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L'exaltation
de la France résistante à la Libération
et le silence sur les années noires de l'Occupation

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    Jusqu'à une période relativement récente, la mémoire officielle a eu tendance à refouler certains aspects de l'histoire des « années noires » de l'occupation allemande, à oublier la très large adhésion des Français à PÉTAIN et au régime mis en place à Vichy en juillet 1940 par « le vainqueur de Verdun », à refouler les petites et grandes lâchetés de la vie quotidienne d'une population dont la majorité a cherché d'abord et avant tout à traverser l'épreuve de l'Occupation en assurant sa survie.

    Dans le même temps, la mémoire officielle a entretenu et magnifié au fil des commémorations, le souvenir d'une résistance précoce, de masse, héroïque, et elle a longtemps refusé de reconnaître la singularité et l'horreur du génocide des Juifs, les responsabilités françaises ou en tout cas la complicité du gouvernement français, de l'administration française, de la police française, des magistrats français, des administrateurs français de biens juifs, des banquiers français, dans la mise en œuvre de la politique de marquage, d'exclusion et d'extermination des Juifs.

    En 1944-1945, gaullistes et communistes ont imposé durablement une lecture héroïque et résistancialiste de l'histoire de la 2ème guerre mondiale qui a fondé le mythe d'une résistance de masse et exalté, qui le chef charismatique ( le général de Gaulle ) pour les gaullistes, qui « le parti des fusillés » ( le PCF ) pour les communistes.
    Il fallait alors ressouder l'unité nationale, reconstruire une identité française honorable, digne de passer à la postérité, la faire reconnaître et respecter par nos alliés américains qui avaient d'abord envisagé de placer la France libérée sous l'administration militaire alliée ( 1 ).
    Il fallait mettre un terme aux séquelles de la guerre et de l'occupation allemande.
    Enfin, il fallait créer les conditions d'une reconstruction rapide de notre pays sur le plan politique, administratif et économique.

    Ainsi furent mises entre parenthèses la période de Vichy, la spécificité du régime de Vichy auquel fut déniée toute légitimité, et qui fut qualifié « d'autorité de fait ».
    Quant à la collaboration, elle fut considérée comme un épisode grave impliquant certes le châtiment des traîtres, mais finalement minoritaire, et qu'il fallait vite oublier.

    Le général DE GAULLE, l'homme de l'Appel du 18 juin 1940, le chef de la France libre, devenu le chef du Gouvernement provisoire de la République française restaurée, a contribué à imposer cette vision résistancialiste et héroïque, qui impliquait de façon paradoxale qu'on enterre Vichy.
    Le 9 août 1944, une ordonnance « relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental » publiée à Alger a rayé d'un trait de plume l'épisode de Vichy :

   « Article 1er : La forme du gouvernement de la France est et demeure la République.
   En droit, celle-ci n'a pas cessé d'exister.
   Article 2 : Sont en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels, législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940

[ date de la démission du président du conseil Paul REYNAUD,
remplacé par PÉTAIN ]
et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française.
  Cette nullité doit être expressément constatée »
 2 ).

   Le 25 août 1944, à l'Hôtel de Ville de Paris - là même où peu de temps auparavant, le 26 avril 1944, le maréchal PÉTAIN avait été lui aussi acclamé par de nombreux Parisiens - de GAULLE, avant de réinstaller le gouvernement de la République dans la capitale, est venu saluer le peuple de Paris :

  «  Paris ! Paris outragé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré ! libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France toute entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle ».

   La guerre n'était pas terminée et il fallait donner aux Alliés l'image d'une France résistante, respectable, légitime, unie en bloc derrière de GAULLE.


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