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Qu'est-ce que le réseau Possum ?
Le réseau Possum désigne
une tentative d'extension aérienne des lignes d'évasion belges terrestres existantes, qui mettaient de plus en plus de temps à ramener en Angleterre les pilotes récupérés en territoire occupé en passant par les Pyrénées, l'Espagne et le Portugal, et qui étaient désorganisées par toute une série d'arrestations.
Il
a été mis en place en août
1943 dans le secteur allant de la
province belge du Luxembourg jusqu'au triangle Reims-Fismes-Soissons.
On ne connaît pas l'origine du nom de ce
réseau, qui se rattache peut-être à l'indicatif
présent du verbe latin " possum
", " je peux ".
Il apparaît d'une part sur certains messages envoyés à Londres, datés d'octobre
et de novembre 1943 avec la mention « Reçu(s)
de Possum le... », et d'autre part dans les dossiers d'homologation établis
après la Seconde Guerre mondiale, en faveur des agents qui
ont participé à la Mission
Martin, nom de code, correspondant au pseudo de l'officier
belge, Dominique Edgard POTIER,
placé à la tête de ce réseau.
Pour comprendre les objectifs de cette mission, il faut d'abord rappeler dans quel contexte elle intervient.
Quotidiennement des bombardiers alliés
survolaient le territoire belge, en empruntant la route la plus
courte conduisant vers leurs objectifs en Allemagne. L'évacuation
des équipages abattus au-dessus de la Belgique devait emprunter un long cheminement clandestin qui
traversait les deux zones occupée et non occupée de
la France de Vichy, franchissait les Pyrénées,
puis passait par l'Espagne pour
atteindre le Portugal demeuré
neutre, ou Gibraltar contrôlé
par les Britanniques.
À partir de la
fin de l'année 1942, avec le nombre croissant
des missions aériennes vers l'Allemagne, de
plus en plus d'équipages abattus par l'aviation
de chasse ou par la DCA allemandes étaient
en attente d'être évacués.
Les évacuations
terrestres jusqu'à Gibraltar ou le Portugal par Bruxelles et Paris devenaient de
plus en plus longues, périlleuses et aléatoires,
après l'invasion de la zone Sud par les Allemands en
novembre 1942.
En 1943, compte-tenu
de la durée et du coût de la formation des équipages
( pilotes, navigateurs, observateurs, bombardiers, mitrailleurs,
mécaniciens ), les états-majors alliés étaient
décidés à tout mettre en uvre pour ramener
le plus rapidement possible au Royaume-Uni ceux d'entre
eux qui avaient été abattus et pris en charge par
des filières d'évasion en territoire belge.
La voie la plus rapide étant évidemment
la voie aérienne, la décision
fut prise de procéder à des pick-up,
c'est-à-dire à des ramassages
aériens de nuit des équipages abattus.
Mais la forte densité de la population et la concentration
en Belgique de bases d'interception et de défense anti-aérienne
allemandes y rendaient les atterrissages clandestins quasi-impossibles.
Par contre, les conditions
s'avéraient plus favorables sur le territoire français plus vaste, qui disposait de grandes étendues planes éloignées
de toute agglomération, où la densité des cantonnements
allemands était moins forte, et où enfin, les conditions
météorologiques étaient sensiblement plus clémentes.
La mission confiée à Dominique
Edgard POTIER est donc d'implanter en
France en s'écartant de l'axe Bruxelles-Paris
très surveillé, sans toutefois s'éloigner trop
de la frontière franco-belge, un
réseau d'évasion par air, mais qui pourra
également, en cas de nécessité, recourir à
la voie terrestre, et à la voie maritime.
L'itinéraire de Dominique Edgard Potier,
officier belge placé à la tête du réseau
Possum
Fils
de gendarme, Dominique, Edgard, Antoine
POTIER, qui se faisaitt appeler par son deuxième
prénom orthographié tantôt
avec un d, et
tantôt sans d, principalement
dans les archives britanniques, est né le
2 novembre 1903 à Seraing-sur-Meuse
près de Liège en Belgique.
En 1928, ingénieur
polytechnicien militaire, spécialisé en construction
aéronautique, il épouse Ida
MARTIN, domiciliée à Florenville,
dans la province de Luxembourg. De cette union naît le
20 juin 1929 une fille, Josiane.
En 1940,
officier de l'armée de l'Air belge, le capitaine
POTIER commande la 1ère
escadrille de reconnaissance de nuit
( badge " dragon ailé " ) du
1er Groupe du 3e Régiment de l'Aéronautique militaire,
dont la quasi-totalité des appareils sont détruits
au sol ou mis hors d'usage sur le terrain de campagne
de Neerhespen,
lors de l'attaque allemande contre la Belgique
le 10 mai 1940.
Dominique
Edgard Potier en tenue d'aviateur au milieu des années 1930
( Avec l'aimable autorisation d'Annette Biazot )
Le
Fairey-Fox du capitaine Potier examiné par un soldat
allemand
sur le terrain de Neerhespen en mai 1940
( Archives notariales Défense -
Bruxelles )
Le
12 mai, POTIER reçoit
l'ordre de se replier avec ses hommes en
France, à Tours
où
ils
doivent prendre livraison de nouveaux appareils
afin de pouvoir reprendre part au combat.
Le
25 mai 1940, il reçoit pour mission d'acheminer
le courrier destiné à l'État-major
de l'Aéronautique militaire belge, resté dans le secteur
de Bruges. Il est accompagné
d'un officier de renseignement, Albert COLPAERT,
adjudant candidat sous-lieutenant, équivalent d'un aspirant
dans l'armée française.
Après avoir fait escale à Caen
vers 18 heures pour y faire le plein de carburant, leur
Fairey-FOX / Rolls-Royce 0-171 décolle, contourne
Le Havre par l'Est, survole
la Somme, est contraint sous les tirs ennemis de gagner la côte,
puis s'abîme en mer au large de Calais.
Le
Fairey-FOX VI.C ( c/n 0-171, s/n AF. 6140 )
piloté par le capitaine Potier lorsqu'il s'est abîmé
en mer
c/n 0-171 est le numéro
de code des Fairey équipés d'un moteur Rolls-Royce
( Archives notariales Défense -
Bruxelles )
POTIER
et COLPAERT sautent en parachute
et sont recueillis par l'équipage d'un bâtiment de
la Royal Navy, le HMS
Greyhound, qui les
débarquent à Douvres.
Le
destroyer britannique HMS Greyhound H 05 de la Royal Navy
qui a abattu par erreur l'avion de Potier au-dessus de la Manche
( Archives notariales Défense -
Bruxelles )
Selon
Fred GREYER, il existe trois
versions de cet incident :
- un rapport manuscrit
écrit évoque une panne de
carburant ;
- un rapport dactylographié
daté du 10 Juin 1940 déclare
qu'un avion ennemi a attaqué l'appareil piloté par
POTIER et a heurté le
réservoir ;
- Albert
COLPAERT a expliqué en
1975 dans la revue Artillerie,
que le HMS Greyhound avait
confondu l'avion belge avec un avion ennemi et
l'avait abattu. C'est la version la plus vraisemblable
de cet amerrissage forcé,
mais en 1940, il n'était
évidemment pas question de reconnaître une telle erreur
entre forces alliées, car cela aurait pu affecter le moral
des troupes.
Le
26 mai 1940, une vedette rapide française conduit
POTIER de Douvres
à Dunkerque, d'où
il gagne la Flandre occidentale
pour y accomplir sa mission, puis il rejoint ensuite son unité
en France, à Moissac,
le 13 juin 1940.
Rentré en Belgique
occupée en août
1940, il est employé dans différents ministères
tout comme les autres officiers belges démobilisés,
ce qui constitue pour lui une bonne couverture
pour ses activités clandestines
au sein de la Légion belge
dont il est un des initiateurs, et qu'il est chargé d'implanter
au sud de la province de Luxembourg.
Il rejoint ensuite Bruxelles,
pour tenter d'y trouver un moyen de s'évader
vers la Grande Bretagne
.
Le 13 novembre 1941,
le capitaine POTIER s'évade
de Belgique avec Anselme VERNIEUWE,
officier-aviateur belge comme lui, et agent de liaison du réseau
de renseignements Zéro,
en utilisant une filière de l'Aéronautique militaire
belge, la ligne Nanson.
Extrait
du formulaire rempli par Potier à Londres le 3 avril 1942
qui récapitule les frais qu'il a engagés depuis son
évasion de Belgique
et permet de reconstituer son itinéraire jusqu'à son
arrivée à Londres
( Archives
notariales Défense - Bruxelles )
POTIER
part de Bruxelles et franchit
la frontière française
muni d'un passeport belge.
Le 14 novembre, il traverse la zone
occupée et se rend dans le secteur de Besançon.
Le 15 novembre,
il franchit la ligne
de démarcation à Poligny dans le Jura,
sans doute grâce à l'aide d'un Belge résidant
en France, du nom de Robert
DE SCHREVEL.
Cet ancien combattant
de 14-18, officier de réserve démissionnaire de l'armée
belge, magistrat exilé en France à la suite d'une condamnation en Belgique, entré au service du 2e Bureau français sous
le pseudo de Roger De Saule,
dirige l'antenne du service de renseignements de l'armée de l'Air fançaise à Poligny dans le Jura. Il collecte des renseignements sur les terrains d'aviation allemands en Belgique et aux Pays-Bas par l'intermédiaire d'un réseau belgo-hollandais.
Il fait également passer la ligne de démarcation aux Belges qui ont fui la Belgique occupée et qui traversent la France pour tenter de rejoindre le Royaume-Uni par l'Espagne, en particulier des officiers appartenant à la Force aérienne belge utilisant la ligne Nanson. Il semble qu'il marchandait leur passage en leur demandant de travailler pour lui, et aussi en leur réclamant de l'argent – Dominique POTIER a quant à lui dû verser 600 francs français – pour soudoyer les sentinelles
allemandes, mais aussi les autorités françaises et/ou les guides dont la bienveillante coopération n'était, semble-t-il, pas toujours désintéressée.
Le
17 novembre, POTIER
se rend de Poligny à Lyon
où
il prend contact avec
Jacques LAGRANGE, un Belge qui travaillait au consulat
américain de cette ville et qui accepte de l'aider.
Le
18 novembre, il quitte Lyon pour Montpellier, puis le
25 novembre,
il se rend de
Montpellier à
Perpignan, où il s'installe dans l'attente de pouvoir passer
en Espagne.
Dominique
Potier ( au centre ) et Anselme Vernieuwe ( à droite )
photographiés en novembre 1941 devant un Hôtel Tivoli ?
( Avec l'aimable autorisation de Fred Greyer )
Pour la période allant du
25 novembre 1941 jusqu'au 14 février 1942, POTIER
signale simplement, sans autre précison,
un aller-retour entre Perpignan
et Lyon où
il est sans
doute allé chercher
des faux-papiers fournis par
Jacques
LAGRANGE, et deux allers-retours entre
Perpignan et Sète,
d'où il a peut-être
tenté, mais en vain, de
passer en Espagne par bâteau. Mais
ce ne sont que des hypothèses
qui n'ont pu être vérifiées.
En Espagne, POTIER
se rend à Barcelone, puis
à Madrid où il
arrive le 16 février.
De Madrid,
il passe au Portugal et rejoint Lisbonne,
où
il se présente à
l'ambassade de Belgique le
19 février.
C'est de là qu'il
rejoint le Royaume-Uni par hydravion le
25 mars 1942, en même temps que quatre autres aviateurs
militaires belges : GUISGAND,
DE CALLATA, DANCKERS,
et DECHAMPS.
Le 27 mars,
POTIER est admis en même
temps que ses camarades, au Royal Patriotic
School, installé à Londres
dans le district de Camberwell, où les étrangers qui
arrivent au Royaume-Uni sont soumis par les services spéciaux
britanniques à un interrogatoire.
Ils y sont interrogés jusqu'au 3
avril.
Il s'engage dans les Forces
belges reconstituées au Royaume-Uni, et il est
détaché dans une école
de pilotes de la Royal Air Force ( RAF ). Son
rapport de stage consulté par Fred
GREYER, indique qu'il a atteint un niveau moyen ( an
average standard ), et une lettre insinue qu'il
rencontre des difficultés avec les avions modernes
( he has difficulties with modern aircraft
). Ses compétences ne sont pas remises en cause, mais
âgé de 39 ans, il est déclaré « trop
vieux pour voler comme pilote de guerre ».
Dominique
Potier en uniforme
de capitaine de l'Aéronautique belge
photographié lors de son stage à l'école de
la RAF
( Avec l'aimable autorisation de Fred Greyer )
En décembre 1942, POTIER
est élevé au grade de capitaine-commandant,
et pressenti pour exercer un temps la fonction d'instructeur
d'élèves pilote, mais il est détaché,
à sa demande, le 28 mai 1943,
à la Sûreté d'État
du gouvernement belge réfugiée à
Londres.
Il suit les cours de formation dispensés
par la Royal Air Force et la
Royal Navy, destinés aux
agents des missions spéciales,
identifiés dans les archives militaires belges par le sigle
ARA, qui signifie agent
de renseignements et d'action.
Cette
formation comprend quatre volets : parachutage,
entraînement physique, sécurité,
code.
Georges d'OULTREMONT
qui a reçu la même formation quelque temps après
POTIER, en a fait une description
détaillée en cinq
points dans les notes manuscrites qu'il a rédigées
à l'intention de ses enfant à
la fin des années 1980 :
1/ Parachutage :
Cet entraînement comportait 2 sauts du ballon
et 5 sauts de l'avion. Il y avait aussi différents exercices
de reconnaissance de terrains en avion.
2/ Apprentissage
de codes secrets :
J'ai appris deux codes secrets, l'un par lettres
qui dépendait d'une strophe du Lac de Lamartine, et
l'autre par chiffres [...]
J'ai également appris comment rédiger
très correctement et le plus rapidement possible la description
d'un terrain sur lequel devait atterrir un avion ami.
Mais l'on était à cet effet muni
de toutes petites photos de ces codes et du nom des terrains et
des principales phrases à émettre, sur un papier qui
brûlait en une seconde au contact d'une cigarette allumée.
3/ Apprentissage
au bord de la mer, pendant la nuit, à rejoindre soit un sous-marin
soit un MTB [ vedette rapide de la Royal
Navy ] :
D'abord pendant plusieurs jours, l'on devait
seul ramer en pleine mer dans une petite barque [...]
Le dernier jour ou plutôt la
dernière nuit, d'un MTB à quelques centaines de mètres
de la côte, nous devions atteindre la rivage, puis aussitôt
revenir à notre bateau.
4/ Cours
d'apprentissage de vie d'agent secret :
Un
tas de conseils nous étaient divulgués.
Mais le plus drôle était la fois
où l'on m'a lâché dans Londres un matin, avec
la consigne de remarquer le ou les personnages qui me suivaient
et de me débarasser d'eux le plus vite possible en me promenant
en ville et de rallier un point de la ville pour 14 heures.
5/ Cours de réception d'un
avion pendant la nuit, spécialement un Lysander, très
petit avion, très mobile, non armé, dans lequel on
pouvait être au maximum 3 personnes. Il pouvait atterrir et
décoller sur 300 mètres environ.
Au
début du mois de juin 1943, POTIER suit un stage
d'entraînement de trois jours à la 161e
escadrille de la Royal Air Force, spécialisée
dans les opérations de ramassage et de parachutage effectuées
de nuit dans les zones occupées par l'Allemagne.
Dans le rapport de stage qu'il a signé, le lieutenant
J. A. McCAIRNS souligne que POTIER a fait preuve de vivacité et d'enthousiasme, qu'il est
parvenu, malgré la brièveté de ce stage très
concentré, à assimiler facilement
les bases nécessaires à la réussite d'une opération,
et il exprime sa confiance dans la capacité
de cet officier à conduire une opération.
Les débuts de la Mission Martin
dans les Ardennes belges en juillet 1943
La Mission Martin a été
initiée conjointement par la section 9 du Military
Intelligence ( MI 9 ),
chargée au sein des services secrets britanniques des réseaux d'évasion des pilotes alliés abattus
au-dessus de l'Europe occupée, et par la Sûreté de l'État belge, équivalent
pour le gouvernement belge réfugié à Londres,
du Bureau central de renseignement et d'action
de la France libre ( BCRA ).
Les objectifs assignés à cette mission sont définies clairement dans une note de la Sûreté de l'État belge à Londres :
Attributions de la Mission Martin
Principales :
Martin et son radio, sujet canadien, seront rendus sur le terrain en parachute.
Sa mission consiste à :
1/ Organiser dans les Ardennes belges la récupération des RAF échappés aux Allemands
2/ Organiser des terrains pour les évasions par Air, dans le Nord de la France.
3/ Organiser des lignes d'évacuation des Ardennes belges vers les terrains pour les évasions par « air ».
4/ Organiser des gîtes où les RAF détectés ou en attente d'être évacués, pourront y séjourner quelques jours en sécurité et où ils trouveront des vivres, vêtements etc.
5/ Établir de faux documents d'identité permettant aux RAF à évacuer de se rendre d'un point à un autre parfaitement en règle du point de vue circulation.
Dès que les évasions seront possibles, il en informera le HQ de Londres.
Les liaisons se feront par radio entre le HQ de Londres et lui et les évacuations ne seront faites qu'après accord par radio ou BBC avec autorités compétentes de Londres et lui.
Secondaire :
Établir une ou des lignes d'évasion de secours vers Saint Sébastien ou Barcelone
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Dominique Potier, pseudos Martin, Jules Nollet,
photographié à Londres en mai 1943
( Archives
notariales Défense - Bruxelles )
La Mission Martin débute au cours de la nuit du
15 au 16 juillet 1943, près de Florenville en Belgique, par le parachutage sur
le territoire de la commune de Suxy de Dominique POTIER,
accompagné d'un opérateur-radio
canadien, Conrad LAFLEUR.
Fait prisonnier lors du raid de Dieppe en
août 1942, LAFLEUR était parvenu à s'évader du train sanitaire
qui le conduisait en Allemagne. Il avait été soigné
par le docteur Robert BEAUMONT, un médecin de Warloy-Beaumont, commune située à une vingtaine de kilomètres
au Nord-Est d'Amiens,
avant de rejoindre le Royaume-Uni par l'Espagne et Gibraltar.
Localisation
du terrain portant le nom de code " Manningtree " à
Suxy
commune belge où Potier et son radio Lafleur ont été
parachutés en blind
c'est-à-dire sans balisage ni équipe de réception
au sol
© The National Archives Kew UK
POTIER connaît bien la région de Florenville d'où est originaire son épouse, où
il s'est marié, où il a été en
1940 un des initiateurs de la Légion
belge, embryon de ce qui est devenue plus tard l'Armée
secrète. Son père, retraité de la
gendarmerie, s'y était installé, sa mère y
est décédée en 1941,
sa sur et son jeune frère y résidaient encore.
S'étant fait une entorse lors
de son parachutage, il se réfugie chez Paul
Émile BELVA qu'il avait recruté au sein
de la Légion Belge en
décembre 1940 et qui est boucher à Chiny.
Il y est soigné par le docteur DUPONT de Florenville, puis il se cache
chez Jules MERGEN, lui aussi
officier de l'Armée belge et collègue de POTIER.
Pour réaliser les objectifs de sa mission, POTIER doit prendre
contact avec la résistance locale
ardennaise, étudier et mettre au point les itinéraires possibles permettant de prendre en charge les pilotes abattus au-dessus
de la Belgique et de leur faire passer la
frontière franco-belge. Il lui faut aussi trouver
des relais en France pour les
acheminer jusqu'au secteur de Fismes-Reims d'où ils seront évacués vers l'Angleterre,
et donc recruter des passeurs et des convoyeurs.
Conformément aux ordres de Londres, POTIER devait prendre contact avec deux personnes, Monsieur
A à Bruxelles et Monsieur B à Anvers,
afin d'obtenir une couverture,
c'est-à-dire une carte d'identité, une carte de ravitaillement,
et un contrat de travail en règle, faisant de lui un agent d'assurance autorisé à circuler dans
le cadre de son travail en Belgique et dans le Nord de la France.
Mais l'une de ces deux personnes a été arrêtée
et l'autre se désiste. Il doit donc partir pour Fismes et
Reims, sans couverture et se
procurer des faux papiers par ses propres moyens.
POTIER dépose
chez Georges QUINOT, notaire
à Florenville, une part importante de la somme
d'argent destinée à financer l'activité du réseau Possum. Le solde
de ces fonds a été remis après la Libération
aux autorités alliées. Quant à l'argent que POTIER a ramené de Londres en décembre 1943, il
l'a emmené à Paris.
Cet argent a été remis à son adjointe Suzanne
BASTIN, qui l'a déposé vraisemblablement chez le banquier du réseau Comète, Jean-Pierre
MALLET, auquel était lié Georges
d'OULTREMONT, et/ou chez maître
QUINOT à Florenville par Suzanne BASTIN qui avait
été envoyée en mission en Belgique par POTIER peu avant son arrestation. Il semble donc bien que, contrairement
à la rumeur qui a pu être entretenue à Fismes
après la guerre, il n'y a pas eu
de " trésor Potier " frauduleusement
récupéré ou détourné par des
habitants de Fismes.
juillet 1943,
Georges
Quinot, notaire à Florenville
et trésorier du réseau Possum
( Archives
notariales Défense - Bruxelles )
Sous le pseudo de Monsieur Labranche, POTIER entre en relation avec
des responsables de la résistance
locale : les Belges Joseph GODFRIN,
maire de Muno, Georges LEFÈVRE,
hôtelier à Carignan en France, et peut-être aussi
le Belge Adelin HUSSON, et le
Français André POINT.
Adelin Husson, pseudo Georges
Journaliste belge au journal La Meuse,
un des chefs du Front Wallon et du service de renseignement Bayard,
Créateur du maquis du Banel qu'il commandait, et pour lequel
il avait obtenu des armes par l'intermédiaire du réseau
Physician-Prosper
( Archives notariales Défense -
Bruxelles )
Dès son arrivée en Ardenne, POTIER est contacté par Pierre GEELEN, un ancien agent belge du réseau Carte,
passé au service du réseau
SOE Physician-Prosper.
Recherché par la Gestapo en tant qu'agent
de liaison entre l'état-major parisien de ce réseau
et le groupe Buckmaster d'Origny-en-Thiérarche dans l'Aisne, GEELEN était
venu se réfugier en Belgique,
où se trouvait son camarade Walthère
MARLY, ancien agent belge comme lui du réseau Carte, passé au réseau
Physician-Prosper et qui exerçait pour ce réseau
la même fonction auprès du groupe Buckmaster de Muno en Ardenne.
Pierre
Geelen,
pseudos Monsieur Ambroise, Grand Pierre,
ancien agent belge des réseaux Carte et Physician-Prosper,
a
rejoint Potier au début
de la Mission Martin en Belgique
( Archives
notariales Défense - Bruxelles )
Conrad
Lafleur ( à gauche ), Jules Mergen ( au centre ),
Pierre Geelen ( à droite )
devant l'Hôtel de France à Florenville en juillet 1943
( Archives
notariales Défense - Bruxelles )
Pierre
Geelen ( à gauche ), Catherine Waltener ( au centre )
et Conrad Lafleur ( à droite ) à Chiny en juillet
1943
( Avec
l'aimable autorisation d'Annette Biazot )
POTIER intègre Pierre GEELEN à son équipe
et recrute Jean-Pierre LORGÉ,
un ancien gendarme belge, qui est chargé d'assurer la protection
du radio LAFLEUR et de convoyer
les pilotes alliés évacués par le réseau.
L'ancien
gendarme belge, Jean-Pierre Lorgé,
pseudos
René, Jean Lebon
engagé par Potier au sein du réseau Possum
( Avec
l'aimable autorisation d'Annette Biazot )
Puisque POTIER n'a pu obtenir de couverture pour sa mission en France, Pierre
GEELEN lui fournit, ainsi qu'à LAFLEUR, des papiers d'identité,
des certificats de travail et
des cartes de ravitaillement français, avec l'aide d'Arthur DACREMONT et de Gaston BIAZOT.
Gaston
Biazot a fabriqué le « faux-vrai tampon »
de la mairie de Sedan qui a permis de fabriquer
les faux papiers destinés à Potier
et à Lafleur
( Avec l'aimable autorisation d'Annette Biazot )
L'installation et l'activité du réseau Possum
à Fismes et dans la Marne
Le
14 août 1943, POTIER arrive chez Raymond
GALLET, artisan peintre de Fismes,
qui a été averti de sa venue par son frère Maurice, un résistant ardennais. Il lui expose l'objectif
de sa mission : mettre en place dans le triangle
Laon-Soissons-Reims, un réseau
d'hébergement des équipages alliés
abattus en territoire occupé, et assurer
leur rapatriement par avion.
Le 17 août, Pierre GEELEN arrive à son tour à Fismes et s'installe chez Raymond GALLET quelques jours, avant de trouver une chambre dans un hôtel.
Première alerte, alors qu'il se trouve à Fismes, GEELEN est
interpellé par deux Feldgendarmes, mais réussit
à leur échapper.
LAFLEUR et LORGÉ prennent pension à La Taverne de
l'Opéra, un hôtel de la rue de Thillois
à Reims appartenant à Auguste MIEL, où dans un premier temps l'opérateur-radio de Possum établit la liaison avec Londres avant d'utiliser pour émettre la maison de Fernande MONDET 161, rue Lesage.
Raymond GALLET décrit LAFLEUR comme un
homme qui « portait sur la joue
gauche la trace d'une profonde cicatrice verticale »,
à la suite d'un règlement de compte entre bandes rivales
à Ottawa, et qui « donnait
davantage l'impression d'un aventurier que d'un ardent patriote,
dépensant sans compter », et il relève
que « certaines de ses dépenses
étaient capables d'attirer sur lui l'attention de la clientèle
d'officiers allemands de certains établissements de nuit
de la Place d'Erlon ».
Pour tromper l'écoute des services allemands, LAFLEURémet
alternativement à Fismes,
chez Camille BEURÉ, et
à Reims, chez Fernande
MONDET, rue Lesage. Il fait donc régulièrement la navette entre les deux villes,
armé de deux colts de gros calibre, en portant une mallette
contenant sa radio et tous ses codes.
Conrad
Lafleur, pseudos Charles Nicolas,
opérateur-radio canadien de Possum, rescapé du raid
de Dieppe
( Archives
notariales Défense - Bruxelles )
Il est intéressant de croiser ce témoignage de Raymond
GALLET, avec celui, assez convergent, de Pierre
HENTIC, qui a été un compagnon
de LAFLEUR à
l'école de parachutage de Ringway près de Manchester.
Dans ses Mémoires, Pierre HENTIC nous dépeint
un LAFLEUR, perçu dès
leur première rencontre au stage d'entraînement au
Royaume-Uni, comme un baroudeur,
n'ayant peur de rien, sans doute un peu vantard : « Son intrépidité
est incontestable, ses multiples exploits ont fait sa réputation
».
Lorsque Pierre HENTIC retrouve LAFLEUR à Paris au début de novembre 1943,
accompagnant jusqu'à la gare Montparnasse avec le commandant
POTIER et le capitaine BERTIN,
chef de la Résistance marnaise, un groupe de pilotes alliés
confiés au réseau Jade-Fitzroy pour être évacués par mer, il découvre
un homme « vêtu d'un manteau
de cuir brun », portant « un chapeau de feutre
à larges bords rabattu sur le visage »,
ayant « la silhouette d'Al Capone
ou celle, de triste actualité, d'agent de la Gestapo »,
l'allure d'un « gangster ».
Chargé d'organiser au
cours de la nuit du 11 au 12 novembre 1943, un double pick-up par avion Lysander dans la région de Reims, Pierre HENTIC rencontre à nouveau LAFLEUR dans un restaurant de Reims :
C'est
ainsi que je déjeunai avec mon ami Conrad, qui semblait évoluer
dans ce milieu rémois comme un poisson dans l'eau
et
apparemment en toute sécurité.
Il lui était impossible de renier ses origines
canadiennes et je réalisai pour la première fois à
quel point son accent pouvait le trahir et le mettre en péril.
Je ne m'en étais jamais rendu compte en Angleterre, mais
ici, où la Gestapo et les traîtres étaient partout,
je me sentais mal à l'aise.
Maladroitement,
je lui fis part de mon inquiétude quant à sa sécurité.
D'un geste prompt, il releva un pan de sa veste
qui me révéla la crosse brillante d'un colt 9mm et affirma : « Ils ne m'auront jamais vivant ! ».
Je repartis songeur vers Paris en essayant de
me raisonner. Conrad était brave, il l'avait prouvé,
mais je persistais à penser que circuler avec une arme était
plus dangereux que nécessaire.
Le réseau d'évasion
Possum se met en place et s'organise.
À
Paris où POTIER dispose d'un appartement, Suzanne BASTIN,
une Française née à Paris et mariée en 1933 à un Belge, Roger
BASTIN, prisonnier de guerre en Allemagne, sert de boîte
à lettres.
Les parents de Suzanne avaient acheté une maison à Florenville où résidait sa mère et sa sur Raymonde,
épouse de Willy BASTIN,
le frère de Roger.
Suzanne BASTIN prend en charge les équipages alliés récupérés en Belgique qu'elle héberge
à son domicile 16, rue du Chevalier de la Barre dans le 18e
arrondissement, derrière la Basilique du Sacré-Cur.
Acheminés de Bruxelles
à Paris, puis convoyés depuis la gare de
l'Est jusqu'à Fismes-Reims, ils sont placés dans des gîtes en attendant leur retour en Angleterre par air.
Suzanne
Bastin
pseudos Michèle Leprince , Madame Michel, Michèle
l'adjointe du chef de Possum à Paris
( Photographie communiquée à Annette Biazot
par Raymonde Bastin, la sur de Suzanne )
Dans
les Ardennes, le capitaine des douanes françaises Paul BRUCHON de Charleville,
qui est en contact avec les douaniers belges,
est chargé d'organiser trois points
de passage de la frontière entre la Belgique et
la France, pour acheminer en France les équipages alliés
récupérés en territoire belge : un passage
à Pussemange, un autre
près de Sedan, et un troisième
dans le secteur de Carignan.
Dans la Marne,
il faut rechercher des lieux d'hébergement pour les équipages en attente d'être rapatriés,
des convoyeurs pour les conduire
de gîte en gîte, des médecins acceptant de soigner les pilotes blessés.
Il faut également stocker des vivres, des vêtements, des articles de toilette et des
cigarettes, produits le plus souvent achetés au marché
noir, compte-tenu de la pénurie et des restrictions.
À Fismes, POTIER désigne Raymond
GALLET pour assurer la fonction de chef
de secteur et lui demande de compléter l'équipe. GALLET recrute son ami Camille
BEURÉ, un ancien camarade de régiment.
Artisan électricien, Camille assurera la maintenance et le stockage de
l'équipement radio et des lumières nécessaires
au balisage des terrains d'atterrissage.
Raymond Gallet ( à gauche ) et Camille Beuré
( à droite )
principaux équipiers de Potier à Fismes avec Camille
Rigaux fils
( Photographie publiée dans L'Échauguette
de Fismes, n° 15, juillet 2004 )
La fille de Camille BEURÉ, Raymonde, devient la « vigie » de Conrad LAFLEUR.
Cela signifie qu'elle
est chargée de surveiller les abords du lieu où
l'opérateur-radio de Possum émet, et de
signaler tout véhicule suspect pouvant appartenir à
la Gestapo ou aux services allemands de détection par radiogoniométrie.
Elle assure également le convoyage des pilotes pris en charge par le réseau. Elle est fiancée
à Raymond JEUNET, un jeune
réfractaire du Service du travail obligatoire ( STO ) qu'elle
présente à POTIER et à LAFLEUR.
Camille RIGAUX, peintre salarié de Raymond GALLET,
assure l'accompagnement des pilotes,
participe à plusieurs opérations sur les terrains homologués qu'utilise le réseau,
et héberge des pilotes
chez ses parents et chez ses beaux-parents, Maurice
et Jeanne DÉZOTHEZ.
À Reims, Jacques HODIN, employé
à la sous-préfecture, est chargé de prendre
contact avec les différents groupes de la Résistance
locale pour organiser la collecte des équipages alliés abattus au-dessus de la région.
L'équipe procède au recensement
de terrains d'atterrissage susceptibles d'être
homologués par la RAF, terrains dont la topographie est minutieusement étudiée : superficie ; dénivelé
(sans excès de pente) et consistance du sol ; relevé
des buissons, des bornes, des sillons de charrue, des ornières
de chariots, des meules de paille ou de foin, des hangars et des
machines agricoles ; repérage des lignes électriques
situées à proximité. Aucun
de ces éléments n'est négligé,
car la hantise de POTIER, rapporte Raymond GALLET, est qu'un avion
se mette sur le nez, risquant d'entraîner la perte de l'appareil,
permettant aux Allemands de repérer l'activité du
réseau, et contraignant en outre le réseau à
prendre en charge l'hébergement d'un pilote supplémentaire.
Dans les messages envoyés
à Londres, les trois terrains homologués sont identifiés
avec des noms de code tels que Horloger, Avocat, Pompadour, Thérèse.
Dans les rapports de la
RAF, ils sont désignés sous le nom de code
des opérations de pick-up ou de parachutage, empruntés
aux noms de trois collèges de l'université
d'Oxford :
- le terrain Magdalen,
au lieu-dit le Champ Sainte-Marie,
situé sur le territoire de la commune de Selens dans l'Aisne, au Nord-Ouest de Soissons, à environ 5 kilomètres
au Sud-Est de Blérancourt ;
Localisation
du terrain Magdalen au Sud-Est de Blérancourt
© The National Archives Kew UK
- le terrain Brasenose,
au lieu-dit Barbonval, situé
sur le territoire de la commune de Dhuizel dans l'Aisne, à environ 7 kilomètres au Nord-Nord-Ouest
de Fismes ;
Localisation
du terrain Brasenose au Nord de Fismes
© The National Archives Kew UK
Photographie aérienne de la RAF localisant le terrain Brasenose
© The National Archives Kew UK
- le terrain University,
situé entre Muscourt dans
l'Aisne et Romain dans la Marne,
près de la Ferme de Beauregard,
à environ 7 kilomètres au Nord-Est de Fismes.
Localisation
du terrain University au Nord-Est de Fismes
© The National Archives Kew UK
Photographie aérienne de la RAF annotée localisant le terrain University
© The National Archives Kew UK
Raymond
GALLET, dans un rapport manuscrit que j'ai pu croiser
avec d'autres sources, a décrit dans le détail la première opération de réception au sol réalisée par l'équipe
de Fismes.
Le 28 août 1943,
le radio LAFLEUR envoie un message à Londres dans lequel le réseau Possum réclame la programmation
d'un pick-up par Lysander destiné à évacuer trois
pilotes alliés le vendredi 10
septembre 1943 à 23 heures GMT,
et demande d'avertir du déclenchement de l'opération
par le message suivant à la BBC : « Le
soleil luira pour tout le monde ».
Message
envoyé à Londres par le réseau Possum le 28
août 1943
Archives
notariales Défense - Bruxelles
Le 10 septembre 1943, Londres avertit que l'opération
de ramassage se déroulera sur le terrain Brasenose,
et confirme le message de déclenchement
de l'opération : « Le
soleil luira pour tout le monde ».
Le 11 septembre après-midi, Fred GARDINER et Herbert
POND, deux pilotes abattus au-dessus de la Belgique sont
acheminés jusqu'à Fismes.
Un troisième est refoulé à la frontière
franco-belge.
POTIER informe
alors GALLET qu'il
a pris la décision d'évacuer Pierre
GEELEN à la place du pilote qui n'a pu rallier
Fismes. Il demande à GALLET de n'en rien dire à personne et justifie cette décision
par le fait que GEELEN est recherché
par la Gestapo et que sa présence à Fismes
met en danger toute l'équipe.
Le 12 septembre à
17 heures, POTIER et GALLET se
rendent à bicyclette sur le terrain Brasenose pour vérifier qu'aucun obstacle ne risque de compromettre
l'atterrissage du Lysander.
Hugh VERITY,
le pilote du Lysander chargé
de cette mission a noté dans son rapport
manuscrit rédigé à son retour, que
cette opération s'est déroulée au cours de
la nuit suivante, la nuit du 13 au 14 septembre,
ce que confirme également Fred GARDINER,
l'un des deux pilotes évacués cette nuit-là.
Avion
Lysander belge OO-SOT des Sabena Old Timers
en camouflage noir et équipé d'un réservoir
auxiliaire
photographié lors d'un regroupement d'avions de collection
Ce type d'avion était utilisé par la RAF pour les
opérations de pick-up
pendant la Seconde Guerre mondiale
( Avec l'aimable autorisation du commandant
Philippe Connart )
C'est
donc bien le 13 septembre, et non pas le
12, comme il l'a écrit Raymond
GALLET dans son rapport rédigé après
la Libération, que les membres de l'équipe fismoise
de Possum ratent le message
de la BBC diffusé à 19 heures 30, à
cause d'une panne d'électricité. Tandis que Camille
BEURÉ s'enquiert d'un poste TSF alimenté
par accus, l'électricité est rétablie, et ils entendent le message lorsqu'il est diffusé à nouveau à 21 heures 32.
POTIER réunit
son équipe chez Raymond GALLET et annonce à GEELEN qu'il
a pris la décision de le renvoyer
en Angleterre, puis à 22 heures 45, POTIER, GEELEN, GALLET, BEURÉ et les deux pilotes
de la RAF se dirigent vers le terrain Brasenose
à pied et à travers champs. En effet, POTIER a appris que dans la journée une ligne téléphonique
avait été sabotée dans le secteur, et il craint
la présence d'une patrouille allemande sur la route conduisant
à Dhuizel.
Vers 23 heures 20 alors qu'ils se trouvent à
mi-chemin, ils entendent le moteur du Lysander, en avance d'une heure sur l'horaire annoncé,
décalage expliqué par GALLET par le fait que Londres dans son message annonçant cette
opération n'avait pas précisé s'il s'agissait
de l'heure GMT, heure anglaise,
ou de l'heure d'Europe centrale, heure
allemande en vigueur en France. Dans le message reproduit
ci-dessus, envoyé par Possum le 28 août pour demander
la mise en uvre de cette opérations, l'heure indiquée
était pourtant bien 23 heures GMT. POTIER lui envoie son code par signal lumineux, ce qui permet au pilote, Hugh VERITY, de les reconnaître
et de s'écarter le temps que l'équipe atteigne le
terrain d'atterrissage. Ils y arrivent à minuit et y installent les lampes de balisage : trois
torches électriques à feux blanc, en forme de L pour
indiquer la direction du vent. POTIER se trouve en position avant-gauche avec GEELEN et les deux pilotes à embarquer, GALLET est en position avant-droite, et BEURÉ en bout de piste à gauche.
Jiminy Cricket le Lysander de Hugh Verity
qui a embarqué Fred Gardiner, Bert Pond et Pierre Geelen
Peinture de Douglas Littlejohn conservée au Musée de Tangmere
où étaient basés les avions Lysander
( Reproduction communiquée par Fred Greyer )
L'avion revient, pique sans grande visibilité,
atterrit, rebondit et s'immobilise. En disant adieu à Raymond
GALLET, GEELEN lui
a fait promettre d'écrire à sa " fiancée
" belge, Ketty, diminutif
de Catherine WALTENER de Florenville,
pour la mettre au courant de son départ précipité.
Les deux pilotes évacués et Pierre
GEELEN embarquent dans le Lysander qui décolle
aussitôt. À 4 heures du matin, l'équipe est
de retour à Fismes.
Fred GARDINER,
l'un des deux pilotes embarqués a conservé un
souvenir moins serein de ce premier pick-up organisé
par l'équipe fismoise de Possum :
[
]
Nous n'avions pas atteint le terrain d'atterrissage quand l'avion
est arrivé au-dessus, a décrit un cercle et s'est
identifié en donnant son code.
Nous avons commencé à courir tandis
que l'avion tournait au-dessus de nous, en s'éloignant puis
en revenant. Cette activité a dû alerter chaque soldat
allemand des milles à la ronde, pensais-je en courant. Seul
le bruit du moteur de l'avion revenant faire un cercle à
quelques cent pieds au-dessus de nous, brisait le silence.
Puis, quelle ne fut pas notre consternation lorsque
atteignant le champ qui servait de terrain d'atterrissage, nous
avons constaté qu'il avait été presque entièrement
labouré, et que seule subsistait une bande d'herbe avec une
meule de foin à l'extrémité.
En effet, entre l'après-midi du 12
septembre durant laquelle POTIER et GALLET avaient inspecté
le terrain, et la nuit du 13 au 14 au cours de laquelle l'opération de ramassage a été
réalisée, le terrain avait
été labouré au
cours de la journée du 13, comme l'a relevé
le pilote Hugh VERITY dans le
rapport qu'il a rédigé à son retour, et il
ne subsistait du champ de chaumes qui devait être balisé
pour servir de piste d'atterrissage, qu'une
étroite bande entre deux meules de foin. Cet incident
aurait pu mal se terminer. Il montre que, pour d'évidentes
raisons de sécurité, l'équipe de Possum utilisait ce champ comme terrain d'atterrissage à l'insu
de son propriétaire.
Et Fred GARDINER de s'interroger
? :
Est-ce
qu'un terrain d'atterrissage aussi étroit allait convenir
?
Nous avons rapidement brandi, fixées
à des bâtons, les lampes électriques qui servaient
de balises lumineuses pour le pilote [
]
L'avion a frôlé la meule de foin
et a atterri en rebondissant violemment à quelques yards
devant nous, puis il s'est rapidement immobilisé et a roulé
au sol de nouveau jusqu'à nous. Le moteur a continué
à tourner -c'était assourdissant - et quelque part
au fond de moi-même je m'attendais à ce que l'ennemi
surgisse de tous les côtés [
]
Dans l'habitacle, l'espace où nous devions
nous entasser était très étroit, et semblait
n'avoir été conçu que pour recevoir un seul
passager, mais nous sommes parvenus à refermer la porte
de plexiglas et nous nous sommes assis, blottis sur le plancher.
S'il y avait eu un siège, c'eut été impossible
; ajoutons qu'il n'y en avait aucun.
Les
deux pilotes alliés évacués
dans la nuit du 13 au 14 septembre 1943
Fred
Gardiner
|
Herbert
Pond
|
Fausse
carte d'identité fabriquée en Belgique
pour Fred Gardiner
( Archives Fred Gardiner )
Les évacuations par mer
en Bretagne
À
la fin du mois d'octobre 1943, Walthère
MARLY, qui avait été arrêté
en même temps que Pierre GEELEN à Origny-en-Thiérache en juillet, et qui s'était réfugié
en Belgique, d'abord à Muno,
puis à Sainte-Marie, village
situé à une vingtaine de kilomètres à
l'Est de Florenville, entre en
contact à Izel, avec Madame
JEANTY, membre du Service secret Socrate,
qui est elle-même en relation avec plusieurs autres réseaux.
Walthère
Marly, ancien
agent belge
des réseaux Carte et Physician-Prosper,
utilisé par Potier lors d'un convoyage vers la Bretagne
( Archives
notariales Défense - Bruxelles )
MARLY vient
d'échapper de peu à une nouvelle
arrestation à Herbeumont à l'Est de Bouillon, lorsque Madame JEANTY lui demande de
se rendre à Paris, où
il rencontre POTIER au début du mois
de novembre 1943. Le chef du réseau
Possum le charge d'accompagner
dix-sept pilotes aviateurs alliés, britanniques et américains,
de Paris jusqu'à Landerneau en Bretagne, au Nord-Est
de Brest dans le Finistère-Nord.
Alfred DUBRU a recueilli le récit que Walthère
MARLY nous a laissé de cette tentative d'évacuation
par mer à laquelle Jean-Pierre LORGÉ a aussi participé et qui a finalement échoué
: « De
là [ Brest
] en
camion jusque Lannilis [
sur l'Aber Wrac'h ] ; embarquement sur un petit bateau de pêche. Destination une
île où une vedette rapide doit venir la nuit même.
Nous restons là cinq jours sans vivres pour ensuite retourner
à terre [
] ».
Cette évacuation par mer a recours
à une filière d'évasion organisée par Pierre HENTIC,
chef des opérations aériennes et maritimes du réseau
Jade-Fitzroy.
Des aviateurs pris en charge par Possum sont acheminés par POTIER, LAFLEUR et Henri
BERTIN, chef de la résistance marnaise, depuis Reims jusqu'à la gare
de l'Est à Paris.
Pierre HENTIC dans ses Mémoires se rappelle que ce convoyage s'est bien terminé, mais qu'il
lui a donné quelques inquiétudes : « Bertin
se présente à la tête d'un petit détachement
dont l'étrange assortiment pouvait attirer l'attention des
policiers allemands les moins soupçonneux. Ce jour-là,
heureusement, nous avions la protection divine ».
MARLY et LORGÉ accompagnent ces pilotes en train depuis la gare
Montparnasse jusqu'à Brest,
ville située en zone interdite,
en les faisant passer pour des travailleurs sourds-muets
de l'Organisation Todt affectés aux travaux du
Mur de l'Atlantique, munis de faux ausweis et de faux certificats attestant qu'ils
appartiennent à une association d'entraide
aux sourds-muets.
Cette opération
d'évacuation par mer a pour nom de code Envious,
et se déroule au cours
de la nuit du 3 au 4 novembre, mais il y a un malentendu sur le lieu d'embarquement. Les
pilotes sont convoyés sans encombre
jusqu'à Brest, et de Brest
jusqu'à la presqu'île Sainte
Marguerite, au lieu-dit Les
Dunes. Des bâteaux appartenant à
des pêcheurs goémoniers les transportent ensuite sur l'île Guénioc située à environ 3 000 mètres au Nord-Nord-Ouest de l'entrée de l'Aber Benoît. Là,
les chaloupes d'une vedette rapide MGB ( Motor Gun Boat ) de la Royal
Navy doit venir les chercher. Mais cette nuit-là,
la vedette MGB 318 chargée
de cette opération se présente devant l'ile Rosservor située à deux ou trois kilomètres au sud-ouest de Guénioc.
Le contact radio avec Londres demandant de rediriger la corvette
sur Guénioc, ne peut être
établi. En raison d'une interdiction de sortie en mer décrétée
par les Allemands, les pêcheurs ne peuvent fournir des vivres
et des couvertures aux évadés que le
5 novembre.
La presqu'île Sainte Marguerite, le chenal de l'Aber Benoît et l'île Guénioc
C'est dans la journée, « au nez et à la barbe » des Allemands que l'opération doit se dérouler. À travers les champs de mines, il y a des passages qu'il faut connaître pour aller ramasser le goémon à marée basse.
Le ramassage est autorisé par les Allemands. Munis de fourches et de râteaux, vos aviateurs s’avanceront à marée basse comme nous le faisons habituellement. Nos bateaux goémoniers parcourent les chenaux à proximité.
Caché par les rochers, le passager pourra alors embarquer prestement et sera déposé hors de vue sur l'île de Guénioc. Nous pouvons effectuer deux ou trois navettes avant de rentrer à l'embarcadère et subir le contrôle habituel de retour.
C'est au cours de la nuit que les chaloupes britanniques à rames les embarqueront depuis Guénioc sur une vedette rapide ( MGB ) qui les conduira au petit matin au port de Falmouth en Cornouailles.
Ligne d'évasion des Abers
Pierre Hentic
Les rochers à marée basse entre la presqu'île Sainte Marguerite et l'île Guénioc
Four à goémon
Vedettes rapides MGB de la Royal Navy
( Sur le site Motor Gun Boats de Mike Kemble et Ray Holden )
Le 7 novembre,
ils sont ramenés
à terre et cachés par des familles de Brest et
de Landerneau en attendant qu'une
nouvelle opération puisse avoir lieu, ce qui ne peut pas
se faire avant la prochaine période sans lune.
Pour
comprendre les raisons de cet échec et mieux coordonner
les prochaines évacuations, Pierre
HENTIC décide de se rendre à Londres,
où il est acheminé le 11 novembre par
une opération Lysander,
dont le nom de code est Salvia.
Le 26 novembre, il revient par mer en Bretagne, et constate que les deux agents belges du réseau
Possum, Walthère MARLY et Jean-Pierre LORGÉ, n'ont pas attendu.
De retour à Paris, Walthère MARLY déclare
à POTIER qu'il
n'a plus confiance dans son organisation, et décide
de rentrer en Belgique. Il se
retire à Laiche, hameau
de la commune de Chassepierre situé au Nord-Ouest de Florenville,
où il est hébergé par la Famille
MERNIER. Il y demeure jusqu'à
la Noël 1943, date où il se rend à Vielsalm, à une quarantaine
de kilomètres au Nord de Bastogne. Il s'engage alors dans
un maquis tenu par l'Armée
secrète belge, le sous-secteur Hoss correspondant au secteur 4 de la zone V,
dont il devient chef du service sabotage
et parachutage.
Le 1er décembre, une chaloupe réussit à ramener huit
aviateurs jusqu'à la corvette britannique, dont trois
pilotes qui ont été acheminés
en Bretagne par le réseau Possum
et qui sont évacués malgré une mer démontée.
Hélas, les deux autres chaloupes anglaises coulent,
laissant six marins rescapés du naufrage à cacher
dans la région venant s'ajouter aux aviateurs qui n'ont pas pu être
évacués.
Le
23 décembre, l'opération Felicitate est un échec car la vedette de la Royal Navy rappelle les chaloupes en raison
de conditions atmosphériques épouvantables, mais le
25 décembre, l'opération Felicitate
2 est un succès complet et permet de ramener en Angleterre 27 évadés, dont 4 aviateurs pris
en charge par le réseau
Possum .
Fred GREYER a pu identifier cinq pilotes de l'USAAF ( Armée de l'air américaine ) acheminés
par le réseau Possum et évacués par mer en utilisant cette filière
:
- au cours de la nuit
du 1er au 2 décembre 1943 : le lieutenant Merle
E. WOODSIDE ;
- au cours de la nuit
du 25 au 26 décembre 1943 : les lieutenants Raymond
F. BYE, Vernon E. CLARK et Charles P. BRONNER, ainsi
que le sergent B. DUNNING.
Pierre HENTIC était récompensé de tout le mal qu'il s'était donné pour mettre en place cette filière maritime.II avait enfin réussi à convaincre l'Amirauté britannique de l'intérêt de la zone des Abers, bien qu'elle soit considérée par eux comme particulièrement dangereuse, à la fois pour rapatrier les pilotes alliés pris en charge par les réseaux d'évasion et pour débarquer agents et matériel destinés à la résistance.
Pierre Hentic en uniforme après la guerre entouré des Bretons
qui l'ont aidé à mettre en place sa filière d'évasion maritîme dans la région des Abers
( Avec l'aimable autorisation d'Anne Alexandre, fille de Pierre Hentic )
Malheureusement l'arrestation de Pierre HENTIC le 6 janvier 1944 conduisit les Britanniques à s'en écarter. La zone des Abers fut abandonnée au profit de la Plage Bonaparte dans l'Anse Cochat à Plouha, utilisée par le réseau Shelburn(e), par laquelle furent sans doute également exfiltrés des pilotes alliés pris en charge par le réseau d'évasion Possum.
Le
site de la plage Bonaparte à Plouha dans les Côtes
d'Armor,
utilisé par le réseau Shelburne pour l'évacuation
par mer des pilotes alliés
Le rappel de Potier à Londres
et l'intérim de Georges d'Oultremont
Dans
la nuit du 7 au 8 novembre 1943, le comte
Georges d'OULTREMONT est déposé sur le
terrain Magdalen près
de Blérancourt dans
le département de l'Aisne, par un Lysander qui évacue en retour quatre pilotes américains. Dans
son rapport, le pilote McCAIRNS se
plaint d'une mauvaise réception sur le terrain en raison d'un balisage
déficient. Dans son rapport rédigé
à son retour en Angleterre, il en rendra responsable POTIER, le chef de Possum.
Georges
d'Oultremont
pseudos Georges Laporte, Ormonde, Roméo, Gréville
a assuré l'intérim de Potier à la tête
de Possum
de la mi-novembre à la mi-décembre 1943
( Archives notariales Défense -
Bruxelles )
Georges
d'OULTREMONT, qui appartient à une famille de
l'aristocratie belge, est un ancien agent de la ligne
d'évasion terrestre Comète,
passé en Angleterre en janvier 1943.
Sa mission est de créer un réseau
d'évasion semblable au réseau Possum, plus à l'Ouest, mais il ne dispose pas d'opérateur radio et en attendant,
il doit se former aux côtés
de POTIER.
Il est réceptionné par Charles POGGIOLI, un habitant de Cuts, une petite commune du département
de l'Oise située à quelques kilomètres au Nord-ouest
de Blérancourt, puis il
est emmené à la Ferme de la
Tour à Blérancourt, chez Henry
BURNY. À
5 heures du matin, Madame POGGIOLI le
conduit dans sa voiture à la gare
de Saint-Quentin, où il prend le train pour Paris.
Le nom de Charles PIOGGIOLI figure sur un additif à la liste des agents homologués P2 du réseau Possum.
À Paris,
il contacte son ami Alec
VAN DER STRATEN WAILLET à
l'ambassade de Belgique, où il est hébergé
pendant une semaine avec l'approbation de l'ambassadeur, Hubert
CARTON DE WIART. Il y retrouve bientôt le baron Edé de SELYS, évadé d'un camp de prisonniers de guerre allemand qui, en attente d'être acheminé au Royaume-Uni par le réseau d'évasion Comète, est lui aussi venu se réfugier à l'ambassade de Belgique.
Il trouve ensuite un logement dans une maison du quartier
de La Muette, dans le 16e arrondissement, appartenant
à Jeanne DARCY, née de CHABAUD LATOUR, une Française qui travaille pour Comète.
Il dépose plusieurs millions de francs français destinés
à financer sa mission chez le banquier Jean-Pierre MALLET, dont il devient l'ami, et qui le présente à son beau-frère, Lorrain CRUZE, désigné
par Georges
d'OULTREMONT comme étant « un
dirigeant important de la Résistance ». Lorrain CRUSE est en relation
avec Jacques DELMAS, CHABAN dans la Résistance, Maurice BOURGÈS-MAUNOURY et Félix GAILLARD, des
camarades avec lesquels il a préparé en
1941 l'Inspection des Finances.
Il
fréquente les grands restaurants parisiens, en particulier Chez Maxime,
et participe à un déjeuner « dans
un bon restaurant de l'avenue de la Grande Armée » en compagnie de Jean-Pierre MALLET, Lorrain CRUZE et Jacques CHABAN-DELMAS
Il s'efforce de trouver
des personnes susceptibles de travailler pour lui,
c'est-à-dire de convoyer et héberger
agents et pilotes alliés en transit, servir de boîte
à lettres, devenir agents de liaison .
Avec l'aide de Alec
VAN DER STRATEN WAILLET, il recrute peu de temps après son arrivée à Paris trois
jeunes filles appartenant à l'aristocratie française : Jane d'OILLIAMSON, Monique de BRIEY, pseudo Jeannette, alias « La
lionne », et Mousy
de GUITAUT, alias « La
souris »
C'est seulement plusieurs jours après son infiltration en France, que Georges d'OULTREMONT parvient
à entrer en contact avec le chef de Possum, Dominique POTIER.
Dans la nuit du 16 au
17 novembre, POTIER organise un double pick-up,
toujours sur le terrain Magdalen.
Les avions qui déposent deux agents franco-canadiens
chargés par le MI 9 d'aller mettre en place en Bretagne le
réseau d'évasion par mer Shelburn(e), emmènent POTIER et cinq pilotes alliés, dont deux Américains que Monique de BRIEY et Mousy de GUITAUT ont convoyés de Paris à Chauny.
Ce rappel de POTIER en Angleterre, suite à
la plainte de McCAIRNS afin d'y
suivre un entraînement de « rafraîchissement », est surprenant. C'est en effet ce jeune officier qui
avait formé POTIER aux pick-up de nuit, en moins
de trois jours, au début du mois
de juin 1943, pour le préparer à la Mission
Martin, et il avait alors rédigé un
rapport très élogieux.
Le commandant CONNART,
s'interrogeant sur les motifs de ce rappel, pense qu'il n'était
sans doute qu'un prétexte de couverture permettant de faire venir POTIER à Londres afin de discuter avec lui de la situation
devenue de plus en plus difficile dans le secteur de Reims-Fismes,
de prendre avec lui la mesure des conséquences pour la Mission
Martin de la chute du réseau
SOE Physician-Prosper au cours
de l'été 1943, et surtout, mais cela avait
été soumis au secret, pour que POTIER puisse suivre à la RAF un cours spécial
sur les évacuations par air en multi-moteurs.
En effet, les filières
d'évasion terrestres et aériennes étant engorgées
d'aviateurs, et devenant de plus en plus difficiles à gérer,
les Alliés ont dû faire évoluer leurs plans
aériens. Le Lysander était un petit avion à atterrissage très court,
mais lourd, bruyant, lent, et qui ne pouvait transporter guère
plus de deux ou trois passagers, alors que le bimoteur
Hudson pouvait en emporter une dizaine. Encore fallait-il
disposer de personnes qualifiées pour mettre au point un plan d'utilisation de ce type d'appareil
dans des opérations nocturnes et
clandestines de ramassage, exigeant des pilotes expérimentés
et des terrains soigneusement sélectionnés.
Le
bi-moteur Hudson
( Archives notariales Défense -
Bruxelles )
Dominique POTIER était un spécialiste de ces opérations. Non seulement il n'a été
ni sanctionné, ni même blâmé à
la suite de la plainte formulée contre lui, mais son expérience
et sa compétence ont été reconnues. Le
26 novembre 1943, il a été élevé
au grade de major, correspondant
en France au grade de commandant.
À Fismes pendant son absence, c'est Georges d'OULTREMONT qui assure l'intérim à la tête du réseau
Possum.
Avec Camille BEURÉ, Georges
d'OULTREMONT parcourt la région
de Fismes à bicyclette, pour y repérer
des terrains d'atterrissages susceptibles
d'être homologués par la RAF pour les opérations
de pick-up. La description de ces terrains est envoyée à Londres en utilisant pour chacun d"'entre eux le croquis d'une montre, accompagné de commentaires,
comme indiqué ci-dessous d'après un dessin et des informations laissés
par Georges d'OULTREMONT à
sa famille après la guerre :
Croquis de repérage utilisé par Georges d'Oultremont
( Avec l'aimable autorisation de Brigitte d'Oultremont )
L'envoyeur
et le receveur du message travaillent sur la même carte Michelin.
Tout est reproduit sur le dessin d'une montre
dont le midi est le Nord, le Sud 12 heures 30 et ainsi de suite.
Les espaces réguliers entre les cercles
sont de 100 mètres sur le terrain.
Les coordonnées géographiques du
point central ( latitude et longitude ) sont indiquées sur
la carte Michelin en degrés et en minutes, par exemple 2°60'
X 50°24'.
La description du terrain et des obstacles environnants
se fait par rapport à ce point central de la montre qui correspond
au centre du terrain et dans le sens de rotation des aiguilles
de la montre :
- Midi : 450 m - arbre
8 m [ ce qui signifie qu'au Nord et à 450 mètres
du centre du terrain, il y a une arbre de 8 mètres de haut ]
- Midi à midi 07 : 500
m - Clôture 1 m
- Midi 07 à midi 14 : 325
m - Bois 5 m
- Midi 14 à midi 23
: 400 m - Champ labouré
- Midi 23 à midi 35 : 400
m - Champ labouré
- Midi 35 : 400 m
- Bosquet
- Midi 35 à midi
45 : 200 m - Bois 8 m
- Midi 45 à midi
51 : 325 m - Étang
- Midi 51 à midi 54 : 325
m - Bois 8 m
- Midi 54 à midi : 450
m - Champ
Il fallait que le terrain indiqué soit
d'au moins 600 mètres de long.
Je savais que 132 de mes pas faisaient 100 mètres.
Les informations concernant chacun
des terrains, proposés par Georges
d'OULTREMONT pour être homologués par la
RAF, étaient envoyées par le
radio Conrad LAFLEUR.à
Londres, mais la plupart de ces terrains
ont été refusés par les experts
de la RAF qui les ont considérés comme trop
dangereux.
Lors
des opérations de pick-up, Georges d'OULTREMONT précise
que les avions Lysander allumaient à peine quelques secondes
leurs phares lorsqu'ils atterrissaient sur les terrains
homologués par la RAF et balisés
par quatre personnes au sol à l'aide de lampes
de poche, selon le croquis ci-dessous :
Croquis de balisage tracé par Georges d'Oultremont
( Avec l'aimable autorisation de Brigitte d'Oultremont )
Au
cours de cette période d'intérim à la tête
de Possum, Georges
d'OULTREMONT fait fréquemment la navette entre Fismes et Paris.
À Fismes, il est hébergé au domicile de la Famille JEUNET chez lesquels
il rencontre le radio du réseau Conrad LAFLEUR pour lui donner
les messages à envoyer à Londres et prendre connaissance des messages reçus qui lui sont destinés.
Le 15 décembre
1943, une opération Lysander devait ramener POTIER sur le
terrain University, mais
elle a dû être annulée en raison du mauvais temps.
Dans la nuit du 20 au
21 décembre 1943, POTIER est parachuté à Dhuizel au Nord-Ouest de Fismes par un avion Halifax.
Il est accompagné de BLOM,
un ami de de Georges
d'OULTREMONT, le baron belge Jean de BLOMMAERT de SOYE et de son opérateur-radio Willy LEMAÎTRE.
C'est Georges d'OULTREMONT qui commande l'équipe
de réception au sol :
Nous
étions depuis un quart d'heure sur le chemin du retour...
quand nous entendons le bruit d'un avion. Nous traversions à
ce moment un champ couvert de nombreux tas de fumier odoriférants.
L'avion arrivant au-dessus de nos têtes,
je fais le signal convenu avec ma torche et l'avion me répond
aussitôt.
Nous prenons alors rapidement nos dispositions
de réception et nous distinguons dans la nuit les deux
colis qui rejoignent le sol.
Mais la nuit s'était fortement
assombrie et l'avion hâtivement s'est éloigné.
Il fallait alors dans ce grand champ que je ne connaissais pas
retrouver nos compagnons.
Allant d'un petit tas de fumier à un
autre, je criais sourdement le mot de passe « Marie-Louise »
auquel Jean devait me répondre « Napoléon ».
J'avais adressé mon appel une quantité
de fois, toujours sans résultat, quand tout à coup,
dans un taillis au bord du champ s'élève une voix
chaleureuse qui me dit : « Mais Georges,
tais-toi, on n'entend que toi ici ? ».
Heureusement le retour se fit sans difficulté
et les retrouvailles se firent silencieusement et joyeusement.
Jean
de Blommaert de Soye,
pseudo Rutland
( Archives notariales Défense -
Bruxelles )
|
Willy
Lemaître, pseudo London,
l'opérateur-radio de Jean de Blommaert
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La Mission Rutland qui
a été confiée à Jean
de BLOMMAERT consiste à mettre en place un réseau
d'évasion par air dans le secteur de Chartres,
et par mer sur les côtes
bretonnes, en restant en contact avec POTIER par boîte postale, au cas où il aurait besoin de secours.
Le 21 décembre, Georges d'OULTREMONT et Jean
de BLOMMAERT quittent Fismes où de BLOMMAERT laisse
son émetteur radio et son matériel. Ils se rendent
à Paris où de BLOMMAERT est
hébergé chez Elisabeth du CHAYLA, alias «
Lili ».
Le 24 décembre,
ils assistent ensemble à la messe
de minuit, avancée à 17 heures en raison
du couvre-feu, en l'église de La Madeleine.
Le même jour, Suzanne BASTIN rencontre pour
la dernière fois le chef du réseau
Possum, qui lui confie une mission
en Belgique.
Le 25 décembre,
toujours à Paris, POTIER rencontre d'OULTREMONT et de BLOMMAERT pour discuter
avec eux des dernières dispositions à prendre.
Le 26 décembre, Monique de BRIEY accompagne Georges d'OULTREMONT chez la comtesse Jeanne de POIX au Château des Pins à Douadic dans l'Indre,
un village situé à l'Ouest de Chateauroux,où
ils sont hébergés tous les deux. Au cours de son séjour,
il cherche à repérer d'éventuels
terrains d'atterrissage, mais sans succès car
la région est couverte de forêts et de marais.
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