Les chefs des gouvernements
alliés occidentaux, TRUMAN, CHURCHILL
et de GAULLE
avaient décidé d'attendre le mardi 8 mai à
15 heures, pour
annoncer officiellement la victoire.
Les correspondants de guerre présents, à Reims
le 7 mai,
s'étaient engagés à ne pas divulguer la nouvelle avant cette date.
Mais, le chef du bureau de l'Agence
Associated Press de Paris, Edward
KENNEDY, ne respecta pas la consigne, et la
nouvelle commença à se répandre officieusement.
Néanmoins, comme les autres Français, beaucoup
de
Rémois, n'ont eu connaissance de la signature à Reims
le 7 mai 1945 de la capitulation allemande, que
le 8 mai après-midi, à 15 heures, en écoutant à la radio
le chef du gouvernement provisoire, le général
de GAULLE.
Les témoignages
que j'ai pu recueillir en
1985 ( 1 ) auprès
de Rémois qui habitaient, en
mai 1945,
à proximité ou même à l'intérieur du collège moderne et technique
où fut signée la capitulation, ainsi que les journaux
de l'époque, les rapports
des Renseignements généraux, de la Gendarmerie et de la Police sur
l'état de l'opinion publique, révèlent que la
victoire de 1945 a eu relativement peu de retentissement à Reims et
dans la Marne (
2 ).
C'est ainsi que, dans le rapport mensuel du Commissariat
central de Reims daté du
24 mai 1945, on pouvait lire la mention suivante :
Événements
particuliers
Mois de mai 1945 :
Rubrique n'ayant plus lieu d'exister » ( 3 ).
La plupart des témoins
que j'ai interrogés en 1985, lorsque je travaillais sur le film 7
mai 45, utilisaient le terme d' armistice pour parler de la capitulation allemande, un mot que l'on retrouve
aussi dans un certain nombre de rapports de police de l'époque, réminiscence
sans doute de la 1ère guerre mondiale,
et qui hélas perdure.
Plusieurs d'entre eux avaient également tendance à mélanger, ou à confondre dans leurs témoignages, les
souvenirs de la libération du département intervenue à la fin du mois d'août 1944, et ceux de la victoire de
mai 1945.
Si la
victoire de
1945 n'a pas été ressentie et célébrée comme la
victoire de 1918 par les Rémois et les Marnais, c'est parce
qu'elle est intervenue alors que la ville et le département, libérés
depuis plus de huit mois, se
trouvaient relativement éloignés du théâtre des opérations,
tandis qu'ils avaient été en première ligne durant toute la durée
de la 1ère guerre mondiale.
Alors que l'armistice du 11 novembre 1918 avait mis fin à une 1ère
guerre mondiale dont on redoutait qu'elle puisse encore durer, la
capitulation allemande de mai 1945, même si elle a été
finalement acquise dans la précipitation et l'improvisation, n'a
créé aucune surprise dans la mesure où elle était prévisible,
annoncée, attendue, après les capitulations partielles
acquises en Italie du Nord et en Allemagne du Nord.
Le
4 mai 1945, le préfet de la Marne avait adressé aux sous-préfets
un télégramme qui devait être immédiatement transmis aux maires de leur arrondissement,
et qui exposait le dispositif prévu par le ministère de l'Intérieur, à appliquer dès
l'annonce officielle de «
la cessation des hostilités » dans toutes les communes
du département.
Le lendemain, les instructions
détaillées, avec lieux de rassemblements, itinéraire et
horaires du «
grand défilé » et des «
réjouissances populaires » prévus pour célébrer la
victoire à Reims, furent publiées dans le journal L'Union ( 4 ) . Ne manquait que la date !
Dans ces conditions, les manifestations populaires ne
pouvaient pas avoir le même caractère spontané d'explosion de joie qui avait salué la libération du département à
la fin du mois d'août et au
début du mois de septembre 1944.
Dans
l'après-midi du 8 mai 1945, à
15 heures, au moment où retentirent partout les sirènes et les cloches
des églises, la population descendit dans les rues, sur
les places publiques, devant les mairies, pour écouter l'annonce
officielle de la capitulation allemande faite à la
radio par le général de Gaulle et diffusée par des haut-parleurs.
Farandole
spontanée devant la gare SNCF de Reims
le 8 mai 1945 après l'annonce de la victoire
photographiée par L. Hourdeaux
( Daniel PELLUS, La Marne dans
la guerre 1939-1945, Horvath, 1987 )
L'annonce
de la capitulation dans une édition spéciale
de L'Union, organe du Comité départemental de
la libération nationale,
datée du 8 mai 1945 et diffusée en fin d'après-midi
Les monuments publics et les maisons furent rapidement pavoisés aux couleurs de la France et des pays alliés.
Dans la soirée, des retraites aux flambeaux parcouraient les rues illuminées,
et des veillées étaient organisées devant
les monuments aux morts avec la participation des jeunes
de la préparation militaire.