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Les mémoires oubliées
ou refoulées

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   La mémoire résistante héroïque, combattante qui s'est imposée à la Libération, a contribué à refouler d'autres mémoires, mémoires de Vichy, mémoires des victimes de Vichy et des occupants allemands, mémoires oubliées, occultées qui cependant n'ont pas manqué à un moment ou à un autre de resurgir dans une sorte de réflexe identitaire nourri par un besoin de reconnaissance :

  • La mémoire pétainiste, vichyste, attachée après la guerre à développer la thèse du moindre mal et d'un « Vichy bouclier » qui, sous la houlette tutélaire du maréchal PÉTAIN, le vainqueur de Verdun, aurait permis de protéger les Français, de leur éviter le pire, et qui aurait constitué à sa façon une autre résistance, venant compléter celle, qu'armé du « glaive », incarnait le général DE GAULLE à Londres. Cette thèse à laquelle se raccroche encore aujourd'hui les nostalgiques de Vichy, a été énoncée par Robert ARON  dès les années 1950. Le ralliement à cette thèse dans le contexte de la guerre froide, de quelques Français libres tel le colonel RÉMY qui avait pourtant rejoint DE GAULLE à Londres dès juin 1940, a contribué à lui donner un certain crédit, mais elle a été réfutée par la plupart des historiens 1 ) ;

  • La mémoire giraudiste, très hostile au général DE GAULLE et aux gaullistes, des militaires de l'armée d'armistice, qui ont essayé derrière le général GIRAUD au moment du débarquement allié d'Afrique du Nord en novembre 1942, de jouer la carte américaine, tout en restant attaché à certaines valeurs de la Révolution nationale ;

  • La mémoire des maréchalo-résistants tel Henri FRENAY2 ) qui, bien que résistant de la première heure, a continué un temps à faire confiance au maréchal PÉTAIN ou des vichysto-résistants qui, après avoir fait confiance à PÉTAIN et adhéré à la Révolution nationale, ont ensuite le moment venu basculé progressivement dans la Résistance, parfois tardivement, sans pour autant renier leurs engagements ou leurs convictions vichystes antérieures ;

  • La mémoire des déportés résistants ou politiques hantés par le souvenir de leurs camarades morts dans les camps de concentration et d'extermination, que cultivent les associations de déportés : FNDIR - UNADIF, FNDIRP , URDJF 3 ) ;

  • La mémoire juive des rescapés et des descendants des victimes de la Shoah que Serge KLARSFELD, son association Les fils et filles des déportés juifs de France et d'autres associations se sont efforcés et s'efforcent aujourd'hui encore de faire reconnaître ;

  •  La mémoire des populations des départements d'Alsace-Lorraine annexés par le Reich hitlérien de 1940 à 1944 : mémoire des « malgré nous » incorporés de force à partir de l'été 1942 dans la Wehrmacht et dans les unités d'élite de la Waffen SS ; mémoire des « anti malgré-nous », ces jeunes qui ont refusé de porter l'uniforme allemand et qui ont été internés et déportés dans les camps de Schirmeck et du Struthof, ou qui ont fui vers la Suisse, la France occupée, la France non occupée, l'Espagne, l'Afrique du nord, pour s'engager dans la Résistance ou la France libre, au risque d'être arrêtés et immédiatement fusillés comme déserteurs  et pour leur famille d'être, en représailles, déportées en Allemagne et leurs biens saisis 4 ) ;

  • La mémoire des tziganes5 ), homosexuels 6 ) , témoins de Jéhovah 7 ), minorités persécutées et déportées, longtemps maintenue dans l'oubli, toujours en mal de reconnaissance.

  • La mémoire des prisonniers de guerre, ces « exclus de la victoire », pour reprendre le titre de la thèse de François COCHET8 ) ;

  • La mémoire des requis du Service du travail obligatoire ( STO ), en mal de reconnaissance, qui revendiquent le statut de déporté du travail au même titre que les déportés résistants ou politiques qui eux s'opposent catégoriquement à cette reconnaissance et rejettent cet amalgame 9 ) ;

  • La mémoire des anciens des Chantiers de jeunesse, cette structure créée par le gouvernement de Vichy pour embrigader les jeunes et les modeler aux valeurs de la Révolution nationale, dont certains éléments ont rejoint la Résistance 10 ).

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