Enseigner les deux guerres mondiales > Enseigner la première guerre mondiale > Le déclin de l'Europe
Retour
Menu

Le déclin de l'Europe
après la 1ère guerre mondiale

Retour




Introduction

   " Le déclin de l'Europe " est le titre d'un ouvrage publié en 1920 par le géographe français Albert Demangeon. Dépassant l'euphorie et l'illusion suscitées par la victoire française de 1918, il y analysait avec lucidité les différents aspects de la crise à laquelle s'est trouvée confrontée l'Europe au lendemain de la 1ère guerre mondiale sur le plan démographique, politique, économique, social et culturel, et il s'interrogeait sur la réalité et la profondeur du déclin dans lequel semblait vouloir s'enfoncer le vieux continent : déclin relatif et passager ou déclin irréversible ?

I. L'Europe est ruinée

1. Une Europe saignée, dépeuplée
et en déclin sur le plan démographique

   Le bilan démographique de la 1ère guerre mondiale en Europe comporte :
         - des aspects quantitatifs, en terme de surmortalité ( ~ 13 millions de morts ) et de déficit des naissances ( ~ 20 millions ), avec des effets durables puisque ce déficit va se répéter 20 ans plus tard avec l'arrivée à l'âge de la fécondité des classes creuses nées pendant la 1ère guerre mondiale ;
         - et des aspects qualitatifs, en terme de morbidité ( des millions de blessés et d'invalides ), de déséquilibre entre les sexes, de vieillissement de la population et de baisse de la population active masculine ( les morts et les invalides sont très majoritairement des jeunes de sexe masculin ).

2. Une Europe endettée sur le plan financier

   Le coût de la 1ère guerre guerre mondiale peut être évalué à environ 300 milliards de dollars dont les 3/4 à la charge de l'Europe.
   Il en résulte au lendemain du conflit dans tous les pays belligérants, un déficit de la balance commerciale et de la balance des capitaux, ainsi qu'un lourd endettement intérieur et extérieur des États aggravé par le coût de la reconstruction, et un affaiblissement des monnaies largement dévalorisées..

3. Une Europe dévastée sur le plan économique

   Les destructions ont affecté tous les secteurs de l'économie.
   Partout la production agricole et industrielle s'est effondrée, entraînant une situation de de pénurie.
   La main d'œuvre fait défaut au moment même où il faut entreprendre la reconstruction.
   Les circuits commerciaux d'avant-guerre ont été désorganisés. En particulier l'Europe a perdu de nombreux marchés dans le monde, marchés difficiles à reconquérir en raison de la concurrence américaine et japonaise.
   
La 1ère guerre mondiale semble avoir mis fin à la primauté de l'Europe dans le monde.
   Le centre de gravité du monde s'est déplacé hors d'Europe.

II. L'Europe reste profondément divisée

1. Les divisions sont idéologiques

   Les horreurs de la guerre et l'ampleur des pertes encourues entraînent un rejet des valeurs traditionnelles y compris des valeurs démocratiques, et une montée de l'individualisme, du scepticisme, de l'irrationnel.
   La révolution bolchevique et l'avénement de la Russie soviétique suscitent des réactions opposées : contagion révolutionnaire ( révolutions de type bolchevique à Berlin, Munich, Budapest, grèves de type insurectionnel en Italie, grèves générales dans plusieurs pays ), ou au contraire rejet du modèle bolchevique ( politique du " cordon sanitaire " et répression des révolutions te type bolchevique ),
   Les contre-coups de cette révolution entraîne partout une scission au sein du mouvement ouvrier opposant socialistes et communistes, et la peur du " péril rouge " constitue un terreau favorable à l'éclosion de mouvements nationalistes, voire fascistes.
.

2. Les divisions sont sociales

   La guerre a exaspéré les clivages sociaux. Un fossé s'est creusé entre les enrichis de la guerre, ceux qu'on appelle les " nouveaux riches ", et les laissé pour compte, c'est-à-dire les salariés confrontés à la vie chère et au chômage, et les classes moyennes qui se sentent déclassées, prolétarisées par la dévalorisation des monnaies.
   Elle a généré des frustrations qui s'expriment à travers la multiplication des grèves, la montée de la violence, l'apparition de groupes paramilitaires.

3. Les divisions sont politiques et ethniques

    Dans l'Allemagne vaincue, humiliée par le diktat de Versailles, s'installe une rancœur révisionniste et revancharde principalement tournée contre la France.
   Les pays vainqueurs ont bien du mal à surmonter leurs divisions : la rivalité franco-britannique s'affiche dans tous les domaines ; l'Italie se déclare frustrée par ce qu'elle considère être une " victoire mutilée ".
   L'émiettement de l'Europe centrale résultant du démembrement de l'Empire austro-hongrois et de la création de nouveaus Etats, n'y a pas résolu le problème des minorités ethniques.

III. L'Europe perd la première place dans le monde

1. L'Europe est confronté e à l'émergence des pays neufs

   A la faveur de la 1ère guerre mondiale, l'hégémonie des Etats-Unis s'est affirmée dans tous les domaines.
   Seuls et grands vainqueurs de la guerre, les Etats-Unis et le Japon se posent désormais en concurrents de l'Europe

2. L'Europe devient dépendante des États-Unis

   L'Europe qui était le banquier du monde, est devenue dépendante sur le plan financier ( endettement vis à vis des États-Unis en particulier ), sur le plan monétaire ( le dollar supplante la livre-sterling et le franc ) et sur le plan économique ( aide américaine à la reconstruction ).

3. La puissance des métropoles européennes est ébranlée

   La guerre a aussi révélé la dépendance des métropoles vis à vis de leurs colonies : soldats, main d'œuvre, matières premières.
   Elle a réveillé le nationalisme indigène conforté par l'idéalisme wilsonien et la révolution bolchevique.
   Elle a déclenché un mouvement vers la décolonisation difficile à contenir.

IV. Le déclin de l'Europe doit cependant être relativisé

   La 1ère guerre mondiale a réduit la puissance de l'Europe, accéléré la montée de forces neuves et distendu ses liens avec le reste du monde. …
   MAIS...

1. Ce déclin est passager

   Dès 1921, la reprise économique s'affirme. La reconstruction est bien avancée. La production retrouve et dépasse le niveau d'avant-guerre. Les échanges reprennent et l'Europe reconquiert une partie des marché perdus pendant la guerre.
   La puissance coloniale de l'Europe se trouve renforcée par le système des mandats.

2. Ce déclin est limité

   L'Europe retrouve son potentiel économique. Elle conserve son influence politique et diplomatique, en raison du retour des États-Unis à l'isolationnisme.
   Son rayonnement culturel n'est pas entamé.
   Dans la plupart des pays européens, le déclin est sectoriel : surtout démographique en France ; surtout économique en Grande-Bretagne.

3. Ce déclin est relatif

   L'Europe ne régresse pas ; c'est l'essor des Etats-Unis et du Japon qui est devenu plus rapide.
   L'Europe doit désormais partager les marchés mondiaux avec de nouveaux venus.

Conclusion

   Du fait du relatif effacement des États-Unis qui sont retournés à leur isolationnisme traditionnel, l'Europe a l'illusion en 1920 de rester au cœur de la scène diplomatique mondiale à travers la Société des Nations où elle est en position dominante.
   Cette illusion, confortée par la prospérité retrouvée des années 1920, va pourtant bientôt se heurter à l'épreuve de la crise des années 1930 et d'une nouvelle guerre généralisée.

Menu

© CRDP de Champagne-Ardenne, 2000
Tous droits de traduction, de reproduction
et d'adaptation réservés pour tous pays.