LES
OBJECTIFS
Au
nombre de deux, ils sont étroitement liés l'un à
l'autre :
1/ Au
niveau national
Il
s'agit de rétablir le moral des Français las de trois
années de guerre.
En effet, les belligérants occupent, depuis
1915, des positions de part et d'autre d'une ligne de front qui se
stabilise peu à peu.
Aucune bataille n'a permis de remporter une victoire
réellement décisive pour l'issue de la guerre.
2/ Sur
le plan militaire
Il s'agit de réaliser
une percée et une rupture décisive du front pour ensuite
l'exploiter, reprendre la guerre de mouvement et remporter la victoire.
LES
ACTEURS
1/ Les
troupes alliées
Le
général NIVELLE, général en chef
Polytechnicien
et artilleur, c'est un fervent partisan de la stratégie offensive
avec un recours massif à l'artillerie.
Il est perçu comme l'un des artisans de la
victoire de Verdun en 1916, car il s'est illustré notamment
lors de la reprise du fort de Douaumont.
Il prend la succession de Joffre le 16 décembre
1916.
Les
hommes
Environ
1 200 000 hommes massés sur 40 km de front à la
veille de l'offensive.
Au total, près de 2,5 millions d'hommes sont
passés par le Chemin des Dames.
Pour l'offensive, les troupes sont réparties
dans trois armées :
- VIe
Armée du général MANGIN : 17 divisions
d'infanterie réparties en 5 corps ( nombreuses troupes
coloniales : zouaves, tirailleurs ... ), une division de cavalerie
et une division territoriale, ;
- Ve
Armée du général MAZEL : 16 divisions d'infanterie
réparties en 5 corps avec une division de cavalerie, deux brigades
russes et 5 groupes de chars lourds, ;
- Xe
Armée du général DUCHENE en réserve pour
exploiter la percée.
2/ Les
troupes allemandes
VIIe
armée du général Von BEOHM ( couvre
la ligne Soissons-Reims ) qui relève du groupe du Kronprinz
( état-major à Charleville ).
Environ 14 divisions sur le front
que les français vont attaquer.
LES
MOYENS MATÉRIELS
1/ Du coté français
Artillerie
5 360 canons de tous calibres,
soit :
- 1 650
pièces lourdes et 160 pièces d'artillerie lourde
de grande puissance ( en moyenne, une pièce tous les 22
mètres ) ;
- 2 000
pièces de 75 et 1 550 mortiers de l'artillerie de
tranchée pour ( en moyenne, une pièce pour tous
les 11 mètres ).
Moyens
aériens
500 avions et 39 ballons d'observation
pour les reconnaissances et les réglages d'artillerie.
2/ Du
coté allemand
400
à 600 batteries environ de 4 pièces chacune ( d'après
Abel FERRY, député des Vosges ).
TACTIQUE
MISE EN OEUVRE PAR NIVELLE
NIVELLE
applique la tactique mise en oeuvre à
Douaumont.
Il s'agit donc de concentrer les tirs d'artillerie
en préparation de l'assaut des fantassins : l'artillerie conquiert
le terrain, les fantassins l'occupent.
Le feu roulant des canons devait donc détruire
les positions ennemies, fussent-elles fortifiées, et devait
aussi aveugler les sorties des souterrains.
Selon cette logique, le relief des lieux ne constituait
pas une difficulté pour les assaillants.
Les plans prévoyaient ainsi une percée
réalisée en 24 heures avec une ville de Laon délivrée
le soir de l'offensive.
Celle-ci débute donc le 16 avril 1917, à
6 heures du matin.
Mais, à 7 heures, elle était perdue
selon le député YBARNEGARAY
qui participa aux opérations en tant que
chef de bataillon.
BILAN
DE L'OFFENSIVE
Cette
offensive se solde par un véritable échec dans la mesure
où les unités n'obtiennent que des gains territoriaux
minimes et au prix de lourdes pertes.
La percée escomptée, la rupture, n'est
donc pas réalisée et durant un mois de combats, environ
52 000 hommes ont été tués et 213 000 faits prisonniers
ou blessés.
LES
RAISONS DE L'ÉCHEC DE L'OFFENSIVE
C'est
un faisceau de causes qui est à l'origine de l'échec
de l'offensive
1.
Le front choisi pour l'offensive est beaucoup plus large que celui
de Douaumont où Nivelle avait expérimenté sa
tactique.
2.
L'effet de surprise espéré par Nivelle ne peut jouer
car, le 4 avril, un sergent-major du 3ème zouave est fait prisonnier.
Il avait, sur lui, les plans d'engagement de son unité...
3.
Malgré cela, le principe de l'attaque n'est pas remis en cause.
Les préparatifs se poursuivent et, en dépit des efforts
de camouflage, masser de tels moyens sur 40 km de front ne peut passer
inaperçu aux yeux de l'ennemi ( moyens aériens
et possibilités d'observation depuis le Plateau de Californie ).
4.
Les Allemands ont donc considérablement renforcé leurs
défenses :
- Depuis
mars 1917, les troupes allemandes ont opéré un repli
stratégique derrière la ligne Hindenburg. Le front
se trouve donc réduit d'environ 70 km si bien qu'un quinzaine
de divisions peuvent être redistribuées pour appuyer
certaines positions.
- Grâce
aux éléments vus précédemment, les Allemands
ont pu renforcer le caractère de forteresse inexpugnable
attribué au Chemin des Dames. Les cavités sont truffées
de mitrailleuses, des galeries souterraines permettent de relier
différents points, différentes lignes de défense,
des abris ont été bétonnés, etc...
5.
Les conditions météorologiques sont très mauvaises
( pluie,
neige et froid ).
Cela
a plusieurs conséquences :
- Les
avions n'ont pu repérer efficacement les défenses
allemandes, d'autant plus qu'ils n'ont pas la maîtrise du
ciel et que la plupart des positions sont enterrées. Les
réglages d'artillerie sont donc très imprécis
et les tirs ne détruisent que très partiellement les
lignes de défense allemandes. La conquête du terrain
qui devait être obtenue par les canons n'est donc pas réalisée
et les fantassins se lancent à l'assaut de positions ennemies
souvent intactes.
- Pour
les fantassins originaires des colonies, de telles conditions météorologiques,
auxquelles ils ne sont pas acclimatés, font qu'ils sont très
largement amoindris quant à leurs capacités physiques.
6.
Nivelle refuse d'interrompre son offensive malgré son échec
patent.
7.
Cette offensive a été réalisée sans liaison,
sans coordination avec les fronts italien et russe.
LES
CONSÉQUENCES DE L'ÉCHEC
Cet
échec est à l'origine d'un très fort sentiment
de déprime, voire de colère à l'arrière
comme à l'avant.
Dès mai 1917, des soldats refusent de monter
au front car, notamment, ils jugent les assauts inutiles et trop meurtriers.
La répression de ces mutineries a entraîné
l'exécution de quarante neuf personnes.
Tout
cela fait que le Chemin des Dames a subi pendant plusieurs décennies,
et parfois même encore aujourd'hui une image négative
liée à la défaite et au déshonneur militaire.
Cette épisode de la Grande Guerre suscite
toujours des débats, des polémiques comme celle qui
opposa, en novembre 1998, le Président de la République,
Jacques CHIRAC
au Premier Ministre, Lionel JOSPIN,
au sujet de la « réintégration - réhabilitation
» des mutins dans la mémoire collective.
LES
TRACES ACTUELLES DE L'OFFENSIVE
Un
certain nombre de paysages actuels du Chemin des Dames sont en grande
partie hérité de la guerre et en ont conservé
les stigmates.
Le
sol du Plateau de Californie est retourné, bouleversé.
Des tranchées sont toujours visibles.
Des morceaux de ferrailles, de barbelés,
des obus continuent, petit à petit à être rendus
par la terre.
Des villages ont été déplacés
: c'est notamment le cas de Craonne associé dans les esprits
aux mutineries et à la défaite.
D'autres communes comme Ailles n'ont pas été
reconstruites et leur souvenir ne subsiste plus que par un monument
et un nom désormais accolé à celui d'un autre
village, Chermizy.
Tout
cela constitue autant de témoignages de la dureté des
combats au Chemin des Dames et en particulier lors de l'offensive
Nivelle.
|