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L'imprescriptibilité
des crimes contre l'humanité prononcée en 1964, a débouché en
1994 sur la condamnation à la réclusion à perpétuité du chef de
la Milice de Lyon, Paul TOUVIER,
décédé à la prison de Fresnes en 1996, et sur l'inculpation de
trois
hauts fonctionnaires
au service de Vichy.
Deux sont morts avant d'avoir pu être jugés
: René BOUSQUET, secrétaire
général à la Police d'avril 1942 à décembre 1943, et son représentant
auprès des autorités allemandes en zone occupée,
Jean LEGUAY.
Depuis
1997, le procès, la
condamnation à
10 ans de réclusions criminelle, l'internement à
Fresnes, puis la remise en
liberté de Maurice PAPON,
ancien secrétaire général de la Gironde, ont relancé le débat
sur la responsabilité du gouvernement
de Vichy dans la mise en œuvre en France du génocide
des Juifs par les nazis. |
La chronologie de la persécution
des Juifs en France
27
septembre 1940 : A
la suite de la 1ère ordonnance allemande prescrivant le recensement
des Juifs en zone occupée, un fichier
des Juifs
est établi dans chaque préfecture.
3
octobre 1940 : Le 1er
statut des Juifs les exclut de tout poste dans la fonction
publique, la presse et le cinéma, et définit comme juive « toute
personne issue de 3 grands-parents de race juive ou de 2 grands-parents
de même race si son conjoint lui-même est juif ».
3
octobre 1940 : Les préfets peuvent
assigner à résidence les « étrangers
de race juive » ou les interner
dans des « camps spéciaux ».
En 1941, ils sont près de 40 000 juifs étrangers
dans des camps en zone non occupée.
À
partir d'octobre 1940 : La
police française fait appliquer
les ordonnances allemandes concernant l'obligation pour
les Juifs de zone occupée d'avoir une carte d'identité portant la
mention « Juif »
et pour les entreprises commerciales juives d'afficher l'inscription
« Entreprise juive ».
29
mars 1941 : Création du Commissariat
général aux Questions juives ( CGQJ ) chargé de mettre
en application la législation antisémite de
Vichy.
14
mai 1941 : 3 700 Juifs étrangers
sont arrêtés à Paris par la police française.
2
juin 1941 : Le 2ème statut
des Juifs renforce leur exclusion
des professions libérales, commerciales, artisanales et industrielles,
et prescrit aux Juifs de zone non occupée de se faire recenser
sous peine d'internement « dans
un camp spécial même si l'intéressé est français ».
22
juillet 1941 :
Loi concernant la liquidation des biens
juifs et leur passage sous contrôle d'administrateurs non
juifs. Cette tâche est confiée au CGQJ qui, en 3 ans, « aryanise »
plusieurs dizaines de milliers d'entreprises juives.
20
août 1941 : Ouverture du camp
de Drancy ; placé sous le contrôle de la Gestapo, il
est gardé par des gendarmes français.
27
mars 1942 :
Départ de Drancy et de Compiègne du premier
convoi vers Auschwitz.
28
mai 1942 :
Ordonnance allemande obligeant les Juifs de plus de 6 ans à
porter l'étoile jaune en zone occupée.
Début
juillet 1942 : Les nazis annoncent leur objectif
: déporter 100 000 Juifs de France âgés de 16 à 40 ans.
A la suite de négociations avec les responsables de la Gestapo, le
secrétaire général à la Police, René BOUSQUET,
assure que la police française arrêtera les
Juifs dans les deux zones, occupée et non occupée, et obtient
en contrepartie que les rafles ne concernent que les Juifs étrangers.
Quant aux enfants de moins de 16 ans
- le plus souvent nés en France et donc Français - LAVAL
propose qu'ils soient déportés avec leurs
parents.
16-17
juillet 1942 : La police française
arrête en région parisienne 13 152
Juifs dont 4 115 enfants ; la plupart sont parqués
au Vélodrome d'Hiver de Paris avant
d'être internés à Pithiviers ou
à Beaune-la-Rolande puis à Drancy
et déportés à Auschwitz.
7 août
1942 : 10 000 Juifs étrangers
arrêtés en zone libre par la police française sont livrés
aux Allemands.
31
juillet 1944 :
départ du dernier convoi
( n° 77 ) de Drancy pour Auschwitz.
La propagande antisémite dans la France de Vichy
Extrait
d'un dépliant diffusé par l'Institut des questions juives, officine
antisémite créée en mai 1941 qui propose « une
liquidation définitive des questions juives ».
L'illusion du « bouclier »
La
famille BAUMANN sous la protection
du « vainqueur de Verdun »
Juifs
français résidant à Vitry-le-François dans la Marne, la
famille BAUMANN pose, confiante, sous le portrait du maréchal
Pétain.
Les parents seront pourtant déportés à Auschwitz
en novembre 1943.
L'opinion
publique et les Juifs
« Jusqu'aux
événements de 1942,
globalement, les Juifs sont perçus comme une
catégorie de réprouvés, une parmi d'autres, avec les communistes,
les francs-maçons, les militants des organisations de gauche, les
gaullistes, les étrangers suspects et autres éléments malsains dénoncés
par le régime. […]
Avec
un temps de retard sur le mouvement général de dégradation à l'égard
du régime, l'opinion bouge enfin devant les arrestations en masse
de l'été 1942 . […]
Les protestations des pasteurs et du Comité national
de l'Eglise réformée, les réactions des évêques, où la force des paroles
de l'archevêque de Toulouse et de l'évêque de Montauban
tranche avec le souci de mesure et
de loyalisme de beaucoup d'autres, brisent la complicité du silence.
( La
protestation de l'archevêque de Toulouse,
Mgr SALIEGE, interdite, mais diffusée partout clandestinement,
date du 20 août ; celle de l'évêque de Montauban, Mgr THEAS, du 26 août 1942 )
Elles s'ajoutent à l'émotion provoquée par le spectacle
des rafles, des transports, des séparations entre enfants et parents
ou par les images et les récits qui en sont répandus. […]
Ces facteurs émotionnels ont joué sur le retournement
de l'opinion à l'égard des Juifs et sur le développement de toute
une chaîne de solidarités silencieuses qui permettront de sauver des
milliers de vies ».
Pierre LABORIE, L'Opinion
française sous Vichy, Le Seuil, 1990.
La responsabilité du gouvernement de Vichy
« À la Libération,
les défenseurs de Vichy se sont efforcés de tirer argument de l'échec
de l'accomplissement de la solution finale en France ( de fait, les
responsables nazis se sont plaints à maintes reprises des lenteurs
et des obstacles rencontrés ) pour soutenir que Vichy avait servi
de bouclier en protégeant à travers bien des vicissitudes des dizaines
de milliers de Juifs.
À vrai dire, on ne peut que s'étonner de voir pareille
construction bénéficier d'une fortune récurrente en dépit de l'amoncellement
des études qui en démontrent l'inanité.
Certes, ni dans la Révolution nationale ni chez
les principaux responsables de l'Etat français - PETAIN, LAVAL, DARLAN
- , il n'y avait de projet homicide, pas plus
que l'idée d'anéantissement physique de la race juive.
Et pourtant le gouvernement de Vichy a été un instrument
efficace des premières étapes de la « solution finale »
: l'exclusion - sous couleur d'« antisémitisme à la française »
- et la déportation.
Car le concours apporté par Vichy, et à sa suite
par de nombreux Français, a été essentiel dans trois domaines :
- d'abord la définition,
le classement et l'isolement des Juifs au sein de la population ;
- ensuite l'encouragement
donné à l'antisémitisme par une propagande ouvertement raciste et
xénophobe ;
- enfin la participation de l'appareil
d'Etat - administration et police - aux opérations commanditées par
les autorités allemandes, et cela dans le cadre d'une politique de
collaboration d'Etat visant surtout à obtenir pour la France une meilleure
place dans l'Europe hitlérienne. Deux
données chiffrées sont à rappeler ici :
- d'une part, les effectifs
des services de police allemands en France s'élevaient en tout à 3 000
hommes ;
- d'autre part, les quatre
cinquièmes des Juifs déportés de France ont été arrêtés par les forces
de police françaises ».
François et Renée BEDARIDA, "
La persécution des Juifs ",
in La France des années noires, tome 2, Le Seuil, 1993.
Au
total, 76 000 Juifs ont été déportés
de France vers les camps nazis,
soit un quart de la population juive
qui résidait dans notre pays en 1940.
Seuls 2 500 d'entre
eux ont échappé à l'extermination.
Avec les 3 000 juifs morts dans les camps
français d'internement et le millier de Juifs exécutés ou massacrés
sommairement, le bilan avoisine les
80 000 victimes. |
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