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Les trois Rémois exécutés
à Tournes dans les Ardennes
le 29 août 1944


Marie-Thérèse OGNOIS
Paul SCHLEISS
André SCHNEITER

Dossier mis en ligne
par
Jean-Pierre et Jocelyne Husson

Les trois Résistants rémois exécutés au Bois de la Rosière

Leur arrestation à Reims

Leur transfert à la prison de Charleville

Leur exécution à Tournes

Leurs obsèques et leur inhumation à Reims

Leur souvenir à Reims et dans les Ardennes

Les sources

______

 

Les trois Résistants rémois exécutés au Bois de la Rosière


André Schneiter
Chef de CDLR, du BOA
et des FFI de l'arrondissement
de Reims
Marie-Thérèse Ognois née Thirion
Militante socialiste,
membre de Libération-Nord

Paul Schleiss
Responsable du
Parti socialiste clandestin
et de Libération-Nord
à Reims

   Exécutés le 29 août 1944 à l'orée du Bois de la Rosière, sur le territoire de la commune de Tournes, près de Charleville dans le département des Ardennes, Marie-Thérèse OGNOIS, Paul SCHLEISS et André SCHNEITER, sont des Résistants rémois qui avaient été arrêtés à Reims le 8 juillet 1944, au domicile des époux OGNOIS 43, rue Ruinart de Brimont, puis transférés à la prison de Charleville.


Leur arrestation à Reims

   Selon l'historien Philippe LECLER, cette arrestation intervient après le démantélement, le 18 juin 1944, du maquis franco-belge du Banel, dirigé par Adelin HUSSON, pseudo " Georges ", suite à l'infiltration au sein de la Résistance sedanaise de l'agent de l'Abwehr Charles-Antoine ROEMEN, alias " Rudeault ". Adelin HUSSON a été tué lors de l'opération menée contre ce maquis, mais son agent de liaison et représentant auprès de la Résistance ardennaise, Roland FONTAINE, alias " Victor Delcourt ", a été capturé par les Allemands.
   L'
abbé FONTAINE, curé de Savigny-sur-Ardres dans la Marne, membre de Libération-Nord, ami du chanoine Lucien HESS de Reims, avait auparavant apporté son aide à Raymond GALLET de Fismes, agent du réseau d'évasion POSSUM, dans l'hébergement de plusieurs aviateurs de la RAF, avait fourni des renseignements concernant le repérage de possibles terrains d'atterrissage dans la Marne, et avait soigné des pilotes blessés et malades. Recherché par la Gestapo dans la Marne après le démantèlement du réseau Possum fin décembre 1943, il s'était réfugié à Laiches en Belgique, et était entré au maquis du Banel le 12 janvier 1944.
   Incarcéré à la
prison de Florenville en Belgique, puis dans les Ardennes à Sedan et à Charleville, l'abbé FONTAINE est interrogé par Charles-Antoine ROEMEN et, sous la torture, lâche probablement les noms de ses connaissances dans la Marne, notamment celui de Maurice OGNOIS, membre de Libération-Nord à Reims.

Charles-Antoine Rœmen, alias Rudeault

   Le 3 juillet 1944, ROEMEN s'était rendu à Reims 43, rue Ruinart de Brimont, au domicile de Maurice OGNOIS à qui il s'était présenté sous le nom de CHARLES, agent de l'Intelligence Service, ami de l'abbé FONTAINE et membre du maquis du Banel. Il lui expliqua que le maquis du Banel était tombé, que l'abbé FONTAINE, ayant réussi à s'enfuir, se cachait, et qu'il l'avait chargé de prendre contact en son nom avec la résistance marnaise pour lui proposer de récupérer une partie du stock d'armes et d'explosifs du maquis du Banel qui avait, disait-il, échappé aux recherches des Allemands. En outre, il lui proposa d'assurer la liaison entre la résistance ardennaise et la résistance marnaise.
  Maurice OGNOIS lui avait répondu qu'il n'était pas habilité à traiter d'affaires militaires, qu'il devait en référer à ses chefs dont il ignorait les adresses, et qu'il lui faudrait plusieurs jours pour prendre contact avec eux. Il proposa donc à ROEMEN un rendez-vous fixé au 8 juillet à son domicile.
   Le samedi 8 juillet 1944, en début d'après-midi, cette seconde rencontre avec ROEMEN a lieu en présence de Paul SCHLEISS responsable rémois de Libération-Nord contacté par Maurice OGNOIS, accompagné d'André SCHNEITER.
   
ROEMEN se présente comme un résistant condamné à mort par la Gestapo, exhibe une vraie-fausse carte du parti collaborationniste, le Rassemblemnt national populaire ( RNP ), carte qui, déclare-t-il, lui sert de couverture, et des papiers qui l'accréditent auprès d'eux. André SCHNEITER se présente sous son pseudo André SALAVIN et en qualité de chef militaire de l'arrondissement de Reims.
   
La discussion s'engage et porte sur la récupération des armes et des explosifs du maquis du Banel, dans les Ardennes.
   Au milieu de la conversation, la sonnette retentit à la porte. Maurice OGNOIS se lève, va ouvrir et se trouve en face de quatre agents de la Gestapo, tandis que dans la pièce, ROEMEN sort un révolver et met en joue André SCHNEITER et Paul SCHLEISS.
  En même temps qu'André SCHNEITER et Paul SCHLEISS, sont arrêtés Maurice et Marie-Thérèse OGNOIS, ainsi que leur fille Denise, âgée de 17 ans, et leur nièce, Jacqueline THIRION.


Leur transfert à la prison de Charleville

   Ils sont tous transférés à la prison de Charleville où est déjà détenu l'abbé FONTAINE.

La prison Carnot à Charleville
Dessin accompagnant l'article ,
" L'enfer de la prison Carnot 1940-1944 ",
publié
en janvier 2003dans Charleville-Mézières Magazine

   Quelques marches, à l'intérieur, un grand hall, deux drapeaux noirs SS brodés d'argent pendent du plafond jusqu'au sol, ou presque : immenses. Et nous tous alignés le long de ce mur, avec un gardien pour chacun de nous. Pas question de bouger !
    J'entends mon père hurler. On le frappe. Dans un mouvement de révolte, je fais face à mon gardien. Je reçois une gifle magistrale qui me fait retourner de nouveau face au mur, le nez sur ce drapeau SS.
    Une femme vient me chercher pour me conduire dans une pièce au rez-de-chaussée, à seule fin de me faire mettre nue pour une fouille intégrale [ … ]
   Le départ pour où ? Charleville. Pourquoi Charleville ? Je le sus plus tard. Mon père ayant fait une fausse ( mais vraie ) carte d'identité pour l'abbé Fontaine, curé de Savigny-sur-Ardres, alias, de ce fait, Victor Delcourt. Ce que je sus également plus tard : ce prêtre ayant été arrêté au maquis du Banel où il était allé. Torturé par la Gestapo, il parla et l'enquête se fit pour remonter ainsi jusqu'à mon père. Ce prêtre était à la prison de Charleville, ce n'était donc pas un hasard que de nous retrouver dans cette ville.
   Une prison ancienne, sinistre. À notre arrivée : munis de paquetages, séparés les uns des autres, sauf ma cousine et moi. Toutes les deux dans la même cellule : 38. Toi maman à côté dans la 36.
   Je ne devais plus te revoir jamais, maman. Mais sur le moment j'ignorais tout de ce qui allait se passer.
   Nous étions dix-huit dans notre cellule, deux fenêtres à barreaux obstruées par des planches allant en s'évasant vers le haut, ainsi que sur les côtés, ne laissant apercevoir qu'un rectangle de ciel, deux bancs, une grande table, durant le jour, nos châlits étaient superposés de façon à pouvoir circuler plus librement.
   Pas d'eau. Pas de lavabo. Dans un angle, les « tinettes » en guise de WC et quelques seaux d'eau. Ces fameuses « tinettes » que nous devions nettoyer au mieux, durant l'heure de la promenade du matin, profitant également de nous laver [ …]
   Nos geôliers, l'un grand blond, Prussien bon teint, Paul, l'autre, Georges, plus petit, presque insignifiant, sûrement bon bougre, il avait perdu deux fils à Stalingrad, désabusé, malheureux sûrement, il avait compris. Mais geôlier quand même [ ... ]


Leur exécution à Tournes

   Le 29 août 1944, André SCHNEITER, Paul SCHLEISS et Marie-Thérèse OGNOIS font partie d'un groupe de treize otages choisis au hasard, ainsi que Henri MOREAU, chef départemental du BOA dans les Ardennes, puis dans la Marne. Embarqués dans un fourgon cellulaire, ils sont emmenés en dehors de la ville et fusillés en bordure du Bois de la Rosière, sur le territoire de la commune de Tournes.

   Voici comment, sous le titre " Un de leurs derniers crimes ", l'historien ardennais, Jacques VADON, a retracé le massacre du Bois de la Rosière :

   Le 29 août 1944, quelques heures avant leur départ, les Allemands se résignent à libérer les patriotes détenus à la prison de Charleville, place Carnot, environ une cinquantaine d'hommes et de femmes.
   Mais sur l'insistance de la Gestapo et de la Milice française, ils décidèrent de fusiller au préalable quelques otages.
   Et c'est ainsi que treize malheureux, désignés au hasard, sont extraits de leur cellule et transportés en camion au bois de la Rosière ( commune de Tournes ) où ils sont aussitôt abattus.
   On leur avait fait croire qu'on allait les libérer.
   Parmi eux, il y avait deux femmes.

Les fusillés du Bois de la Rosière le 29 août 1944 à Tournes
     De droite à gauche
 :

                - Marie-Thérèse OGNOIS, un bouquet de fleurs glissé sous son bras par des habitants de Tournes
                - Paul SCHLEISS
en pantalon rayé
                - 
André SCHNEITER

   À la fin de la guerre, Charles-Antoine ROEMEN, cet ancien résistant belge devenu un agent de la Gestapo, qui avait opéré dans les Ardennes et à Reims, et avait procédé à leur arrestation, s'était replié en Allemagne, puis s'était présenté aux Alliés à Innsbrück, comme étant un ex-agent des services de renseignements français et belges. Entré au service des Américains en Italie, il a fini par être démasqué. Arrêté et remis aux autorités françaises à Nice, le 4 juillet 1945, il a été traduit devant le Tribunal militaire de Marseille, puis devant la Cour de Justice du Loiret à Orléans. Condamné à mort le 7 décembre 1946, il été fusillé à Marseille, en 1948.


Leurs obsèques
et leur inhumation à Reims

    Ramenés à Reims, les corps des trois Rémois fusillés au Bois de la Rosière ont été exposés dans la cathédrale de Reims où furent organisées des obsèques émouvantes.

Les trois cercueils recouverts de fleurs en haut de la nef de la cathédrale

Portail Nord
S - O -  S
Schleiss - Ognois - Schneiter

Le commandant Bouchez chef départemental des FFI de la Marne
entouré de son état-major

    Marie-thérèse OGNOIS a été inhumée au Cimetière de l'Est, Paul SCHLEISS et André SCHNEITER ont été inhumés au Cimetière du Nord.

La sépulture de Marie Ognois
au Cimetière de l'Est à Reims

 

La sépulture de Paul Schleiss
au Cimetière du Nord de Reims

La plaque du réseau " Les Cloches des Halles "

   Les réfractaires au Service du travail obligatoire ( STO ) de la région de Reims étaient convoyés par Paul SCHLEISS, ajusteur à la STEMI et membre de Libération-Nord, jusqu'aux " Cloches des Halles " aux Halles de Paris, où un réseau d'évasion de Libération-Nord dirigé par Simon CANTARZOGLOU les prenait en charge et les cachait dans des fermes en Bretagne et en Normandie

La sépulture d'André Schneiter
au Cimetière du Nord de Reims


Leur souvenir
à Reims et dans les Ardennes

À Reims

   Leurs noms sont gravés sur le Monument aux martyrs de la Résistance de Reims

      Une plaque commémorative a été apposée en 1947 par la municipalité de Reims, au domicile de ces trois Rémois et des rues de la ville portent leurs noms.

Marie-Thérèse OGNOIS

43, rue Ruinart de Brimont

Quartier des Épinettes
( 1973 )

Paul SCHLEISS

34, rue Emile Zola

Quartier Croix-Rouge
( 1971 )

André SCHNEITER

26, boulevard de la Paix

Quartier Croix Rouge
( 1971 )

Dans les Ardennes

 Leurs noms sont gravés sur le Monument du Bois de la Rosière érigé à Tournes dans les Ardennes, sur le lieu où ils ont été fusillés le 29 août 1944, et sur le Mémorial de la Résistance ardennaise à Charleville-Mézières.

Le Monument du Bois de la Rosière à Tournes

29 août 1944
Aux martyrs de la Résistance
Ils ont donné leur vie
pour nous
Ne l'oublions jamais

Le Mémorial de la Résistance ardennaise
à Charleville-Mézières

Le Monument érigé sur la Plateau de Berthaucourt


Les Sources

- Jean-Pierre HUSSON, La Marne et les Marnais à l'épreuve de la Seconde Guerre mondiale, Presses universitaires de Reims, 2 tomes, 2ème édition, 1998.
- Jocelyne HUSSON, Reims Souviens-toi 1945-1985 - Étude des plaques dédiées à la mémoire des victimes rémoises de la répression nazie, PAE réalisé avec les élèves de troisième du collège Saint Remi de Reims, L'Atelier Graphique, 1985.
- Jean JOLY et Daniel MARQUET, Mouvement Ceux de la Résistance- Arrondissement de Reims, 338 pages dactylographiées, 1998.
Philippe LECLER, " La collaboration en Ardenne : le cas de Charles-Antoine Roemen, alias Rudeault ", Terres ardennaises, n° 85, décembre 2003.
- Jacques VADON, 1940/1944 les Ardennes en images, Bruxelles, SODIM, 1977.
Gérald DARDART, " L'enfer de la prison Carnot 1940-1944 ", Charleville-Mézières Magazine, n° 66, janvier 2003.

- Notices biographiques publiées dans les éditions du journal L'Union datées du 13 novembre 1945 ( Paul Schleiss ), des 8 et 9 décembre 1945 ( Marie-Thérèse Ognois ), et des 15 et 16 décembre 1945 ( André Schneiter ).
Archives privées et témoignage de Denise RICHARD-OGNOIS remis à Jocelyne et Jean-Pierre HUSSON en mars 2006.
- Archives départementales de la Marne, M 4774, personnes domiciliées dans la Marne, fusillées ou décédées en détention hors du département, liste dressée à la demande du ministère de l'Intérieur en octobre 1944.
- Archives de CDLR-Marne.
- Archives du COSOR.

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