Minotaure M-800 : réécriture collective et collaborative d’un mythe antique en classe de 6ème

Minotaure M-800 : une nouvelle écrite par une classe entière, gagnante du PRIX DE L’AFPEAH 2020 (NIVEAU COLLÈGE).

Réécriture collective et collaborative d’un mythe antique en classe de 6^ème

 Contextualisation :

 En classe de 6^ème, 24 élèves ont participé au concours organisé par l’association AFPEAH Association Française pour un Enseignement Ambitieux et Humaniste qui propose d’imaginer chaque année une réécriture d’un mythe de l’Antiquité gréco-romaine.

Ce prix littéraire s’adresse aux collégiens et aux lycéens et offre la possibilité d’envoyer une production individuelle ou celle d’une classe entière. Les participants peuvent choisir de retenir l’ensemble du mythe imposé ou seulement des éléments constitutifs. La production finale doit être une nouvelle d’environ 12000 signes, sans fautes d’orthographe. Les élèves peuvent choisir d’ancrer leur texte dans l’univers narratif de leur choix : réalisme, fantastiques, science-fiction…

Pour l’année scolaire 2019-2020, la figure mythologique retenue était le Minotaure. J’ai découvert l’existence de ce prix littéraire au mois d’août 2019 et j’ai décidé de concevoir ma progression pour aboutir à une séquence d’écriture longue entre janvier et février, la date limite pour envoyer la nouvelle étant fixée au 15 février 2020.

La figure emblématique du Minotaure me semblait particulièrement bien adaptée au travail effectué en 6^ème dans le cadre de la thématique « Le monstre à la limite de l’humain ».

Cette réécriture a été menée dans le cadre de l’heure hebdomadaire d’accompagnement personnalisé en français. Les élèves étaient encadrés par ma collègue, Mme Monnet, professeur de lettres modernes et moi-même, enseignante en lettres classiques. Nous avions souhaité que nos heures respectives d’accompagnement personnalisé soient placées sur le même créneau horaire afin de moduler les prises en charge des élèves (classe entière ou groupes). Nous travaillons en effet selon une pédagogie de projets : chaque période de l’année est consacrée à une réalisation en lien avec les séquences étudiées.

Objectifs :

• S’approprier les éléments constitutifs d’un mythe antique
• S’inspirer de divers auteurs pour rédiger une partie de d’une nouvelle
• Participer à un projet collectif et collaboratif
• Prendre conscience des lecteurs ou des destinataires du texte produit

La dimension «concours/prix littéraire » a motivé les élèves : la nouvelle produite n’était plus seulement un exercice scolaire mais un défi à relever avec honneur et fierté pour faire briller la classe et leur collège.

Objectifs réellement atteints :

Les 24 élèves ont tous participé à la rédaction d’une nouvelle intitulée « Minotaure M-800 » 

Minotaure M-800

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Chaque élève a rédigé au minimum trois paragraphes complets (certains de plus de 2000 caractères en une heure). Le travail a vraiment été collectif et même les élèves en difficultés ont vu au minimum une de leur proposition ou une phrase intégrée dans le texte final.

Le jury du concours littéraire composé de professionnels de la culture, de parents et de professeurs a attribué le prix national, niveau collège à la classe pour leur réécriture du mythe du Minotaure, dans l’univers de la science-fiction.

Compétences travaillées :

• Produire des écrits variés
• Améliorer sa production à partir de nouvelles consignes ou faire évoluer son texte.
• Adopter une attitude critique par rapport au langage produit
• Coopérer et réaliser des projets
• Participer à des échanges dans des situations diversifiées

Outils et méthodes :

Pour la phase d’écriture collective et collaborative, nous avons travaillé en salle informatique équipée d’un poste par élève.

J’ai choisi d’utiliser le site suivant UnLivreàPart qui permet à un professeur d’inscrire ses élèves sans collecter d’informations personnelles. Le site est gratuit et sans publicités. J’ai choisi de générer un code par élève et un code par groupe, les 24 membres de la classe étant répartis en huit trios.

Conçu par un informaticien passionné d’écriture, la plateforme propose une rédaction brute du texte sans mise en forme, les fautes d’orthographe ou grammaticales y sont signalées, mais non corrigées ni suggérées. Les élèves ont donc dû se concerter au sein de leur groupe pour tenter de résoudre les erreurs repérées par le site.

Un compteur permet d’indiquer le nombre de caractères et de mots. Cet élément a été déterminant dans la motivation des élèves et cela a créé une saine émulation entre les groupes. Ils ont vite compris que pour approcher des 12000 signes, il fallait se concentrer et être efficaces et productifs !

J’ai préféré utiliser ce site plutôt qu’un pad traditionnel car chaque élève peut rédiger personnellement le texte, je peux demander une correction et donner des conseils pour améliorer la production.

Après la validation de la participation corrigée, une phase de vote permet aux élèves de découvrir les textes de leurs camarades, de les commenter et de voter pour le meilleur extrait.

Le recours à cet éditeur de textes en ligne a donné confiance à certains élèves parfois bloqués dans le processus d’écriture : moins de découragement pour améliorer leur texte (déjà saisi lors de la séance précédente) et le repérage des répétitions a été facilité. Enfin, au fil des semaines, l’absence de ponctuation par exemple et les fautes d’orthographe ont été plus vite corrigées.

Déroulement :

Durant la seconde période, les élèves ont effectué des recherches documentaires sur des monstres de l’Antiquité gréco-romaine et ont réalisé en AP un cahier manipulable (lapbook) en binôme : préambule à une séquence intitulée « Monstres et héros » débutée en novembre. Voici quelques-unes de leurs productions : 

La séquence débute par la création de deux « nuages de mots » : une liste d’adjectifs pour décrire un monstre et les sentiments qu’éprouve un héros à sa vue. Le travail a été mené en groupe de quatre. (site utilisé : wordart)

Au cours de la séquence, les élèves ont lu et étudié :

• Thésée (comment naissent les légendes) - Yvan Pommaux (album – lecture intégrale en classe)
• Le combat de Zeus contre Typhon, Théogonie, Hésiode
• Cadmus contre le dragon, Les Métamorphoses (livre III), Ovide
• Persée sauvant Andromède du dragon, Les Métamorphoses (livre IV),, Ovide (Evaluation finale).
• Une lecture cursive axée sur les monstres de la mythologie gréco-romaine

Ces découvertes ont fait l’objet d’une présentation dans leur carnet de lecture.

La dernière semaine avant les vacances de Noël, une heure est consacrée à des recherches et un débat est organisé en classe pour décider de la thématique retenue et des éléments du mythe à conserver. Les élèves optent pour une transposition dans le futur : bateau volant, sabres-laser, planètes apparaissent dès cette première heure. Une fiche guide permet aux élèves d’organiser leurs premières idées : 

A la rentrée de janvier, les élèves ont étudié l’Odyssée en œuvre intégrale et chaque heure d’AP a été consacrée à l’écriture via le site https://www.unlivreapart.fr/

J’organise le travail en trois « chapitres » : chaque membre du trio est en charge d’une partie. Les élèves s’organisent au brouillon et chacun tape ensuite son extrait. Ils doivent relire leur production pour que tout s’enchaîne correctement. Ils améliorent leur production la semaine suivante avec les conseils donnés. Le texte est ensuite validé par le professeur et proposé au vote.

L’ensemble des questions posées aux élèves pour guider les étapes de l’écriture est disponible en annexe :

Trame d'écriture de la nouvelle Minotaure M-800 

Les plus-values pour les élèves : acteurs dans la découverte des apprentissages 

Selon eux, un « vrai » écrivain devait utiliser le passé simple dans son œuvre. La leçon sur les temps du récit a été vécue comme un outil concret pour améliorer leur texte.

 De même, un vote avait conduit à choisir un extrait dans lequel se trouvaient de nombreuses répétitions des mots labyrinthe et astéroïde. Après relecture du passage en classe entière, les élèves ont spontanément demandé comment éviter ces répétitions permettant ainsi de travailler sur les notions de synonymes et sur les pronoms de rappel.

 La phase d’écriture longue et de retour sur chaque partie de la nouvelle a permis aux élèves de prendre conscience qu’écrire est un travail de longue haleine et qu’il est nécessaire de revenir plusieurs fois sur son brouillon pour l’améliorer. Le recours raisonné au numérique a également aidé à rendre cet exercice nécessaire moins rébarbatif et décourageant.

Synthèse :

Limite d’une séquence d’écriture longue : essoufflement sur la durée pour quelques élèves qui ont peiné à trouver l’inspiration nécessaire pour rédiger des parties de l’histoire, malgré le soutien des camarades.

Les élèves ont été plus solidaires et surtout, plus à l’aise avec l’outil informatique : cela s’est avéré très utile durant la période de confinement.

Je pense qu’une séquence d’écriture longue et collaborative sera inscrite dans mon projet pédagogique pour la rentrée prochaine en 6^e.

De plus, intégrer un concours d’écriture dans le projet pédagogique annuel ne peut qu’être motivant pour les élèves.

Pour l’année scolaire 2020-2021, l’AFPEAH propose de travailler autour du personnage de Circé. Vous pouvez trouver les détails du règlement sur le site de l’association.

Le recours à l’écriture collective avec l’utilisation ou non du site unlivreàpart ou d’un pad collaboratif peut se pratiquer à tous les niveaux du collège.

La plateforme utilisée (https://www.unlivreapart.fr/) est bien adaptée à l’enseignement des lettres : l’option de vote par les élèves est enrichissante. De plus, ce vote est anonyme, seul le professeur a connaissance du nombre de points obtenus pour chaque texte. La possibilité de commenter leur choix est une option également très intéressante.

J’envisage l’an prochain de tester l’utilisation de cette plateforme pour les exercices de traduction collaborative en LCA.

 Limites :

Pour ce projet particulier, l’assemblage des textes (par groupes, puis pour la classe entière) a été très chronophage pour le professeur.

Il faut disposer d’un bon réseau informatique et d’un poste informatique par élève. 

Pour la phase d’écriture longue en AP, le travail en équipe avec ma collègue a été un plus dans l’encadrement des élèves et a permis d’avoir un premier regard extérieur à la classe sur la production.

La génèse détaillée du projet est disponible sur le site de l’AFPEAH.

Caroline Richalet, professeur de lettres classiques, Collège Françoise Dolto, Nogent (Haute-Marne)

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