que les précédents,
qui dénoncent la guerre.
Le
paysage de France se charge ainsi de transmettre la mémoire
des morts aux vivants.
Ces
monuments sont également indissociables d'une cérémonie,
celle du 11 novembre qui, à partir de 1922, n'est plus la fête
de la Victoire, mais commémore l'armistice, le souvenir des
morts.
Au cours de cette cérémonie, le clairon
joue la Sonnerie aux Morts et la Marseillaise, une ou
des gerbes sont déposées, l'appel des noms est suivi
de la mention « Mort pour la France », une minute
de silence est observée.
La Patrie, collectivement, fête donc ses héros,
et ces quasi-funérailles nationales constituent la nouveauté
commémorative amenée par la Grande Guerre.
Enfin,
les cimetières militaires sont un troisième temps de
ces commémorations : sur les lieux mêmes des batailles
reposent les corps.
Ici, les vivants se rapprochent de leurs morts,
au moins par la proximité physique.
L'endroit est propice au recueillement individuel,
à l'émotion personnelle vis-à-vis du disparu,
ce que n'apporte pas le monument aux morts, vide de corps. Des tombes
individuelles sont surmontées d'une stèle ( croix,
étoile de David, calligraphie arabe ) qui s'efforce de
respecter la confession de chacun.
Tous
ces lieux de commémoration deviennent alors des lieux sacrés,
des lieux de la mémoire collective ou individuelle,
3. La
mémoire au Chemin des Dames et à la Caverne du Dragon
De
nombreux monuments jalonnent le Chemin des Dames.
Certains ont été érigés
par des particuliers, d'autres, par des anciens combattants, par des
associations, par des communes, ou encore par l'État.
Ils commémorent une personne, une unité,
une arme, une offensive, l'ensemble des combats du lieu voire, les
morts de toutes les guerres.
Ces
monuments sont accompagnés par de nombreux cimetières
où sont inhumés français, italiens, allemands...
( La Malmaison, Cerny-en-Laonnois, Craonnelle, Soupir ... ).
Quant à la Caverne du Dragon, par delà
son caractère d'espace muséographique, c'est aussi un
monument, un lieu mémoire.
Dans une des pièces, au sol, des bandes lumineuses
se croisent.
Elles représentent les sillons de la terre
de l'Aisne mais aussi des croix.
A différentes hauteurs, des lumières
émergent, symbolisant l'âme des soldats tombés
pour leur pays.
La
creute et le Chemin des Dames se veulent donc des lieux de la mémoire
de l'offensive Nivelle, de la Grande Guerre, des soldats qui y ont
laissé leur jeunesse voire leur vie.
Bibliographie
sommaire
- "
Mémoires locales et mémoires nationales. Les monuments
de 1914 - 1918 en France ", dans Guerres mondiales et conflits
contemporains, n° 167, juillet 1992, pages 41 à 50.
-
Stéphane AUDOIN-ROUZEAU et Annette
BECKER, 14-18 Retrouver la guerre, Paris, Gallimard,
2000, 272 p.
-
Stéphane AUDOIN-ROUZEAU, "
La Grande Guerre, le deuil interminable ", dans Le Débat,
mars-avril 1999, n° 104, p. 117-130.
- Annette
BECKER, " Réflexions sur le quatre-vingtième
anniversaire de l'armistice en France, 1998 ", dans Forum
Guerra et Pace, Florence, 1999.
- BECKER
Annette, Les Monuments aux morts. Mémoire de la
Grande Guerre. S.1., Errance, 1988, 158 p.
- Annette
BECKER,
Olivier PELLETIER, Philippe
RIVE, Dominique RENOUX, Christophe
THOMAS, Monuments de Mémoire, les monuments aux
morts de la Grande Guerre, Mission permanente aux Commémorations
et à l'Information historique. Secrétariat d'État
aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre. Paris, La Documentation
française, 1991, 318 p.
- Rémy
CAZALS, Frédéric ROUSSEAU,
14-18, le cri d'une génération, Toulouse, Privat,
2001.
- PROST
Antoine, " Les Monuments aux Morts "
dans Les Lieux de mémoire, tome 1, " La
République ", sous la direction de Pierre
NORA. Paris, Gallimard, 1984.
|