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Les traités de paix
1919-1920

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Traités
Dates
Pays vaincus
Territoires perdus...
... au profit de








1919








Allemagne

Alsace-Lorraine

Cantons d'Eupen et Malmédy

Schlesvig

Posnanie, Haute-Silésie
et corridor de Dantzig

îles Marshall, Mariannes, Carolines

Togo et Cameroun

Sud-Ouest africain
et Afrique orientale

France


 Belgique

Danemark

Pologne


 Japon


 France


Royaume-Uni

1919
Autriche
Galicie

Bohême, Moravie

Trieste, Trentin

Slovénie, Dalmatie Bosnie
-Herzégovine
( Istrie)
  
 Pologne

 Tchécoslovaquie

 Italie


 Yougoslavie
 
Traité
de Trianon
1920
Hongrie
Transylvanie

Slovaquie et Ruthénie

Croatie
 Roumanie

 Tchécoslovaquie

 Yougoslavie


1919


Bulgarie
Macédoine du Nord

Dobroudja

Thrace centrale
 Yougoslavie

 Roumanie

 Grèce




1920




Turquie

Thrace orientale
et région de Smyrne
en Asie-Mineure

Arménie turque
et Kurdistan

Syrie et Liban

Palestine, Transjordanie, Irak,
et Koweit

 
 
Grèce


devaient accéder à l'indépendance

France

 Royaume-Uni
( mandats confiés par la SDN )

1/ Le sort de l'Allemagne vaincue :
des clauses sévères et humiliantes
qui alimentent un esprit de revanche

   Signé dans la Galerie des glaces du château de Versailles ( où avait été proclamé en janvier 1871 l'Empire allemand ) le 28 juin 1919 ( 5ème anniversaire de l'assassinat de Sarajevo ), le traité de Versailles qui règlait le sort de l'Allemagne vaincue était le plus important des traités qui ont mis fin à la 1ère guerre mondiale.
   Il était le résultat d'un compromis entre des vainqueurs très divisés.
   Il était constitué de toute une série de clauses territoriales, militaires, morales, économiques et financières très sévères, qui ont été imposées unilatéralement à l'Allemagne.

          a ) Les clauses territoriales :  L'Allemagne perdait 1/7ème de son territoire et 1/10ème de sa population.
   
   À l'Ouest, l'Allemagne devait restituer à la France les trois départements d'Alsace-Moselle et céder à la Belgique les cantons d'Eupen et Malmédy.
   La partie nord du Schleswig, annexée par la Prusse en 1865, était rattachée au Danemark à l'issue d'un référendum.
   La Sarre était séparée de l'Allemagne pour une période de 15 ans durant laquelle elle allait être administrée par la Société des nations tandis que son charbon serait exploité par la France à titre de dédommagement ( en 1918, avant de battre en retraite, les Allemands avaient inondé les mines du Nord-Pas de Calais ). A l'issue de cette période de 15 ans, les Sarrois devaient décider par référendum de leur retour à l'Allemagne ou de leur rattachement à la France. En 1935, ils ont voté massivement pour leur retour à l'Allemagne.

   À l'Est, pour permettre la reconstitution d'un Etat polonais disposant d'un accès à la Mer Baltique, l'Allemagne devait céder la Posnanie et une partie de la Prusse orientale correspondant au corridor de Dantzig qui séparait la Prusse orientale du reste de l'Allemagne.
   Le port allemand de Dantzig devenait une « ville libre » placée sous le contrôle de la Société des nations et par laquelle les Polonais pouvaient accéder à la Mer Baltique.
   La Haute-Silésie fut partagée entre la Pologne et l'Allemagne à l'issue d'un référendum favorable aux Allemands, mais qui avait entraîné un soulèvement polonais.
   Conformément à l'article 99 du traité de Versailles, l'Allemagne devait renoncer au port de Memel situé en Prusse orientale, au profit des pays de l'Entente. Memel fut occupé par les troupes françaises du général ODRY chargé d'en administrer le territoire avec l'aide d'un haut-commissaire civil, puis fut annexé par la Lituanie en 1923. Placés devant le fait accompli et empêtrés dans la crise internationale provoquée par l'occupation de la Ruhr, la France et ses alliés acceptèrent de transférer à la Lituanie la souveraineté de Memel qui disposait cependant d'une certaine autonomie. Son territoire sera annexé par Hitler en mars 1939.

   Au Sud, l'Allemagne se voyait interdire toute fusion avec l'Autriche ( Anschluss ) de langue allemande. Balayant cette interdiction, Hitler a rattaché l'Autriche à l'Allemagne en mars 1938.

   Outre-mer, l'Allemagne perdait la totalité de ses colonies d'Océanie et d'Asie
.

          b ) Les clauses militaires exigées par la France

   Des clauses de garantie engageant le Royaume-Uni et les États-Unis à intervenir aux côtés de la France en cas d'une nouvelle agression allemande devaient être annexées au traité de Versailles, mais n'ont jamais été ratifiés.

   Les troupes alliées devaient occuper temporairement
la rive gauche du Rhin :
        - la zone de Mayence, frontalière de la France pendant 15 ans ;
        - la zone de Coblence pendant 10 ans ;
        - la zone de Cologne pendant 5 ans.

   Toute la Rhénanie devait être démilitarisée, c'est-à-dire la rive gauche du Rhin, mais aussi une bande de territoire de 50 km sur la rive droite.

   L'Allemagne était désarmée :
        - le service militaire était supprimé ;
        - l'armée était limitée à 100 000 hommes ;    
        - il était interdit à l'Allemagne de fabriquer ou de disposer d'artillerie lourde, de tanks, d'une aviation et d'une marine de guerre.
   Refusant de se livrer aux pays vainqueurs, la flotte allemande se saborde en rade de Scapa Flow au large de l'Ecosse le 21 juin 1919 plutôt.
   Dès son retour au pouvoir en 1933, Hitler a amorcé le réarmement de l'Allemagne et rétabli le service militaire en 1935.

          c ) Les clauses morales de responsabilité
 
   Elles découlaient de l'article 231 du traité de Versailles qui désignait l'Allemagne et ses alliés comme agresseurs, seuls et uniques responsables de la guerre :

   « L'Allemagne reconnaît que l'Allemagne et ses alliés sont responsables pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre qui leur a été imposée par l'agression de l'Allemagne et de ses alliés ».

    Cet article 231 avait surtout pour objectif de justifier, de légitimer les clauses économiques et financières imposées à l'Allemagne. Il était le fondement juridique du paiement par l'Allemagne de réparations.

          d ) Les clauses économiques et financières

   Tous les biens allemands situés hors du territoire allemand ont été confisqués.
   L'Allemagne devait livrer aux pays vainqueurs à titre de réparation des bateaux de commerce, des locomotives, des wagons, de péniches, des machines, du charbon, des matières premières.

   Elle devait aussi s'engager à payer une somme d'argent dont le montant lui serait communiqué ultérieurement.

   La question des réparations allait empoisonner les relations internationales, en particulier les relations franco-allemandes, durant toute la période de l'entre-deux-guerres.

   Le traité de Versailles a été considéré d'emblée en Allemagne comme un diktat, c'est-à-dire comme un traité odieux, injuste, inacceptable, imposé unilatéralement sans aucune négociation. Les dirigeants démocrates et socialistes qui l'ont accepté, contraints et forcés, ont été immédiatement dénoncés par l'état-major allemand et la droite nationaliste comme des traîtres.
   Ce traité épargnait l'essentiel de la capacité de production de l'Allemagne qui n'avait pas été le théâtre de combats et dont le territoire n'avait pas subi de destructions, alors que beaucoup de pays d'Europe sortaient de la guerre dévastés.
   Et pourtant, il a alimenté un profond ressentiment, un courant révisionniste tenace, un esprit de revanche principalement tourné contre la France, qu'Hitler et les nazis ont su habilement exploiter pour abattre la République de Weimar, parvenir au pouvoir et multiplier les coups de force qui ont conduit à la 2ème guerre mondiale.

 
Bruno CABANES,
" Le vrai échec du traité de Versailles ",
L'Histoire, n° 343, juin 2009.

2/ Le démembrement de l'Autriche-Hongrie
ne résoud pas la question des nationalités en Europe centrale

  Le démembrement de l'Empire austro-hongrois résultant des traités de Saint-Germain et de Trianon, a été entrepris au nom du principe des nationalités.
  L'Empire austro-hongrois, Etat de 625 000 km2 peuplé de plus de 50 millions d'habitants en 1913, laissait la place à plusieurs petits Etats successeurs : Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Roumanie.

États successeurs en 1921
Superficie en  km² 
Nombre d' habitants
Autriche
84 000
6 500 000
Hongrie
93 000
7 900 000
Tchécoslovaquie
140 000
13 600 000
Yougoslavie
248 000
12 000 000
Roumanie
295 000
16 200 000

Annuaire statistique international, Société des Nations, 1927

   L'Autriche, pays de langue allemande, dont près d'1/3 de la population se trouvait concentré dans l'ancienne capitale de l'Empire, Vienne, se voyait interdire l'Anschluss, c'est-à-dire la réunion avec l'Allemagne.

   La Hongrie était réduite aux territoires peuplés majoritairement de Hongrois.

   La Yougoslavie constituée autour de la Serbie, rassemblait les Slaves du Sud de l'Europe centrale, mais elle a dû céder l'Istrie à l'Italie au terme du traité de Rapallo de novembre 1920.
   Elle conservait la ville de Fiume rebaptisée Rijeka, ville revendiquée par les Arditi de Gabriele d'Annunzio au nom de l'Italie.

   La dislocation de l'Empire austro-hongrois brisait l'équilibre en Europe médiane au profit de l'Allemagne qui, bien que vaincue, affaiblie et amputée sur le plan territorial, restait la seule puissance face à la mosaïque de petits états successeurs de l'Empire austro-hongrois, faibles, divisés, peu industrialisés à l'exception de la Tchécoslovaquie, et stratégiquement indéfendables en cas d'agression allemande.

   
En outre, la création de nouveaux Etats n'a pas résolu le problème des nationalités qui subsiste à une autre échelle, à l'intérieur de chacun des nouveaux Etats.
   
   En Yougoslavie
, 9 groupes ethniques subsistent dont les rivalités recoupent aussi des clivages religieux opposant catholiques, chrétiens orthodoxes et musulmans.
   
   
En Tchécoslovaquie, cohabitent :
        -  7 millions de Tchèques ;
        -  3,2 millions d'Allemands installés dans la région des Sudètes ;
        -  3 millions de Slovaques ;
        -  700 000 Hongrois ;
        -  et 30 000 Polonais.
   
   En Roumanie
, on compte 1,3 millions de Hongrois.

   Quant à la Bulgarie, alliée de l'Empire austro-hongrois, non seulement elle était amputée de nombreux territoires, mais elle perdait son accès à la Mer Egée et à la Méditerranée.

3/ Le démantèlement de l'Empire ottoman
suscite un sursaut nationaliste et révisionniste

   L'Empire ottoman lui aussi était démantelé.
   En Europe, il ne conservait que Constantinople.
   Il perdait le contrôle des Détroits reliant la Mer noire à la Méditerranée ( Bosphore et Dardanelles ) qui étaient internationalisés et démilitarisés.
   Il devait abandonner les Etats du Levant dont la Société des nations confiait l'administration à deux pays vainqueurs rivaux, par le système des mandats :
         - à la France qui depuis le Second-Empire revendiquait la défense des intéréts chrétiens au Moyen-Orient, le Liban et la Syrie ;
         - au Royaume-Uni qui se posait en « protecteur des nations arabes », la Palestine, la Transjordanie, l'Irak et le Koweit.
    
    Le Royaume-Uni aurait souhaité contrôler seul, sans la France, tout le Moyen-Orient en raison de son importance stratégique : situé sur la route de leur Empire des Indes, il constituait en outre une région très prometteuse en richesses pétrolières.
    Dès 1916, les Britanniques avaient envisagé en soulevant les tribus arabes contre les Turcs, de placer une fois la victoire acquise l'émir Hussein à la tête d'une vaste Confédération arabe soumise à leur protectorat.
    En 1917, par la déclaration Balfour le gouvernement britannique avait dans le même temps pris l'engagement qu'il faciliterait l'implantation d'un Foyer national juif dans la Palestine peuplée d'Arabes musulmans et chrétiens.
    Après la défaite turque, les Britanniques ont tenté d'installer à Damas l'émir Fayçal, fils d'Hussein, proclamé roi de Syrie ; mais les Français ayant reçu mandat d'administrer la Syrie en ont expulsé Fayçal.
   Contré par la France en Syrie, le Royaume-Uni installa finalement Fayçal à la tête de l'Irak et son frère Abdallah à la tête de la Transjordanie, territoires placés sous protectorat britannique.

   L'écrasement et le démantèlement de l'Empire ottoman a entraîné en Turquie même, un sursaut nationaliste et révisionniste canalisé par Mustafa Kemal Atatürk.
   Ce général a entrepris d'effacer les clauses du traité de Sèvres jugées les plus humiliantes pour la Turquie en reprenant les armes.
   Mustafa Kemal a pris la tête d'une révolution qui a chassé le sultan Méhémet VI accusé d'avoir accepté de signer le traité de Sèvres.
   Il a proclamé la République dont il a installé la capitale à Ankara, et dont il a entrepris de faire un Etat moderne et laïc.
   La Turquie de Mustapha Kemal, victorieuse des Grecs, des Arméniens et des Kurdes, obtint en 1923, par le traité de Lausanne, l'annulation partielle du traité de Sèvres  et la restitution de l'Arménie turque, du Kurdistan, de la Thrace orientale et de la région de Smyrne.

4/ La reconstitution de la Pologne
et l'isolement de la Russie soviétique

   À l'issue de la 1ère guerre mondiale, les trois puissances qui s'étaient partagées la Pologne à la fin du XVIIIème et au début du XIXème siècle ont été vaincues, bien que n'appartenant pas toutes au même camp :
        - l'Empire tsariste balayé par la révolution de 1917 a laissé la place au jeune Etat soviétique qui a signé une paix séparée avec l'Allemagne ;
        - l'Empire allemand et l'Empire austro-hongrois ont été vaincus par l'Entente en 1918.
   Cette défaite a rendu possible la restauration d'un Etat polonais à partir de territoires restitués ou cédés par l'Allemagne, l'Autriche et la Russie soviétique devenue l'Union des Républiques socialistes soviétiques ( URSS ).
   En 1919, le ministre britannique des Affaires étrangères avait donné son nom à la frontière orientale de la Pologne ( ligne Curzon ) que le Royaume-Uni proposait de faire adopter, et qui devait s'arrêter au territoire peuplé de Polonais.
   Mais leur intervention en Russie soviétique aux côtés des armées blanches pour briser la révolution bolchevique ayant échoué, les pays de l'Entente, préoccupés d'empêcher la contagion révolutionnaire et d'isoler le pays des soviets ont entrepris de soutenir l'armée polonaise commandée par le maréchal Pilsudski qui s'est lancé dans la conquête de la Biélorussie et de l'Ukraine.
   Epuisé, la Russie soviétique a été contrainte de signer le traité de paix de Riga qui déplaçait de 150 kilomètres à l'Est la ligne Curzon et de concéder à la Pologne des territoires peuplés d'Ukrainiens et de Biélorusses.

5/ La précarité de la paix

   La Conférence de la paix a donné un nouveau style à la diplomatie mondiale en substituant à la diplomatie secrète qui avait prévalu jusqu'alors, une diplomatie publique s'appuyant sur des conférences multilatérales.
   Elle a suscité un grand espoir :
        - espoir que les problèmes, les tensions, les conflits pourraient désormais être réglés pacifiquement ;
        - espoir que la question des nationalités était en voie de réglement ;
        - espoir que grâce à la sécurité collective la paix était garantie pour longtemps.

   En réalité rien n'était vraiment résolu.

   L'Europe restait profondément divisée et affaiblie :
        - le traité de Versailles et la question en suspens des réparations divisaient les vainqueurs, humiliaient inutilement et dangereusement l'Allemagne et compromettaient la reprise économique ;
         - la multiplication des frontières et des États en Europe centrale ne réglait pas le problème des minorités nationales ;
         - au révisionnisme des pays vaincus venait s'ajouter les ressentiments de pays vainqueurs comme l'Italie où Mussolini se préparait à accéder au pouvoir en exploitant le thème de la « victoire mutilée ».

   Dès le début des années 1920, la Turquie de Mustafa Kemal apportait la démonstartion qu'on pouvait obtenir la révision des traités par la force.

   La Russie soviétique était tenue à l'écart par la politique du « cordon sanitaire ».

   Les États-Unis, refusant de jouer le rôle d'arbitre et de garantir la paix, retournaient à leur traditionnel isolationnisme ;
   
   Enfin, les pays vainqueurs n'ont pas décelé l'ébranlement de la puissance coloniale ni su répondre aux aspirations des peuples indigènes. Conscients d'avoir bien servi leur métropole pendant la guerre, les élites indigènes commencèrent à considérer qu'elles devaient désormais être associées à la gestion de leur territoire. mais elles n'ont pas été entendues par les métropoles soucieuses avant tout d'agrandir leurs empires coloniaux en se partageant les colonies des pays vaincus et d'y renforcer leur domination.

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