C'est donc bien à
Reims qu'a été signée, le
7 mai 1945, à 2 heures 41,
la capitulation sans condition de la totalité des armées allemandes,
dans la War Room, la Salle
des opérations, la Salle des cartes du Quartier général des Forces
expéditionnaires alliées en Europe, installé dans le collège moderne
et technique de la ville.
Le
Quartier général du Corps expéditionnaire allié
en Europe,
photographié en mai 1945
Aujourd'hui, cet établissement scolaire, que les
soldats américains appelaient volontiers la
« petite
école de brique rouge », est devenu le lycée
Roosevelt.
La capitulation de Reims, qui a mis fin à la 2ème
guerre mondiale en Europe, symbolise la victoire
sur le nazisme, la libération des camps et la révélation du génocide.
Pourtant, soixante
ans après cet événement capital qui a inauguré le second
vingtième-siècle,
ni la ville de Reims, ni la date du 7 mai ne sont parvenues à s'imposer
dans la mémoire des Français.
Beaucoup de Rémois eux-mêmes ignorent cet événement
et parmi les générations successives d'enseignants et d'élèves qui
sont passées par le lycée Roosevelt depuis
1945, assez peu, il faut bien le dire, connaissent et ont
eu l'occasion de visiter la Salle de la Reddition,
pourtant située dans l'enceinte du lycée.
Il
y a sans doute plusieurs explications à cet effacement de Reims et
du 7 mai.
D'abord, la
date du 7 mai
a été rapidement gommée par la
date du 8 mai, parce que le
8 mai correspond à
la date où la capitulation allemande a été officiellement annoncée
par les chefs de gouvernement, en France par le général
de GAULLE à 15 heures par un discours
radiodiffusé.
Le
8 mai correspond aussi à la date où est intervenue simultanément
la cessation effective des hostilités
sur les deux fronts de l'Ouest et de l'Est, à 23 heures 01 ( heure
d'Europe centrale ).
Quant à
la ville de Reims,
elle a été supplantée par
Paris
et par Berlin
dès
1945.
Paris
où DE
GAULLE avait annoncé la victoire aux Français
en leur affirmant que cette victoire était « la
victoire des Nations Unies », mais aussi « la
victoire de la France », avant de saluer la
statue de Georges Clemenceau et de remonter les Champs-Élysées
au milieu
d'une immense foule en liesse, pour se rendre à
l'Arc de Triomphe sur la tombe du soldat inconnu, lieu de mémoire
national associé à une autre victoire, bien française,
celle de
1918.
Berlin,
capitale
de l'Allemagne nazie, où les Soviétiques
avaient installé leur Quartier général, et où
ils ont exigé que soit répétée la signature
de la capitulation allemande dans
la nuit du 8 au 9 mai 1945, en présence du maréchal
JOUKOV.
.
Le général de GAULLE
lui-même a contribué
à associer la victoire de 1945 dans la mémoire collective des Français,
au 8 mai et à Berlin,
dans la mesure où la
France avait été complètement tenue à l'écart de la signature de Reims,
le 7 mai.
Le
4 mai, le chef du Gouvernement
provisoire de la République française restaurée
en 1944, avait désigné
le général de LATTRE DE TASSIGNY
pour signer la capitulation de l'Allemagne nazie au
nom de la France.
Mais c'est un autre officier, le général
SEVEZ, peu connu des Français, qui fut convoqué
au dernier moment à Reims, à l'insu du général
DE GAULLE, par le commandant en chef du Corps expéditionnaire
allié en Europe, le général
EISENHOWER.
Adjoint
du général JUIN,
chef d'État-major de la Défense nationale, qui à
cette date représentait la France à la Conférence
de San Francisco chargée d'adopter la Charte des Nations Unies,
le général SEVEZ
fut introduit au dernier moment
dans la Salle des cartes, immédiatement avant l'arrivée
des trois officiers allemands.
Il n'intervint à
aucun moment dans les discussions, et ne fut finalement
admis à signer que comme témoin.
Le
général Sevez à Reims
Sur l'acte de capitulation, la mention Major
General, French Army ( Witness ) a été
ajoutée en-dessous de la signature de
François SEVEZ et tapée à la machine
à écrire après que le général français
eut signé, comme le montre la photographie de l'acte brandi
devant les photographes immédiatement après la cérémonie
de la signature.
.
À Reims, le
7 mai, il n'y avait pas de drapeau français ni de version
française de l'acte de capitulation
: Only this text in English is authoritative.
À
Berlin, en
revanche,
dans la nuit du 8 au 9 mai, la France était représentée
par le glorieux chef de la 1ère Armée française, le général
de LATTRE de TASSIGNY, pour signer l'acte définitif de capitulation au nom de
la France.
En arrivant au Quartier général de JOUKOV
installé dans la banlieue de Berlin
à Karlshorst,
il avait d'abord exigé qu'un drapeau
français soit joint aux drapeaux américain, soviétique
et britannique dans la salle de capitulation, s'exposant aux railleries
d'un officier britannique qui lui rétorqua : « Et
pourquoi pas le drapeau chinois ? ».
Puis il dut convaincre les Alliés anglo-saxons de le laisser signer au nom de la France :
Je
n'ai qu'une position et je m'y tiens comme un roc : j'ai reçu l'ordre
de mon gouvernement de signer et je dois signer.
Si je rentre en France sans avoir rempli ma mission,
c'est-à-dire en ayant permis que mon pays soit exclu de la signature
de la capitulation du Reich, je mériterais d'être pendu.
Il fut finalement
admis à signer comme
témoin, à la demande des Soviétiques, associant ainsi solennellement
notre pays à la victoire alliée, et permettant de faire reconnaître la France au rang des pays vainqueurs.
L'honneur était sauf.
Lorsqu'en entrant dans la salle de la capitulation,
le maréchal
KEITEL, commandant en chef de l'armée allemande, a aperçu
le drapeau français, il a déclaré :« Ach
! Il y a aussi des Français ! Il ne manquait plus que cela ! » ( 1 ).
À
Berlin dans la nuit du 8 au 9 mai 1945, le général de
Lattre
signe l'acte définitif de la capitulation de l'Allemagne nazie
au nom de la France
Jean
de Lattre de Tassigny
Commandant
en chef de la 1ère Armée française
Le
7 juillet 1945, c'est-à-dire deux
mois jour pour jour après la signature de la capitulation allemande
à Reims, le général
américain LORD confia
au maire de la ville, Michel SICRE,
les clés
de la Salle de la Reddition, en lui disant que ces clés
étaient aussi « celles de la Liberté du monde ».
Le
7 juillet 1945, le général Lord remet les clés
de la Salle de Reddition
à Michel Sicre, le maire de Reims
Je
viens de la part de notre chef suprême faire don à la
Cité de Reims et à la France des clés de la salle
de la capitulation [...]
Ce jour est pour nous tous une commémoration
solennelle, celle de notre Victoire glorieuse, un jour de prière
pour nos morts.
Je vous confie non seulement les clés de
la salle de la capitulation, mais aussi celles de la liberté
du monde [...]
Monsieur le maire, à vous et aux citoyens
de Reims, je passe la garde de la salle de la capitulation.
Le monde espère que vous en ferez une relique [...]
Général
LORD
Ces
clés seront pour nous sans doute une relique, mais elles demeurent
surtout le signe même de l'amitié des États-Unis
d'Amérique [...]
Soyez assuré que le Conseil municipal de
Reims, représentant d'une vaillante et laborieuse population,
saura garder avec respect et avec reconnaissance le dépôt
que vous venez de lui confier.
Michel
SICRE
À cette occasion, le
commentateur des Actualités
cinématographiques françaises situa déjà la capitulation
de l'Allemagne nazie à Reims le
8 mai au lieu du 7 mai, lapsus
révélateur !
Ainsi dès la fin de la guerre, on
oublia Reims et le 7 mai.
La victoire alliée
en Europe fut associée définitivement à
la capitulation allemande signée à Berlin, et au 8 mai qui est devenu
le « Jour de la Victoire en Europe » ( V. E. Day ) et la date choisie pour commémorer officiellement la
victoire de 1945 en France.
Les
nations alliées victorieuses abattent l'aigle nazi
Affiche française, présentée en couverture de
la réédition en 1995
des actes du colloque de Reims, La Victoire alliée en Europe