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La reconnaissance progressive
de la responsabilité de l'État français

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   Les péripéties judiciaires de l'affaire Bousquet-Leguay-Papon ont amené les dirigeants de notre pays à reconnaître progressivement la responsabilité du régime du maréchal Pétain, la responsabilité de l'État français dans la mise en œuvre de la « solution finale » en France.

    François MITTERRAND, après avoir longtemps refusé de reconnaître officiellement cette responsabilité, fut contraint d'infléchir sa position.
    En juillet 1992, alors qu'on se préparait à commémorer le 50ème anniversaire de la rafle du Vélodrome d'Hiver, la presse révéla qu'il faisait déposer régulièrement depuis 1987,
chaque 11 novembre, une gerbe de fleurs sur la tombe du maréchal PETAIN à l'île d'Yeu.
    Interrogé par les journalistes, l'entourage de président de la République expliqua cet hommage rendu au vainqueur de Verdun, comme faisant partie de la « tradition républicaine », une tradition à laquelle le président se serait conformé comme ses prédécesseurs.

    En réalité, comme l'expliquent Henry ROUSSO et Eric CONAN dans Vichy, un passé qui ne passe pas 1 ), le général de GAULLE n'avait fait déposer une gerbe de chrysanthèmes sur la tombe de Pétain qu'une seule fois, le 10 novembre 1968, à l'occasion du 50ème anniversaire de la victoire de 1918 marqué par un dépôt de gerbe sur la tombe de tous les généraux vainqueurs de la 1ère guerre mondiale, sans exception, un geste mal apprécié d'ailleurs par des nostalgiques de Vichy qui arrachèrent le ruban portant le nom du général de Gaulle

    Georges POMPIDOU fit déposer une gerbe lui aussi une seule fois sur la tombe de PÉTAIN, lorsqu'en février 1973, le cercueil du maréchal qui avait été enlevé par un commando d'extrême-droite voulant le transférer à l'ossuaire de Douaumont près de Verdun, fut ramené à l'île d'Yeu.   

    Valéry GISCARD D'ESTAING en fit de même en 1978 à l'occasion du 60ème anniversaire de l'armistice de 1918.

    C'est donc bien François MITTERRAND qui a inauguré ce rituel en faisant déposer une gerbe sur la tombe de PÉTAIN le 22 septembre 1984 ( jour de sa rencontre-poignée de main avec le chancelier ouest-allemand, Helmut KOHL ) et le 15 juin 1986, à l'occasion du 70ème anniversaire de la bataille de Verdun, puis chaque année le 11 novembre à partir de 1987.
    Pour calmer l'émotion de la communauté juive, le président MITTERRAND annonça sa participation à la commémoration de la rafle du Vélodrome d'Hiver le 16 juillet 1992, au cours de laquelle il fut sifflé et hué au cri de « Mitterrand à Vichy ! ».
    Puis, devant l'ampleur des protestations que déclencha le dépôt d'une nouvelle gerbe à l'île d'Yeu, le 11 novembre 1992, il annonça un geste commémoratif à la mémoire des Juifs persécutés.

   En février 1993, un décret a instauré le 16 juillet, date anniversaire de la rafle du Vélodrome d'Hiver à Paris en 1942, « Journée nationale commémorative des persécutions racistes et antisémites », mais en précisant toutefois, qu'elles avaient été commises « sous l'autorité de fait dite " gouvernement de l'État français
( 1940-1944 ) " »
.

   À partir de novembre 1993, François MITTERRAND a renoncé à faire déposer une gerbe sur la tombe de PÉTAIN.

   Le 17 juillet 1994, il a inauguré mais sans y prendre la parole, un monument à la mémoire des victimes de la rafle du Vélodrome d'Hiver sur lequel on peut lire l'inscription suivante :

  «  La République française en hommage aux victimes des persécutions racistes et antisémites et des crimes contre l'humanité commis avec la complicité du gouvernement de Vichy dit " gouvernement de l'État français ( 1940-1944 ) ".
     N'oublions jamais ».

   François MITTERRAND n'a finalement pas su ou pas voulu, sous prétexte de préserver la cohésion nationale et la paix civile, prononcer les mots que beaucoup attendaient et qui auraient constitué une reconnaissance officielle des crimes de Vichy.
   Atteint par la maladie, il a tenté, à la fin de sa vie, d'accréditer l'image positive de son ami René BOUSQUET qui avait participé à ses côtés à la campagne présidentielle de 1965 et qui voyait dans François MITTERRAND en 1981 « le continuateur d'une carrière [ que lui Bousquet ] n'avait pas pu faire » ( 2 ).

   

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