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La mémoire de la Grande Guerre

Dossier élaboré par
Emmanuel VEZIAT
responsable du Service éducatif
de la Caverne du Dragon
et du Chemin des Dames

 





1. Pourquoi conserver la mémoire de la guerre ?

   Les conséquences de la Grande Guerre sont multiples et douloureuses :

  • des destructions matérielles considérables et donc un bilan financier de la Reconstruction très élevé ( 83 milliards de francs ont été payés aux sinistrés entre 1918 et 1928 ), sans compter les pensions ;
  • importance des pertes humaines ( près de dix millions de morts au total dans l'ensemble des pays en guerre ),
  • pratiquement toutes les familles, tous les vivants ont perdu un proche, un membre de leur famille au cours des combats.
    Tous ont donc, à des degrés divers un travail de deuil à accomplir
    .

   Pour toutes ces raisons, le conflit persiste longtemps dans les esprits, dans les mémoires.
   On n'arrive pas à oublier et l'on a aussi peur d'oublier.
   La France se sent alors un devoir de mémoire et multiplie, dès les années 1920, les cérémonies commémoratives en l'honneur de ses soldats, de ses enfants tombés au combat.

2. Les formes de la mémoire

   Au cours de l'Entre-deux-guerres, la quasi totalité des 36 000 communes de France va faire ériger sur son territoire un monument aux morts.
   Acheté sur catalogue et fabriqué en série ou commandé à un artiste, à un sculpteur renommé, il est la trace tangible de la guerre dans la commune.
   Ces monuments ne sont que des cénotaphes qui disent les noms des disparus et l'hommage des vivants à leur égard.
   Une inscription, une sculpture transmettent le message.

   Avec Antoine Prost, on peut alors proposer une typologie de ces monuments :

  • des monuments civiques, purement républicains et dépouillés, ;
  • des monuments patriotiques qui exaltent le sacrifice et/ou la gloire ;
  • des monuments funéraires qui expriment la douleur de ceux qui restent ;
  • des monuments pacifistes, beaucoup plus rares que les précédents, qui dénoncent la guerre.

   Le paysage de France se charge ainsi de transmettre la mémoire des morts aux vivants.

   Ces monuments sont également indissociables d'une cérémonie, celle du 11 novembre qui, à partir de 1922, n'est plus la fête de la Victoire, mais commémore l'armistice, le souvenir des morts.
   Au cours de cette cérémonie, le clairon joue la Sonnerie aux Morts et la Marseillaise, une ou des gerbes sont déposées, l'appel des noms est suivi de la mention « Mort pour la France », une minute de silence est observée.
   La Patrie, collectivement, fête donc ses héros, et ces quasi-funérailles nationales constituent la nouveauté commémorative amenée par la Grande Guerre.

   Enfin, les cimetières militaires sont un troisième temps de ces commémorations : sur les lieux mêmes des batailles reposent les corps.
   Ici, les vivants se rapprochent de leurs morts, au moins par la proximité physique.
   L'endroit est propice au recueillement individuel, à l'émotion personnelle vis-à-vis du disparu, ce que n'apporte pas le monument aux morts, vide de corps. Des tombes individuelles sont surmontées d'une stèle ( croix, étoile de David, calligraphie arabe ) qui s'efforce de respecter la confession de chacun.

   Tous ces lieux de commémoration deviennent alors des lieux sacrés, des lieux de la mémoire collective ou individuelle,

3. La mémoire au Chemin des Dames et à la Caverne du Dragon

   De nombreux monuments jalonnent le Chemin des Dames.
   Certains ont été érigés par des particuliers, d'autres, par des anciens combattants, par des associations, par des communes, ou encore par l'État.
   Ils commémorent une personne, une unité, une arme, une offensive, l'ensemble des combats du lieu voire, les morts de toutes les guerres.

   Ces monuments sont accompagnés par de nombreux cimetières où sont inhumés français, italiens, allemands... ( La Malmaison, Cerny-en-Laonnois, Craonnelle, Soupir ... ).

   Quant à la Caverne du Dragon, par delà son caractère d'espace muséographique, c'est aussi un monument, un lieu mémoire.
   Dans une des pièces, au sol, des bandes lumineuses se croisent.
   Elles représentent les sillons de la terre de l'Aisne mais aussi des croix.
   A différentes hauteurs, des lumières émergent, symbolisant l'âme des soldats tombés pour leur pays.

   La creute et le Chemin des Dames se veulent donc des lieux de la mémoire de l'offensive Nivelle, de la Grande Guerre, des soldats qui y ont laissé leur jeunesse voire leur vie.

Bibliographie sommaire

  • " Mémoires locales et mémoires nationales. Les monuments de 1914 - 1918 en France ", dans Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 167, juillet 1992, pages 41 à 50.
  • Stéphane AUDOIN-ROUZEAU et Annette BECKER, 14-18 Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000, 272 p.
  • Stéphane AUDOIN-ROUZEAU, " La Grande Guerre, le deuil interminable ", dans Le Débat, mars-avril 1999, n° 104, p. 117-130.
  • Annette BECKER, " Réflexions sur le quatre-vingtième anniversaire de l'armistice en France, 1998 ", dans Forum Guerra et Pace, Florence, 1999.
  • BECKER Annette, Les Monuments aux morts. Mémoire de la Grande Guerre. S.1., Errance, 1988, 158 p.
  • Annette BECKER, Olivier PELLETIER, Philippe RIVE, Dominique RENOUX, Christophe THOMAS, Monuments de Mémoire, les monuments aux morts de la Grande Guerre, Mission permanente aux Commémorations et à l'Information historique. Secrétariat d'État aux Anciens Combattants et Victimes de Guerre. Paris, La Documentation française, 1991, 318 p.
  • Rémy CAZALS, Frédéric ROUSSEAU, 14-18, le cri d'une génération, Toulouse, Privat, 2001.
  • PROST Antoine, " Les Monuments aux Morts " dans Les Lieux de mémoire, tome 1, " La République ", sous la direction de Pierre NORA. Paris, Gallimard, 1984.

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