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Les Tziganes
par Roger BOULANGER


 



1/ Généralités et terminologie

   Entre les années 800 et 1000 une minorité ethnique nomade migra du nord-ouest des Judes vers l'Europe.
   En Allemagne on appela leurs ressortissants Zigenner.
   En France il étaient des Bohémiens, en Espagne des Tsiganes et des Gitanos, en Italie des Zingari, en Angleterre des Gipsies.
   En Hongrie on les désignait comme Pharaon nepek, le peuple de Pharaon, car on les croyait Égyptiens.
   Il est aujourd'hui prouvé que les Tsiganes sont d'origine indienne et viennent du Sindhî, royaume de l'Inde situé sur les rives et le delta du Bas-Indus ( Sind est le nom hindou de l'Indus ).
   Les groupe ethnique de Tziganes qui immigra au 14e siècle dans les régions de langue allemande fut pour cette raison dénommé Sinti.
   La langue tsigane présente la plus grande analogie avec l'hindoustani et le persan, langues indo-européennes.

2/ En Allemagne, du Moyen Age au 20e siècle

   À partir du 15e siècle, des groupes de Tsiganes d'une certaine importance pénétrèrent dans les régions germanophones où en raison de la singularité de leur aspect, de leur langue et de leur culture, ils se heurtèrent la plupart du temps à une grande méfiance.
   Ils furent suspectés d'être des espions turcs et le Reichstag, la Diète de l'Empire, les mit hors la loi ( vogelfrei ), c'est à dire qu'ils ne bénéficiaient plus de la protection des lois et qu'il pouvaient être envoyés au supplice sans jugement.
   Dans les siècles suivants, les États allemands promulguèrent des centaines d'édits contre les Tsiganes qui passaient pour une « calamité », pour des cannibales, des ravisseurs d'enfants, des empoisonneurs au sens propre et au sens figuré.
   On organisa des battues pour se saisir d'eux. Ils étaient chassés, marqués au fer rouge ou exécutés sans autre forme de procès.
   En 1899, on créa à Munich un « Office pour la lutte contre les activités des Tsiganes » qui centralisa les identités, les photos et les empreintes digitales de plus de quatorze mille Tsiganes jusqu'en 1926.
   Le 16 juillet 1926, la République de Weimar publia une « loi destinée à combattre les Tsiganes, les vagabonds et les rétifs au travail », loi que les nazis exploitèrent à fond à partir de 1933.

3/ Dans l'Allemagne hitlérienne à partir de 1933

   Dès leur arrivée au pouvoir, les nazis étayèrent cette loi par une pseudo-science appelée « Tsiganologie » qui déclara les Tsiganes « racialement inférieurs » ( rassisch nimberwertig ) à cause de leurs ancêtres asiatiques et « d'une autre espèce ».
   La population fut mise en garde contre tout métissage.
   À partir du milieu les années 30, un Service de recherches biologiques et raciales mena à Berlin des investigations de nature biologique et hériditaire sur des Tsiganes métissés, pour conclure que les Tsiganes métissés au 1/4 ou au 1/8e présentaient un ensemble de caractères héréditaires très médiocres.
   Des milliers de descendants de Tsiganes furent répertoriés ; un grand nombre d'entre eux étaient alors intégrés dans la société allemande depuis des générations, servaient dans l'armée allemande, ou étaient même membres du parti nazi ( NSDAP ).
   Certains furent internés dans des camps de concentration à une époque où la plupart des Juifs métissés ne l'étaient pas encore.
   Une circulaire du 8 décembre 1938 de HIMMLER ordonna le recensement intégral des Tsiganes alors que les lois raciales de Nuremberg promulguées le 15 septembre 1935 ne les mentionnaient pas expressément.
   Comme les Juifs, ils furent privés de la citoyenneté allemande ( Reichs bürgerschaft ).
   Depuis 1933, les Tsiganes étaient souvent rassemblés dans les camps de regroupement.
   À partir de 1936, ils furent de plus en plus fréquemment internés dans des camps de concentration en particulier à Dachau.
   À partir de 1940, ils furent déportés par milliers dans les ghettos de la Pologne occupée en application de l'ordonnace du 27 avril 1940 dite de transplantation ( unsiedlungs erlass ).
   Le 16 février 1942, HIMMLER ordonna l'internement de tous les Tziganes et de tous les Tziganes métissés dans le camp d'extermination de Auschwitz-Birkenau.
  « L'élimination totale » ( Liquidierung ) était son objectif.
  Les uns furent gazés, les autres succombèrent victimes soit du programme intitulé « extermination par le travail », soit d'épidémies.
   D'autres encore moururent au cours d'expériences humaines menées par MENGELE, médecin SS.
   Les jumeaux servirent de « matériau d'expérimentation », et des méthodes nouvelles de stérilisation furent expérimentées sur les tsiganes.
   Les persécutions nazies coûtèrent la vie à au moins 220 000 Tsiganes.

4/ Après la 2e guerre mondiale

   Les survivants luttèrent souvent en vain pour être reconnus comme victimes du terrorisme nazi.
   Leurs souffrances furent longtemps occultées par les 5 millions de victimes juives de la solution finale.
   Les vieux préjugés agirent au delà de la fin du Troisième Reich.
   Dans les années 70, les autorités allemandes travaillaient encore avec des documents et des dossiers en provenance des institutions nazies chargées de combattre le « fléau tsigane ».

POUR EN SAVOIR PLUS

   - Denis PESCHANSKI, avec la collaboration de Marie-Christine HUBERT et Emmanuel PHILIPPON, Les Tsiganes en France 1939-1946, Éditions du CNRS, 1994.
   - Évelyne PY, Les Tsiganes en France, Mémoire-Info, dossier en ligne sur le site Mémoire Net, janvier 2003.
http://www.memoire-net.org/article.php3?id_article=135
   - Laure DEVOUAST, " Le règlement de la question tsigane en Allemagne et en France occupée ", Le Patriote résistant, n° 732, octobre 2000.
   - " La mémoire effacée et retrouvée du camp « modèle » des Gitans ", Le Monde, 9 mai 2001.
   Entre 1942 et 1944, 700 Gitans venus de toutes les régions de France ont été regroupés et internés dans le camp de Saliers, sur la commune d'Arles.
   - Mathieu PERNOT ( sous la direction de ), Un camp pour les bohémiens, textes d'Henriette ASSÉO et Marie-Christine HUBERT, Actes Sud, 2001.
   - " L'internement des Tsiganes en France 1939-1946 ", dossier, Ministère de la Défense, Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives, Les Chemins de la Mémoire, n° 108, juin 2001.
   - Henriette ASSÉO, " L’extermination des Tsiganes ", in Stéphane AUDOIN-ROUZEAU, Annette BECKER, Christian INGRAO, Henry ROUSSO ( sous la direction de ), La violence de guerre 1914 - 1945, Bruxelles, Complexe, 2002.
   - Guenter LEWY, La persécution des Tsiganes par les nazis, collection Histoire, Les Belles lettres, 2003.
   - Emmanuel FILHOL, La mémoire et l'oubli. L'internement des Tsiganes en France 1940-1946, Paris, L'Harmattan, 2004.
   - Emmanuel FILHOL et Jacques SIGOT, La mémoire et l'oubli : L'internement des tsiganes en France 1940-1946, Paris, conférence du 2 juin 2004 organisée par le Cercle d'étude de la déportation et de la Shoah.
http://aphgcaen.free.fr/cercle/tsiganes.htm
   - André ROGERIE ( général ), " Le cri des Tsiganes ", Le Patriote Résistant, août 2004.
http://www.fndirp.asso.fr/tsiganes.htm

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