|
Le chef du BOA et des FFI
de l'arrondissement de Reims
André
SCHNEITER
est né le 27 juin 1914 à
Reims, où il exerçait
la profession de courtier en vin de Champagne.
En mai-juin 1940,
lors de l'offensive allemande, son unité combat en Belgique,
puis dans la poche de Dunkerque, où elle embarque pour l'Angleterre.
Rapatrié, il participe à la Campagne de France et reçoit
la Croix de guerre.
En 1941-1942,
dès que le mouvement Ceux de la Résistance
( CDLR ) se structure dans la Marne, il y adhère et y participe
activement.
Depuis l'arrestation le
10 juin 1943 du docteur Jean QUENTIN,
chef de CDLR, la direction de
ce mouvement est assurée dans la Marne par Henri
BERTIN qui est aussi chef départemental de l'Armée
secrète et du Bureau des
opérations aériennes ( BOA ).
En octobre 1943,
André SCHNEITER est désigné
comme chef du BOA de l'arrondissement de Reims ;
c'est lui qui désormais prend en charge les réceptions
de parachutages.
En novembre 1943,
il organise le départ pour l'Angleterre
des résistants marnais recherchés activement par la
Gestapo. Avec l'aide du groupe
CDLR de Gueux, dirigé par Pol
PONCELET, il balise un terrain dépendant de la Ferme
de Montazin, entre Savigny
sur Ardres et Jonchery,
et en transmet les coordonnées à Londres.
Dans la nuit du 11 au 12
novembre 1943, dans le cadre de l'opération
« Salvia », deux avions Lysander
appartenant au 161e Escadron de la RAF
atterrissent sur ce terrain. Alfred CHABAUD,
professeur à l'École des arts et métiers de Châlons-sur-Marne
révoqué par Vichy et membre du Réseau
Brutus Nord laisse sa
place a Henri BERTIN
qui, en tenue d'officier français, y
prend place avec d'autres membres de la Résistance : Pierre HENTIC, chef des opérations aériennes du réseau Jade-Fitzroy, le colonel
TRELLU, FORTIER agent
SR Giraud, SIMORRE, Raoul POTELETTE de Résistance-Fer et son épouse. Les deux avions décollent rapidement.
Le groupe de réception récupère le matériel
de balisage et évacue les lieux en parvenant à échapper
aux patrouilles allemandes qui, ayant repéré l'opération,
se rendent dans le secteur.
En décembre 1943,
lorsque Gilbert GRANDVAL, commandant
en chef de la Région C, prend contact avec
le département de la Marne, c'est sur le conseil d'André
SCHNEITER qu'il désigne Pierre
BOUCHEZ, industriel rémois, président du
Groupement interprofessionnel des syndicats patronaux de la Marne,
chef d'escadron de réserve et membre de l'état-major
marnais de CDLR, pour commander les Forces
françaises de l'intérieur ( FFI ) du département.
Depuis le départ de BERTIN pour Londres, c'est le chef de Ceux de la
Libération ( CDLL ), Jean-Jacques
GOGUEL, directeur du service du Commissariat au travail
des jeunes installé à la sous-préfecture de Reims,
qui le remplace à la tête de
CDLR dans la région de Reims, fonctions
qu'il cumule avec celles de chef de l'Armée secrète
et des FFI de l'arrondissement de Reims.
Ce manque de cloisonnement
s'avère dramatique lorsqu'à
la fin de l'année 1943 la résistance marnaise
est décimée par les arrestations.
Le
14 décembre 1943,
Jean-Jacques
GOGUEL est arrêté
à Reims par la Gestapo, et déporté
le 21 mai 1944 à Neuengamme.
Le 27 décembre 1943,
André SCHNEITER est désigné
pour remplacer Jean-Jacques GOGUEL
à la tête des FFI de l'arrondissement de Reims.
L'arrestation à Reims,
Le
28 décembre, André
SCHNEITER échappe aux agents
de la Gestapo qui enfoncent la porte de son domicile 26,
boulevard de la Paix à Reims, en prenant la fuite
par les toits.
Le même jour, Jacques
DÉTRÉ, secrétaire du Groupement interprofessionnel
des syndicats patronaux de la Marne, collaborateur de Pierre
BOUCHEZ et lui aussi membre de
l'état-major de CDLR, est arrêté
à Reims dans son bureau 10, place Godinot et
torturé à mort dans les locaux de la Gestapo.
Pierre BOUCHEZ, voyant arriver
les agents de la Gestapo depuis le bureau situé au 1er étage
de son entreprise des Filatures et Tissages de Reims 36, rue Boulard,
parvient à leur échapper en
sautant par la fenêtre et en se réfugiant dans la cour
d'une maison voisine.
André
SCHNEITER traqué par la Gestapo se réfugie
33,
rue du Barbâtre
chez Berthe HESTREST,
secrétaire du chef départemental des FFI, puis 86,
rue Chanzy à
la Maîtrise où il
est pris en charge par l'abbé
Lucien HESS qui lui fournit des habits ecclésiastiques
et lui trouve un refuge à l'Abbaye
d'Igny. Il s'y cache, puis se rend à Paris avant
de revenir à Reims en mars 1944,
pour y reprendre l'action clandestine sous le pseudonyme d'André
SALAVIN, comportant les mêmes initiales que son vrai
nom.
Le 8 juillet 1944,
André SCHNEITER est arrêté
à Reims par la Gestapo au domicile de Maurice
et
Marie-Thérèse OGNOIS 43, rue Ruinart de Brimont.
Cette
arrestation intervient après le démantélement,
le 18 juin 1944, du maquis
franco-belge du Banel, dirigé par Adelin
HUSSON, pseudo Georges,
suite à l'infiltration au sein de la Résistance sedanaise
de l'agent de l'Abwehr Charles-Antoine
ROEMEN, alias RUDEAULT.
Adelin
HUSSON a
été tué lors de l'opération menée
contre ce maquis, mais son agent de liaison et représentant
auprès de la Résistance ardennaise, Roland
FONTAINE, pseudo Victor DELCOURT,
a été capturé par les Allemands.
L'abbé FONTAINE,
curé de Savigny-sur-Ardres dans la Marne, ami de l'abbé
Lucien HESS de Reims, membre de Libération-Nord,
avait auparavant apporté son aide à Raymond
GALLET de Fismes, agent
du réseau d'évasion POSSUM,
dans l'hébergement de plusieurs aviateurs de la RAF, avait
fourni des renseignements concernant le repérage de possibles
terrains d'atterrissage dans la Marne, et avait soigné des
pilotes blessés et malades. Recherché par la Gestapo
dans la Marne après le démantélement
du réseau Possum fin décembre
1943, il s'était réfugié à
Laiches
en Belgique, et était entré au maquis
du Banel
le 12 janvier 1944.
Le transfert à la prison
de Charleville
et l'exécution à Tournes
Incarcéré
à la prison de Charleville,
l'abbé FONTAINE est interrogé
par Charles-Antoine ROEMEN et,
sous la torture, lâche probablement les noms de ses connaissances
dans la Marne, notamment celui de Maurice
OGNOIS, membre de Libération-Nord
à Reims.
Le
3 juillet 1943,
ROEMEN s'était rendu à
Reims au domicile de Maurice
OGNOIS à qui il s'était présenté
sous le nom de CHARLES, agent de
l'Iinelligence Service, ami de l'abbé
FONTAINE et membre du maquis du
Banel. Il lui expliqua que le maquis du Banel était
tombé, que l'abbé FONTAINE,
ayant réussi à s'enfuir, se cachait, et qu'il l'avait
chargé de prendre contact en son nom avec la résistance
marnaise pour lui proposer de récupérer une partie du
stock d'armes et
d'explosifs du maquis du Banel qui avait, disait-il, échappé
aux recherches des Allemands. En outre, il lui proposa d'assurer la
liaison entre la résistance ardennaise et la résistance
marnaise.
Maurice OGNOIS lui
avait répondu qu'il n'était pas habilité à
traiter d'affaires militaires, qu'il devait en référer
à ses chefs dont il ignorait les adresses, et qu'il lui faudrait
plusieurs jours pour prendre contact avec eux. Il proposa donc à
ROEMEN un rendez-vous
fixé au 8 juillet
à son domicile.
Le samedi 8 juillet 1943,
en début d'après-midi, cette seconde rencontre avec
ROEMEN a lieu en présence
de Paul SCHLEISS responsable
rémois de Libération-Nord contacté
par Maurice OGNOIS, accompagné
d'André SCHNEITER.
ROEMEN
se présente comme un résistant condamné à
mort par la Gestapo, exhibe une vraie-fausse carte du parti
collaborationniste le Rassemblemnt
national populaire ( RNP ), carte qui, déclare-t-il,
lui sert de couverture, et des papiers qui l'accréditent auprès
d'eux.
André SCHNEITER se présente
sous son pseudo André SALAVIN
et en qualité de chef militaire de
l'arrondissement de Reims.
La discussion
s'engage et porte sur la récupération
des armes et des explosifs du maquis
du Banel, dans les Ardennes.
Au milieu de la conversation, la sonnette
retentit à la porte. Maurice OGNOIS
se lève, va ouvrir et se trouve en face de quatre agents de
la Gestapo, tandis que dans la pièce, ROEMEN
sort un révolver et met en joue André
SCHNEITER et Paul SCHLEISS.
En même temps qu'André
SCHNEITER et Paul SCHLEISS,
sont arrêtés Maurice et Marie-Thérèse
OGNOIS, ainsi que leur fille Denise,
âgée de 18ans, et leur nièce, Jacqueline
THIRION.
Ils sont tous
transférés à la
prison de Charleville où
est déjà détenu l'abbé
FONTAINE.
Le
29 août 1944, alors que commence la
libération de la ville de Reims où son frère
Pierre va être nommé
sous-préfet, et que l'armée
allemande évacue Charleville, André
SCHNEITER fait partie d'un groupe de treize
otages choisis au hasard, avec
Paul SCHLEISS, Marie-Thérèse
OGNOIS
et Henri
MOREAU, chef départemental
du BOA dans les Ardennes, puis dans la Marne. Transférés
en camion hors de la ville, ils sont fusillés
en bordure du Bois de la Rosière, sur le territoire de la commune
de Tournes.
Voici comment, sous le titre "
Un de leurs derniers crimes ", l'historien ardennais,
Jacques VADON, a retracé
le massacre du Bois de la Rosière
:
Le
29 août 1944, quelques heures avant leur départ, les
Allemands se résignent à libérer les patriotes
détenus à la prison de Charleville, place Carnot,
environ une cinquantaine d'hommes et de femmes.
Mais sur l'insistance de la Gestapo et de la Milice
française, ils décidèrent de fusiller au préalable
quelques otages.
Et c'est ainsi que treize malheureux, désignés
au hasard, sont extraits de leur cellule et transportés en
camion au bois de la Rosière ( commune de Tournes ) où
ils sont aussitôt abattus.
On leur avait fait croire qu'on allait les libérer.
Parmi eux, il y avait deux femmes.
Les
fusillés du Bois de la Rosière le 29 août 1944
à Tournes
De
droite à gauche :
- Marie-Thérèse
OGNOIS, un bouquet de fleurs glissé sous son bras par
des
habitants de Tournes
- Paul
SCHLEISS en pantalon rayé
- et
André SCHNEITER
André
SCHNEITER a été décoré à
titre posthume de la Légion d'Honneur.
Il ne figure pas sur le registre
des Combattants volontaires de la Résistance (
CVR ) de la
Marne, qui compte pourtant un certain nombre de CVR à titre
posthume.
Le souvenir d'André Schneiterà Reims et dans les Ardennes
À
Reims
Le
nom d'André SCHNEITER est
gravé sur le Monuments aux Martyrs
de la Résistance érigé à Reims
dans les Hautes Promenades à proximité du Monument aux
morts et de la gare.
Ils
ont combattu, ils ont souffert, ils sont morts pour le même
idéal |
En
1974,
l'ancien Brigadier-chef FFI, Albert
MANOUVRIER,
qui
a combattu sous leurs ordres dans la Résistance, a dédié
un poème au
lieutenant André
SCHNEITER
associé
au lieutenant Louis
Armand PAILLARD
qui
s'achève par cette strophe :
Vous,
Martyrs de la Résistance,
Purs flambeaux de l'humanité,
Fiers visages de notre France
et gage de sa liberté,
Vous avez marché à la mort,
Les yeux ouverts, sourds aux dangers,
Comme la barque sort du port
S'élance vers les naufragés...
Notre chant de reconnaissance
Vous rejoint dans l'Éternité.
Une plaque commémorative
a été apposée en
1947 par la municipalité de Reims à
son domicile 26, boulevard de la
Paix, et une rue de Reims
porte son nom depuis 1971 dans
le quartier Croix Rouge.
26,
boulevard de la Paix
Quartier
Croix Rouge
Au Tennis-Club de Reims
15, rue Lagrive
Le nom d'André SCHNEITER est également inscrit sur la plaque commémorative « À nos camarades victimes de la guerre 1939-1945 »érigée en 1947 dans le hall d'entrée du Tennis Club de Reims où où un bâtiment d’extension construit après la guerre a été baptisé « Courts André Schneiter ».
Le
Monument du Bois de la Rosière à Tournes
Le
nom d'André SCHNEITER et
celui de ses camarades rémois exécutés par les nazis dans les Ardennes, sont gravés
sur le Monument
du Bois de la Rosière érigé à Tournes , sur le lieu où
ils ont été fusillés le 29 août 1944,
et sur le Mémorial
de la Résistance ardennaise qui se dresse sur
le plateau de Berthaucourt à Charleville-Mézières.
29
août 1944
Aux martyrs de la Résistance
Ils ont donné leur vie
pour nous
Ne l'oublions jamais |
Le Mémorial de la Résistance ardennaise
à Charleville-Mézières
Les sources
-
Jean-Pierre HUSSON, La
Marne et les Marnais à l'épreuve de la Seconde Guerre
mondiale, Presses universitaires de Reims, 2 tomes,
2ème édition, 1998.
- Jocelyne HUSSON, Reims
Souviens-toi 1945-1985 - Étude des plaques dédiées
à la mémoire des victimes rémoises de la
répression nazie, PAE réalisé
avec les élèves de troisième du collège
Saint Remi de Reims, L'Atelier Graphique, 1985.
- Michel PICHARD, alias Pic,
alias Gauss, chef du BOA, " Note
relative aux activités du BOA, secteur de Reims jusqu'en
mars 1944 inclus ", 29 mai 1972, Fonds André
Aubert / Jean-Pierre Husson - Correspondants
marnais du Comité d'histoire de la 2ème guerre mondiale.
- Jean JOLY et Daniel
MARQUET, Mouvement Ceux
de la Résistance- Arrondissement de Reims,
338 pages dactylographiées,1998.
- Philippe LECLER, " La
collaboration en Ardenne : le cas de Charles-Antoine
Roemen, alias Renault ", Terres ardennaises,
n° 85, décembre 2003.
- Jacques VADON, 1940/1944
les Ardennes en images, Bruxelles, SODIM, 1977.
- Notice biographique dans
L'Union des
15 et 16 décembre 1945, reprise in extenso dans
Albert MANOUVRIER,
La Résistance au quotidien dans la
ville que j'ai tant aimée, Ajaccio, La Marge,
2ème édition, 1991.
- Archives départementales de la
Marne, M 4774, personnes
domiciliées dans la Marne, fusillées ou décédées
en détention hors du département, liste dressée
à la demande du ministère de l'Intérieur
en octobre 1944.
- Archives de CDLR-Marne.
- Archives du COSOR. |
|