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Les Marnais, l'effacement de la France
et le mythe du partage de Yalta


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   Selon le rapport mensuel du mois de mai 1945 des Renseignements généraux sur l'état de l'opinion marnaise 1 ), une partie des Marnais considérait que la France devait absolument s'imposer à ses alliés et réclamer la part qui lui revenait dans la victoire commune, tandis que d'autres s'inquiétaient des tensions qui se faisaient jour parmi les vainqueurs, pas seulement celles qui divisaient les alliés occidentaux et soviétiques, mais aussi celles qui opposaient Français et Britanniques au Liban et en Syrie.

   Les classes moyennes, les notables et les milieux cléricaux redoutaient que l'alliance franco-soviétique, conjuguée avec le renforcement du Parti communiste, ne conduisît à une « bolchevisation » générale.

   Mais la majorité des Marnais se détournaient des problèmes extérieurs, se désintéressaient de la guerre qui se poursuivait en Extrême-Orient et dans laquelle, pourtant, la France se trouvait impliquée en Indochine, considéraient que le sort de la France avait été définitivement réglé à Yalta par les alliés américains, soviétiques et britanniques, et se résignaient à admettre que notre pays passait désormais aux yeux du monde pour une puissance secondaire.

   Ainsi, dès cette époque, le mythe du partage de Yalta était enraciné dans la mémoire collective des Marnais.
   Ce mythe fut entretenu aux États-Unis, dès la fin de la guerre, par les Républicains qui accusèrent le président démocrate ROOSEVELT, décédé en avril 1945, d'avoir délibérément, à Yalta en février 1945, livré l'Europe orientale à STALINE, au terme d'un lâche marchandage.

   En réalité, si partage il y a eu, ce n'est pas à Yalta en février 1945, mais en octobre 1944 à Moscou, où CHURCHILL et STALINE ont esquissé un partage de l'Europe, partage d'influence davantage que de souveraineté proprement dite, et correspondant à la situation militaire sur les deux fronts de l'Ouest et de l'Est.

   En réalité, la conférence de Yalta n'avait fait que prendre acte du rapport des forces sur le terrain, alors que la guerre n'était pas achevée, dans une Europe qui était en voie d'être totalement libérée à l'Est par l'Armée rouge et à l'Ouest par les armées anglo-saxonnes.

   Il faut rappeler que la 2ème guerre mondiale n'a pas interrompu le rythme des élections aux États-Unis où tous les deux ans sont renouvelés la totalité des représentants ( députés ) et un tiers des sénateurs, et où les élections présidentielles se déroulent tous les quatre ans.
   Aux États-Unis en temps de guerre, peut-être plus qu'ailleurs, les dirigeants, parce qu'ils sont comptables des vies humaines devant les électeurs, doivent impérativement donner des gages qu'ils font tout leur possible pour hâter la fin du conflit et économiser, épargner la vie de leurs soldats.

   ROOSEVELT était bien conscient, en 1945, qu'il ne pouvait pas, à la différence de STALINE en Union soviétique, assumer devant le peuple américain, des millions de morts.
   Pour lui et les dirigeants américains, l'alliance avec l'URSS, même si certains continuaient à penser qu'elle était contre nature, apparaissait au moment de Yalta comme incontournable, non seulement pour assurer la victoire en Europe, mais aussi en Extrême-Orient face aux Japonais.

   En février 1945, les Américains, qui ne maîtrisaient pas encore la bombe atomique, étaient venus solliciter de STALINE, à Yalta, l'engagement que l'Union soviétique déclarerait la guerre au Japon dès que la victoire serait acquise en Europe, et avaient obtenu de lui qu'il signât la Déclaration sur l'Europe libérée prévoyant l'organisation d'élections libres dans tous les territoires libérés par les Alliés.
   ROOSEVELT, décédé en avril 1945, ne peut donc pas être tenu pour responsable du non respect par STALINE, après la guerre, des engagements pris en février 1945 à Yalta.

   En France, c'est le général de GAULLE, chef du Gouvernement provisoire de la République française, qui a contribué à installer le mythe du partage de Yalta.
   Les Alliés, en particulier les Américains, avaient toujours entretenu des rapports difficiles et tendus avec le chef de la France libre, et avaient refusé que la France soit représentée à la Conférence de Yalta, puis à la Conférence de Potsdam de juillet 1945, chargée de préciser le sort de l'Allemagne vaincue.
   De GAULLE, qui voulait redonner à la France son rang de grande puissance, et qui considérait que notre pays pouvait retrouver ce rang en se plaçant en position d'arbitre entre les Alliés américains et britanniques d'une part, et les Soviétiques d'autre part, en conserva un vif ressentiment, et considéra que ce qui avait été décidé à Yalta sans la France augurait mal de l'avenir et n'engageait pas notre pays.

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