Un acte purement militaire
Le texte de la capitulation
signée à Reims, qui a mis fin à la 2e guerre mondiale en
Europe, n'avait pas grand-chose à voir avec le projet de capitulation
qui avait été minutieusement élaboré par la Commission
consultative européenne.
Ce dernier était un texte long, rédigé par les représentants
des gouvernements alliés, c'est-à-dire par des civils, des politiques
et des diplomates, en termes juridiques.
Le texte de la capitulation de Reims était au contraire
un
texte dactylographié court, sans rubans ni sceaux de cire,
élaboré en hâte, dans l'improvisation, par un cercle étroit d'officiers
américains aux ordres d'Eisenhower, soucieux de mettre fin au plus
vite à la guerre et d'éviter les arguties juridiques et politiques
qui auraient risqué de faire traîner le processus, et rédigé par le
colonel PHILIMORE du 3e Bureau.
Il s'agissait donc d'un
acte purement militaire ( Act of Military Surrender ),
qui enjoignait aux troupes allemandes de cesser
le combat
le 8 mai à 23 heures 01,
heure d'Europe centrale, et d'obéir
aux ordres qui leur seraient donnés
( 1 ).
L'effacement de la France
La France, qui avait
été tenue à l'écart de l'élaboration du projet de capitulation de
la Commission consultative européenne, ne fut pas davantage associée
à la rédaction du texte de capitulation finalement signé
le 7 mai 1945.
Le 4 mai, de Gaulle avait
désigné le général de LATTRE de TASSIGNY
pour signer la capitulation allemande au nom de la France.
Mais c'est un autre général, le général
SEVEZ, qui fut présent à Reims.
Adjoint du général JUIN,
chef d'État-major de la Défense nationale, qui à cette date assistait
au nom de la France à la Conférence de San Francisco chargée d'adopter
la Charte des Nations Unies, il ne fut convoqué à Reims par un coup
de téléphone d'EISENHOWER, que
le
6 mai à 10 heures, avec interdiction d'en référer
au général de GAULLE, chef du Gouvernement
provisoire.
Le général SEVEZ
déclara aux journalistes qu'il était arrivé à Reims dans un avion
mis à sa disposition par EISENHOWER,
qu'il était arrivé in extremis au Quartier général allié,
et qu'il avait été introduit au dernier moment dans
la Salle des cartes, immédiatement avant l'arrivée des trois officiers
allemands ( 2 ).
Le correspondant de CBS
déclara,
le 8 mai,
en parlant des officiers alliés qui participèrent à la signature :
Le
dernier est le général français Sevez.
Il semble essoufflé comme s'il avait monté les
escaliers en courant ( 3 ).
À Reims où
n'était arboré aucun
drapeau français, le général SEVEZ n'intervint
à aucun moment dans les discussions,
et ne fut finalement admis à signer que comme
témoin.
Le
général Sevez à la table de la Reddition à
Reims
Sur
l'acte de capitulation, la mention Major
General, French Army ( Witness ) a
été ajoutée en-dessous de la signature de François SEVEZ et tapée à la machine
à écrire après que le général français
eut signé, comme le montre la photographie de l'acte brandi
devant les photographes immédiatement après la cérémonie
de la signature.
L'acte
brandi devant les photographes immédiatement
après la signature de la capitulation de l'Allemagne nazie
Le
fac-similé de l'acte de Reims
Le
7 mai 1945 à Reims, lors de la signature de la capitulation
allemande, il n'y avait pas de drapeau français et il n'y a pas eu
de version française de l'acte de capitulation.
Né à Chambéry en
1891, le général SEVEZ s'était illustré en Italie à la tête de la 4e Division marocaine,
avant de devenir l'adjoint du général JUIN.
Après la 2e guerre mondiale, il fut nommé, en 1946, commandant
en second des troupes françaises d'occupation en Allemagne,
et fut tué en
1948, lors d'un accident de chasse près de Baden-Baden.
Une balle aurait ricoché sur la colonne vertébrale d'un sanglier et
l'aurait atteint en plein coeur.
Madame
SEVEZ, sa veuve, présente à Reims à l'occasion du 40e
anniversaire de la victoire, a fait don au Musée de la Salle de Reddition en
1985, d'un portrait du général, de son képi et de ses décorations, qui ont été déposés
dans une niche vitrée.
Portrait
du général François Sevez
Le
képi et les décorations du général Sevez
exposés
au Musée de la Reddition de Reims