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Les ultimes négociations
et la signature de la capitulation
( 5, 6 et 7 mai 1945 )

Pourquoi à Reims ?

L'arrivée des plénipotentiaires allemands

La signature de la capitulation de l'Allemagne nazie

Le discours de la victoire

 

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Pourquoi à Reims ?

  Le choix de Reims pour la signature de la capitulation allemande a été le fruit du hasard.
   C'est en décembre 1944, que le général Eisenhower avait décidé d'y transférer le PC avancé du Quartier général des Forces expéditionnaires alliées en Europe 1 ) installé à Versailles.
   Le commandant en chef du Corps expéditionnaire en Europe trouvait Versailles trop proche de Paris, ville de toutes les tentations  pour ses officiers et ses soldats !
   En outre, dès l'automne 1944, il avait envisagé de se rapprocher du front qui s'éloignait vers l'Est, mais la contre-offensive déclenchée par la Wehrmacht dans les Ardennes au cours de l'hiver 1944-1945, l'avait amené à retarder cette décision.

   Plusieurs villes avaient été envisagées : Verdun, Metz, Liège, Spa, Luxembourg.    Impressionné par la menace qu'avait fait peser sur le dispositif allié la contre-offensive allemande des Ardennes, EISENHOWER jugea plus prudent de ne pas s'installer trop près du front et choisit Reims, sans doute aussi parce qu'il disposait, depuis l'automne 1944, d'un poste de commandement très léger au château de Gueux, où il avait reçu le premier ministre britannique CHURCHILL en novembre.

   C'est finalement en février 1945, que les Alliés s'installèrent à Reims dans les locaux du collège moderne et technique de la rue Jolicœur ( 2 ), dont la moitié des bâtiments situés à l'arrière furent laissés à la disposition des enseignants français et de leurs élèves.
   Une barrière de bois séparait la cour intérieure en deux parties, marquant la frontière entre deux mondes qui s'ignoraient :
      - d'un côté, les civils français ;
      - de l'autre côté, les militaires alliés.

Le collège de la rue Jolicœur à Reims

La cour intérieure du collège avant la 2ème guerre mondiale
En janvier 1945, elle fut partagée en deux parties séparées par une barrière

Le bureau d'Eisenhower et la War Room ou Salle des cartes
où a été signée la capitulation de l'Allemagne nazie
avaient été aménagés dans cette aile du bâtiment

   La secrétaire particulière d'EISENHOWER, Kay SUMMERSBY, trouva ce choix détestable et s'en plaignit amèrement, déclarant que Reims « était une ville triste et grise qui n'avait rien d'aussi pétillant que le célèbre vin de ses caves », que « le quartier général avait été placé dans une école horrible en brique rouge » 3 ) , située en face de la gare, de telle sorte qu'on ne pouvait pas s'entendre à cause du fracas des convois de chemin de fer qui passaient de façon presqu'ininterrompue sous les fenêtres des bâtiments.

   Il n'avait pas non plus été prévu que la capitulation serait signée au Quartier général d'EISENHOWER.
   Les Alliés avaient pensé initialement que pour bien affirmer la défaite allemande, la capitulation devrait être signée sur le territoire de l'Allemagne vaincue.
   Les Alliés occidentaux exprimèrent en secret leurs réticences à l'égard de Berlin occupée exclusivement par les Soviétiques.
   Le conseiller de CHURCHILL avait proposé de choisir symboliquement Torgaü, la ville allemande où alliés occidentaux et soviétiques avaient effectué leur jonction.


L'arrivée des plénipotentiaires allemands
5 et 6 mai 1945

   Le samedi 5 mai, les plénipotentiaires allemands arrivèrent à Reims par la route, venant de Bruxelles où leur avion avait dû se poser en raison de mauvaises conditions météorologiques.
   La délégation allemande composée de l'amiral FRIEDEBURG et du colonel POLECK se présenta au quartier général allié vers 17 heures 4 ).

La voiture acheminant l'amiral Von Friedeburg et le colonel Poleck
depuis Bruxelles s'arrête devant l'entrée du Quartier général du SHAEF

   Elle engagea une discussion avec le chef d'État-major allié, le général américain BEDELL SMITH, assisté du chef du 2e Bureau, le général STRONG, autre officier américain qui lui servit d'interprète.
   Le général EISENHOWER, qui s'était rendu le 12 avril 1945 dans le camp de concentration d'Ohrdruf , kommando de Buchenwald libéré par les Américains, en était revenu très impressionné.
   En quittant Ohrdruf, il avait déclaré : « 
On nous dit que le soldat américain ne sait pas pourquoi il combat. Maintenant, au moins, il saura contre quoi il se bat ».
   Il était rentré à Reims avec la conviction qu'il fallait traiter les Allemands avec une extrême sévérité et avait donné à son chef d'État-major chargé de recevoir les plénipotentiaires allemands, des consignes très strictes : faire preuve de la plus grande fermeté ; se montrer inflexible.

   La discussion fut donc très brève, puisqu'elle ne dura qu'une vingtaine de minutes.
   FRIEDEBURG exposa le point de vue du Haut commandement allemand désireux de négocier une capitulation limitée au seul front de l'Ouest.
   Il lui fut signifié clairement qu'il n'y avait rien à négocier, que les Alliés n'étaient disposés à signer, sans tergiversations, qu'une capitulation totale, sans condition et simultanée, de la totalité des forces allemandes des fronts de l'Ouest et de l'Est, et que le nouveau gouvernement allemand de l'amiral DOENITZ serait considéré comme responsable et coupable de la poursuite des hostilités, s'il n'acceptait pas les termes de cette capitulation, en l'habilitant, lui FRIEDEBURG, à la signer, ou en envoyant rapidement à Reims le commandant en chef de l'armée allemande ou son chef d'État-major, dûment mandaté.

   FRIEDEBURG informa l'amiral DOENITZ des conditions alliées par un message codé envoyé à la IIème Armée britannique qui fut chargée de l'acheminer par une estafette jusqu'aux lignes allemandes.
   Puis, les plénipotentiaires allemands furent conduits sous escorte 3, Place Godinot, où se trouvait une maison réquisitionnée pour loger les officiers de passage au Quartier général allié de Reims.
   C'est là qu'ils passèrent la nuit du 5 au 6 mai.

3, Place Godinot

L'amiral Friedeburg dans la maison de la Place Godinot

   Dans la soirée, le général BEDELL SMITH rencontra EISENHOWER pour lui rendre compte de son entretien avec FRIEDEBURG.
   De son côté, le premier ministre CHURCHILL avait téléphoné à plusieurs reprises au cours de la journée pour s'informer de l'évolution de la situation.

   Le dimanche 6 mai, en fin d'après-midi, le général JODL, chef d'État-major de l'armée allemande, et son aide de camp le commandant OXENIUS, arrivèrent à l'aérodrome de Reims à bord d'un avion de transport de troupes C 47.
   Ils se présentèrent au Quartier général allié à 17 heures 20, où ils furent bientôt rejoints par l'amiral FRIEDEBURG et le colonel POLECK.

Le général Jodl devant le portail du collège technique de la rue Jolicoeur,
donnant accès au Quartier général des Forces alliées

   Commencèrent alors les ultimes discussions qui se prolongèrent dans la soirée.
   JODL
tenta à son tour, mais en vain, de fléchir l'intransigeance alliée, et d'obtenir une capitulation partielle à l'Ouest, évitant à l'Allemagne une capitulation à l'Est face aux Soviétiques.
   Il réclama un délai de 48 heures entre la signature de la reddition et l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, afin de permettre aux Allemands de ramener le maximum de leurs soldats dans les lignes anglo-américaines.
   Ce délai lui fut refusé, mais par contre, les Alliés lui accordèrent 48 heures, à compter du 6 mai à minuit, pour signer l'acte de capitulation, qui prévoyait que le cessez-le-feu devait intervenir le 8 mai à minuit.

   JODL télégraphia à l'amiral DOENITZ pour lui dire qu'il n'y avait plus d'autre alternative pour les Allemands qu'entre la signature ou le chaos, et reçut l'autorisation de signer sans plus attendre.
    C'est pourquoi la capitulation est intervenue dans la nuit.


La signature de la capitulation
7 mai 1945

   Le 7 mai, à 2 heures 39, JODL, FRIEDEBURG et OXENIUS pénétrèrent dans
la War Room , la Salle de guerre, appelée encore Salle des cartes ( 5 ), qui était illuminée par les projecteurs installés par les photographes et les cameramen : « On dirait un studio de cinéma » déclara le correspondant de guerre de la chaîne américaine CBS, dont le reportage fut retransmis le lendemain 6 ).
    Au total, 17 correspondants de guerre étaient présents, reporters, photographes, cameramen du Signal Corps US, ainsi qu'un reporter et deux cameramen de la British Paramount News, Ronnie READ et le Français Yves NAINTUE ( 7 ).

   Les officiers alliés placés autour d'une grande table, attendaient les trois officiers allemands.
   Selon le correspondant de CBS, « le visage de Jodl [ était ] le masque même de la mort, tiré, irréel, tous les muscles crispés ».


 

Au premier plan et de dos, les plénipotentiaires allemands

      1. L'amiral FRIEDEBURG, commandant en chef de la Kriegsmarine
      2. Le général JODL, chef d'État-major de la Wehrmacht, adjoint du maréchal Keitel, commandant en chef de l'Armée allemande
      3. Le commandant OXENIUS, aide de camp du général Jodl

Au second plan et de face, les officiers alliés

      1/ Le général MORGAN, adjoint du chef d'État-major du Corps expéditionnaire allié en Europe ( officier britannique )
      2/ 
Le général SEVEZ, adjoint du chef d'État-major de la Défense nationale, le général Juin ( unique officier français présent à Reims )
      3/ 
L'amiral BURROUGH, commandant en chef des Forces navales alliées ( officier britannique )
      4/ 
Le général BEDELL-SMITH, chef d'État-major, représentant le général Eisenhower, commandant en chef du Corps expéditionnaire allié en Europe ( officier américain )
      5/ 
Le commandant BUTCHER, aide de camp du général Eisenhower ( officier de la Marine américaine ), debout un peu en retrait derrière le général Sevez et l'amiral Burrough.
      6/ 
Le lieutenant CHERNIAEV, interprète du général Sousloparov ( officier soviétique ), assis en retrait derrière la chaise vide.
      7/ 
Le général SOUSLOPAROV, chef de la Mission militaire soviétique en France, représentant du gouvernement et du haut commandement soviétiques
      8/ Le général SPAATZ, chef des Forces aériennes américaines stratégiques et tactiques ( USSTAF )
      9/ Le général ROBB, chef d'État-major de l'Armée de l'Air alliée ( officier britannique )
     10/ 
Le colonel ZENKOVITCH, aide de camp du général Sousloparov ( officier soviétique )
   
    
La chaise vide située entre le général Bedell-Smith et le général Sousloparov, était destinée au général STRONG, chef du 2ème Bureau allié ( officier britannique ), qui est resté debout durant toute la cérémonie de la signature, a servi d'interprète auprès des plénipotentiaires allemands et leur a présenté l'acte de capitulation à signer, mais qui est absent de la photographie ci-dessus.
   
À l'extrêmité de la table, entre le général Robb et le colonel Zenkovitch, se trouvait le général américain BULL, chef du 3ème Bureau allié, qui n'apparaît pas sur la photo.

   Quatre autres officiers alliés étaient présents dans la salle :
      - le commandant BUTCHER, aide de camp d'Eisenhower, qui se tient debout sur la photographie, derrière le général Sevez et l'amiral Burrough,
      - le général FORD, qui venait d'y escorter les trois officiers allemands,
      - le colonel NEGROTTO, chef de liaison du SHAEF,
      - et le capitaine HAYS, chef de la Salle de guerre.

   Le général BEDELL SMITH demanda à JODL s'il était prêt à signer.
   Ce dernier hocha la tête en signe d'assentiment.
   L'apposition des signatures sur les documents commença à 2 heures 40
et s'acheva à 2 heures 45.
   L'heure officielle indiquée sur l'acte de capitulation est 2 heures 41.

   Ont signé successivement l'acte de capitulation :
      - le général JODL, chef d'État-major de l'armée allemande,
      - le général BEDELL SMITH, chef d'État-major allié,
      - le général SOUSLOPAROV, chef de la Mission militaire soviétique en France qui, à la demande d'Eisenhower, avait été associé, dès le 5 mai aux négociations préliminaires,
      - et le général français François SEVEZ, convoqué au dernier moment, qui a été invité à signer comme témoin.

   Après la signature, le général Jodl se leva et s'adressa en anglais au général BEDELL SMITH« Je voudrais dire un mot ». Puis il continua en allemand :

    Général, par cette signature, le peuple allemand et les forces armées allemandes sont pour le meilleur et pour le pire, livrés entre les mains du vainqueur.
   Dans cette guerre qui a duré plus de cinq ans, l'un et l'autre ont réalisé et ont souffert plus peut-être que n'importe quel autre peuple au monde.
   En cette heure, je ne peux exprimer qu'un espoir : c'est que le vainqueur les traite avec générosité
 
8 )

   Il n'y eut pas de réponse à cette requête.

   À 2 heures 55, les officiers allemands furent conduits dans le bureau du commandant suprême pour être présentés au général EISENHOWER et à son adjoint, le maréchal de l'Air britannique TEDDER.
   Ces derniers étaient intervenus en coulisse, sans assister directement aux discussions avec les plénipotentiaires allemands, ni à la signature.
   EISENHOWER, qui n'avait pas d'interlocuteur militaire allemand de son rang, s'était fait représenter par son chef d'État-major.
   Il leur demanda d'un ton sec s'ils avaient compris parfaitement les termes de la capitulation et s'ils étaient prêts à les exécuter.
   Les Allemands répondirent affirmativement et s'inclinèrent avec raideur, avant de se retirer.

   L'amiral FRIEDEBURG s'est suicidé quelques jours plus tard en se tirant une balle dans la tête, tandis que le général JODL a été condamné à mort comme criminel de guerre par le Tribunal militaire international siégeant à Nuremberg, et a été pendu en 1946.


Le discours de la victoire

   Aussitôt après le départ des Allemands, les officiers alliés se regroupèrent pour procéder à la « photo de famille » autour d'EISEHOWER brandissant en V les stylos utilisés lors de la signature ( 9 ).

Après la signature, dans le bureau d'Eisenhower

   À 2 heures 59, EISENHOWER et TEDDER pénétrèrent dans la Salle des cartes où le commandant suprême prononça le discours de la victoire destiné aux Actualités cinématographiques, sous les drapeaux américain, britannique et soviétique :

Devant le micro installé sur la table de la Reddition, le général Eisenhower
et son adjoint le maréchal de l'Air Tedder

   En janvier 1943, le président Roosevelt et le Premier ministre Churchill se sont rencontrés à Casablanca et ont annoncé que la formule de la reddition sans condition serait appliquée aux puissances de l'Axe.
   En Europe cet engagement a été tenu [...]
   Ma gratitude, qui ne peut être assez grande, va à chacun des cinq millions d'hommes qui ont pris part à la lutte [...]
    Je pense qu'il est particulièrement symbolique que la reddition ait été signée au cœur de la France, ce pays où nous avons débarqué en juin dernier et dont les forces armées et les mouvements de résistance nous ont tant aidés [...]
   La profonde reconnaissance et la gratitude durable de tous les citoyens libres des Nations Unies leur sont dues
 » 10 ).

   À 3 heures 24, le général EISENHOWER adressa, à tous les chefs militaires anglo-américains placés sous son commandement, un message qui leur signifiait que la victoire était acquise, mais sans mentionner la ville de Reims où venait d'être signée la capitulation allemande ( 11 ) :

SHAEF FORWARD
STAFF MESSAGE CONTROL
OUTGOING MESSAGE

URGENT
TO : AGWAR FOR COMBINED CHIEFS OF STAFF
FROM : SHAEF FORWARD, SIGNED EISENHOWER

  REF N° : FWD-20798                            TOO 070325B
The mission of this Allied Force was fulfilled at 0241, local time, May 7th, 1945.

EISENHOWER 

ORIGINATOR : SUPREME COMMANDER AUTHENTIFICATION : J. S. MOORE, III
LT COLONEL

Signé : Dwight Eisenhower

La mission des forces alliées a été remplie
à 2 heures 41, heure locale, le 7 mai 1945.

                                       Dwight Eisenhower 

   À 3 heures 46, tout était terminé.

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